D.I.U. DE PSYCHIATRIE POUR LES ASSISTANTS GENERALISTES EN PSYCHIATRIE TROUBLES DEPRESSIFS UNIPOLAIRES Pr Patrick HARDY
I. EPIDEMIOLOGIE Troubles dépressifs : problème majeur de santé publique : Prévalence Conséquences médicales Conséquences sociales Conséquences économiques
I.1. Prévalence Ensemble des troubles dépressifs : Dépression : pathologie mentale la plus fréquente Incidence et Prévalence : élevées et en augmentation Etude européenne DEPRES (n= 80 000) : prévalence 6 mois des différentes formes de dépression > 17%
Troubles dépressifs majeurs unipolaires : Prévalence : - sur 1 an : 3% à 5% de la population générale - vie entière : 17% de la population générale, soit environ 340 millions d’individus dans le monde. En France, prévalence de l’épisode dépressif : Vie entière : 20%, sur 6 mois : 10% Dans les lieux de soins : prévalence ponctuelle des symptômes dépressifs : 20% prévalence ponctuelle des épisodes dépressifs : 13% RR x2 pour les femmes : 7 à 12% pour les hommes et 20 à 25% pour les femmes
Chez les personnes âgées : 9,5 à 19,8% chez les personnes âgées de plus de 60 ans En France : 15,9% chez les plus de 65 ans. Pic de dépression dans la population générale : entre 60 et 80 ans Mais : insuffisances épidémiologiques
I.2. Facteurs de risque En population générale : Le sexe féminin (sex-ratio : 2/1) L’existence d’antécédents familiaux Le fait d’être séparé ou divorcé, en particulier chez l’homme La période du post-partum Le faible niveau social
Chez les sujets âgés : Le sexe féminin Le veuvage ou le célibat La faible qualité des relations sociales Les facteurs de stress L’existence de pathologies chroniques et/ou d’un handicap
I.3. Impact de la dépression Les conséquences de la dépression sont majeures : Le retentissement à long terme des troubles dépressifs : au moins aussi important que celui d’affections somatiques chroniques comme le diabète ou les maladies cardio-vasculaires. Il concerne : - l’individu en premier lieu - mais aussi la société de façon indirecte.
Impact de la dépression sur l’individu Mortalité par suicide (1) : Morts par suicide chaque année en France: 14.000 par an 23,9 pour 100 000 habitants en population générale, 3% de la mortalité annuelle Nombre de tentatives de suicide : 10 fois supérieur. Le suicide est particulièrement fréquent chez: le sujet jeune : 2ème cause de décès entre 15 et 24 ans et 1ère cause entre 25 et 34 ans la personne âgée, notamment l’homme : taux de suicide chez l’homme âgé de plus de 85 ans : 141,3 pour 100 000 habitants.
Mortalité par suicide (2) : 40% à 80% des tentatives de suicide sont secondaires à un EDM Le risque de suicide est 13 à 30 fois plus élevé chez les patients déprimés qu’en population générale L’existence d’un trouble dépressif multiplie par 10 le risque de tentatives de suicide. 15% des patients déprimés qui ont présenté un EDM modéré ou sévère au cours de leur vie, meurent par suicide Méta-analyse de 30 études regroupant 9.389 patients : 19% des patients bipolaires meurent par suicide, et ce surtout au cours des phases dépressives, le taux de suicide des patients bipolaires étant 10 fois supérieur à celui de la population générale
Mortalité par causes naturelles : Facteur de risque pour la mortalité liée à certaines maladies somatiques (affections cardio-vasculaires …) Péjoration du pronostic des affections médicales +++ : - Par effet direct : la dépression augmente la mortalité post IDM - Par une diminution de l’observance. Augmentation de la morbidité : Augmentation de la morbidité somatique Augmentation de la morbidité psychiatrique Chronicisation des pathologies
Autres conséquences : Altération du fonctionnement quotidien Altération de la qualité de vie Dans les domaines familial et socio-professionnel.
Impact de la dépression sur la société Dépression et recours au système de soins : Augmentation des dépenses de santé Par exemple : x 3 le recours au médecin généraliste pour des plaintes somatiques
Conséquences économiques de la dépression : Concernent les patients mais également leur entourage Coûts directs : ensemble des soins médicaux et para-médicaux Coûts indirects : perte de productivité Coûts associés à la prévention et à la détection des troubles
Les troubles dépressifs unipolaires aux Etats-Unis : en 1990 : au 4ème rang mondial des pathologies en termes de coût global. - en 2020 : au 2ème rang (après les maladies cardiovasculaires). Les troubles dépressifs unipolaires dans le Monde selon l’OMS : en 1997 : au 4ème rang mondial des pathologies les plus handicapantes en termes de handicap rapporté aux années de vie. - en 2010 : au 2ème rang mondial
I.4. Inadéquation des prises en charge des troubles dépressifs De l’existence du trouble ………….. à une prise en charge thérapeutique adaptée moins d'un déprimé sur 10 reçoit une thérapeutique adéquate
En France : Augmentation régulière des prescriptions de psychotropes, notamment celle des antidépresseurs. Pourcentage des sujets de la population générale déclarant consommer des antidépresseurs : - 2% en 1987 - 3,5% en 1996 mais : augmentation des prescriptions associée à inadéquation relative de ces prescriptions
Inadéquation des traitements : Seulement la moitié des patients traités par antidépresseurs souffrent effectivement d’un trouble qui répond aux indications de l’AMM des médicaments antidépresseurs. Une proportion importante de sujets souffrant de troubles dépressifs ne bénéficie pas d’une prise en charge adaptée : recours insuffisant des patients déprimés au système de soins, sous-estimation des cas de troubles dépressifs par les médecins, en particulier généralistes, recours insuffisant des médecins aux thérapeutiques des troubles dépressifs
Les différents filtres : Pas d’accès aux soins : > 1/2 Si accès aux soins : plus de 1/2 ne fait pas l’objet du diagnostic adapté de trouble dépressif unipolaire Si diagnostic correct : traitement médicamenteux : seulement 1/3 Parmi ceux-ci : traitement antidépresseur : seulement 1/4 Parmi ces derniers : durée de traitement le plus souvent insuffisante. En résumé : moins de 10% des patients déprimés reçoivent un traitement adapté. Quelles sont les conditions d’un traitement adapté ?
Conditions d’un traitement adapté ? Un principe de base : Le diagnostic d’un trouble dépressif et l’indication d’un traitement antidépresseur sont posés - à l’issue d’un examen clinique systématique - et non à partir d’une simple impression clinique.
Cet examen clinique permet : 1) de distinguer un trouble dépressif de symptômes dépressifs qui n’atteignent pas le seuil du trouble, 2) de rechercher des causes organiques ou toxiques de la symptomatologie psychiatrique 3) de rechercher des contre-indications aux traitements médicamenteux 4) de situer la symptomatologie dépressive dans la trajectoire de vie du sujet. Il est rappelé que l’existence d’un événement de vie, aussi signifiant soit-il dans la vie du sujet (deuil, divorce, chômage par exemple) ne suffit pas à poser un diagnostic de trouble dépressif.
II. SEMIOLOGIE DEPRESSIVE Symptômes affectifs Symptômes cognitifs Symptômes somatiques Ralentissement psycho-moteur Désir de mort, suicide
Mode de début variable Parfois rapide (quelques jours) Souvent progressivement sur une période de plusieurs semaines. Les symptômes initiaux sont très variables selon le type de dépression et selon les sujets. Chez un même sujet, les mêmes symptômes marquent souvent le début de chaque épisode : ces signal-symptômes peuvent alors permettre un diagnostic précoce.
L'humeur dépressive Tristesse pathologique ou douleur morale foncière, constante, inexplicable : d'un simple sentiment de morosité, d'ennui, de découragement, ou d'abattement à une douleur morale intense, profonde, atroce différente de la tristesse ordinaire : par sa permanence et son intensité, sans motifs ou disproportionnée Irritabilité Anxiété un des symptômes précurseurs les plus fréquents expression variable Indifférence ou anesthésie affective vs hyperesthésie affective. Anhédonie
L'humeur dépressive Représentations (cognitions) fondamentalement négatives : Triade cognitive de Beck : idées négatives sur : le sujet lui-même : incapacité, insuffisance, infériorité, sous-tendu par une perte de confiance et d'estime de soi, autodévalorisation, culpabilité, autoaccusations, idées d'indignité ou de punition. son avenir : pessimisme et perte d'espoir, incurabilité le monde environnant : le déprimé polarise son attention sur les seuls aspects négatifs de son environnement
La perte de l ’élan vital et le ralentissement psycho-moteur Asthénie Anhédonie ou perte de capacité à éprouver du plaisir Perte d'intérêt Aboulie Apragmatisme
Le ralentissement psychomoteur réduction des mouvements, rares, lents et de faible amplitude, jusqu ’à la prostration, voix affaiblie, basse et monotone. Psychique : bradypsychie diminution de la fluidité et de l ’initiative idéique
Les symptômes cognitifs Attention Concentration Mémoire Perception de l'écoulement du temps modifié Indécision
Les symptômes somatiques Sommeil : réduit (+++) ou augmenté Appétit (cf poids) : réduit (+++) ou augmenté Anhédonie Asthénie physique Anergie Symptômes sexuels : diminution de la libido Symptômes neurovégétatifs : digestifs (constipation), urinaires, cardio-vasculaires, neuromusculaires. Polyalgies
Le désir de mort et les conduites suicidaires Différents stades suicidaires : « Idées noires » Idées suicidaires Projets suicidaires Tentatives de suicide Compléter l’ évaluation du risque suicidaire : déprimés âgés et du sexe masculin, tentatives de suicides antérieures personnelles ou familiales, intentionnalité suicidaire, isolement social et affectif, désespoir, anxiété et/ou agitation, consommation de toxiques.
L’évaluation du risque suicidaire : Doit être réalisée systématiquement chez tout sujet présentant des symptômes dépressifs et/ou anxieux Particulièrement difficile, donc particulièrement prudente Peut nécessiter l’avis d’un spécialiste.
Critères symptomatiques : Degré d’intentionnalité idées de mort idées de suicide antécédents de tentatives de suicide projets de suicide Symptômes associés : désespoir, anxiété, toxiques, idées délirantes. Niveau de souffrance.
Evaluation selon : Risque, Urgence, Danger Critères non symptomatiques : Degré d’impulsivité Evénements de vie précipitants Moyens létaux Qualité du soutien de l’entourage proche ou au contraire isolement social Antécédents de passages à l’acte suicidaires Age (sujet jeune ou sujet âgé) Maladies somatiques associés Troubles psychiatriques associés Evaluation selon : Risque, Urgence, Danger
Symptômes dépressifs et troubles dépressifs Les troubles dépressifs doivent être distingués des symptômes dépressifs qui n’atteignent pas le seuil du trouble. Les troubles psychiatriques, et notamment les troubles dépressifs, sont définis par : la présence d’une constellation de plusieurs symptômes suffisamment intenses, nombreux et durables pour justifier ce diagnostic d’une souffrance cliniquement significative une altération du fonctionnement social ou professionnel.
III. FORMES CLINIQUES
Selon la symptomatologie Selon l'intensité Dépressions Mélancoliques simples délirantes: thèmes délirants congruents à l'humeur (catathymiques), non congruents à l'humeur (non catathymiques) anxieuses souriantes stuporeuses , voire catatoniques confuses Dépressions masquées Dépressions hostiles Dépressions pseudo-démentielles Dépressions atypiques : 2 définitions Dépressions avec symptômes psychotiques
Selon l'âge Chez l'adolescent irritabilité ou agressivité, attitudes de repli, d'indifférence ou d'ennui, expression directe de la tristesse souvent discrète symptomatologie "atypique" Chez le sujet âgé expression de la tristesse dépressive souvent masquée troubles du caractère préoccupations somatiques d'allure hypocondriaque tableaux pseudo-démentiels
Dépressions endogènes et psychogènes Les dépressions endogènes/autonomes/psychotiques absence de facteurs déclenchants psycho-environnementaux constellation symptomatique proche des critères de la dépression mélancolique et de nature parfois psychotique absence de réactivité à l'environnement existence d'antécédents familiaux de troubles de l'humeur. Les dépressions psychogènes/réactionnelles/névrotiques cause précipitante rareté du ralentissement dépressif, tendance à rendre l'entourage responsable de la dépression tendance à l'autoapitoiement, "réactivité" de la symptomatologie
IV. EVOLUTION
Début du trouble dépressif En général dans l’enfance ou dans l’adolescence. Plus précoce chez les femmes que chez les hommes. Le début précoce est associé à un nombre plus important de récurrences, des épisodes de durée plus longue, une comorbidité plus importante et davantage d’antécédents familiaux de troubles thymiques.
Modalités évolutives de l’épisode dépressif Evolution naturelle : Guérison en 6 à 12 mois Différents stades évolutifs : - Réponse - Rémission partielle - Rémission totale - Guérison - Rechute - Récidive - Chronicisation - Résistance au traitement
Réponse : Réduction significative de la symptomatologie dépressive (- 20%) dans les 3 semaines qui suivent le début d’un traitement antidépresseur. Rémission partielle : Période pendant laquelle est observée une amélioration d’un niveau tel que l’individu ne répond plus aux critères diagnostiques de l’épisode dépressif majeur, tout en conservant certains symptômes dépressifs, nommés symptômes résiduels. Rémission complète : Période pendant laquelle est observée une amélioration d’une qualité suffisante pour que l’individu soit considéré comme Asymptomatique.
Facteurs de risque de rechute: Rechute dépressive : Réapparition après amélioration de symptômes dépressifs au cours du même épisode dépressif. Le risque de rechute est maximum dans la période de 6 à 9 mois qui suit un épisode dépressif. Chez l’adulte, le délai moyen de rechute est de 4 mois après la rémission. Facteurs de risque de rechute: nombre d’épisodes dépressifs antérieurs (plus de 3 épisodes), sévérité des épisodes, durée prolongée des épisodes, existence de caractéristiques psychotiques, existence d’un trouble bipolaire, existence de symptômes résiduels, prise de benzodiazépines, arrêt précoce du traitement antidépresseur
Récidive : Survenue d’un nouvel épisode dépressif Episode dépressif chronique : Episode d’une durée supérieure à 2 ans 20% des épisodes dépressifs majeurs Dépression résistante : Lorsque la réponse est insuffisante après deux traitements différents bien conduits, c’est-à-dire à posologies efficaces et pendant une durée suffisante, c’est-à-dire une durée de six semaines 15% à 20% des épisodes dépressifs majeurs
Les troubles dépressifs unipolaires sont récurrents : Taux de récurrences : 25 à 40% à 2 ans, 60% à 5 ans, 75% à 10 ans, 87% à 15 ans. 50% des patients ayant présenté un premier épisode dépressif en présenteront un second, 80% à 90% des patients qui ont présenté un second épisode dépressif en présenteront un troisième. Le risque de récurrence augmente avec le nombre d’épisodes antérieurs. Trois épisodes antérieurs : survenue de récurrences multiples, de délais de plus en plus brefs entre les épisodes, d’épisodes de plus en plus sévères et de plus en plus difficiles à traiter, et donc d’intervalles libres de moins en moins nombreux
Facteurs prédictifs de la récurrence des épisodes - Facteurs prédictifs de la récurrence des épisodes - histoire familiale de dépression - nombre important d’épisodes antérieurs, d’hospitalisations antérieures - premier épisode soit précoce soit tardif - évènements de vie à type de perte ou de deuil, comme la perte d’un parent avant l’âge de 15 ans (en particulier le parent de sexe opposé) - persistance de symptômes résiduels - existence de troubles psychiatriques (dysthymie) ou somatiques - arrêt de traitement prématuré - existence de symptômes sous le seuil non diagnostiqués et non traités - mésestime de soi, « névrosisme »
V. FACTEURS ASSOCIES AUX TROUBLES DEPRESSIFS – FACTEURS ETIOPATHOGENIQUES
Facteurs objectifs Schéma complexe... FACTEURS GÉNÉTIQUES Par rapport à la population générale, le risque pour le même type de trouble est ainsi multiplié par 6 ou 7 dans la famille des bipolaires, et par 2 ou 3 dans la famille des unipolaires. FACTEURS NEUROBIOLOGIQUES Les hypothèses catécholaminergiques Les autres pistes plus récentes: cortisol, neuropeptides… ANOMALIES NEUROENDOCRINIENNES Ex: hypersécrétion de cortisol (taux plasmatiques de cortisol et excrétion urinaire de 17-OH élevés) et modification des rythmes nycthéméraux de sécrétion, absence de freination au test à la dexaméthasone
ANOMALIES NEUROPHYSIOLOGIQUES Ex : électroencéphalogrammes (EEG) de sommeil: réduction du sommeil lent profond, réduction du temps de latence du sommeil paradoxal. ANOMALIES CHRONOBIOLOGIQUES raccourcissement de la période (avance de phase) des rythmes de la température corporelle, du sommeil paradoxal et du cortisol modifications du rythme de sécrétion de 17 cétostéroïdes, ACTH, TSH, prolactine, TRH, GH, adrénaline, sérotonine, acétylcholine réduction du pic de sécrétion de la mélatonine
DONNEES RECENTES - Dégénerescence neuronale : Atrophie hippocampique (corrélée au nombre de jours de dépression au cours de la vie). Modifications du cortex préfrontal avec une diminution du nombre, de la densité et de la taille des cellules gliales et des neurones, et une diminution de l’épaisseur du cortex Diminution du volume amygdalien Diminution du métabolisme cérébral et des flux sanguins cérébraux chez des patients ayant une histoire familiale de dépression. Processus réversible notamment sous l’effet du lithium
Corrélats neurobiologiques : Stress chronique → Imprégnation glucocorticoïde excessive Effets destructeurs de l’imprégnation glucocorticoïde excessive : diminution de la neurogénèse en particulier dans l’hippocampe, via une diminution des taux et de l’expression du BDNF (brain-derived neurotrophic factor) Les effets des antidépresseurs pourraient être médiés par une inhibition du système cortisolique, via des cibles intra-cellulaires post-réceptorielles (CREB), elles-mêmes susceptibles d’influencer le BDNF : « réparer » la dégénerescence neuronale secondaire aux épisodes dépressifs? Le lithium exerce des effets neuroprotecteurs et favorise la neurogenèse hippocampique avec augmentation de volume de la matière grise
Facteurs psychologiques Psychanalyse : perte d'amour que le sujet soit effectivement privé d'amour (deuil, abandon), ou qu'il ait le sentiment d'en être privé (blessure narcissique) ou qu'il soit impuissant à aimer. Cette perte d'amour réactiverait des situations d'abandon plus anciennes, en particulier celle de la période orale, période caractérisée par des conflits d'ambivalence, le nourrisson ayant peur que ses propres pulsions n'anéantissent l'objet qu'il aime (sa mère) et dont il dépend entièrement. Chez le mélancolique, I'agressivité libérée par la perte réelle ou imaginaire de l'objet d'amour pourrait ainsi se retourner contre le sujet en une auto- accusation destructrice.
Théorie "cognitive" de Beck : schémas cognitifs dépressogènes, stables et inconscients, constitués lors d'événements traumatiques précoces, « postulats silencieux » inflexibles, dichotomiques, qui se présenteraient sous la forme de sentences impératives (type "je dois tout le temps réussir dans tous les domaines"). Névrosisme : facteur de prédisposition ? mais…
Facteurs socio-environnementaux Evénements de vie Facteurs de vulnérabilité précoces : perte parentale (par deuil ou par séparation), sévices Facteurs précipitants Interaction entre facteurs de vulnérabilité et facteurs précipitants. Support social
Interactions entre facteurs Entre facteurs psycho-environnementaux Entre facteurs psychologiques et psycho-environnementaux Entre facteurs génétiques et psycho-environnementaux : interactions gènes-environnement.
Interactions entre facteurs psycho-environnementaux Brown et Harris (1978) « Social origins of depression » Rôle dépressogène +++ des événements stressants de la vie Rôle d’autant plus marqué qu’il existe : - Une perte/séparation dans l’enfance - Un faible niveau socio-économique - Un faible support social = absence de relation de confidence
Interactions entre facteurs psychologiques et psycho-environnementaux Les effets ne sont pas additifs et linéaires Le neuroticisme augmente l’effet des évènements de vie sur le risque de dépression et cette augmentation est non linéaire et différente selon le sexe. Kendler 2004
Interactions gènes-environnement Relation « temporelle » et linéaire entre un gène (un polymorphisme), une exposition à un facteur environnemental et un phénotype Pas d’explication biologique Caspi 2003 et 2006
VI. COMORBIDITES
Troubles dépressifs et pathologies somatiques associées Toutes les maladies somatiques peuvent être associées à des troubles dépressifs. La dépression contribue à augmenter la morbidité et la mortalité somatique, et à péjorer le pronostic de l’affection somatique.
Troubles dépressifs associés à un trouble psychiatrique Troubles dépressifs secondaires à un trouble mental : Troubles anxieux Troubles addictifs Troubles de la personnalité Troubles psychotiques Troubles du comportement alimentaire …
Troubles dépressifs compliqués d’autres troubles psychiatriques : Les troubles addictifs Les troubles anxieux? Les troubles de la personnalité?
VII. CLASSIFICATIONS INTERNATIONALES
Les cadres nosographiques sur lesquels reposent les indications d’AMM sont issus du Manuel Statistique et Diagnostique des Troubles Mentaux, 4ème version révisée (DSM-IV- TR). Dans la plupart des cas, les définitions qu’il propose sont proches des définitions proposées par la Classification Internationale des Maladies, 10ème Version (CIM-10)
Les sous-types cliniques de dépression (DSM-IV) Épisode dépressif majeur Dysthymies Dépressions récurrentes brèves Dépressions saisonnières
L’épisode dépressif majeur, (c’est-à-dire caractérisé) DSM-IV-TR Entité pivot dans la définition des troubles dépressifs et de leur traitement : Constellation de plusieurs symptômes suffisamment intenses nombreux et durables pour justifier ce diagnostic, Présence pendant une période d’au moins deux semaines Souffrance Dysfonctionnement Changement par rapport à l’état antérieur. Le terme « majeur » n’est pas synonyme de sévérité. Il signifie « caractérisé ».
Critères diagnostiques d’un épisode dépressif majeur ou caractérisé: DSM-IV-TR. A. Au moins 5 des symptômes suivants doivent être présents pendant une même période d’une durée de deux semaines et avoir représenté un changement par rapport au fonctionnement antérieur; au moins un des symptômes est soit une humeur dépressive, soit une perte d’intérêt ou de plaisir. 1- Humeur dépressive présente pratiquement toute la journée, presque tous les jours signalée par le sujet (par exemple : se sent triste ou vide) ou observée par les autres (par exemple : pleure). NB : Eventuellement irritabilité chez l’enfant ou adolescent. 2- Diminution marquée de l’intérêt et du plaisir pour toutes ou presque toutes les activités, pratiquement toute la journée, presque tous les jours (signalée par le sujet ou observé par les autres) 3- Perte ou gain de poids significatif en absence de régime (par exemple : modification du poids corporel en 1 mois excédant 5%) ou diminution ou augmentation de l’appétit presque tous les jours. NB : Chez l’enfant prendre en compte l’absence de l’augmentation de poids attendue. 4- Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours 5- Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jours (constaté par les autre, non limités à un sentiment subjectif de fébrilité ou de ralentissement intérieur). 6- Fatigue ou perte d’énergie presque tous les jours 7- Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (qui peut être délirante) presque tous les jours (pas seulement se faire prier ou se sentir coupable d’être malade). 8- Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les autres) 9- Pensées de mort récurrentes (pas seulement une peur de mourir), idées suicidaires récurrentes sans plan précis ou tentative de suicide ou plan précis pour se suicider. B. Les symptômes ne répondent pas aux critères d’épisode mixte. C. Les symptômes traduisent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel, ou dans d’autres domaines importants. D. Les symptômes ne sont pas imputables aux effets physiologiques directs d’une substance (par exemple une substance donnant lieu à abus, un médicament) ou une affection médicale générale (par exemple hypothyroïdie). E. Les symptômes ne sont pas mieux expliqués par un deuil, c’est-à-dire après la mort d’un être cher, les symptômes persistent pendant plus de 2 mois ou s’accompagnent d’une altération marquée du fonctionnement, de préoccupations morbides, de dévalorisation, d’idées suicidaires, de symptômes psychotiques ou d’un ralentissement psychomoteur.
Sous-types d’épisodes dépressifs majeurs Il existe différentes spécifications de l’épisode dépressif majeur. Elles déterminent en partie les choix thérapeutiques. Intensité Caractéristiques mélancoliques Caractéristiques psychotiques Caratéristiques saisonnières Début post-partum
Selon l’intensité : léger, modéré et sévère 1) au plus 5 ou 6 symptômes dépressifs 2) soit incapacité légère, soit capacité fonctionnelle normale mais au prix d’efforts importants et inhabituels. Sévère 1) présence de pratiquement tous les symptômes dépressifs correspondant aux critères 2) incapacité nette observable. Modéré intermédiaire entre légère et sévère.
Selon l’existence de caractéristiques mélancoliques DSM-IV A. L’un des éléments suivants a été présent au cours de la période la plus grave de l’épisode actuel: 1. Perte de plaisir pour toutes ou presque les activités 2. Absence de réactivité aux stimuli habituellement agréables (ne se sent pas beaucoup mieux, même temporairement, lorsqu’un événement agréable survient). B. 3 éléments (ou plus) parmi les suivants: 1. Qualité particulière de l’humeur dépressive 2. Dépression régulièrement plus marquée le matin 3. Réveil matinal précoce (au moins 2 heures avant l’heure habituelle du réveil) 3. Agitation ou ralentissement psychomoteur marqué 5. Anorexie ou perte de poids significative 6. Culpabilité excessive ou inappropriée
Selon l’existence de caractéristiques psychotiques DSM-IVTR Nécessairement des épisodes dépressifs majeurs d’intensité sévère. Les symptômes évoqués sont les idées délirantes et les hallucinations. Caractéristiques psychotiques non congruentes à l’humeur et congruentes à l’humeur, c’est-à-dire pour lesquelles le contenu des idées délirantes ou des hallucinations concorde avec les thèmes dépressifs typiques.
Caractéristiques atypiques (DSM-IV ) hyper-réactivité à l’environnement hyperphagie, gain de poids hypersomnie, sensibilité au rejet, fatigue extrême, sensation d’avoir les membres « en plomb »
Caractéristiques catatoniques (DSM-IV) Au moins 2 des éléments suivants: Immobilité motrice: catalepsie (avec flexibilité cireuse) ou stupeur Activité motrice excessive, sans but apparent et non influencée par les stimulis extérieurs Négativisme extrême: résistance sans motif apparent à toutes les consignes ou maintien d’une posture rigide résistant à toute tentative de mobilisation) ou mutisme Mouvements volontaires bizarres (posture inappropriées, mouvements stéréotypés, maniérisme… Echolalie ou échopraxie
Les troubles dépressifs comportant au moins un épisode dépressif majeur
Le trouble dépressif induit par une substance et le trouble dépressif dû à une affection médicale générale doivent être éliminés. Ils nécessitent en effet un traitement étiologique spécifique.
Le trouble dépressif unipolaire Existence d’un ou plusieurs épisodes dépressifs caractérisés chez un même patient Premier épisode dépressif ou épisode dépressif isolé / récidive ou récurrence dépressive Trouble dépressif récurrent: au moins une récidive ou récurrence dépressive
Le trouble dépressif unipolaire récurrent > 80% des troubles dépressifs unipolaires Délai moyen de survenue après un 1er épisode dépressif et en l’absence de symptômes résiduels : 4 ans 3 épisodes antérieurs : survenue de récurrences multiples, de délais de plus en plus brefs entre les épisodes, d’épisodes de plus en plus sévères et de plus en plus difficiles à traiter, et donc d’intervalles libres de moins en moins nombreux Facteurs prédictifs de récurrence : histoire familiale de dépression, début précoce du trouble thymique (notamment dans l’adolescence), nombre important d’épisodes antérieurs et d’hospitalisations antérieures, évènements de vie à type de perte ou de deuil comme la perte d’un parent avant l’âge de 15 ans (en particulier le parent de sexe opposé), persistance de symptômes résiduels, troubles psychiatriques ou somatiques associés, arrêt de traitement prématuré, soit à l’initiative du patient (problème d’observance), soit à l’initiative du médecin.
Les troubles dépressifs ne comportant pas d’ épisodes dépressifs majeurs.
Le trouble dysthymique Présence pendant une durée d’au moins 2 ans de symptômes dépressifs d’intensité mineure (ne répondant pas aux critères d’épisode dépressif majeur ou caractérisé) mais suffisante pour être invalidante. Prévalence annuelle aux USA: 3 à 6% Dans 90% des cas, la dysthymie se complique d’un épisode dépressif majeur, définissant alors la double dépression [208, Thase 1992].
La symptomatologie dépressive saisonnière?
La personnalité dépressive?
Les dépressions brèves récurrentes?
Cas clinique Madame X, 55 ans, vous est adressée en consultation par votre collègue cancérologue pour avis psychiatrique. Son courrier vous apprend qu'il la suit depuis 5 ans pour un cancer du sein non métastasé, qu'elle a rechuté il y a 4 mois après une rémission ayant duré 4 ans, son état justifiant un traitement chimiothérapique et radiothérapique qu'elle poursuit depuis près de 3 mois avec une efficacité tout à fait satisfaisante. Elle a annoncé à son cancérologue il y a une semaine qu'elle ne souhaite plus poursuivre son traitement chimiothérapique, ce qui a inquiété ce dernier. Le mari de Madame X a par ailleurs signalé au cancérologue que son épouse «n'est pas comme d'habitude» et que « tout l'énerve». D'emblée, Madame X vous explique à propos de son traitement chimiothérapique que «cela la fatigue trop, qu'elle en a marre de perdre ses cheveux», et que « compte-tenu du temps qu'il lui reste à vivre, elle préfère qu'on ne l'embête pas » et qu' « elle se demande pourquoi elle a accepté de venir vous voir et de vous faire perdre votre temps». Quels éléments de cette observation vous font évoquer la possibilité d'un épisode dépressif ? Quels autres signes cliniques allez-vous rechercher pour confirmer votre diagnostic ? Comment allez-vous évaluer le risque suicidaire ? L'état dépressif étant confirmé, quelles en sont les étiologies possibles ? Quel type de traitement allez-vous proposer ? Pourquoi ? Comment allez-vous organiser sa prise en charge ?