Changements institutionnels, crises et analyse des transformations du système capitaliste : la théorie de la régulation Références : Robert Boyer, 1987,

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Changements institutionnels, crises et analyse des transformations du système capitaliste : la théorie de la régulation Références : Robert Boyer, 1987, La théorie de la régulation : une analyse critique, La Découverte, Paris. Robert Boyer, 2004, Théorie de la régulation. Les fondamentaux, La Découverte, coll. Repères, Paris. Robert Boyer et Yves Saillard (coord.), 2002, La Théorie de la Régulation : l’état des savoirs, La Découverte, Paris. Réédition actualisée Site de l’association Recherche & Régulation : http:/web.upmf-grenoble.fr/regulation Site de Robert Boyer etc.

I- Les origines de la TR La régulation comme hétérodoxie : alternative aux échecs de l’orthodoxie ? Crises et théories économiques : renouvellement et tâtonnement Années 70 : orthodoxie keynésienne et Etat régulateur Années 80 : remise en cause du rôle de l’Etat (Monétarisme, Economie de l’offre – Laffer, etc.) Durée de la « crise » remet en cause son statut conjoncturel (écart au modèle idéal) La TR est une approche hétérodoxe, d’origine française, qui s’interroge principalement sur les crises et les échecs de l’orthodoxie dans l’analyse des crise. Elle apparaît dans les 70s à un moment de basculement et de grande crise, où on passe d’un monde keynésien à un monde plus libéral. Or à cette époque, la crise est inédite à la fois dans sa forme très différente de la crise de 29 (stagflation), et par sa longueur, qui remet en cause l’idée d’un simple accident conjoncturel lié à un écart passager au modèle et à la dynamique de long terme

Travail fondateur : 1976, M. Aglietta, Régulation et crises du capitalisme : crise du fordisme liée à une norme de consommation et un rapport salarial particuliers, monnaie et crédit et concurrence oligopolistique Suivent de nombreux travaux sur d’autres pays au cours des années 70 et 80. Cf Boyer 2004

Une filiation marxiste par la conception du capitalisme (accumulation, échange marchand et rapport salarial) mais une analyse des transformations du capitalisme (rejet de la loi tendancielle) Une approche partiellement systémique par la vision holiste et complexe des systèmes économiques mais une analyse d’abord institutionnelle des conflits et des compromis « fils rebelles d’Althusser et de Massé » (Lipietz, 1994) On pourrait ajouter une grande proximité à Bourdieu dans la méthode, les problématiques et « la vision du monde » : un structuralisme constructiviste ou génétique

L’objet de l’analyse Analyser avec les mêmes outils la reproduction/accumulation du capital comme sa crise Comment un système traversé de contradictions parvient-il à se reproduire? Réponse : rôle des institutions et de leurs transformations

Fondements de l’analyse de la TR : Les rapports sociaux fondamentaux (rapport monétaire, rapport marchand et rapport capital/travail) prennent des formes historiques particulières appelées formes institutionnelles qui engendrent des configurations sociales et façonnent des régularités dans l’accumulation Ces rapports sont historiquement construits par les conflits D’où : Rejet de la notion d’optimalité il existe des arrangements institutionnels différents selon les périodes vision structurelle des réformes, analyse de LT Économie standard : les institutions comme optimum de second rang ou écart entre le monde réel et le modèle théorique TR : les formes institutionnelles au cœur du système économique et comme « compromis institutionnalisé » et « codification des rapports sociaux fondamentaux »

Les 7 questions de la TR selon R. Boyer (2004) : Quelles sont les institutions de base nécessaires et suffisantes à l’établissement d’une économie capitaliste ? A quelles conditions une configuration de ces institutions engendre-t-elle un processus d’ajustement économique doté d’une certaine stabilité ? Comment expliquer le renouvellement périodique de crises au sein de régimes ayant connu le succès ? Sous l’impact de quelles forces les institutions du capitalisme se transforment-elle (efficacité ou compromis) ? Pourquoi les crises du capitalisme ne se répètent-elles pas à l’identique ? Quels outils pour analyser la viabilité du capitalisme ? Peut-on analyser simultanément un mode de régulation et ses conditions de crise ?

II – Les concepts et outils analytiques de la TR A. Les notions de base 1) Les modes de production « désignent toute forme spécifique de rapports de production et d’échange, c’est-à-dire des relations sociales régissant la production et la reproduction des conditions matérielles requises pour la vie des hommes en société » (Boyer, 1987) Le mode de production capitaliste caractérisé par : Un rapport d’échange marchand et contrainte monétaire Un rapport salarial (séparation des producteurs directs de leur moyen de production) D’autres modes de production possibles (soviétique, féodal...) Mais analyse centrée sur le mode de production capitaliste : quelles formes prend l’accumulation ?

2) Le régime d’accumulation « ensemble de régularités assurant une progression générale et relativement cohérente de l’accumulation du capital, c’est-à-dire permettant de résorber ou d’étaler dans le temps les distorsions et déséquilibres qui naissent en permanence du processus lui-même » (Boyer, 1987) 5 régularités définissent ces régimes : Organisation de la production et rapport salarial Horizon temporel de la valorisation du capital (principes de gestion) Partage de la valeur et des gains de productivité entre les classes ou groupes sociaux Composition de la demande sociale Modalités d’articulation aux modes non capitalistes On peut résumer le RA à : un régime de productivité : Demande +rapport salarial =>productivité et un régime de demande : Partage des gains productivité => demande On pourrait ajouter la source principale et l’objet principal de l’accumulation : intensif vs extensif; capital fixe ou financier etc… L’objet de la TR : expliquer l’origine et la transformation de ces régularités. Cette dynamique s’exprime au sein de l’espace de définition des formes institutionnelles, càd le plus souvent l'Etat-Nation

3) Les formes institutionnelles Elles sont l’expression du mode de production : « toute codification d’un ou plusieurs rapports sociaux fondamentaux » (Boyer, 1987) Les 5 formes institutionnelles fondamentales : Régime monétaire : ajustement des déficits et excédents des sujets marchands; définition des taux d’intérêt; acceptation de l’unité de compte et unification des différents sujets autour d’un signe monétaire; politique monétaire Rapport salarial : cinq composantes du rapport capital travail (moyens de production, division du travail, mobilisation des salariés, détermination du revenu salarial, modes de vie/normes de consommation) Formes de la concurrence : ensemble des règles qui organisent les relations entre centres d’accumulation fractionnés/firmes. Deux cas polaires (concurrentiels vs monopolistes), mais en réalité une pluralité de situations Modalités d'adhésion au régime international : l’ensemble des modalités qui organisent les échanges, la mobilité des facteurs, le financement, le rôle des institutions inter/supranationales entre l’Etat-Nation et le RDM Etat : ensemble de compromis institutionnalisés qui créent des règles sur dépenses et recettes publiques (droit et règlements, formes d’intervention etc) Rq : évolution sur le statut relatif de ces formes (1987-2004). Certains voudraient y ajouter la protection sociale (Théret, 1999) et le rapport à l’environnement (Rousseau, 2003)

4) Le mode de régulation « tout ensemble de procédures et de comportements, individuels ou collectifs, qui a la propriété de Reproduire les rapports sociaux fondamentaux à travers la conjonction de formes institutionnelles historiquement déterminées Soutenir et piloter le régime d’accumulation en vigueur Assurer la compatibilité d’un ensemble de décisions décentralisées sans que soit nécessaire l’intériorisation par chaque agent des principes de l’ajustement de l’ensemble du système » (Boyer, 1987) Le mode de régulation correspond donc aux modalités de fonctionnement et d’ajustement du système en refusant la dichotomie économie pure / rapports sociaux La régulation opère au travers des formes institutionnelles par : Lois et règlements Etablissements de compromis autour des règles Système de valeurs et de représentations Le MR peut être plus ou moins concurrentiel ou monopoliste

La place de l’Etat Source : Boyer, 2004

5) Le mode de développement Il se définit par la conjonction d’un régime d’accumulation et d’un mode de régulation (Boyer 1987)

6) Crises et niveaux de crises L’enjeu majeur : identifier les sources de déstabilisation des modes de développement La crise comme objet premier de la TR Toute crise est endogène au mode de développement et/ou mode de régulation et/ou au régime d’accumulation qui la précède « Toute crise est une crise des structures » => l’analyse du mode de développement permet de comprendre la nature de sa crise La crise est la règle : rien ne garantit a priori que les formes institutionnelles seront cohérentes ensemble et formeront un mode de régulation qui assurera la coordination des actions décentralisées, et donc l’accumulation du capital La sortie de la crise suppose l’invention d’un nouveau MR et/ou d’un nouveau RA

5 niveaux de crises Sources : Boyer (2004) Choc externe Crise inhérente à la régulation La régulation entretient la crise : phénomène cumulatif Peut résulter de la crise du mode de régulation : remise en cause de l’expression des formes institutionnelles Remise en cause ultime des rapports sociaux fondamentaux déterminant les formes institutionnelles

1) La crise endogène au mode de développement L’enjeu majeur : identifier les sources de déstabilisation des modes de développement 1) La crise endogène au mode de développement 2) Le rôle du contexte : l’ouverture externe 1) Crise endogène Un mode de régulation au sein d’un régime d’accumulation est marqué par une évolution cyclique. La régulation porte en elle les germes de transformations mineures qui affectent à terme la capacité du régime à se maintenir On parle de crise « endométabolique »: déstabilisation du régime sous l’effet de sa propre dynamique Exples : inflation/indexation et anticipation de gains de productivité pour le fordisme avec approfondissement de la différenciation

2) Le rôle du contexte : l’ouverture externe Ouverture inhérente au fonctionnement du mode de production capitaliste L’accumulation se heurte à l’étroitesse des marchés nationaux et l’internationalisation devient endogène au régime d’accumulation Modification du régime international peut remettre en cause le régime d’insertion internationale d’une économie et son MR

B. L’analyse du changement institutionnel Les régulationnistes = institutionnalistes Le changement institutionnel étant au cœur de l’analyse des transformations du capitalisme, celui-ci devient l’objet d’analyse central La conception des institutions (ou formes institutionnelles) s’est affinée, en tirant son inspiration de Commons, de la science politique etc…

Définitions (Amable et Palombarini, 2005) : Il convient de distinguer l’analyse de la genèse de l’institution de celle de sa fonction : il faut rejeter le fonctionnalisme L’institution est sélectionnée ex ante politiquement (et culturellement) après la constitution d’une coalition politique en fonction des intérêts contradictoires des agen La fonction/l’efficacité ex post de l’institution dépend des complémentarités institutionnelles Définitions (Amable et Palombarini, 2005) : deux institutions sont complémentaires lorsque : (1) leur coprésence augmente la performance d’un système économique (ex : régulation monopoliste + rapport salarial fondé sur la négociation collective) (2) la présence de l’une rend d’autant plus probable/renforce la présence de l’autre (=cohérence de l’architecture institutionnelle)

Certaines institutions en dominent d’autres : chaque mode de régulation est caractérisé par une hiérarchie institutionnelle on dit qu’une forme institutionnelle est hiérarchiquement dominante quand sa présence entraîne une modification ou une réarticulation des autres formes institutionnelles. Elle est dominante au sens où elle imprime la dynamique et la logique du régime d’accumulation qu’elle soutient, et que sa stabilité est la condition de la régulation d’ensemble du mode de régulation. Le passage d’un MR à un autre implique un changement de hiérarchie institutionnelle => ainsi, par ex, dans le fordisme, le rapport salarial (et le rapport international) pousse(nt) les autres formes institutionnelles à changer pour devenir complémentaires au rapport salarial, renforçant ce dernier Il existe des dépendances de sentier institutionnel : quand on est « en régime », il peut être de plus en plus coûteux de changer de mode de régulation…jusqu’à ce que la crise se déclenche La crise économique amène en général une crise politique et des luttes sociopolitiques, d’où un changement des compromis politiques modifiant les institutions hiérarchiquement dominantes, et donc le RA et le MR

Méthode

La macroéconomie régulationniste de type postkeynésienne Les formes institutionnelles => les « paramètres » du modèle représentant le régime d’accumulation Analyse des propriétés dynamiques du régime (stabilité/instabilité ; croissance forte/faible…)

III – La périodisation des modes de développement et de leur crise : accumulation, régulation et crises Régime Composantes Extensif avec régulation concurrentiel Intensif Sans consommation de masse Intensif avec consommation de masse Extensif et inégalitaire Financiarisé Organisation de la production La grande manufacture Taylorisme puis chaîne de montage Mobilisation des rendements d’échelle Epuisement des gains de productivité et tertiarisation Délocalisation à la recherche de valeur actionnariale Rapport salarial Concurrentiel Toujours concurrentiel malgré la montée du salariat Codification du partage des gains de productivité Décentralisation, individualisation et dépérissement des formes collectives Flexibilisation de l’emploi, de la rémunération, financiarisation de la couverture sociale Partage de la valeur ajoutée Régulé par l’armée de réserve En faveur des profits Stabilisation ex ante de la part salariale Réduction de la part salariale puis stabilisation Captation par la finance Composition de la demande sociale Paysannerie, bourgeoisie, dépenses publiques Part croissante de la demande salariale Rôle central de la demande salariale Stratifiée en fonction du revenu, lui-même dépendant des compétences Fortement conditionné par l’accès au crédit, y compris pour les pauvres Période Seconde moitié du XIX° Entre-deux-guerres « Trente Glorieuses » 1980-milieu 90 Milieu 90-2007

A. De la crise de 29 au fordisme Période du XIXème : un régime d’accumulation extensive, avec régulation concurrentielle (flexibilité à la baisse des salaires et prix, cf Marx) Progressivement, apparition de grandes firmes (sociétés anonymes, trusts, cartels…) et un processus d’accumulation plus intensif (production de masse) Mais dans l’entre deux guerres, régulation concurrentielle d’où déformation du partage de la VA en faveur des profits avec l'arrivée de la production fordienne, et donc problèmes de demande effective (surproduction) De plus, régime de Gold Exchange Standard avec forte mobilité du capital, d’où problèmes monétaires importants amenant à des déflations La crise liée à l’inadaptation entre le régime d’accumulation (intensif) et le mode de régulation (concurrentiel)

Le fordisme (« les 30 Glorieuses ») : Régime d’accumulation intensif, orienté par l’accumulation de capital fixe (+RD) Formes institutionnelles typiques d’une régulation monopoliste : Rapport salarial fordiste : hausse des salaires+protection sociale via négociation collective contre acceptation du taylorisme, du travail à la châine et de la recherche de gains de productivité (compromis entre salariés et managers contre actionnaires) Formes de la concurrence monopolistes : oligopoles nationaux, mark-up pricing Régime monétaire « keynésien »: système de Bretton Woods, + politiques monétaires accommodantes + faible développement des marchés financiers (« euthanasie du rentier ») Etat-Providence et keynésien, voire dirigiste Régime international : faible ouverture internationale (commerciale et des capitaux)+Bretton Woods Le bouclage du « modèle »: hausse des salaires=> conso de masse (normes de conso) => I et prod de masse => gains de productivité => hausse des profits => croissance => hausse des salaires => conso de masse => … Régulation par l’inflation, et pas par la déflation

La crise du fordisme 3 causes essentielles, mais liées entre elles : - Ralentissement des gains de productivité alors que la régulation fordiste se maintient, d’où baisse des taux de profit - Ouverture croissante - demande de plus en plus saturée et orientée vers la variété Endométabolisme : Le ralentissement des gains de productivité s’explique par l’arrivée aux limites du taylorisme et la montée de conflits de classe (taylorisme de moins en moins supportable) À mesure que le niveau de vie augmente et que la demande est saturée, la demande se fait plus volatile et exigeante et se porte sur la variété, d’où difficultés à trouver des débouchés Ouverture et fordisme Nécessité de l’ouverture liée à : Rendements d’échelle et besoin d’extension des marchés Demande de différenciation Modifie la mode de régulation lié au cercle vertueux de la croissance de la productivité, des salaires et de la demande Le niveau des salaires affecte celui de la demande interne mais aussi celui de la demande externe (importations) ainsi que la compétitivité. Donc : Le rapport salarial fordiste peut devenir difficilement compatible avec l’ouverture extérieure , Le rapport salarial concurrentiel peut être défavorable au rattrapage lorsque la demande externe (croissance tirée par les exportations) ne compense pas la faiblesse de la demande interne (salaire trop faible)

B. De la crise du fordisme à la crise du régime d’accumulation financiarisé Crise du fordisme se traduit par : baisse des taux de profit/ralentissement de la productivité/inflation (car pouvoir syndical) Débute en 67-68, puis amplifiée par le choc pétrolier Le chômage se développe Après la mise en échec des stratégies keynésiennes et face au pouvoir déclinant des syndicats, les politiques néolibérales se mettent en œuvre amenant : libéralisation financière et commerciales (ouverture croissante, « mondialisation »), flexibilisation du marché du travail, changement radical des politiques monétaires : fin de Bretton Woods et système de changes flexibles purement fiduciaire, avec le dollar comme quasi-monnaie mondiale Monétarisme (lutte contre l’inflation) Les 3D

Source : Husson (2010)

déréglementation, désintermédiation, décloisonnement déréglementation = fin des contrôles de change, simplifications administratives, fin du Glass-Steagal Act (séparation banque de dépôt/banque d’affaire)… désintermédiation = recours à un « financement » de marché, titrisation (cf crise de la dette des PED dans les années 80), innovation financière et produits dérivés, rôle des investisseurs institutionnels décloisonnement : liquidité plus grande des marchés, facilités pour s’investir d’une classe d’actifs à une autre, mobilité des capitaux et globalisation financière

Le rôle des produits dérivés : Libéralisation financière : pour diminuer les coûts de financement et stimuler l'investissement Innovation financière et développement des marchés boursiers, grâce aux régimes de retraite par capitalisation Le rôle des produits dérivés : Se protéger de tout type de risques (de défaut, de variation des taux ou des prix…) Assurer la liquidité des marchés Spéculer La titrisation : pour quoi faire? Favoriser le développement du crédit malgré l’existence de créances douteuses, en transformant un crédit en titres qu’on peut revendre… « on se refile la patate chaude »

Paradoxe Libéralisation les taux d’intérêt et de changes pour diminuer le coût de financement… …mais grande incertitude et une instabilité croissante (causée par les marchés eux-mêmes), et donc l’obligation de se couvrir… …donc de payer des produits dérivés pour se protéger de cette instabilité… …produits dérivés qui eux-mêmes alimentent encore la spéculation… …et la création de nouveaux produits dérivés « au carré »…

Actifs détenus par les investisseurs institutionnels, par rapport au PIB, en pourcentage

Le poids de la finance par rapport à l’économie réelle (Morin, 2006)

Régime d’accumulation financiarisé, ou capitalisme patrimonial, ou encore financier/actionnariale etc…: (milieu 90-2007) Régime monétaire et financier devient la FI dominante : les autres FI se réarticulent/branchent à la finance Régime tertiarisé, orienté vers l’accumulation financière (croissance des cours de Bourses et dividendes), couplé à une accumulation intensive (« régime d’innovation permanente ») Gains de productivité essentiellement captés par le capital, notamment financier, alimentant la bulle financière Régime d'accumulation tiré par les prix des actifs (investissement sensible à la rentabilité financière et au Q de Tobin ; consommation tirée par les effets de richesse, les dividendes et la consommation à crédit), essentiellement américain

Sources : Husson (2008)

Sources : Husson (2008)

Financiarisation de l’accumulation : moins d’investissements réels, plus de dividendes Sources : INSEE (Lung & Montalban, 2009)

Sources : Husson (2008)

La rentabilité financière commande l’investissement (exigence de rentabilité) et la consommation (effet de richesse). Cercle vertueux : exigence de rentabilité freine l’investissement et les revenus du travail mais élévation des prix des actifs et des taux de profit stimule le crédit et la consommation (modèle profit-led) Evolution de la hiérarchie institutionnelle : rôle primordial de la finance et régulation monétaire ainsi que des formes de la concurrence ; rapport salarial dominé et montée des inégalités => un modèle « antifordiste »

Les facteurs de crise du régime d'accumulation financiarisé : Rôle accru des banques centrales : entretenir les bulles financières et l’endettement ; prêteur en dernier ressort Rapport salarial concurrentiel et ultra-inégalitaire nuisant à la demande (réduction des salaires supérieure), engendrant une dynamique d’endettement des ménages (et de l'Etat) Effet dévastateur dans un régime à dominante fordienne (salaires) Exigence de rentabilité financière avec faiblesse des taux d’intérêt : effet de levier et endettement hors norme de rentabilité économique Crises cycliques accentuées par les mouvements rapides de capitaux du fait de l’instabilité financière (spéculation, endettement, crises minskyennes etc) IDE dans les secteurs protégés et insuffisance de l’investissement dans les secteurs exportateurs pour les économies dépendantes Déséquilibres mondiaux croissants entre des Etats-Unis consuméristes et en déficit commercial chronique (grâce au statut du dollar) et la Chine, l’Allemagne et le Japon exportateurs Faillite de la régulation financière privée

Accumulation de réserves de change par la Chine (sources : Artus, 2009)

Les mécanismes de la crise des subprimes L’endettement des ménages : condition de la croissance US dans un régime fortement inégalitaire et à salaires stagnants Suite à la crise de la « nouvelle économie » (1999-2000), injection de liquidités de la FED pour relancer + plan Bush pour favoriser le développement de l’immobilier Subprimes : crédits hypothécaires à des ménages insolvables (NINJA) à taux variables Pourquoi les institutions financières les ont-elles offertes? Concurrence Titrisation permet de s’en débarrasser Les modes de rémunération Utilisation de modèles d’évaluation du risque inappropriés Croyance dans la capacité du marché à « bien évaluer » le risque

CDO et MBS : des steak hachés de crédits pour avoir le rendement sans le risque (!?) On anticipe la hausse permanente du prix de l’immobilier Les agences de notation sont payées par ceux qu’elles doivent noter Du coup : on ne sait plus ce qu’on achète ni la qualité des créances Quand les taux augmentent, les saisies de maison se multiplient, les prix immobiliers se retournent, faillites des institutions de crédit… …faillites en série à cause des mécanismes de couverture (CDS)… …on vend les actifs pour reconstituer la liquidité et restriction des crédits car peur des mauvais payeurs

Réaction de la Fed : sauvetage de Freddie Mac et Fanny Mae, mais on laisse mourir Lehman Brothers (risque d’aléa moral)… …erreur fatale : tout le marché des CDS est secoué => quasi-faillite de AIG (puis nationalisation), difficultés pour Bank of American, Washington Mutual, Morgan Stanley, Merrill Lynch, Goldman Sachs…(se font racheter ou font faillite)… …puis contamination à toute la planète financière (Fortis, Dexia, Hypo-Real-Estate, HSBC…) D’où un rationnement du crédit et de l’investissement

Les conséquences de la crise Plans de relance et sauvetage du système bancaire ont temporairement empêché la dépression (bad banks, nationalisations « partielles », injections massives de liquidités des banques centrales, baisse des taux directeurs à des niveaux très bas (pour assurer la liquidité et éviter le bank run) …mais la récession et les plans de relance ont creusé encore l’endettement… Récession + relance = endettement public élevé => difficultés de financement pour les Etats (spéculation sur les dettes grecque, irlandaise, espagnole etc…) Les banques ont pu se refinancer à taux faible grâce à la BCE et aux Etats, alors que ces derniers sont obligés de se refinancer à des taux élevés! Plans de rigueur pour limiter l’endettement => nouvelle récession…et nouvel endettement Probablement la fin de la zone euro et la nécessité de refonder le SMI et tout le système financier… … à plus long terme, une probable recomposition de l’ensemble des formes institutionnelles… Vers un régime anthropogénétique? Un régime innovatif et « vert »? Un capitalisme cognitif?

Conclusion et limites : Certains considèrent que la TR est plus descriptive qu’explicative De la variété diachronique à la variété synchronique : les RA & MR ne sont jamais exactement les mêmes d’un pays à l’autre…de même, les crises les affectent différemment Ex : USA tirés par la consommation ; Allemagne et Chine tirés par les exportations => nécessité d’analyser la variété des capitalismes (cf chap 2) et le régime international Besoin de construire une micro « macrofondée » pour être une théorie globale et alternative (cf Partie 2)