Gènes, environnement et cancérogenèse Jocelyn Céraline ceraline@unistra.fr UdS/Faculté de Médecine/EA 4438 Service d’Hématologie et d’Oncologie - HUS
Environnement et Cancer Le cancer est une maladie caractérisée par une prolifération importante et anarchique de cellules anormales qui ont la capacité d’envahir et de détruire les tissus sains, et de se disséminer dans l’organisme. Les différentes étapes de la carcinogenèse peuvent être initiées ou favorisées : - par des altérations génétiques acquises ou héritées - par un polymorphisme - par facteurs endogènes (hormones, système immunitaire) - ou par des facteurs exogènes appelés facteurs environnementaux.
Environnement et Cancer Il existe de grandes variations de l’incidence des cancers parmi les différentes populations vivant dans différentes régions du globe. Exemple de la 1ère génération d’immigrants japonais vivant à São Paulo Les incidences de certains cancers sont complètement différentes de celles de la population japonaise, et sont plus proches de celles de la population brésilienne. Etude comparative de l’incidence de cancers chez des jumeaux homozygotes et hémizygotes Possibilité de dissocier les facteurs familiaux héréditaires, des facteurs environnementaux. Ces observations montrent que les facteurs environnementaux sont la principale cause de survenue des cancers sporadiques.
Les facteurs environnementaux Les facteurs environnementaux regroupent tous les facteurs de risque qui ne sont pas endogènes ou propres à l’individu comme les mutations acquises, les facteurs héréditaires ou le polymorphisme. Définition anglo-saxonne de la notion d’environnement - expositions professionnelles - expositions à des agents génotoxiques avérés - reproduction - style de vie (régime alimentaire, stress….) - anthropométrie…
Facteurs environnementaux Les polluants De nombreuses études épidémiologiques ont montré le rôle de certains facteurs dans le développement de cancers. Ces substances sont appelées xénobiotiques. L’exposition peut se faire en milieu professionnel ou dans un environnement contaminé ou pollué par ingestion, inhalation, irradiation ou par voie transdermique. Les polluants physico-chimiques sont classés selon leur structure ou selon leur mode d’action probable.
Classification des polluants Structure hydrocarbures aromatiques (benzo(a)pyrène) organochlorés et organobromés (pesticides, dioxines, PCB) amines aromatiques organophosphorés nitrosamines fibres (amiante) métaux lourds toxines rayonnement ionisant et non ionisant Mode d’action génotoxiques non génotoxiques perturbateurs endocriniens perturbateurs enzymatiques perturbateurs cellulaires (oestrogéno-mimétiques) polluants provoquant un stress cellulaire (stress oxydant, inflammation).
Que sait-on des facteurs favorisants ?
Que sait-on des facteurs favorisants ?
Que sait-on des facteurs favorisants ?
Cancer et environnement
Facteurs environnementaux associés à certains cancers (1)
Facteurs environnementaux associés à certains cancers (2)
Le cancer du testicule (CT) Facteurs environnementaux associés à certains cancers (3) Le cancer du testicule (CT) Cancer rare : 3 à 12 /100 000 en France Cancer le plus fréquent chez l’homme jeune (20-35 ans) Les principaux facteurs de risque : - Cryptorchidisme : 1O % des CT, risque x35/population générale - Dysgénie et atrophie testiculaire - Hypospadia - Oligospermie
Origines fœtales de l’altération des fonctions de reproduction masculine D’après Sharpe RM, Best Practice & Research Clinical Endocrinology & Metabolism, Vol. 20, No. 1, pp. 91–110, 2006
Régulation hormonale de la masculinisation Notions importantes : Il y a une fenêtre d’action de ces hormones au cours du développement embryonnaire. Les perturbateurs endocriniens peuvent déclencher une réponse hormonale inappropriée dans le temps et dans l’espace. Augmentation incidence du cancer du testicule
Facteurs environnementaux et susceptibilités génétiques aux cancers Ces facteurs environnementaux et le mode de vie joueraient un rôle plus important que l’héritage génétique dans le développement des cancers. L’impact de ces facteurs varie d’un individu à l’autre en fonction d’un profil génomique qui le rend plus ou moins susceptible à ces facteurs et par conséquence au cancer.
Facteurs environnementaux et susceptibilités génétiques aux cancers L’influence de ces substance xénobiotiques s’exerce via des mécanismes génétiques Ces substances n’ont pas d’effet cancérogène direct C’est au cours des étapes de leur métabolisme qu’apparaissent des métabolites réactifs susceptibles de léser l’ADN Des gènes codant les enzymes impliquées dans le métabolisme des xénobiotiques sont polymorphes Ces polymorphismes peuvent être associés à des activités enzymatiques variables.
Processus de détoxification Les systèmes de détoxication assurent une biotransformation des substances étrangères pour diminuer leur lipophilie, augmenter leur polarité et favoriser leur élimination.
Etape de fonctionnalisation Les enzymes de phase I (dites de "fonctionnalisation") induisent l’introduction d’une fonction chimique nouvelle qui rend la molécule plus polaire. => ex : monooxygénation d’une chaîne aliphatique ou aromatique catalysée par des enzymes de la famille du cytochrome p450 : NADPH + H+ + O2 + RH NADP+ + H2O + R-OH
Etape de conjugaison les enzymes de phase II (dites de "conjugaison") permettent le transfert d’un radical hydrophile sur les métabolites " fonctionnalisés" générés par la phase I, pour les rendre hydrophiles – UDP-glucuronyltransférases – Sulfotransférases – Glutathion S transférases – Acétyltransférases les enzymes de phase III (dites d’"élimination") permettent l’exportation active des conjugués de la phase II hors des cellules (Multi drug resistance 1, MDR1).
Exemple : AAGGCTAA to ATGGCTAA Polymorphismes Face à une exposition donnée, le risque de développer un cancer ou toute autre maladie multifactorielle varie largement d’un individu à l’autre Cette variabilité inter-individuelle peut être, en partie, attribuée à des variations nucléotidiques Il s’agit soit de répétitions de courtes séquences d’ADN (dinucléotide ou trinucléotide) ou de SNP pour Single Nucleotide Polymorphism Les SNPs sont des variations de séquence de l’ADN suite à un changement d’une base Exemple : AAGGCTAA to ATGGCTAA
Les SNPs (snips) Pour qu’une variation nucléotidique soit appelée SNP, elle doit concernée au moins 1% de la population étudiée. Les SNPs comptent pour environ 90% des variations génétiques chez l’homme. Les SNP sont abondamment répartis le long du génome, à une fréquence d’environ 1 pour 1 000 paires de bases. Les SNPs sont donc responsables de polymorphismes génétiques.
Conséquences fonctionnelles des polymorphismes génétiques La plupart de ces polymorphismes sont « muets » => Pas de conséquences sur les fonctions cellulaires Certains polymorphismes peuvent toucher des gènes que l'on sait, ou que l'on suppose, être impliqués dans la cancérogenèse Les polymorphismes peuvent ainsi jouer un rôle dans : - la prédisposition aux cancers - la progression tumorale - la réponse aux agents thérapeutiques.
Polymorphismes de gènes impliqués dans la cancérogenèse Les gènes impliqués dans le contrôle de la croissance à l’échelle cellulaire - cycline D1, p16INK4a, p21Cip1, c-myc, p53… Polymorphismes touchant les facteurs impliqués dans l’invasion tumorale et la progression métastatique - TNF-a (tumor necrosis factor-a), IL-6, IL-10, VEGF, cadhérine E… Polymorphismes affectant les stimuli hormonaux - Enzymes impliquées dans la biosynthèse d’hormones - 5a-reductase-2 (SRD5A2), Cytochrome p450c17a (CYP17)… → stimulation hormonale augmentée > + grande susceptibilité aux cancers. - Hormones et Récepteurs d’hormones - Récepteur des androgènes, récepteur de la vitamine D…
Polymorphismes de gènes impliqués dans la cancérogenèse Polymorphismes affectant les fonctions d’enzymes de détoxification - Mono-oxygénases à cytochrome 450 (CYP…) - Transférases de conjugaison (glutathion-S-transférase…) → métabolites intermédiaires cancérigènes. Polymorphismes affectant les fonctions de réparation de l’ADN - Réparation des mésappariements (hMSH2, human MutS homolog-2) - Réparation par excision de nucléotides (XPD, Xeroderma pigmentosum group D). → mutagenèse augmentée. => + grande susceptibilité aux cancers.
Polymorphisme du récepteur des androgènes et cancer de la prostate 1 919 DBD AF - LBD/AF 2 (Q) 9 39 (G) Protéine RA COOH NH2 14 27 La diminution du nombre de glutamine conduit à une augmentation de l’activité transcriptionnelle du RA => Augmentation du risque de cancer de la prostate Les populations à forte incidence du cancer de la prostate présentent en général une diminution du nombre de glutamines par rapport aux populations à faible risque.
Polymorphisme au niveau de la 5a-réductase-2 (SDR5A2) Testostérone Dihydrotestostérone (DHT) 5a-réductase Dinucléotide (TA) au niveau de la séquence 3’ non traduite de SDR5A2 5’P - - 3’OH ATG Stop Région 5’ non traduite Région 3’non traduite (TA)1, 9 ou 18 ARN messager de SDR5A2 Répétitions de (TA) → entraînent une stabilisation de l’ARN messager de SDR5A2 => augmentation de l’expression du gène → retrouvées au niveau des populations à haut risque de cancer de la prostate.
Polymorphismes affectant les fonctions de détoxification et cancer de la prostate CYP3A4 Stéroïde hydroxylase (enzyme de phase I) Expression : foie principalement et estomac, colon, glande mammaire et prostate secondairement Implication dans le métabolisme de plus de 50% des drogues prescrites Métabolisme et activation de carcinogènes exogènes Désactivation oxydative de la testostérone 5a-Réductase Testostérone DHT CYP3A4 Produits d’oxydation Inactifs Active
Polymorphismes de CYP3A4 Polymorphisme au niveau de CYP3A4 Gène localisé en 7q21-3 13 exons protéine membranaire de 57 kDa 78 variations de séquences décrites Certaines variations de séquences peuvent conduire à une réduction de l’oxydation de la testostérone, conduisant à une plus grande biodisponibilité en DHT. 5a-Réductase Testostérone DHT Active Polymorphismes CYP3A4 Produits d’oxydation Inactifs
Polymorphismes de gènes impliqués dans le métabolisme des carcinogènes Diminution de l’activité enzymatique Exemple du gène GSTP1 (codant pour une enzyme de phase II) Allèle Ile105Val de la GSTP1 L’activité enzymatique du variant Val105 est 5 fois plus grande que celle du variant Ile pour la détoxification de certains carcinogènes. Les fumeurs exprimant le variant Ile/Ile pourrait avoir un risque de cancer augmenté.
Polymorphismes de gènes impliqués dans le métabolisme des carcinogènes Augmentation de l’activité enzymatique - allèle NAT1 ou NAT2 et phénotype «higher acetylator » pour la N-acétyl- transférase 1 ou 2 Enzyme de phase II conversion des arylamines hétérocycliques en ions nitrenium électrophiles, R2N: +, hautement carcinogènes. Association entre phénotype «higher acetylator » et cancer de la prostate chez les fumeurs (OR = 3.43, 95% CI : 1.68-7.02, P-value < 0.001).
Interactions Gènes-environnement Conclusion Cellule normale Transformation Altérations génétiques Polymorphismes Interactions Gènes-environnement Modifications épigénétiques Environnement Cellule transformée