DIABETE ET RAMADAN Épid 92 – APLSG / Réseau diabète 92 Martine Lalande

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Transcription de la présentation:

DIABETE ET RAMADAN Épid 92 – APLSG / Réseau diabète 92 Martine Lalande 28 septembre 2006 avec les apports de Marc Lévy, Sandrine Nakach, Fatima Damani et Mohamed Gharmaoui

Pour une lecture seul de ce document n’oubliez pas de consulter les pages de commentaires Sur la dernière diapo (35), en conclusion,  les conseils  

Diabète et ramadan Un problème courant pour nos patients diabétiques Les autoriser ou non à jeûner ? Arguments pour ou contre Outils pour les aider

Importance du ramadan Un des 5 piliers de l’Islam Moment privilégié pour la communauté Obligations si l’on n’observe pas le jeûne Rôle de la famille et de l’entourage Le jeune du mois de ramadan est l’un des 5 piliers de l’Islam Les autres piliers sont : la prière, l’aumône, le pèlerinage la Mecque et la profession de foi « Dieu est grand et Mohamet est son prophète » Verset 183 : « Croyants, le jeûne vous est prescrit comme il a été prescrit aux peuples qui vous ont précédés. Peut-être vous perfectionnerez-vous ? » Le ramadan est le 9ème mois lunaire dans la calendrier de l’Hégire; il dure comme les autres mois de l’Hégire 29 ou 30 jours. Le mois lunaire se déplace de 13 jours chaque année dans le calendrier Géorgien (il fait un tour complet au bout de 28 ans). Le ramadan consiste à s’abstenir de manger, boire, fumer et d’avoir des relations sexuelles du lever au coucher du soleil. Soit 18 heures en été et 12 heures en hiver. Dans les pays musulmans, les horaires de travail sont aménagés. C’est une fête de famille. Tout le monde fait le ramadan, la mère de famille prépare les repas, que l’on prend tous ensemble. Les enfants font le ramadan à partir de la puberté, mais parfois avant, les jours de congé (le mercredi et le dimanche). C’est une fête conviviale, où l’on se retrouve, entre générations. On invite les personnes qui vivent seules, parfois un voisin isolé. Le repas du soir (où l’on casse le jeune) est le plus important. Verset 185 : « Celui qui, par suite d’une maladie ou d’un déplacement, aura manqué des jours de jeune, devra les remplacer. Allah cherche à vous faciliter l’accomplissement de la règle, il ne cherche pas à vous la rendre difficile ». Si l’on ne peut pas faire le ramadan (au moment des règles pour les femmes, à cause d’un voyage ou d’une maladie…) on le fera plus tard : on « rattrape » la semaine que l’on a manquée, à un autre moment de l’année. C’est plus difficile, car alors on est seul pour le faire, pendant que les autres mangent normalement. Si l’on ne peut pas rattraper (personnes très âgées, ou maladie chronique…), on paye une somme, le plus souvent déterminée, selon la paroisse que l’on fréquente (entre 2 euros et 15 euros par jour), somme qui servira à payer des repas pour les pauvres. Au pays, on fait une offrande (pas forcément en monnaie, plutôt en nourriture). Celui qui ne mange pas a honte, et doit se cacher, pour ne pas montrer aux autres qu’il mange. Le plus souvent, il se sent exclu de la fête du soir, qu’il n’a pas « méritée » par son jeune…De plus, il a peur de mourir en « non-musulman ». Le rôle de l’entourage est très important pour alléger cette exclusion, c’est le plus souvent à la mère de famille qu’il revient d’entourer la personne qui ne jeune pas, en la servant sans lui faire de reproche.

Arguments religieux Sourate 2 verset 183 Sourate 2 verset 185 « le jeûne du Ramadan est un des 5 piliers de l’Islam, cependant, quand le jeûne peut altérer de manière significative la santé du jeûneur ou quand la personne est malade, l’Islam l’exempte du jeûne» Sourate 2 verset 185  « Allah cherche à vous faciliter l’accomplissement de la règle, il ne cherche pas à vous la rendre difficile »

Arguments religieux Sourate 7 verset 31 valable toute l’année pour les diabétiques et les non diabétiques : « Oh fils d’Adam ! portez vos vêtements d’apparat pour chaque lieu de prière, mangez, et buvez sans prodigalité car Il n’aime pas les prodigues »

Raisons pour faire le ramadan Enquête chez des adolescents diabétiques de type 1 (Pascal DEGRI, infirmier 1999) marquer son appartenance à la communauté ressembler aux autres Le diabète n’est pas une maladie assez grave pour ne pas faire le ramadan Enquête faite auprès d’adolescents diabétiques de type 1, traités par insulinothérapie (2 à 4 injections quotidiennes) Pour qui le ramadan est contre-indiqué par les médecins. Attitude des parents : en général ils font pression dans le sens de la prudence : ne pas faire le ramadan. Ils sont inquiets des risques médicaux pour leurs enfants Ils ne consultent même pas les autorités religieuses car ils savent que les religieux comme les médecins ne conseillent pas aux jeunes diabétiques de faire le ramadan. La contradiction se situe entre les enfants et les parents : conflit parents/enfants D’où une motivation supplémentaire chez les jeunes : Refus de l’attitude protectrice des parents Couplé au besoin d’affirmer qu’ils sont comme les autres Auquel éventuellement s’ajoute le défi : prendre des risques avec la maladie, « jouer » à ignorer ou minimiser les conséquences médicales du jeûne. Affirmation d’une identité religieuse Engagement par l’observation du jeûne Engagement vis-à-vis d’eux-mêmes : « faire quelque chose jusqu’au bout » Ambivalence des parents : tolèrent les tentatives des adolescents, pris dans l’ambiance, négligent la surveillance, souhaitent éviter le conflit

3 catégories de patients Enquête auprès des adolescents DID (1999) Ceux qui n’observent pas le jeûne Ceux qui disent ne pas faire le jeûne mais le font en réalité Ceux qui veulent explicitement le faire Ceux qui ne le font pas : S’ils mangent, en plus de leurs repas en journée, les repas du soir avec le reste de la famille, ils mangent beaucoup plus riche que d’habitude et dorment peu. Ils font souvent des hyperglycémies Ceux qui disent ne pas le faire et le font en réalité : Sont ceux qui prennent le plus de risque : Ils arrêtent leur traitement pour le faire et font des hyperglycémies Ils font le ramadan certains jours et pas d’autres (voire à certaines périodes de la journée) et font des hypoglycémies s’ils n’adaptent pas leur traitement Imprévisibles, impossibles à conseiller Ceux qui le font et le disent : sont ceux pour lesquels cela pose le moins de problèmes Ils peuvent se préparer et s’organiser pour adapter leurs prises de médicaments et se faire conseiller sur le plan diététique Parfois ils arrêtent au bout de quelques jours car « c’est trop compliqué », mais ils en ont eux-mêmes expérimenté les difficultés et comprennent mieux les enjeux et la maîtrise de leur traitement

Répartition de la prise alimentaire Avant le ramadan Petit déj 9,4% Matin 16,1% Déjeuner 41,6% Après-midi 11,1% Dîner 21,8% Ramadan repas principal 84% 2ème repas 16% Institut National de Nutrition Tunis

Jeûne et traitements Interdiction de - manger boire et fumer - prendre des médicaments par voie orale - avoir des injections (introduire quelque chose dans le corps) On peut faire des glycémies au doigt En pratique, les femmes ne veulent pas faire d’examen gynécologique. Les patients ne veulent pas faire de prise de sang sauf si c’est indispensable (car ils doivent être à jeûn pour l’examen, s’ils le font le matin, ils ne mangent pas tard la veille ni le matin tôt et doivent rompre le jeûne le jour suivant). Cependant, certains laboratoires acceptent de faire les examens à 17h. En cas d’hypoglycémie, on fait une glycémie au doigt et on arrête le jeûne. Attention : certains veulent attendre le moment de manger même s’ils sont en hypoglycémie… Certains ne veulent pas faire les glycémies au doigt pendant le ramadan.

Risques du jeûne chez le diabétique Hypoglycémie Hyperglycémie / coma hyperosmolaire Majoration de la glycémie 1 mois/an L’action des médicaments hypoglycémiants oraux et l’insuline se prolonge durant le jeûne, exposant au risque d’hypoglycémie. La production hépatique de glucose est diminuée par leur action. L’exercice physique majore le risque d’hypoglycémie. L’apport massif de sucres au moment de l’alimentation expose au risque d’hyperglycémie. Le jeûne entraîne une production hépatique de glucose qui s’ajoute à l’apport alimentaire. Le stockage du glucose dans les tissus est limité par l’absence d’augmentation adéquate de production d’insuline. Le déséquilibre alimentaire et les hyperglycémies s’ils entraînent une augmentation de l’HbA1C d’un point sur un mois par an, représentent sur 12 ans un déséquilibre d’un an, qui favorise les complications vasculaires et neurologiques en rapport avec ce déséquilibre, et donc une augmentation de mortalité et de morbidité parallèle…

Contre-indications au jeûne Diabète de type 1 CI absolues - Diabète instable - Diabète type 1 avec 2 injections Acidocétose ou hypo sévère < 3 mois Vit seul Complications micro- ou macrovasculaires graves Le diabète type 1 ou type 2 traité avec deux injections est le plus dur à adapter en cas de jeûne, c ’est donc une contre-indication a priori, sauf si on a le temps de la faire passer à 1 injection de base et 3 injections aux repas (cf plus loin)

Contre-indications au jeûne Diabète de type 1 : CI relatives Diabète bien contrôlé multiples injections ou pompe jamais d’acidocétose Pas d’hypoglycémie récente Ceux qui font plusieurs injections , en particulier aux repas avec une insuline de base, peuvent adapter leur traitement, à condition d’anticiper. C ’est une contre-indication relative, à négocier avec le patient.

Contre-indications au jeûne Diabète de type 2 Pas de jeûne si : Néphropathie avec créat > 15 mg/l Rétinopathie sévère Neuropathie autonome : gastroparésie, hypoTA ortho Hypoglycémies non ressenties Complications vasculaires : coronaires, cérébrovasc Acidocétose ou coma hyperosmolaire récents Diabète mal contrôlé…

Contre-indications au jeûne Diabète de type 2 Pas de jeûne si : Deux injections d’insuline par jour Grossesse, allaitement, diabète gestationnel Personne très âgée (quatrième âge) Affections intercurrentes (infection, cancer, dysfonction rénale, hépatique…) Ce qui est négociable : Diabète traité par insuline semi-lente ou glargine avec antidiabétiques oraux ou insuline rapide aux repas Diabète déséquilibré : avec recrudescence des contrôles et ré-équilibrage, abandon si cela ne fonctionne pas Deux injections : passer à une insuline de base et trois rapides, aux repas (une semaine avant le ramadan)

Repas du ramadan pour une femme 1er repas Une datte - Un café au lait (150 ml), sucré (15g) Shorba (1 bol) - Pain (80 gr) - Brick à la viande et à l’œuf Thé à la menthe sucré (2 verres = 20g) - 1 crêpe avec sucre (15g) et beurre (15 gr) – pâtisserie : zlabilla (1), makroud (1) 2ème repas tajine à la viande de mouton (1 assiette) - pain (80gr) pommes de terre (200gr) et légumes verts - salade de crudités (15 g d’huile) - un fruit – fruits secs (1 poignée) - thé à la menthe sucré 3ème repas semoule de couscous aux raisins secs (150 g) café sucré (15g) au lait (150 ml) - 1 crêpe au beurre fondu (15g) et au sucre (15g) Apport énergétique total = 3854 kcal 11 % de protéines, 38,3% de lipides et 50,3% de glucides. Rappel : L’apport alimentaire « normal » pour une femme est de : 1800 à 2000 Kcal par jour Avec 55% de glucides, 15% de protéines et 30% de lipides

Repas du ramadan pour une femme, sans sucre 1er repas Une datte - Un café au lait sans sucre Shorba (1 bol) - Pain (80 gr) - Brick à la viande et à l’œuf Thé à la menthe sans sucre - 1 crêpe avec du beurre (15 gr) 2ème repas tajine à la viande de mouton (1 assiette) - pain (80gr) pommes de terre 200gr et légumes verts - salade de crudités (15 g d’huile) un fruit - thé à la menthe sans sucre 3ème repas semoule de couscous aux raisins secs (150 g) café sans sucre au lait ½ écrémé - 1 crêpe au beurre fondu Apport énergétique total = 2525 kcal 15 % de protéines, 37,5% de lipides et 47,5% de glucides. L’apport énergétique total reste élevé avec un taux de lipides important, ceci dit il y a moins de sucres à assimilation rapide.

Repas du ramadan pour un homme 1er repas 3 dattes - Un café au lait (150 ml), sucré (15g) Shorba (2 bols) - Pain (150 gr) - Bricks à la viande et à l’œuf (2) Thé à la menthe sucré (2 verres = 20g) - 1 crêpe avec beurre (15 gr) pâtisserie : zlabilla (2), makroud (2) 2ème repas tajine à la viande de mouton (grande assiette) - pain (150gr) pommes de terre (300gr) et légumes verts - salade de crudités (15 g d’huile) - fruits frais (2) – fruits secs (1 poignée ) 3ème repas semoule de couscous aux raisins secs (250 g) café sucré (15g) au lait (150 ml) - 2 crêpe au beurre fondu (30 g) Apport énergétique total = 5327 kcal avec 12,6 % de protéines, 36,3% de lipides et 51,1% de glucides. Rappel : L’apport alimentaire « normal » pour un homme d’activité moyenne est de : 2400 à 2700Kcal/ par jour Avec 55% de glucides, 15% de protéines et 30% de lipides L’apport énergétique total est près de 2 fois supérieur aux recommandations avec un excès de sucres à assimilation rapide et excès de lipides

Repas du ramadan pour un homme sans sucre 1er repas 3 dattes - Un café au lait sans sucre Shorba (2 bols) - Pain (150 gr) - Bricks à la viande et à l’œuf (2) Thé à la menthe sans sucre - 1 crêpe avec du beurre (15 gr) 2ème repas tajine à la viande de mouton (1 grande assiette) - pain (150gr) pommes de terre (300gr) et légumes verts - salade de crudités (15 g d’huile) 2 fruits - thé à la menthe sans sucre 3ème repas semoule de couscous aux raisins secs (250 g) café sans sucre au lait ½ écrémé - 2 crêpes au beurre fondu Apport énergétique total = 4230 kcal 14,7 % de protéines, 40,2% de lipides et 45% de glucides. L ’apport énergétique total reste important surtout par rapport au taux de lipides, ceci dit il y a tout comme chez la femme moins de sucres à assimilation rapide.

Cas clinique 1 : Khadija F 75 ans Db 2 connu depuis 7 ans Régime seul vit chez son fils + belle-fille HbA1C 7,8% 75 kg / 1m65 Créat 7 mg/l FO Nl, cardio Nl TA 14/8 Très pratiquante Dort le matin, pas de petit-déjeuner Fait toujours le ramadan, comme la famille Madame Khadija B., 75 ans, est diabétique depuis l’âge de 68 ans. Elle est traitée par régime seul, très bien mené par sa belle-fille dont le mari est aussi diabétique, et chez qui elle vit. Son HbA1C est à 7,8%, les glycémies à jeûn au laboratoire à 1,60 g/l, le contrôle fait par sa belle-fille à la maison trouve des glycémies capillaires entre 1,10 et 1,50 g/l le matin selon ce qu’elle a mangé la veille. Elle pèse 75 kg pour 1m65, sa créatininémie est à 7 mg/l, ses pieds sont bien entretenus en dehors d¹une mycose des ongles que vous traitez, le dernier FO est normal, la visite chez le cardiologue il y a un mois était satisfaisante. Elle a une TA à 14/8. Elle est très pratiquante, fait la prière 5 fois par jour, est déjà allée à la Mecque et fait toujours le ramadan, avec toute la famille. Le matin, elle dort trop pour se lever pour déjeuner, elle ne mange qu’aux repas du soir. Commentaire : Il n’y a rien de particulier à faire au niveau thérapeutique, puisqu’elle n’a pas de médicaments et que son diabète est équilibré, sans complication avérée. La convaincre de manger un petit-déjeuner avec des féculents (l’obliger à se réveiller le matin, pour cela la famille doit être convaincue de l’importance de ce repas) Boire 2 litres d’eau par nuit, ne pas mettre de sucre dans le thé et le café (édulcorant ?) Manger au repas du soir, avec des crudités et pas trop d’aliments gras, des féculents et une seule pâtisserie, en fin de repas Ne pas grignoter Faire la glycémie avant de manger le soir, et avant de se coucher, pour vérifier que l’hyperglycémie n’est pas trop importante après le repas du soir (si elle est importante, mieux contrôler le repas du lendemain soir mais manger quand même au petit-déjeuner) Faire la glycémie en cas de malaise dans la journée et cesser le jeûne immédiatement en cas d’hypoglycémie (moins risquée du fait qu’elle n’a pas de traitement, mais possible après 12 heures de jeûne et si elle a une activité physique. Arrêter le jeûne en cas de maladie (syndrome grippal, diarrhée…) En cas d’arrêt du jeûne, ne pas manger le double en participant au repas familial le soir en plus de ce qu’elle aura mangé dans la journée. Associer la famille à la surveillance et au conseil; veiller à ce qu’elle soit rassurée et ne se sente pas exclue si elle doit arrêter le jeûne. Elle peut recommencer le lendemain si elle va mieux (pas d’hypo ni d’hyperglycémie, pas de symptôme de maladie : fièvre…)

Cas clinique 2 : Aïcha F 54 ans 8 enfants (4 à la maison) Db2 depuis 6 ans 87 kg / 1m60 Metformine 850 x 3 – Glibenclamide 2,50 x 3 HbA1C 8% Chol 2,42g/l - LDL 1,42g/l TA 13/8 ECG, FO Normaux Fait la cuisine – toute la famille fait le ramadan Madame Aïcha B. d’origine algérienne, a 54 ans, 8 enfants dont 4 encore à la maison, et du diabète depuis 2000, découvert à partir d’une glycosurie signalée sur un ECBU. Elle pèse 87 kg pour 1m60, a d’abord pris du Glucophage 850 x 3, puis depuis le mois de mai dernier, de l’Hémidaonil x 3. Ses glycémies à jeûn tournent autour de 1,40, mais l’HbA1C plafonne à 8,5%. Elle a du mal à prendre son café sans sucre, n’aime pas l’aspartam, mange parfois du chocolat et elle cuisine à l’huile d’olive (Chol 2,42 g/l, LDL 1,42 g/l). Sa TA est à 13/8 (même chose lors de la dernière consultation). Son dernier ECG est normal, le FO aussi. Sa fonction rénale est normale. C’est elle qui fait la cuisine pour toute la famille. Tout le monde fait le ramadan. Commentaire : Elle a un surpoids, le ramadan ne doit pas l’aggraver. Son HbA1C n’est pas parfaite, elle ne doit pas être plus élevée après le ramadan. Elle peut faire le ramadan car son diabète n’est pas déséquilibré ni compliqué. De toutes façons elle veut le faire, il vaut mieux la conseiller que le lui interdire. Elle prend deux ADO, et risque donc les hypoglycémies en fin d’après-midi, d’autant plus qu’elle va s’activer (elle fait la cuisine) Prendre les 2 ADO en 2 prises, 2 metformine et 1 glibenclamide le soir et 1 metformine et 1 glibenclamide le matin. Si cela ne suffit pas à éviter les hyperglycémies après le repas du soir, prendre 2 metformine et 2 glibenclamide le soir. Petit-déjeuner obligatoire. Manger des crudités ou des légumes verts en plus des féculents au repas du soir. Pas trop d’aliments frits. Boire beaucoup la nuit, pas de soda, thé et café sans sucre, eau surtout. Vérifier la glycémie avant de casser le jeûne pour voir si hypoglycémie, ou en cas de malaise dans la journée (si hypo, manger immédiatement) Refaire la glycémie 2 heures après le repas, pour vérifier que l’hyperglycémie n’est pas trop élevée Faire la glycémie avant le petit-déjeuner. Surveiller le poids une fois par semaine. En cas d’hypoglycémies, passer à 2 prises d’1 comprimé de chaque ADO matin et soir, et vérifier qu’elle mange des féculents au le petit-déjeuner. En cas d’hyperglycémie, manger moins copieux au repas du soir. Ne pas grignoter (1 seule pâtisserie en fin de repas du soir).

Cas clinique 3 : Mohamed H 48 ans mère : Khadija Db2 depuis 5 ans HTA : acebutolol hyperchol : simvastatine 81 kg / 1m80 Umuline NPH 30 U le soir + metformine 850 x 3 HbA1C 7,3% puis 8% Électricien dans le bâtiment Hypoglycémies quand ne mange pas le matin Fait le ramadan comme toute sa famille Monsieur Mohamed E., algérien, a 48 ans, il est diabétique comme sa sœur, sa mère et sa grand-mère. Son diabète a été décelé en médecine du travail il y a 5 ans. Il a aussi une HTA, traitée par Ténormine et une hypercholestérolémie pour laquelle il prend de l’Elisor. Il pèse 81 kg pour 1m80. Il a eu rapidement des glycémies élevées, régulièrement à plus de 3g/l, malgré 3 Daonil 5 et 3 Glucophage 850, et en 2000 il a été mis sous Umuline NPH 16 U au coucher (insuline bed-time), puis on a dû augmenter les doses jusqu’à 30 U le soir actuellement. Son HbA1C était à 7,3 % en juin, et est à 8% actuellement. La créatininémie et le FO sont normaux. Il contrôle très souvent sa glycémie capillaire (au moins 3 fois par jour) Il fait des hypoglycémies dans la journée quand il n’a pas le temps de prendre un petit-déjeuner. Il travaille comme électricien dans le bâtiment. Il fait le ramadan comme toute sa famille (sa mère, 75 ans, diabétique traitée par régime seul, vit sous son toit et est très pratiquante). Commentaires : Il va être difficile de le dissuader de faire le ramadan, si toute la famille le fait. Il n’a pas de contre-indication formelle à le faire, car pas de complication de son diabète. Il a une insuline bed-time, qui agit sur 12heures, il n’y a pas de raison de changer son traitement. Il peut prendre la metformine en 2 prises : 2 le soir et 1 le matin, par exemple. Il faut absolument qu’il prenne un petit-déjeuner pour éviter les hypoglycémies qu’il risque de faire dans la journée, d’autant plus qu’il est actif. Faire des glycémies avant le repas du soir, au coucher et avant le petit-déjeuner. Boire beaucoup d’eau la nuit, manger 3 repas et ne pas grignoter entre les repas. Manger une seule pâtisserie, en fin de repas. Des féculents à tous les repas. En cas d’hypoglycémie dans la journée, ne pas attendre le malaise, rompre immédiatement le jeûne et manger plus le lendemain matin au petit-déjeuner.

Cas clinique 4 : Latifa F 44 ans 5 enfants + 1 petit fils Db2 depuis dernière grossesse 105 kg / 1m65 TA 12/7 Chol 2,10, TG 2,70 HbA1C 8,5% créat 5 mg/l FO, ECG normaux Metformine 850x3, Acarbose 100x3 Novomix 30 matin et soir 2x 20 U Cuisine avec ses voisines, fait le ramadan Madame Latifa D., marocaine, a 44 ans, ne travaille pas mais élève ses 5 enfants qui ont entre 5 et 18 ans, et le bébé de sa fille aînée. Elle est très active dans sa cité et reçoit très souvent des amies chez elle, avec leurs enfants. Elle est diabétique depuis sa dernière grossesse, et n’a jamais réussi à perdre les kilos acquis avec l’arrivée des enfants. Elle pèse 105 kg. Sa TA est à 12/7, elle a une cholestérolémie à 2,10 g/l (LDL 1,24 g/l), TG à 2,70, HbA1C à 8,5%. Le FO est normal, la créatininémie à 5 mg/l, l’ECG normal. Elle a comme traitement Glucophage 850 x 3, Glucor 100 x 3 et deux injections d’insuline Mixtard, dont elle fait 20 U le matin et 20 U le soir. Son mari est au chômage, ils n’ont pas beaucoup d¹argent mais arrivent à nourrir la famille. Elle cuisine avec ses voisines de l’immeuble quand c’est le ramadan. Elle ne va pas à la mosquée mais fait la prière et, bien sûr, le jeûne. Commentaires : Il vaudrait mieux qu ’elle ne fasse pas le ramadan. Si elle y tient absolument, passage à 1 insuline lente le soir plus injection d’insuline rapide matin et soir au moins une semaine avant. . Elle a deux injections d’insuline mixte (mélange de semi-lente et de rapide pour les repa), ce qui lui fait risquer les hypoglycémies dans la journée. Il vaut mieux les remplacer par une seule injection d’insuline semi-lente, ou glargine, au coucher, pour couvrir toute la journée, sans risquer les hypoglycémies. Elle peut prendre les ADO en deux prises, deux de chaque le soir et un de chaque le matin. Attention, avec l’acarbose, en cas d’hypoglycémie, on ne peut pas ressucrer avec du saccharose, il faut du glucose pur : par exemple soda (ex: coca-cola). Mais elle risque plus l’hyperglycémie que l’hypoglycémie. Il faut qu’elle vérifie sa glycémie avant le repas du soir et 2 heures après, pour voir si l’hyperglycémie est importante. Prendre un petit-déjeuner copieux : laitages, pain, céréales, fruit, fruits secs. Le soir : manger des crudités et des légumes verts en plus des féculents, pas trop d’aliments frits et pas de grignotage entre les repas. S’abstenir de pâtisseries. Boire beaucoup d’eau, ou thé sans sucre. Si l’hyperglycémie est importante après le repas du soir, ajouter une insuline rapide avant ce repas (commencer par 4 U). Vérifier le poids une fois par semaine. Parler avec elle des recettes allégées.

Ramadan et équilibre glycémique Ramadan 2002 : étude rétrospective 46 patients Db2 : HbA1C 7,7 %-> 8,7% Ramadan 2003 : étude prospective 46 patients Db2 (24 femmes/22 hommes) 17 insuline (7 +ADO), 28 ADO, 1 diététique Poids stable (73,7kg -> 73,5kg) HbA1C stable : 7,6% +/- 1,4 -> 7,6% +/- 1,6 Durant le ramadan 2002, une étude rétrospective (sur dossiers) chez les diabétiques de type 2 suivis à l’hôpital de Nanterre montrait une dégradation de l’équilibre glycémique. 46 patients, HbA1C 7,7% =/- 1, » avant versus 8,7% +/- 1,1 après. L’équipe du service a alors été sensibilisée au problème. Durant le ramadan 2003, une étude prospective a été organisée pour vérifier l’équilibre glycémique des patients diabétiques de type 2 faisant le ramadan. Tous les patients diabétiques de type 2 musulmans vus en consultation 45 jours après la fin du ramadan ont été inclus dans l’étude. On notait la pratique du ramadan : jeûne, diététique, modification thérapeutique ; la survenue d’évènements aigus; le poids, l’HbA1C À cette consultation et à la consultation précédente (avant le ramadan). 46 diabétiques de type 2 ont été inclus : 24 femmes et 22 hommes, moyenne d’âge 59 ans +/- 11 Ils étaient traités par insuline : 17 (dont 7 avec antidiabétiques oraux), ADO : 28 (18 sous insulinosecréteurs), diététique seule : 1 11 patients sous insuline n’ont pas jeûné. 21 (46%) rapportent avoir reçu une information sur le ramadan 26 (74% des jeûneurs) ont maintenu ou augmenté la fréquence de l’autosurveillance glycémique 63% pensent avoir respecté les conseils diététiques. Il n’y a pas eu de complication majeure. Le poids était inchangé après le ramadan : 73,7 kg +/- 13,6 avant, 73,5kg +/- 13,3 après). Même stabilité chez les jeûneurs. L’HbA1C est restée stable dans la totalité de la population : 7,6% +/- 1,4 avant, 7,6% +/- 1,6 après Comparable entre jeûneurs et non jeûneurs et chez les autres patients vus à la même période (7,7% +/- 1,4) En conclusion, c’est la prise en charge : explications diététiques, auto-surveillance glycémiques, conseils d’adaptation du traitement qui permettent que le ramadan ne soit pas dangereux pour les patients diabétiques de type 2 bien équilibrés au départ.

Surveillance Poids Auto surveillance glycémique Postprandiale et le matin Si malaise Si modifications thérapeutiques Alimentation, hydratation On conseille de faire 3 glycémies capillaires par jour : Juste avant de rompre le jeûne 2 heures après le repas du soir Juste avant le petit-déjeuner On peut ajouter une glycémie au coucher si l’on se couche tard. Attention aux hyperglycémies du matin, rebond des hypoglycémies de la nuit, qui peuvent être conséquence d’un surdosage d’insuline semi-lente au coucher par exemple. Mais le repas copieux du soir du ramadan fait risquer plutôt l’hyperglycémie que l’hypoglycémie. En cas d’hyperglycémie très importante (> 4 g/l) il peut être utile de faire un recherche d’acétone dans les urines. En cas de malaise dans la journée, faire une glycémie si on a le temps et l’appareil sous la main, sinon manger immédiatement et réfléchir à ce qui a entraîné l’hypoglycémie. Pour adapter des doses d’insuline ou décider de prendre 2 ou 3 comprimés d’ADO, il faut faire des glycémies avant et après les repas.

Raisons pour arrêter le jeûne Hypoglycémie dans la journée Pathologie intercurrente Déséquilibre glycémique important Les hypoglycémies risquent de survenir en milieu d’après-midi ou avant la fin du jeûne Conseiller de rompre le jeûne plus tôt si cela se produit (ne pas attendre l’heure de manger). Manger 2 dattes pour se ressucrer On peut toujours essayer de reprendre le jeûne le lendemain, en prenant un petit-déjeuner copieux et en buvant beaucoup d’eau pendant la nuit.

Adaptations du traitement Régime seul : rien Biguanides ou glitazones seuls 2 ou 3 biguanides aux repas, glitazones le soir Sulfamides prise principale le soir, réduction des doses éventuellement remplacer sulfamide par glinide Insuline bed-time diminuer l’insuline semi-lente lente (ex: glargine) : ne pas changer Si 1 ADO (ex : glisulpiride = Amarel*) : le prendre le soir Si 2 ADO par jour : matin et soir ou 2 le soir Si 3 ADO : passer à 2 ou prendre 2 le soir et 1 le matin, voire 3 le soir Attention : la durée d’action des ADO est longue et de toutes façons la prise du soir se prolonge au-delà de la journée suivante Les biguanides peuvent être continués aux mêmes doses, en prenant 2 le soir et 1 le matin. Pour les sulfamides, on peut essayer avec 2 comprimés seulement au lieu de 3, cela peut suffire et fait moins risquer les hypoglycémies. Si insuline bed-time (semi-lente, lente…) : faire l’injection le soir, comme d’habitude, sachant que le repas du soir est le plus copieux. On diminue la dose de semi-lente, qui n’a pas besoin de couvrir la journée entière. Autosurveillance glycémique obligatoire pour adaptations du traitement et surveillance 2h après le début du jeûne, 1h avant la fin du jeûne (risque d’hypoglycémie) 1 à 2 h après la fin du jeûn (risque d’hyperglycémie) *Prescrire n°182

Adaptation du traitement par insuline Diabète de type 1 : Insuline lente de base + rapide aux repas Diabète de type 2 - 2 injections insuline semi-lente : dose faible le matin, plus forte le soir ou une seule injection d’insuline lente (ex:glargine) - 2 insuline mixte : remplacer par lente (ex: glargine) +/- petite dose d’insuline rapide le soir Équilibrer selon les glycémies (autosurveillance) Si deux injections d’insuline semi-lente : faire dose plus faible le matin que le soir puis équilibrer selon les glycémies Si deux injections d’insuline mixte : remplacer par semi-lente avec dose plus faible le matin que le soir ou lente (ex: glargine) et insuline rapide aux repas (surtout celui du soir)

Insuline NPH ou glargine ou détémir NPH isophane : action 12 h Glargine : action 20h Détémir : action 18h - efficacité identique sur HbA1C - un peu moins d’hypoglycémies (peu) Glycémie de base + ADO 2 prises ou insuline rapide aux repas La Glargine (Lantus°) est un analogue de l’insuline humaine d’action prolongée (20heures) Diabète type 1 : semble supérieure à l’insuline ultralente pour le contrôle de la glycémie et la fréquence des hypoglycémies Diabète de type 2 : même efficacité que insuline isophane (NPH) sur HbA1C Un peu moins d’hypoglycémies (3 en moins par an) Pas d’évaluation de prévention des complications à long terme Doute sur effets indésirables à long terme Prescrire n°272 La Détémir (Levemir) est un analogue de l’insuline humaine d’action prolongée (18 heures) De même efficacité sur la glycémie (HbA1C) que NPH et glargine 2 injections par jour Même nombre d’hypoglycémies qu’avec NPH dans le diabète de type 1 Prescrire n°271 Insulines en 2005 : Prescrire n°262, pages 428 - 429

ADO : répaglinide ou sulfamide Répaglinide : insulinosecréteur non sulfamide - durée d’action plus courte à prendre juste avant le repas pas de prise si on saute un repas efficacité similaire aux sulfamides peut être associé à metformine - quand même des hypoglycémies possibles Répaglinide : médicament stimulant l’insulinsecrétion (récepteur différent des sulfamides) Novonorm° 0,5mg – 1mg – 4mg Durée d’action plus courte. Biodisponibilité variable selon les individus Même efficacité que Glibenclamide sur HbA1C Association avec Metformine augmente effet hypoglycémiant Le risque d’hypoglycémies existe comme pour les sulfamides, mais la durée d ’action plus courte le rend plus maniable pour des prises selon l’alimentation. Cela met en relief le fait que les antidiabétiques oraux peuvent être pris en 2 prises au lieu de 3, ou même en une seule prise, étant donné leur longue durée d’action. Le répaglinide a une moins longue durée d’action. Prescrire n°209

Conseils alimentaires pour le ramadan Petit-déjeuner équilibré et suffisamment riche en glucides à assimilation lente Repas « classique »  le soir Collation avant le coucher Pas de grignotage, beaucoup d’eau Avant le lever du jour : petit déjeuner équilibré, varié et dense surtout par rapport à la couverture des besoins en sucres dits «  lents » et en fibres Un ou deux laitages, du pain, de préférence complet ou aux céréales (environ 80 à 100g soit 4 à 5 tranches fines)… ou un dessert mêlant des céréales et du lait peu sucré, un ou plusieurs petits fruits (banane, fruits secs…) A la tombée du jour : repas « classique » Crudités, viande, féculents préparés pour la famille Pas de gâteaux ou un seul à la fin du repas Maximum 3 dattes en entrée (c ’est 1, 3 ou 5 dattes habituellement) de préférence une seule Avant le coucher : collation Pain et fromage ou autre laitage, fruit Entre les repas : pas de grignotage Ce qui est difficile en raison de l’ambiance de fête et de réunion familiale Insister sur les boissons abondantes, d’eau exclusivement ou de thé sans sucre (avec édulcorant éventuellement) Attention aux sodas, très prisés pour les fêtes (coca-cola, fanta etc…) éviter le coca-cola light, qui entretient le goût très sucré et peut être bu en quantités très importantes (trop d’aspartam)

Solutions diététiques Prise alimentaire progressive et modérée, en calories et en lipides Recettes plus « allégées » Supprimer sodas, consommer plus d’eau Thé à la menthe ou café au lait sans sucre Légumes verts et sauces légères Ne pas grignoter, ne pas se resservir Continuer à avoir une activité physique Remarque: Tenir compte de la teneur en glucides des dattes: 1 datte contient 7.3g de glucides environ, 2 dattes: 14.6g suffisent donc pour remonter une hypoglycémie.(15g environ)

Recettes orientales allégées Ha rira Shorba Soupe poulet vermicelles Couscous au poisson, couscous à la viande Tajine aux légumes, au poulet, au fenouil Poisson au céleri Poulet aux pruneaux, poulet aux olives Viande aux olives farcies Tajine de poulet au citron Recettes avec Poêle anti-adhésive, pas ou peu d’huile Viande dorée à sec dans la poêle, cuite à feu doux Utilisation du plat à tajine (cuisson dans un plat creux et conique en terre cuite entraînant une cuisson mijotée par diffusion des saveurs , l’utilisation de matières grasses n’est pas indispensable) Oignons cuits avec très peu d’huile, à feu doux + un peu d’eau Épices, herbes, aromates, jus de citron pour donner du goût Olives blanchies (dix minutes dans l’eau bouillante); attention à la valeur énergétique des olives noires (près de 2 fois celle des olives vertes et cette valeur énergétique est en partie due à la teneur en lipides) Cuisson lente Les recettes doivent toutes contenir des féculents

En pratique Anticiper les problèmes Préparer par un bon équilibre avant Déterminer les objectifs Autosurveillance glycémique Associer la famille (à la diététique et la surveillance) Si traitement insuline par 2 mixtes : passer à semilente ou glargine + rapide avant le repas