La noyade Dr M.Segondy
Définition 2 éléments sont nécessaires pour parler de noyade : d’une part la pénétration d’un fluide dans les voies aériennes jusqu’aux alvéoles pulmonaires d’autre part la conséquence de cette inondation à savoir l’asphyxie. N’importe quel élément liquide peut être à l’origine d’une noyade (eaux d’une baignoire, d’une rivière, d’un fleuve, d’un étang, d’un lac, d’une mer ou d’un océan, liquides industriels , liquides biologiques, liquides viticoles , produits alimentaires , produits de bâtiment. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Circonstances des noyades Criminelle : cadavre immergé dans un dans le liquide ou submersion vitale forcée. Le caractère violent de cette mort la rend par définition suspecte. Elle est rare chez l’adulte, possible chez le vieillard et plus fréquente chez le nouveau-né. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Différents types de noyades La noyade primaire : 85 à 90 % des cas : Encore appelée " vraie noyade " ou " noyé bleu " ou " submersion-asphyxie " Elle survient essentiellement chez un sujet ne sachant pas nager ou chez le bon nageur ayant présumé de ses forces , surpris par le froid ou victime de crampes. Plusieurs phases peuvent être individualisées au cours d’une noyade primitive. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
La noyade primaire : 5 phases Surprise ou saisissement : environ 10 secondes : pénétration peu importante de liquide. Résistance à la respiration : environ 1 minute : La victime s’épuise en s’agitant et en effectuant des mouvements désordonnés dans l’élément liquide elle coule à plusieurs reprises, on dit qu’elle " bouchonne " en surface tout en se mettant en apnée réflexe avec fermeture de la glotte. Inspirations profondes : environ 1 minute : L’hypercapnie provoque une reprise de la ventilation avec inhalation de liquide due à une inspiration qui provoque l’introduction de liquide dans l’arbre trachéo-bronchique et l’inondation alvéolaire. État de mort apparente : environ 1 minute : La victime présente un arrêt respiratoire puis un collapsus vasculaire Décès : En l’absence de prise en charge, un arrêt cardiaque se produit 3 à 6 minutes après la submersion Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
La noyade secondaire 10 à15 % des cas : Encore appelée " fausse noyade " ou " noyé blanc " ou " noyade syncopale " ou " submersion-inhibition " Une perte de connaissance brève ( syncope ) n’est pas mortelle en soi, c’est sa survenue en milieu hydrique qui est responsable du décès de la victime. Habituellement, la victime ne se débat pas et n’effectue pas de mouvements respiratoires. Il n’y a pas de contact entre le liquide et les voies respiratoires puisque l’arrêt respiratoire est concomitant du contact avec le liquide. Ceci explique le terme de noyé blanc. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Noyade secondaire on distingue : les syncopes traumatiques : traumatisme survenant au niveau d’une zone réflexogène (épigastre, les globes oculaires, les organes génitaux externes et la région carotidienne ( sinus carotidien ). les syncopes médicales : crises convulsives, d’hypoglycémie, de crises de tétanie ou de spasmophilie, voire de cause neurologiques (accidents vasculaires cérébraux constitués… ) ou cardio-vasculaires ( infarctus du myocarde, oedème pulmonaire cardiogénique, dissection aortique… ). Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Noyade secondaire on distingue aussi : la syncope thermo-différentielle ou hydrocution ou water-shock : Lartigue en 1953 écrivait : " l’hydrocution est à l’eau ce que l’électrocution est au courant électrique. Même un bon nageur peut en être victime ". La syncope d’hydrocution est une syncope d’origine réflexe cutanée due à l’agression thermomécanique de l’eau sur le corps humain, résultant de la différence de température de l’eau et du revêtement cutané. les allergies : allergies au plancton, aux algues ou aux méduses, … l’émotion : nageur perdant pied brusquement, peur de l’eau, peur déclenchée par un plongeon d’une grande hauteur,… Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Différents types de noyades Les accidents de plongée : Molle et Rey distinguent d’une part la plongée en apnée avec ses risques liés à la décompression et à l’hyperventilation préalable, d’autre part, la plongée sous-marine avec ses risques mécaniques, toxiques, enfin les accidents de décompression ou les avaries du matériel de plongée. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Les accidents de plongée En apnée : Au cours de la plongée en apnée, les risques sont la décompression thoracique et l’hyperventilation préalable. La pratique de l’hyperventilation fréquemment utilisée pour améliorer la durée de l’apnée peut provoquer, par hypocapnie, une inspiration irrésistible. Cette hypercapnie peut également entraîner des phénomènes de tétanie, d’obnubilation sensorielle, de perte de connaissance. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Les accidents de plongée En scaphandre: Les accidents de plongée en scaphandre sont de 3 types : mécaniques, toxiques ou liés à la décompression. Les accidents mécaniques peuvent être liés à des variation de volume de gaz qui se compriment lorsque le plongeur descend et se détendent lorsqu’il remonte. Les accidents toxiques sont représentés par la toxicité du gaz carbonique, de l’oxygène ou à cause des gaz inertes. Les accidents de décompression : ils sont dus à une remontée trop rapide du plongeur ou du non-respect des tables de plongée. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Examen externe : la face l’évolution du cadavre immergé est 2 fois moins rapide qu’à l’air libre La face : La physiopathologie de la noyade permet de distinguer les noyés blancs des noyés bleus. Dans la pratique, cette distinction est théorique. Il n’en reste qu’en dehors de la cyanose du visage, l’asphyxie peut se manifester par des conjonctives hyperhémiées ou ecchymotiques. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Examen externe : la peau La peau ansérine : Cet aspect chair de poule ou cutis anserina est secondaire à l’apparition de la rigidité des muscles horripilateurs et des bulbes pileux en particulier. Il apparaît au maximum dans les 6 à 7 heures après le décès et disparaît rapidement. Des aspects similaires peuvent être observés au niveau du scrotum, du pénis et du mamelon. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Examen externe : l’oeil L’œil de poisson : Il est secondaire au caractère hyperhémié de la conjonctive associé à un œil qui semble être exorbité et hypertonique. Cet aspect turgescent de l’œil est du au passage de l’eau hypotonique dans les globes oculaires. Les paupières peuvent également être oedématiées. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Examen externe : la langue Elle est fréquemment retrouvée coincée entre les 2 arcades dentaires, parfois avec une morsure et une discrète hémorragie. Cet aspect est du aux crises convulsives pouvant survenir durant la phase d’inspiration profonde. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Examen externe : la macération La macération de la peau : Elle est variable dans le temps en fonction de la température du milieu liquide. Elle débute dans les premières minutes en cas de stagnation dans un milieu liquidien chaud et dans les 4 à 5 premières heures dans un milieu froid. Son évolution est variable en fonction de l’intervention d’événements extérieurs tels que le charriage… Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Examen externe : la chronologie Il est habituellement rapporté la chronologie suivante pour un corps plongé dans l’eau froide : à 24 heures, la macération atteint la pulpe des doigts, la paume des mains et la plante des pieds. L’épiderme prend un aspect ridé et blanchâtre, débutant au niveau des loges thénars et hypothénars. Entre 2 et 4 jours, l’épiderme présente des phlyctènes et se décolle. Du 4ème au 8ème jour, l’épiderme de la paume des mains est très blanc. Du 8ème au 12ème jour, l’épiderme de la face dorsale des doigts se blanchit à son tour. Vers le 15ème jour, l’épiderme palmoplantaire peut être détaché en doigts de gant au niveau des mains ou en chaussette au niveau des pieds, les cheveux et les poils s’arrachent par touffes. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Examen externe : tardivement à 2 ou 3 semaines, la saponification ( hydrolyse post-mortem ) des graisses aboutit à une tégumentation lardacée au niveau du menton, des joues, des cuisses et des seins. Cette substance est résistante à la putréfaction. L’épiderme et les ongles des mains sont détachés. Au niveau des pieds, les ongles sont encore adhérents. au 4ème mois, des incrustations calcaires des cuisses apparaissent ( petits tubercules arrondis serrés les uns contre les autres et formés de sels de calcaire ). après le 4ème mois, le cuir chevelu se décolle et se détruit avec mise à nu du crâne et extension progressive au nez, paupières et autres tissus superficiels, les graisses de la face, du cou, des aires inguinales et de la face antérieure des cuisses sont saponifiées, les ongles sont totalement détachés. au 6ème mois, le corps à un aspect totalement adipocire. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Le champignon de mousse Il est secondaire à une accumulation de mousse spumeuse au niveau des orifices de la face ( nez et bouche ). Le champignon de mousse apparaît 2 à 3 heures après le retrait du corps de l’eau. Son évolution à l’air libre se fait vers une liquéfaction brunâtre et épaisse. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
La putréfaction en général Elles est souvent responsable des difficultés d’identification cadavérique La putréfaction débute habituellement au niveau de la tête, du cou et de la région thoracique antéro-supérieure. Elle se manifeste par une coloration verdâtre de la peau. La putréfaction intestinale produit une quantité de gaz importante qui dilate l’abdomen et refoule les organes thoraciques, l’appareil pulmonaire en particulier. Cette dilatation gazeuse est responsable de la remontée du corps en surface qui progressivement quitte le fond pour se situer entre 2 eaux puis en surface. Cette phase de flottaison survient après quelques jours en été, quelques semaines en hiver sous nos climats tempérés Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
La putréfaction : prudence La putréfaction fait disparaître ou masque des hématomes, des ecchymoses et/ou d’autres signes cutanéo-muqueux pouvant orienter vers des coups et blessures volontaires criminels. De même, la découverte de plaies ou d’autres effractions cutanées est d’interprétation difficile entre des lésions ante-mortem et des lésions post-mortem de charriage par exemple. L’attitude à adopter est donc celle de la plus grande prudence en présence d’un cadavre putréfié retiré des eaux. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
La putréfaction en milieu hydrique Les signes semi-spécifiques de la putréfaction en milieu hydrique sont : la macération cutanée ( cf supra ) le phénomène des dents rosées : conséquence de la migration d’hématies lors de la putréfaction ( peut se voire aussi dans d’autre phénomènes anoxiques que la noyade ). Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Les blessures cutanées Au cours de ces déplacements dans l’eau, le corps peut subir diverses agressions. Les morphologies différentes de l’homme et de la femme expliquent que le corps du premier est habituellement sur le ventre et les lésions sont plus importantes au niveau des genoux, des pieds et de la tête. En revanche, le corps féminin est plus fréquemment sur le dos et les lésions intéressent les régions occipitales et les talons. Ces lésions sont occasionnées par des frottements sur les fonds aquatiques ( pierres, graviers, branches…) lors du charriage du corps et/ou des phénomènes convulsifs de la deuxième phase de l’asphyxie. Les blessures par les prédateurs aquatiques sont fréquentes. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Apport de l’histologie Macroscopiquement : L’examen des organes internes révèle des poumons distendus, porteurs d’empreintes costales, fermes, crépitants, siège de foyers hémorragique à la coupe. On retrouve l’œdème mousseux au niveau de l’arbre aérien. L’aspect est proche d’un œdème aigu classique. Les cavités pleurales sont souvent le siège d’un épanchement plus important qu’il n’est habituellement. Ce signe est sans valeur en cas de putréfaction. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Microscopiquement : Il est classique d’observer au niveau des poumons une distension pseudo-emphysémateuse aigüe par étirement et rupture des cloisons alvéolaires. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Apport des marqueurs biochimiques L’hémodilution : Le passage d’eau douce dans le sang veineux pulmonaire entraîne une hémodilution. Des prélèvements comparatifs au niveau de l’oreillette gauche et au niveau de l’oreillette droite permettent d’objectiver cette dilution. La concentration en protéine plasmatique sera plus faible dans l’oreillette gauche par rapport à l’oreillette droite. Ces résultats seront par contre ininterprétables en cas de putréfaction du fait de l’autolyse plasmatique qui se produit. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Le strontium : Le Strontium est un des éléments que l’on trouve en relativement grande quantité dans l’écorce terrestre. On retrouve du strontium dans l’eau de mer et dans certaines eaux minérales. On retrouve aussi du Strontium chez l’homme qui est concentré à 99 % au niveau des os et du tissu conjonctif. Il existe ainsi une dissemblance majeure entre les concentrations dans l’eau de mer et dans le sérum ( de 650 à 1 ) ainsi que dans une moindre mesure entre les concentrations dans l’eau naturelle et le sérum (de 5 à 1 ).De ces constatations, il paraît envisageable de prendre le strontium comme indicateur de la noyade, particulièrement de la noyade en mer. Le dosage du strontium dans le sérum et dans les échantillons d’eau est effectué par spectrométrie d’absorption atomique. Il faut toujours déterminer le taux de Strontium dans l’eau de noyade afin d’interpréter correctement un taux sanguin. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Apport des marqueurs biologiques Il s’agit essentiellement des diatomées et des protozoaires ciliés : Les diatomées : Il s’agit d’algues microscopiques possédant un squelette siliceux. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Les diatomées La mise en évidence des diatomées nécessite une méthodologie rigoureuse : les prélèvements : il faut éviter la contamination par les diatomées situées d’une part à la surface du corps et pouvant être amenés par l’eau d’immersion et, d’autre part par les instruments et les gants qui peuvent être contaminés par l’eau de lavage lors de l’autopsie. Technique de prélèvement des tissus : les diatomées sont mises en évidence au niveau des poumons, du foie, des reins, du cerveau et de la moelle osseuse. Les techniques de traitement des échantillons tissulaires sont au nombre de trois : la digestion acide, la digestion enzymatique et enfin, l’incinération des tissus. Une analyse est considérée comme positive si 20 diatomées sont retrouvées et identifiées dans 100 µl de culot obtenu à partir de la digestion de 10g de tissu pulmonaire Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Il existe donc un intérêt à une surveillance régulière de la microflore aquatique dans un cours d’eau. En effet, une surveillance continue des principaux cours d’eau permet de constituer des inventaires de référence pour vérifier l’origine aquatique des diatomées retrouvées dans les tissus et d’éliminer des diatomées inhalées dans la période ante-mortem. Le principal problème dans la recherche de diatomées est qu’elles peuvent être retrouvée dans les tissus en dehors de toute noyade du fait de leur présence dans l’air (certaines espèces de diatomées sont aérophiles ), dans les aliments ( salade, radis cresson, coquillage… ) : le mode de pénétration se faisant par inhalation ou ingestion en pré-mortem. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Les protozoaires ciliés : Les Protozoaires sont des organismes unicellulaires.Le type le plus caractéristique à mettre en évidence dans le diagnostic de noyade vitale est, d’après Durigon, la tetrahymena : la mise en évidence de cette dernière se fait par prélèvement stérile de quelques millilitres de sang au niveau de l’oreillette gauche avec mise en culture de ce sang. Excellent indicateur, il n’est malheureusement pas utilisable en cas de putréfaction marquée du cadavre. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Autres techniques Études de microscopie électronique : étude des pneumocytes de type 1 au niveau des membranes alvéolo-capillaires. Étude de la chlorophylle du plancton par spectrofluorophotomètre : Jianping retrouve des taux de chlorophylle proche des taux observés dans l’eau lors des cas de noyade vitale et des taux faibles ou nuls lorsque la submersion survient après la mort. Étude des phospholipides contenus dans le surfactant pulmonaire : mesure de phospholipides afin d’orienter le diagnostic de noyade vitale et celui de noyade en eau douce ou en eau salée Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003
Conclusion Le diagnostic de noyade vitale reste un diagnostic difficile. Il peut être mis en évidence par un faisceau d’arguments issus de nombreuses méthodes diagnostiques telles que l’histologie, la recherche de marqueurs biochimiques et biologiques. De même, il convient de rester très prudent lors des conclusions préliminaires en fin de levée de corps ou d’autopsie pour affirmer l’origine criminelle, accidentelle ou suicidaire de la noyade. Séminaire de Nancy Mickael SEGONDY Mars 2003