TROUBLES DEPRESSIFS A TOUS LES AGES Dr Lucie NICOULAUD Chef de Clinique de Pédopsychiatrie Service du Pr Cohen Pitié-Salpêtrière Cours aux Orthophonistes
DEPRESSION DU NOURRISSON (1) Longtemps niée, actuellement objet d’un intérêt croissant R. Spitz : « dépression anaclitique » ou hospitalisme chez des nourrissons séparés de leur mère : pleurnichements puis indifférence puis régression, développement de troubles somatiques Interactions précoces parent/bébé (comportementales, affectives, fantasmatiques) Synchronie, réciprocité, accordage affectif Compétences du NRS Interprétations des expressions émotionnelles du visage, reconnaissance des intentions et affects maternels, réponses sociales discriminatives… Intersubjectivité
DEPRESSION DU NOURRISSON (2) Caractéristiques retrouvées Troubles psychiatriques du post-partum: Dépression post-natale Interactions bébé-mère déprimée : ralenties ou intrusives Bébé plus attentif, hypervigilant, préoccupé ; Attachement insécure Dépression du nourrisson ; Still face Moins bon développement cognitif Deuils non résolus chez la mère (les parents) Affections somatiques du bébé.
DEPRESSION DU NOURRISSON (3) Clinique Troubles du sommeil, anorexie Faciès triste, hypomimie, atonie Moindre expression vocale Moins bonne orientation Diminution de la référence sociale Jeux pauvres et exploration limitée Puis évolution : moins de jeux créatifs, moins d’engagements sociaux positifs, recherche prosociale inadéquate, moins bon développement cognitif, troubles du comportement
La triade du syndrome dépressif du nourrisson: Atonie thymique: indifférence morne du bb, sans plainte ni larme, précédée de détresse et de tristesse. Inertie motrice: lenteur dépressive est constante, infiltre le comportement de monotonie. Mimique pauvre, mobilité corporelle engluée, initiatives psychomotrices diminuées, réponse motrice aux sollicitations affaiblies. Tendance répétitive. Pauvreté interactive – Repli: chute des initiatives et des réponses aux sollicitations dans l’interaction. Regard fixe sans clignement des paupières, détournement à l’approche ou à la prise dans les bras, expression glaciale, vigilance apparente qui contraste avec la lenteur gestuelle et corporelle.
DEPRESSION DU NOURRISSON (4) Prise en charge thérapeutique Interventions précoces Consultations thérapeutiques Thérapie mère-bébé Action sur les représentations parentales et l’interaction
DEPRESSION DE L’ENFANT (1) généralités Prévalence : 0,5 % à 3 % Difficultés diagnostiques liées aux définitions et outils d’évaluation Existence de perte ou de séparation (surtout entre 6 mois et 5 ans) Influence de l’environnement familial, antécédents de dépression chez les parents Enfants victimes de maltraitance, carence parentale Maladie physique chronique de l’enfant
DEPRESSION DE L’ENFANT (2) clinique Souvent après un deuil ou une perte (séparation des parents, déménagement, décès d’un animal domestique,…) Apparition progressive Modification du comportement notable Ralentissement psychomoteur, inhibition Enfant « trop sage », indifférent, « absent » Ou bien agitation, difficultés d’attention Moments de repli Crises de colère, auto/hétéroagressivité Manque d’intérêt, arrêt des activités ludiques ou culturelles Sentiment d’ennui
DEPRESSION DE L’ENFANT (3) clinique (suite) Perte de l’estime de soi : « je suis nul », « je n’y arrive pas »,… Sentiment de perte d’amour Culpabilité +++ Évitement, refus du travail scolaire, échec scolaire Troubles somatiques : troubles de l’appétit (anorexie), troubles du sommeil (cauchemars, peurs,..), maux de ventre, céphalées Blessures accidentelles, et absence de plaintes Anxiété Idées de mort ou de suicide; mises en danger Conjonction de ces signes, permanence dans le temps, modification comportementale nette
DEPRESSION DE L’ENFANT (4) évolution Risque suicidaire Conduites d’addiction à l’adolescence Troubles des conduites : antisociales, délinquantes (fugues, vol,…) Désadaptation scolaire et sociale Risque accru de dépression à l’adolescence
DEPRESSION DE L’ADOLESCENT (1) généralités Problématiques de l’adolescence : séparation, rupture des liens, perte / fragilité narcissique / agressivité, ambivalence / oscillations thymiques, affects dépressifs, ennui, morosité Prévalence : 5 à 10 % Hétérogénéité et particularités de la symptomatologie dépressive à l’adolescence Même noyau dur, mais expressions différentes
DEPRESSION DE L’ADOLESCENT (2) clinique Ralentissement psycho-moteur : moteur et idéique (expression verbale, sentiment de temps long, bradypsychie,…) ; ou agitation motrice Inhibition intellectuelle, troubles de la concentration Asthénie ou perte d’énergie Tristesse de l’humeur; ou irritabilité Désintérêt et perte de plaisir Cognitions négatives, auto dévalorisation, culpabilité Signes physiques : troubles de l’appétit (anorexie, plus rarement hyperphagie), troubles du sommeil Idées suicidaires / risque de passage à l’acte suicidaire
DEPRESSION DE L’ADOLESCENT (3) formes cliniques Signes psychotiques : syndrome délirant Ralentissement psycho-moteur peut être remplacé par recherche de stimulation, hyperactivité, hypersexualité Expression verbale et agie de la colère Plaintes somatiques Passages à l’acte, éventuellement répétés
DEPRESSION DE L’ADOLESCENT (4) environnement familial Rôle déclenchant de certains événements de vie : décès, alcoolisme, sévices physiques ou sexuels, désaccord conjugal, divorce, attitudes de contrôle excessif entravant le souhait de séparation de l’adolescent Rôle protecteur si épisode dépressif lié à une rupture sentimentale, à un échec scolaire ou professionnel Recherche d’antécédents familiaux (facteurs génétiques, mouvements identificatoires)
DEPRESSION DE L’ADOLESCENT (5) évolution RISQUE SUICIDAIRE Conséquences psycho-sociales : problèmes familiaux, difficultés scolaires, retrait vis-à-vis des pairs Troubles anxieux, troubles des conduites / addictions Risque de récidives Évolution vers une maladie maniaco-dépressive dans 20 à 30 % des cas Mode d’entrée dans la schizophrénie
CONDUITES SUICIDAIRES épidémiologie Suicide Issue fatale d’un acte délibéré pour provoquer sa propre mort 2ème cause de décès des moins de 25 ans / 1000 décès par an (15-25) 3 hommes pour 1 femme Pathologie psychiatrique dans 94 % des cas Pendaisons, armes à feu Tentative de suicide : échec d’un suicide 40 000 par an (15-25) / 3 femmes pour un homme Récidive : 30 à 50 % de récidives dans les 12 à 18 mois Absorption orale médicamenteuse, phlébotomie Equivalents suicidaires : mise en péril de la vie de manière inconsciente
Prise en charge de la DEPRESSION DE L’ENFANT / ADOLESCENT Prévention Valeur thérapeutique de la reconnaissance de la dépression Thérapies : d’inspiration psychanalytique, de soutien, psychodrame psychanalytique, thérapies familiales Interventions sur l’environnement : guidance parentale, hospitalisation temps plein, internat, prises en charge à temps partiel (HDJ), placement familial spécialisé Hospitalisation : idées suicidaires, environnement peu fiable Aide aux parents Traitement médicamenteux : antidépresseurs (rares études, pas de preuve d’une efficacité par rapport au placebo), thymorégulateurs