Dimension spirituelle des soins palliatifs

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Transcription de la présentation:

Dimension spirituelle des soins palliatifs Dr Bruno CAZIN Praticien hospitalier Service des maladies du sang, CHRU Lille Prêtre catholique, vicaire épiscopal Vice président-Vice recteur Université Catholique de Lille

Dimension spirituelle Reconnue dès le début des soins palliatifs comme une dimension de la souffrance par Cicely Saunders aux côtés des dimensions physique, psychologique, sociale. La spiritualité est un concept convenu dès lors qu’il est question de soin. C’est même un concept à la mode! Son irruption est surprenante dans la champ de la médecine scientifique et technique, volontiers objectivante. (Danièle Leboul, Dominique Jacquemin, carnets de l’espace éthique de Bretagne occidentale n°2, 2010) Émerge dans la réflexion sur les soins, s’enrichit des apports des philosophes, théologiens, psychanalystes…

La vie spirituelle Tout homme a une vie spirituelle: c’est la dimension du sens, ce qui lui permet de vivre en intégrant les inconnues à propos de son origine et de sa destinée, de la naissance et de la mort, le mystère du mal et de la violence, la souffrance et le bonheur, bref, les grandes questions existentielles, la dimension subjective et relationnelle de la personne. Il s’agit de faire des ponts après une rupture (avant après le diagnostic, l’annonce de mort…), refaire alliance avec la réalité présente (//déni, fuite…) C’est ce qui donne cohérence à une vie, d’être soi-même. Permet d’habiter une histoire, de redéfinir une identité, de nourrir des projets, de donner du sens.

la vie spirituelle Témoigne d’une dimension « transcendante » de l’être, de la dimension sacrée, mystérieuse de l’existence humaine qui ne se limite pas à une approche objective. Peut s’inscrire dans un système de sens structuré sous la forme d’une religion ou d’un courant philosophique. Utilise souvent un langage symbolique, fait appel aux rites et symboles religieux. Cela aide à intégrer des extrêmes, à signifier l’indicible, à habiter des paradoxes. Comporte donc une dimension culturelle forte. Utilise un langage éprouvé par des générations. Or, nous sommes dans une période de crise de la transmission, d’effondrement des cultures traditionnelles.

Souffrance et proximité de la mort Bousculent la vie spirituelle, acculent au travail intérieur. La souffrance et l’approche de la mort confrontent à la vulnérabilité et à l’inéluctable finitude que la personne malade avait pu plus ou moins occulter jusque là; ce que l’entourage peut continuer à faire pour le protéger et pour s’épargner un travail considéré comme onéreux. En fait l’homme est un être limité, un être pour la mort «  Sein zum Tode » (Heidegger). Le temps est toujours marqué par la perspective de mort, qui se fait ici imminente.

Souffrance et proximité de la mort Notre société est pauvre culturellement pour symboliser la mort: cela rend le travail personnel plus difficile. La personne malade doit élaborer du sens à partir de peu d’éléments culturels ou symboliques. Elle est relativement seule dans ce travail intérieur. La mort est comme le sceau de l’unicité de chacun (Christophe Theobald). Avec la mort la vie n’est pas une éternelle répétition mais une histoire unique et définitive qui engage chacun.

Souffrance et proximité de la mort La maladie, la proximité de la mort révèlent les fondations de l’organisation psychologique, de la dimension intérieure de l’être. Il s’agit d’une épreuve qui oblige à revisiter les fondements, à réorganiser le sens de sa vie, à préserver son intégrité: recentrage sur soi, son histoire, épreuve de maturation, d’acceptation de la mort. Néanmoins la vie spirituelle n’est pas l’apanage de la fin de vie, comme palliatif à l’échec des soins curatifs: elle est une dimension de l’être et donc du soin.

Travail intérieur Relève parfois du combat spirituel, auquel la personne malade préfère se dérober. En ce sens développer sa vie spirituelle relève du consentement, et finalement d’un accroissement de liberté, alors que la souffrance aliène, enferme. Celui qui consent à ce travail se rend moins esclave de la mort qui l’angoisse; il peut déployer son humanité dans cet espace de liberté ouvert par la reconnaissance et l’acceptation de sa finitude. Ce travail intérieur est une opération Vérité = l’homme n’est pas homme seul, autonome, mais il est fondamentalement dépendant, être de relation.

Relecture, réconcilation Ce travail de relecture du chemin parcouru est très important. Il peut laisser apparaître des points douloureux, des sentiments de culpabilité, des désirs de retrouvailles, de pardon à soi, à d’autres, aux autres, à Dieu, de réconciliation et contribuer par là à apaiser le patient, à calmer ses angoisses, à donner sens au temps qui reste à vivre, à ouvrir une espérance pour le temps qui reste et éventuellement pour l’au-delà. C’est cela qui confère de la beauté, de la grandeur d’âme à cette période lorsqu’elle est vécue avec intensité. « J’ai pensé que la vie est immense et pleine de dangers » (Un enfant cancéreux de l’Institut Curie- titre d’un film)

Souffrance spirituelle Elle doit être bien distinguée de la souffrance physique. Elle peut venir d’une impossibilité à faire ce travail de vérité, par excès de fatigue, à cause du poids de certaines blessures non cicatrisées, de non-dits, de conflits, de culpabilité. La repérer, l’accueillir, la dédramatiser peut aider à permettre une sortie heureuse.

Les soignants et accompagnateurs Ne doivent pas se substituer à la famille, aux proches, premiers interlocuteurs « naturels ». Leur attitude doit être marquée par le respect: respect de ce qui reste souvent indicible, de ce qui relève de l’intimité (le for interne). Par l’écoute bienveillante, la présence discrète, l’accompagnateur peut faciliter un travail de relecture, de symbolisation. Être avec, facilitateur du travail intérieur. En aucun cas, il ne doit projeter ses objectifs propres, ses inquiétudes, ses angoisses… mais la confrontation à la souffrance de l’autre l’ouvre à la dimension de sa propre subjectivité, interroge sa propre vie spirituelle,.

Aller au rythme du patient C’est la condition du respect: ne pas être intrusif, ne pas forcer comme pour faire accoucher au forceps, mais permettre toute une maïeutique. Permettre, « autoriser » un cheminement Accompagner et parfois se laisser dépasser, accepter d’ignorer ce que vit le patient ou de se laisser surprendre, étonner par la fulgurance de son cheminement, l’intensité de son émotion, ou au contraire les blocages, les fuites, les dénis, les régressions.

La vie spirituelle va se déployer Dans sa dimension historique, relationnelle: Évocations de souvenir Retrouvailles, réconciliation Dans sa dimension transcendante: méditation, Prière expression religieuse.

Dimension intégrante de la démarche de soin la dimension du sens de l’existence affleure plus volontiers s’il y a un questionnement éthique sur les pratiques soignantes, le vécu. La dimension spirituelle ne doit pas être déléguée à d’autres, marginalisée comme une affaire de spécialistes y compris lorsqu’elle prend un expression religieuse qui relève d’un langage à écouter, à accueillir. Elle peut par contre se vivre en collaboration avec des personnes extérieures: famille, aumôneries… dans le respect de la personne souffrante dont nul n’est propriétaire

En régime chrétien La richesse des psaumes comme cri de souffrance et d’espérance. La vie spirituelle informée par l’Esprit Saint donné dans la mort et la résurrection du Christ, laquelle révèle la puissance de l’amour. L’union au Christ en croix, dans la relation de confiance à son Père. Dérives doloristes possibles. Importance de l’accompagnement, de l’écoute… Le sacrement des malades comme signe de la sollicitude du Christ, de sa proximité, comme grâce pour traverser la maladie en communion avec lui/ lien avec sacrement de la réconciliation et eucharistie.

Le sens du temps qui reste… 2 citations de St Paul: « Alors que l’homme extérieur va vers la ruine, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour. » (2ème aux Corinthiens, 4,16) « C’est quand je suis faible, que je suis fort. » (2ème aux Corinthiens 12,10)

Bouddhisme Se libérer de la souffrance par le travail de l’esprit (méditation) Dépasser la souffrance par l’éveil, apprivoiser la souffrance. La souffrance comme le désir (tanha) sont dans l’impermanence (dukkha), dans l’imperfection de l’être.. Viser l’extinction du désir et de la souffrance. Mindfullness Importance de la compassion, de l’accompagnement

Islam La souffrance comme épreuve pour se parfaire. L’accepter en se soumettant à Dieu. Soulager la souffrance. Importance des rites, soins du corps.

Approches laïques Ecoute, dialogue, réconfort. Méditation Développement et réalisation de soi Mais attention: la spiritualité ne consiste pas dans l’accumulation de techniques ou d’expériences, mais dans un cheminement, une maturation progressive durant lequel s’élabore du sens, de l’humanisation

Place de la dimension spirituelle dans le projet de soins Emerge volontiers d’un questionnement éthique, visée du bien dans la pratique soignante qui révèle la dimension subjective du soignant et du patient. Aborder cette dimension dans l’équipe pluridisciplinaire Ferait partie du processus de guérison, mais de quelle guérison? Tentatives pour objectiver les bienfaits de « soins spirituels », spiritual care. Entretenir des relations avec les représentants des religions dans le respect de leur statut.

Spirituel et religieux Ne pas cantonner le spirituel au religieux (système structuré de croyances, pratiques, symboles...) Permettre l’expression religieuse de la dimension spirituelle, à travers rites, symboles, prières, référence aux textes sacrés, sacrements… Éviter tout prosélytisme ou récupération maladroite. Les traditions religieuses ne sont pas des biens de consommation disponibles. Elles ne constituent pas des recettes, des techniques mais une dimension d’humanité, un élément important de la culture = ce qui permet d’habiter la nature.