Fin de vie d’un enfant à domicile Elodie Delaporte Frédérique Duthoit Philippe Hiriart Marjorie Jackowska
Sylvie 12 ans, une sœur de 15 ans , un frère de 18 ans La maman et le beau-père Polyhandicap séquellaire d’une maltraitance A été « secouée » par son père à 1 mois de vie On va vous présenter l’histoire d’une enfant qu’on appellera Sylvie qui a 12 ans , une sœur de 15 ans et un frère de 18 ans ( suivi pour hypogonadisme ). La maman et le beau-père qui a depuis longtemps pris le rôle du père. L’enfant a été secoué à l’âge d’1 mois , elle développera ensuite une encéphalopathie convulsivante
Prise en charge Scoliose majeure Déformation thoracique + + Débute le 07/07/2014 à domicile L’enfant est polyhandicapé, grabataire Scoliose majeure Déformation thoracique + + Insuffisance respiratoire Sylvie ne parle pas Elle pèse 25 kg , elle est alitée 24h/24, au milieu d’une multitude de peluches, sur un matelas moulé par l’orthoprothésiste , elle présente une scoliose majeure ( paralytique ) à l’origine d’une déformation thoracique extrême, source d’insuffisance respiratoire avec épisodes d’encombrements trachéo-bronchiques itératifs et, par voie de conséquence, d’hospitalisations répétées. Sylvie ne parle pas , elle sourit ou gémit selon les situations ( il existe un lien fort entre la maman et Sylvie, ainsi qu’avec la fratrie et le beau-père) , la maman « décodant » parfaitement toutes les mimiques de sa fille.
Alimentation entérale ( gastrostomie ) Oxygénothérapie par « lunettes » nasales Alimentation entérale bien gérée par la maman et le beau-père Sylvie est sous 3l d’O2/min par le biais de lunettes nasales ( la masque étant à l’origine de blessures cutanées )
Les Soignants Les infirmières (Frédérique et Marjorie): soins biquotidiens 7 jours sur 7 La kinésithérapeute (Elodie) : une séance par jour ( aspiration ) L’orthoprothésiste Le médecin généraliste Accompagnés par EIRENE Les infirmières : rassurent la maman , répondent aux questions, aident aux gestes techniques ( notamment l’aspiration ) La kinésithérapeute : mobilisation douce , aspiration L’orthoprothésiste : le dialogue entre l’équipe et lui concourt à améliorer le confort de Cindy Le médecin généraliste
L’équipe EIRENE Situation palliative Première visite :Lien hôpital domicile Situation palliative Rend compte de la concertation pluridisciplinaire (ST Vincent de Paul) Famille informée Fin de vie à domicile souhaitée L’équipe Eiréné , à ma première visite au domicile ( le 07/07/2014 ), m’explique que nous sommes dans une situation palliative et que lors de la dernière hospitalisation de Sylvie à l’hôpital St Vincent ( du 13/05/2014 au 30/06/2014 ) , une réunion pluridisciplinaire a eu lieu pour synthèse de la situation et rédaction des souhaits des parents ( notamment d’une demande de décès à la maison ), la famille étant tout a fait d’accord et souhaitant le retour à domicile avec, comme consignes : - pas de transfert en réanimation, pas de ventilation invasive - AB si affections bactériennes - Soins de support La dernière hospitalisation ayant été motivée par une détresse respiratoire et difficultés alimentaires avec vomissements de sa nutrition entérale
Les aidants : La famille La maman: trait-d ’union entre l’équipe et Sylvie « Clef de Voûte » de la prise en charge Que sait-elle ? La maman consacre toutes ses journées à Sylvie , connaît ses moindres réactions , elle est très tonique ( elle me rassure car j’avance en « terre inconnue » , n’ayant jusqu’ici qu’une idée très théorique de l’enfant secoué , mais ici , cette idée s’appelle Sylvie) . Que sait-elle ? : elle me dit être au courant du devenir de Sylvie : « on m’a bien expliqué à l’hôpital ! » mais quelques phrases plus loin, elle rajoute : « et si ça s’aggrave? Que fait-on? Je peux compter sur vous? » La maman a donc bien été informée mais qu’a-t-elle entendue?...
Le suivi Passage du médecin: 1 fois/semaine Phase « paisible » : de juillet à mi-novembre Le traitement : Dépakine 350 mg : 3 fois/j dans la sonde Inexium : dans la sonde Scopoderm : ½ patch/72h Pulmicort : 2 aérosols/jour O2 : 3l/minute Soins de nursing kinésithérapie Il est convenu, avec la maman, que je passe 1 fois/semaine mais bien sûr, aussi , d’ une « disponibilité » à la demande ( autant que faire se peut ). De juillet à mi-novembre : relative stabilité de l’état de Sylvie , la maman et les proches semblent gérer la situation , les soignants ne me signalent pas de problème majeur Petite précision, non négligeable à domicile, pour le scopoderm : 43euros la boîte de 5 patch , non remboursee Je souligne ici, le rôle important de la kinésithérapie dans le confort de Sylvie
La phase ultime Mise en route de Rocéphine 1 g IM/j Appel de la maman le 17/11/2014 au matin: fièvre à 40° et encombrement ++ Altération de la conscience Mise en route de Rocéphine 1 g IM/j Patch de Durogésic : 12µg/h Paracetamol + appel de la kinésithérapeute La maman appelle le 17/11/2014 au matin en disant : « Sylvie fait 40°de température, elle est très encombrée » L’aspiration est peu efficace ( secrétions épaisses ++ ) et la conscience est perturbée ( +/- révulsion oculaire, pas de réaction à notre présence ) Durogésic car quelques grimaces sur le visage de Sylvie à la moindre mobilisation ) Paracetamol dans la sonde . La maman me demande, inquiète : « ça va aller mieux? Et si ça s’aggrave, que fait-on ? » Je lui exprime que nous allons vers la fin, qu’on accompagne Sylvie jusqu’au bout en soulageant au mieux ses symptômes
le 18/11/2014 après-midi : baisse de la température à 38° Dégradation de l’état clinique baisse du débit d’O2 à 2l/min la maman cherche à joindre un prêtre Je baisse l’O2 à 2 l/min et appelle un confrère hospitalier afin de pouvoir disposer, si besoin était, d’hypnovel ( ce confrère est praticien hospitalier en service de soins palliatifs, nous avons fait notre formation initiale de soins palliatifs ensemble ) l’hypnovel n’étant pas disponible en ville ; Il m’écoute et me dit : « tu ne vas pas faire une sédation , tout seul à la maison ?! »je lui explique que j’anticipe une éventuelle agitation terminale. Il me répond : « l’ordonnance sera prête demain entre 14h et 16h à la pharmacie de l’hôpital , le beau-père viendra la chercher. La maman cherche à joindre un prêtre, la secrétaire de la cure lui répond qu’elle transmettra le message …
Rencontre avec la coordinatrice d’Eiréné Le 19/11/2014 après-midi Rencontre avec la coordinatrice d’Eiréné Sylvie est calme, fréquence respiratoire très lente + quelques pauses En partant : N° de portable L’infirmière de l’équipe Eiréné, une fois sortie de la chambre de Sylvie , reformule, à l’intention de la maman, l’état critique de Sylvie avec toujours, de la part de celle-ci, cette forme d’étonnement d’une chose que l’on sait mais qu’on ne peut entendre… Je donne , avant de partir , mon n° de portable à la maman ( la garde officielle de médecine générale se terminant à minuit)… Je suis appelé vers 2 h du matin par le beau-père pour m’annoncer le décès de Sylvie . En arrivant à domicile: la famille est autour du lit , en pleurs , digne et recueillie, Sylvie a un chapelet autour de la main, sous le drap … nous échangeons quelques mots puis je vais dans le séjour pour écouter le beau-père et la maman qui veulent m’entendre dire qu’ils ont fait tout ce qui était possible , qu’ils ont donné tout leur amour .. Ce que je confirme en précisant que Sylvie a au moins eu cette chance là ! Je rédige le certificat de décès. Vers 3h , à la demande de la famille , j’appelle les pompes funèbres qui arrivent 30 minutes plus tard , le professionnel fait preuve de beaucoup de tact et de discrétion , encore quelques mots puis je quitte le domicile. En rentrant à la maison , j’allume la télévision pour tenter de mettre à distance l’émotion et pouvoir m’endormir .il est 3h30
je vous remercie de votre attention