Etat antérieur, état initial, état final Formation pour la compagnie des experts près les cours administratives d’appel de paris et Versailles (CECAAPV) Lundi 16 mars 2015 Intervention de Sylvain Merenne Rapporteur public au tribunal administratif de cergy-pontoise
Plan de la présentation 1/ Introduction – Remarques générales 2/ Incidence de l’état du patient sur le principe de l’indemnisation 3/ Incidence de l’état du patient sur l’étendue des préjudices indemnisables 4/ Etudes de cas contentieux
1/ Introduction – Remarques générales Grandes notions de la responsabilité (notamment hospitalière) Fait générateur – préjudice – lien de causalité – cause exonératoire Dommage Imputabilité
Dommage et préjudices Préjudices Dommage Fait générateur Préjudices
1/ Introduction – Remarques générales Récurrence des questions juridiques soulevées par l’état du patient Diversité des questions juridiques Absence de divergence d’approche entre les juges civil, pénal et administratif Démarche jurisprudentielle et juridictionnel empirique
2/ INCIDENCE DE L’ÉTAT DU PATIENT SUR LE PRINCIPE DE L’INDEMNISATION Au stade du fait générateur Etat du patient et aléa thérapeutique Etat du patient et obligation d’information Au stade du lien de causalité et/ou de l’imputabilité Imputabilité d’une pathologie à la vaccination Imputabilité d’une contamination par le VHC à une transfusion sanguine Imputabilité au service d’un accident ou d’une maladie Au stade de la cause exonératoire Infections nosocomiales
2/ INCIDENCE DE L’ÉTAT DU PATIENT SUR LE PRINCIPE DE L’INDEMNISATION Au stade du fait générateur Etat du patient et aléa thérapeutique (ou accident médical) CE Ass., 9 avr. 1993, Bianchi, n° 69336, au R. (régime d’origine jurisprudentielle historique avant la loi du 4 mars 2002 - responsabilité sans faute - hôpital - spécifique à la responsabilité administrative) « Considérant, toutefois, que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ; »
2/ INCIDENCE DE L’ÉTAT DU PATIENT SUR LE PRINCIPE DE L’INDEMNISATION Au stade du fait générateur Etat du patient et aléa thérapeutique (ou accident médical) II. de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique (régime actuel issu de la loi du 4 mars 2002 - solidarité nationale - ONIAM) : « II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité (...) » CE, 12 déc. 2014, ONIAM c/ M. Bondoni, n° 355052, au R. et CE, 12 déc. 2014, Mme Bourgeois, n° 365211, aux T. (appréciation de l’anormalité du dommage) « 4. Considérant que la condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l’absence de traitement ; 5. Considérant que, lorsque les conséquences de l’acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l’absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l’acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; qu’ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l’état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l’origine du dommage ; »
2/ INCIDENCE DE L’ÉTAT DU PATIENT SUR LE PRINCIPE DE L’INDEMNISATION Au stade du fait générateur Etat du patient et étendue de l’obligation d’information Article L. 1111-2 du code de la santé publique : « Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. »
2/ INCIDENCE DE L’ÉTAT DU PATIENT SUR LE PRINCIPE DE L’INDEMNISATION Au stade du lien de causalité et/ou de l’imputabilité Imputabilité d’une pathologie à la vaccination CE, 9 mars 2007, Mme Schwartz, n° 267635, au R. (Faisceau d’indices pour déterminer l’imputabilité d’une pathologie à une vaccination) « Considérant (...) qu'ainsi, dès lors que les rapports d'expertise, s'ils ne l'ont pas affirmé, n'ont pas exclu l'existence d'un tel lien de causalité, l'imputabilité au service de la sclérose en plaques dont souffre Mme A doit, dans les circonstances particulières de l'espèce, être regardée comme établie, eu égard, d'une part, au bref délai ayant séparé l'injection de mars 1991 de l'apparition du premier symptôme cliniquement constaté de la sclérose en plaques ultérieurement diagnostiquée et, d'autre part, à la bonne santé de l'intéressée et à l'absence, chez elle, de tous antécédents à cette pathologie, antérieurement à sa vaccination ; que, par suite, c'est à tort que le directeur du centre hospitalier général de Sarreguemines a rejeté la demande de l'intéressée tendant à ce que soit reconnue l'imputabilité au service de sa maladie ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme A est fondée à demander l'annulation de la décision du 27 juin 2002 du directeur du centre hospitalier général de Sarreguemines ; » CE, 17 févr. 2012, Mme André, n° 331277, aux T. (imputabilité à la vaccination de l’aggravation d’une affection préexistante)
2/ INCIDENCE DE L’ÉTAT DU PATIENT SUR LE PRINCIPE DE L’INDEMNISATION Au stade du lien de causalité et/ou de l’imputabilité Imputabilité d’une contamination par le VHC à une transfusion sanguine CE, 19 oct. 2011, M. Vidal, n° 339670, au R. (Présomption d’imputabilité de la contamination à la transfusion sanguine) Considérant que la présomption prévue par les dispositions [de l’article 102 de la loi du 4 mars 2002] est constituée dès lors qu’un faisceau d’éléments confère à l’hypothèse d’une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l’ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que tel est normalement le cas lorsqu’il résulte de l’instruction que le demandeur s’est vu administrer, à une date où il n’était pas procédé à une détection systématique du virus de l’hépatite C à l’occasion des dons du sang, des produits sanguins dont l’innocuité n’a pas pu être établie, à moins que la date d’apparition des premiers symptômes de l’hépatite C ou de révélation de la séropositivité démontre que la contamination n’a pas pu se produire à l’occasion de l’administration de ces produits ; qu’eu égard à la disposition selon laquelle le doute profite au demandeur, la circonstance que l’intéressé a été exposé par ailleurs à d’autres facteurs de contamination, résultant notamment d’actes médicaux invasifs ou d’un comportement personnel à risque, ne saurait faire obstacle à la présomption légale que dans le cas où il résulte de l’instruction que la probabilité d’une origine transfusionnelle est manifestement moins élevée que celle d’une origine étrangère aux transfusions ; »
2/ INCIDENCE DE L’ÉTAT DU PATIENT SUR LE PRINCIPE DE L’INDEMNISATION Au stade du lien de causalité et/ou de l’imputabilité Imputabilité au service d’un accident ou d’une maladie (Fonction publique) CE, 23 sept. 2013, Fonvielle, n° 353093, aux T. (lien direct et non pas exclusif de la maladie avec le service) « 2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : « (…) si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident » ; que le droit, prévu par ces dispositions, de conserver l’intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l’intéressé dans l’impossibilité d’accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de ses fonctions ; » CE, 19 janv. 2015, Mme Coulon, n° 377497, aux T. (définition du lien direct) « 3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le droit pour un fonctionnaire territorial de bénéficier de la rente viagère d'invalidité prévue par l'article 37 du décret du 26 décembre 2003 est subordonné à la condition que les blessures ou maladies contractées ou aggravées en service aient été de nature à entraîner, à elles seules ou non, la mise à la retraite de l'intéressé ; »
2/ INCIDENCE DE L’ÉTAT DU PATIENT SUR LE PRINCIPE DE L’INDEMNISATION Au stade de la cause exonératoire Infections nosocomiales (absence de cause exonératoire) Avant : infestions exogènes/endogènes (droit administratif) 2e al. de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique (régime actuel issu de la loi du 4 mars 2002) : « Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. » CE, 10 oct. 2011, centre hospitalier universitaire d’Angers, n° 328500, au R. ; CE, 17 févr. 2012, Mme Mau, n° 342366, aux T. (absence de cause étrangère du fait du caractère inévitable de l’infection) : « Considérant que, pour annuler le jugement du tribunal administratif retenant la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Bordeaux sur le fondement des dispositions précitées, la cour administrative d'appel, après avoir relevé que les lésions subies par M. Mau avaient fortement diminué ses défenses immunitaires et provoqué des troubles de la déglutition augmentant les risques d'infection respiratoire, a estimé que la réanimation respiratoire prolongée, nécessitée par l'état de l'intéressé, avait " rendu inévitable la survenue d'infections pulmonaires " ; que la cour en a déduit qu'à supposer que le décès de M. Mau ait été provoqué par une infection nosocomiale, l'établissement devait être regardé, compte tenu de l'état initial fortement dégradé de la victime, comme rapportant la preuve d'une cause étrangère au sens du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; qu'en statuant ainsi, alors que la réanimation respiratoire ne pouvait être regardée comme une circonstance extérieure à l'activité hospitalière, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; »
3/ INCIDENCE DE L’ÉTAT DU PATIENT SUR L’ÉTENDUE DES PRÉJUDICES INDEMNISABLES EN CAS D’ABSENCE D’INTERACTION ENTRE L’ÉTAT DE SANTÉ ANTÉRIEUR ET LE FAIT GÉNÉRATEUR EN CAS D’INTERACTION ENTRE L’ÉTAT DE SANTÉ ANTÉRIEUR ET LE FAIT GÉNÉRATEUR
3/ INCIDENCE DE L’ÉTAT DU PATIENT SUR L’ÉTENDUE DES PRÉJUDICES INDEMNISABLES En cas d’absence d’interaction entre l’état de santé antérieur et le fait générateur Enjeux de la question pour l’expert et pour le juge Indifférence de l’origine de l’état de santé dégradé de la victime Notion de perte de chance
3/ INCIDENCE DE L’ÉTAT DU PATIENT SUR L’ÉTENDUE DES PRÉJUDICES INDEMNISABLES En cas d’absence d’interaction entre l’état de santé antérieur et le fait générateur Notion de perte de chance CE Sect., 21 déc. 2007, Centre hospitalier de la Vienne, n° 289328, au R. (arrêt de principe sur la perte de chance en responsabilité hospitalière) « Considérant, toutefois, que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ; »
3/ INCIDENCE DE L’ÉTAT DU PATIENT SUR L’ÉTENDUE DES PRÉJUDICES INDEMNISABLES En cas d’interaction entre l’état de santé antérieur et le fait générateur Absence d’incidence de la simple prédisposition CE, 24 juil. 2009, Hospices civils de Lyon, n° 308876, aux T. « Considérant que si l'existence d'une prédisposition génétique à une affection démyélinisante n'est pas de nature, par elle-même, à exclure l'imputabilité d'une telle affection à la vaccination contre l'hépatite B, elle ne permet pas en revanche de regarder cette imputabilité comme établie dans l'hypothèse où la survenue des premiers symptômes de l'affection ne serait pas séparée de l'injection du vaccin par un bref délai ; que la cour administrative d'appel ne pouvait dès lors, sans commettre d'erreur de droit, relever qu'un long délai s'était écoulé entre la dernière injection du vaccin à Mme A et les premiers symptômes de sa maladie mais juger, au motif qu'elle présentait une prédisposition génétique, que ce long délai ne faisait pas obstacle à la reconnaissance de l'imputabilité ; »
3/ INCIDENCE DE L’ÉTAT DU PATIENT SUR L’ÉTENDUE DES PRÉJUDICES INDEMNISABLES En cas d’interaction entre l’état de santé antérieur et le fait générateur Application d’un taux de perte de chance CE, 17 févr. 2012, Mme Mau, n° 342366, aux T. « Considérant que dans le cas où une infection nosocomiale a compromis les chances d'un patient d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de cette infection et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ; Considérant que l'infection nosocomiale dont M. Mau a été victime a entraîné pour celui-ci la perte d'une chance d'éviter une évolution fatale de son état de santé ; que, si, selon les experts, l'état neurologique et respiratoire de M. Mau était fortement dégradé, il ressort de leurs constatations qu'en l'absence d'infection, l'intéressé aurait eu une importante chance de survie ; que, dès lors, il sera fait une juste appréciation de la chance perdue, évaluée à 20 % par le tribunal administratif, en la fixant à 50 % des différents chefs de préjudice ayant résulté du décès de M. Mau ; »
3/ INCIDENCE DE L’ÉTAT DU PATIENT SUR L’ÉTENDUE DES PRÉJUDICES INDEMNISABLES En cas d’interaction entre l’état de santé antérieur et le fait générateur Application d’un taux de perte de chance CE, 16 mai 2007, Etablissement français du sang, n° 251387, inédit (contamination par le VHC d’un patient éthylique - solution isolée) « Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du professeur Le Gueut du 18 juin 1997, que la contamination par le virus de l'hépatite C dont a été victime M. A est la conséquence des transfusions subies en juillet 1983 au sein du centre hospitalier universitaire de Tours ; que, toutefois, M. A souffrait d'autres pathologies et notamment d'une affection éthylique chronique qui a été une des causes du déclenchement et de l'évolution de la cirrhose dont il est décédé ; qu'il y a lieu, par suite, de déterminer la part des dommages indemnisables directement imputable aux conséquences de la contamination transfusionnelle et de ses suites directes ; »
3/ INCIDENCE DE L’ÉTAT DU PATIENT SUR L’ÉTENDUE DES PRÉJUDICES INDEMNISABLES En cas d’interaction entre l’état de santé antérieur et le fait générateur Combinaison par l’étendue de la chance perdue Civ. 1re, 7 juill. 2011, n° 10-19766, au B. (perte de chance en cas de décès inévitable) « Mais attendu que la cour d'appel a retenu que les fautes du SMIA, de M. Z... et de M. Y... avaient fait perdre à Alain X... une chance, qu'elle a souverainement évaluée à 80 %, de retarder l'échéance fatale que comportait sa maladie et d'avoir une fin de vie meilleure et moins douloureuse, ce qui constituait une éventualité favorable ; que le moyen n'est pas fondé ; »
4/ Etudes de cas contentieux Etude de cas n° 1 M. M. (imputabilité d’un syndrome de Guillain-barré à la vaccination contre la grippe H1N1) TA CP, 4 nov. 2014, n° 1201770 Etude de cas n° 2 Consorts V. (pluralité d’infections nosocomiales dans un tableau clinique chargé) TA CP, 10 févr. 2015, n° 1204180 Etude de cas n° 3 Consorts H. (retard de diagnostic d’un sarcome d’Ewing avec récidive avant décès) TA CP, 31 mars 2014, n° 1006294