Troubles de l’attachement Dr Angele Consoli Service de Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent Pitié-Salpêtrière, Paris http://speapsl.aphp.fr DU Adolescents difficiles, Fort-de-France, mars 2015
Carences affectives Intérêt et travaux depuis les années 40 Effet des placements prolongés et des hospitalisations répétées décrits par Spitz dans l’après-guerre Question aujourd’hui des carences affectives intra-familiales, champ de l’action médico-sociale Carence affective : 3 dimensions (associées parfois): Insuffisance d’interaction (placement institutionnel précoce) Discontinuité des liens (séparations) Distorsion des liens (chaotiques, imprévisibles) Diversité sémiologique et évolutive selon l’âge de l’enfant, durée, nature, qualité du maternage,…
Carence par insuffisance Spitz a étudié enfants placés en orphelinat après la guerre Soins hygiéno-diététiques sans défaut Mais absence de contacts humains chaleureux une grande partie de la journée Réaction d’hospitalisme: Phase de détresse: enfant pleure, gémit, cherche Phase de découragement: expression de tristesse, de colère Phase de détachement et d’indifférence: retrait, refus de contact,.. Avec perte du poids, arrêt du développement Impact fort de ce travail à l’époque Effet sur prise en charge au sein des institutions: limiter le nombre d’intervenants, favoriser les contacts maternants, … Aujourd’hui cas d’hospitalisme partiel ou carences affectives au sein de familles
The Baby loses its mother (10) BEFORE AFTER A little later this child was separated from its mother. Observe the change in its appearance and behavior after a few weeks of the mother’s absence. 4
The cure: give mother back to the baby (2) 5
Babies reared without mothers (2) In contrast with the first shown children they cannot sit or stand; like this 9 months baby they lie passive in their cots. 6
Discontinuité des liens Liée aux séparations mère enfant Réactions très intenses entre 5 mois et 3 ans L’enfant peut développer une grande sensibilité et une angoisse permanente se traduisant par une dépendance excessive à son environnement (attachement angoissé) Quand la séparation se prolonge: Ralentissement développement affectif et cognitif Perturbations somatiques Troubles des conduites instinctuelles (anorexie, tr sommeil…) Symptômes dépressifs Troubles du comportement chez le plus grand enfant
Carence par distorsion: familles-problèmes Famille avec adversité sociale et risque de morbidité physique et mentale Chez l’enfant: difficultés cognitives, trouble du langage Échec scolaire ++ Troubles du comportement +++ : inhibition/retrait, conduites de prestance, agressivité,… Dévalorisation de soi, absence d’idéal du moi satisfaisant, fragilité narcissique,…
Théorie de l’attachement Bowlby 1958 S’inspire des travaux de l’éthologie pour expliquer l’attachement à la mère 5 modules comportementaux le définissent: sucer, s’accrocher, suivre, pleurer, sourire Conduite primaire ayant pour but de maintenir l’enfant à proximité de la mère Réactions des enfants suite à une séparation: protestation, désespoir et détachement Description de différents types d’attachement
La théorie de l’attachement Les données de l’éthologie Konrad Lorentz qui a décrit chez l’oiseau le phénomène d’empreinte Harry Harlow qui a décrit les effets de conditions d’élevage diverses chez le singe. Les effets observés de la séparation mère-enfant Les bébés humains séparés de leur mère présentent les mêmes réactions que celle décrites par Harlow : réaction de détresse (l’enfant pleure et cherche) puis de découragement (alternance de colère et de tristesse) enfin détachement et indifférence. Spitz avait également décrit les effets catastrophiques des séparations prolongées en pouponnières et les conséquences positives sur l’état psychoaffectif de l’enfant de proposer un partenaire de remplacement 10
Théorie de l’attachement Besoin inné de construire une relation d’attachement privilégiée avec une figure maternelle, favorisée par les oins avant de pouvoir explorer l’environnement Pendant les 2 premières années de vie : construction de modèles de relation à l’autre : mise en place puis intériorisation = modèles opérants internes Selon Bowlby le danger active chez l’enfant les recherches de contact avec les figures d’attachement Description d’inégalités dans les stratégies relationnelles chez des enfants sans trouble mental
Situation étrange ou strange situation Ainsworth 1969 Mise en évidence de 3 types de réponse chez des enfants sans pathologie avérée, réagissant à une situation expérimentale stressante de séparation et de retrouvailles avec une figure d’attachement 2/3 des cas: attachement de type secure: recherche de contact visuel et de réassurance auprès de la figure d’attachement 1/3 des cas: attachement de type insecure: Insecure de type évitant: lors du retour de la figure d’attachement, maintien à distance de l’enfant somme si il n’avait pas souffert de la séparation Insecure de type ambivalent: agrippement angoissé et forte agressivité relationnelle lors du retour de la figure d’attachement
Travaux de Mary Main Mary Main Attachement insecure de type désorganisé avec impossibilité d’une vraie stratégie relationnelle Modèles internes opérants chez les adultes à partir du récit structuré de leur histoire Adult Attachment Interview Divers modèles mis en évidence: détaché, autonome, préoccupé, désorganisé,…
Troubles de l’attachement critères diagnostiques mode de relation sociale gravement perturbé et inapproprié au stade du développement, présent dans la plupart des situations et ayant débuté avant l'âge de 5 ans (1) type inhibé: incapacité persistant à engager des interactions sociales ou à y répondre d'une manière appropriée au stade de développement, qui se traduit par des réponses hypervigilantes, ou nettement ambivalentes et contradictoires (p. ex. l'enfant se comporte vis-à-vis des personnes qui prennent soin de lui en alternant tentatives d'approches, réactions de fuite et refus de se laisser consoler) (2) type désinhibé: liens d'attachement diffus, qui se manifestent par une sociabilité indifférenciée et une incapacité à faire preuve d'attachements sélectifs (p. ex., familiarité excessive avec des étrangers ou absence de sélectivité dans le choix des figures d'attachement)
Attachement à l’adolescence Nécessité de s’éloigner de ses objets primaires, de trouver sa place parmi ses pairs, de s’inscrire dans des relations sociales élargies = sollicitation des liens d’attachement de la petite enfance Equilibre concurrentiel entre systèmes d’attachement d’un côté et d’exploration de l’environnement de l’autre Activation du système d’exploration à l’adolescence = risque de malmener le système d’attachement surtout si bases fragiles Proximité physique devient conflictuelle d’où nécessité de substituer au système d’attachement de l’enfance un modèle intériorisé d’une figure d’attachement
Attachement à l’adolescence Modèles d’attachement de l’enfance stables à l’adolescence ? Diverses échelles se sont développées = exploration des représentations imaginaires que chaque sujet construit avec ses figures intériorisées issues de l’enfance et ce qui en résulte sur les relations actuelles
Attachement à l’adolescence Concordance entre modèles d’attachement dans l’enfance et ceux retrouvés à l’adolescence et à l’âge adulte discutée Enfants secures ont tendance à le rester à l’adolescence avec relations plus confiantes avec leurs figures d ‘attachement Mais stabilité dépend des événements de vie, des événements stressants: diminution du taux d’attachement secure Accession à une dimension de réciprocité = caractéristique importante de l’attachement à l’adolescence Concerne la capacité à recevoir de la sécurité de la part d’une figure d’attachement mais aussi capacité à donner à autrui selon son besoin soutien et attention
Attachement à l’adolescence Travaux publiés, plus nombreux : plus d’attachement « détachés » ou « préoccupés » ou désorganisés » par rapport aux attachement dits secures Ce type d’attachement insecure est retrouvé chez les adolescents avec un fonctionnement limite ou psychopathique, consommateurs de produits, … Intérêt d’évaluer le type d’attachement dans une psychothérapie pour mieux appréhender nature et intensité des difficultés car sollicitation des bases de sécuité internes (ou insécurité) P. Fonagy 1996
Etudes attachement chez des adolescents avec troubles psychiques Fonagy 1996 Etude comparative d’un groupe de 82 adolescents hospitalisés (tr psychiatriques) versus 85 témoins 9 sécures dans le premier groupe versus 50 dans le deuxième 76% adolescents avec attachement « désorganisé » dans le 1er groupe versus 7% chez les témoins
FACTEURS DE RISQUE PSYCHOSOCIAUX ET PSYCHOPATHOLOGIE: QUE VOIT-ON EN HOSPITALISATION ? 2 études cas – témoins Etude 1: Psychopathologie des enfants et adolescents hospitalisés et confiés à l’ASE Etude 2: Apprentissage du langage chez les enfants et adolescents hospitalisés et confiés à l’ASE 20
Etude 1: Psychopathologie des enfants et adolescents hospitalisés et confiés à l’ASE 21
ORGANISATION ET MISSION DE L’ASE Voie administrative Demande des parents Voie judiciaire Signalement Assistance Educative Placement Voie Administrative: Demande des parents ASE Mission: protection de l’enfance et aide aux familles 300 000 jeunes en France 22
Facteurs entraînant une prise en charge à l’ASE Carence éducative (50%), négligence, maltraitance (20%) Troubles psychiatriques des parents (20%), crise familiale Pathologie du lien parents-enfant 23
Etude 1: Diagram Flow Pris en charge par l’ASE Non ASE N= 52 N = 51 Patients hospitalisés en 2008: N = 226 97 (43%) ASE Patients inclus N =103 Pris en charge par l’ASE N= 52 Non ASE N = 51 Gravité des troubles équivalente Recueil de données: Facteurs de risque environnementaux Diagnostic catégoriel Evaluations dimensionnelles 24
Etude 1: Facteurs de risque psycho-sociaux N=101 25
Etude 1: Antécédents familiaux N=101 26
Etude 1: Diagnostics catégoriels N=101 27
Etude 1: Variables dimensionnelles N=40 28
Etude 1: Conclusion Influence de l’environnement sur le développement de pathologies psychiatriques particulières Diagnostics très fortement corrélés avec le groupe ASE: troubles externalisés, troubles spécifiques du développement, troubles des apprentissages Groupe ASE : groupe à risque de pathologie psychiatrique Facteurs de prise en charge ASE sont facteurs de risque de psychopathologie Cumul des facteurs environnementaux Insuffisance des moyens de prévention et de soins pour les jeunes pris en charge à l’ASE. Question de l’organisation sous-jacente 29
Florence GUILLEMONT et Amélie HINGANT Etude 2: Apprentissage du langage chez les enfants et adolescents hospitalisés et confiés à l’ASE Florence GUILLEMONT et Amélie HINGANT Une surreprésentation des troubles du langage écrit chez les enfants issus de milieux défavorisés? Une prise en charge orthophonique moindre? Une corrélation entre trouble du comportement ou trouble de l’humeur et trouble du langage écrit? 30
Etude 2: Diagram Flow 31
Patients hospitalisés en 2007: N = 228 Pris en charge par l’ASE Etude 1: Diagram Flow Patients hospitalisés en 2007: N = 228 Screening N =104 Pris en charge par l’ASE N= 50 Non ASE N = 54 22 bilans 16 bilans 32
LES EPREUVES BILAN SCREENING Déchiffrage : LUM (Khomsy) Compréhension écrite : 64 phrases (traduit du GORT 4 par M.Plaza) et TLC IV Transcription : Chronosdictées (Baneath et al.) BILAN LANGAGE ORAL ELO (Khomsy) TLOCC (Maurin) TLC langage figuratif et ambiguïtés PRE-REQUIS Conscience phonologique : Phonolec (Gatignol et Al.) Traitement intermodal : DRA (Plaza et Al.) LANGAGE ECRIT Lecture de mots et de logatomes : Phonolec (Gatignol et Al.) 33
DES TROUBLES DU LANGAGE ECRIT PLUS FREQUENTS CHEZ LES ENFANTS DE L’ASE ? Nombre de patients ayant un degré de sévérité supérieurs à 2 au screening 34
QU’EN EST-IL DU LANGAGE ORAL ET DES PRE-REQUIS ? Des compétences moindres en langage élaboré (Total phrases TLOCC p=0,019, total figuratif TLC p= 0,016) Un déficit significatif en conscience phonologique (élision syllabique p=0,007 et élision phonémique p=0,012) Des voies d’assemblage et d’adressage plus fragiles (lecture de logatomes p=0,028; réguliers p= 0,029; irréguliers p= 0,031) 35
IMPACT DE LA SEVERITE DE LA PRISE EN CHARGE SOCIALE ? Plus la prise en charge sociale est sévère (simple mesure éducative versus placement), plus les compétences langagières sont déficientes En lecture (Erreurs d’oralisation p=0,044) En orthographe (Total chronodictées p=0,031) En compréhension écrite (TLC IV p=0,02) En conscience phonologique (élision syllabique p=0,021) 36
QUELLE PRISE EN CHARGE POUR CES ENFANTS ? 3,5 fois moins de suivi orthophonique pour les enfants de l’ASE éprouvant des difficultés marquées en langage 95%CI=[1,03-12,05] p= 0,038 Nombre de patients suivis en orthophonie parmi ceux en difficultés face au langage écrit. N= 62 37
Etude 2: Conclusion Une association entre facteurs psycho-environnementaux et trouble du langage écrit avérée Peu de prises en charge orthophoniques pour les enfants bénéficiant d’une prise en charge ASE Un lien entre troubles du comportement et trouble du langage écrit et oral établi 38