La chute des prix sur les marchés de gros du gaz naturel en 2014 Emmanuel Chaslin, 19-03-2015 La chute des prix du gaz
Les prix du gaz des trois principales zones d’échange ont nettement baissé en 2014 Auteur avec des données Reuters Le Henry Hub sert de référence pour le marché de gros aux Etats-Unis, le TTF, situé en Hollande, est désormais le point de trading virtuel sur lequel s’échangent les plus gros volumes en Europe, et le prix du GNL livré au Japon, qui importe la totalité de ses besoins, sert de référence pour l’Asie. La chute des prix du gaz
Un premier facteur explicatif : l’appréciation du dollar Le dollar s’est apprécié à partir du deuxième semestre 2014, ce qui réduit les prix exprimés en dollars. Auteur avec des données Reuters Mais le facteur taux de change n’explique qu’une partie du phénomène : il suffit pour le prouver de montrer que le prix du gaz en Europe (TTF), exprimé en €/MWh, est nettement plus faible en 2014 que dans un passé proche. Auteur avec des données Reuters La chute des prix du gaz
C’est en Asie que la baisse des prix du gaz naturel est la plus marquée 1 Le marché asiatique La chute des prix du gaz
Le marché du gaz naturel en Asie Depuis l’arrêt des réacteurs nucléaires japonais après Fukushima, l’Asie orientale est la zone où est livrée la majorité du GNL, seul moyen d’approvisionner ces zones éloignées des gisements. Le Japon et la Corée du Sud représentent plus de 50% des importations mondiales (1). L’offre de GNL est sous-capacitaire depuis des années en raison des investissements longs et lourds nécessaires à la construction de terminaux de liquéfaction, et de la hausse inattendue de la demande après Fukushima. Les prix des contrats GNL sont donc globalement plus élevés que ceux des contrats sur gazoducs, aux dépends des importateurs qui comptent sur ces approvisionnements. Le déséquilibre entre offre et besoins est particulièrement sensible dans la zone Pacifique. Les pays asiatiques doivent donc payer une prime pour concurrencer l’Europe sur les méthaniers du bassin Atlantique (le surcoût pour une cargaison en provenance du Nigeria est de 2,2$/MMBtu(1)) 11 mars 2011 : tsunami à Fukushima Auteur avec des données Reuters Les prix des importations de GNL ont nettement baissé en 2014 (-67% entre février 2014 et février 2015), pour atteindre des niveaux inférieurs à ceux observés avant Fukushima. Une demande modérée, une capacité mondiale de production de GNL en hausse, une forte indexation sur les prix du pétrole et les anticipations d’une reprise probable de la production nucléaire expliquent cette chute. (1) LNG Outlook 2015, Reuters La chute des prix du gaz
La chute des cours du gaz en Asie : l’équilibre offre demande sur le marché du GNL Des températures douces et des performances économiques décevantes, particulièrement au Japon, limitent la hausse de la demande de gaz naturel en Asie. La consommation baisse en 2014 de 9% en Corée du Sud, augmente de 14% en Chine (contre 23% en 2013), et stagne au Japon (1). L’offre de GNL dans le Monde a augmenté d’environ 16 Md m3/an en 2014 (pour une capacité de liquéfaction de 400 Md m3/an) Les capacités de production de GNL augmentent particulièrement dans la zone Pacifique : une usine de liquéfaction d’une capacité de 9,5 Md m3/an a ouvert en mai en Papouasie Nouvelle Guinée, une autre de 10 Md m3/an en Australie a commencé à livrer début 2015. Cette dernière entraine, avec trois autres projets qui entreront en production en 2015, une augmentation considérable de la capacité de liquéfaction australienne, de 54 Md m3/an(1). C’est un tournant majeur pour ce marché traditionnellement en sous capacité. Auteur avec des données Reuters (1) LNG Outlook 2015, Reuters La chute des prix du gaz
La chute des cours du gaz en Asie : autres facteurs baissiers Les contrats long-terme des importateurs asiatiques sont fortement indexés sur les cours du pétrole brut. La baisse du brut impactant les prix de ces contrats avec un décalage de quatre mois (1), elle n’a pas encore été intégrée dans son intégralité par les prix du gaz : les importations par le biais de contrats long-terme, qui représentent plus de 90% des importations du Japon par exemple, coûtent encore une quinzaine de $/MMBtu (2). L’anticipation d’un redémarrage de certains réacteurs nucléaires japonais dès mai tire vers le bas les prévisions de demande (3). Auteur avec des données Reuters LNG Outlook 2015, Reuters Institute for Energy Economics cite par le LNG Journal http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/03/10/malgre-l-hostilite-de-l-opinion-japonaise-la-relance-du-nucleaire-est-acquise_4590667_3244.html La chute des prix du gaz
La baisse des prix du gaz est également très marquée en Europe 2 Le marché européen La chute des prix du gaz
Un prix du gaz bas en Europe en 2014 Les prix du gaz en euros ont été exceptionnellement bas à l’été 2014, et le sont restés au deuxième semestre malgré la dépréciation de l’euro face au dollar (monnaie dans laquelle sont contractées la plupart des importations de gaz). La consommation peu élevée, la chute des cours du pétrole brut, et la baisse des prix du GNL en Asie, expliquent la baisse des prix en Europe. Les tensions sur les livraisons de gaz russe via l’Ukraine, et la dépréciation de l’euor, soutiennent les prix européens. Auteur avec des données Reuters La chute des prix du gaz
La baisse de la consommation sur le marché européen du gaz en 2014 La consommation de gaz en UE sur les 9 premiers mois de 2014 a baissé de 14% par rapport à l’année précédente, en raison températures particulièrement douces sur les premiers mois 2014. Les mêmes résultats sont à attendre pour le dernier trimestre, avec des températures nettement au dessus des moyennes de saison. Taux de remplissage des stocks de gaz en Europe Auteur avec des données Eurostats Par conséquent les stocks de gaz ont terminé l’hiver 2014 à un niveau de remplissage bien supérieur à celui observé l’hiver précédent. C’est la principale cause des prix historiquement bas observés à l’été 2014. Quaterly Report on European gas markets, Commissions Européenne La chute des prix du gaz
Les autres facteurs en Europe L’indexation du prix du gaz aux prix du pétrole tire les marchés européens à la baisse : 43% de la consommation européenne est importée via des contrats indexés au pétrole (1). Cette indexation est généralement décalée de quelques mois, la baisse des cours du pétrole brut n’est donc pas encore complétement prise en compte par les prix. La baisse des prix du GNL (voir « Le marché asiatique ») bénéficie aux importateurs européens. La guerre en Ukraine et les tensions avec la Russie soutiennent néanmoins les prix. Les craintes d’une rupture des approvisionnements via l’Ukraine (qui représentent 15% des importations de l’UE) ont provoqué des envolées de prix en septembre et février derniers(2). Enfin, la dépréciation de l’euro est à suivre comme un facteur de hausse du coût du gaz pour les importateurs européens. Auteur avec des données Reuters Quaterly Report on European gas markets, troisième trimestre 2014, Commissions Européenne http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/02/26/moscou-fait-a-nouveau-monter-la-pression-sur-le-gaz-ukrainien_4583373_3214.html La chute des prix du gaz
La baisse des cours du gaz naturel est plus modérée aux Etats-Unis 3 Le marché américain La chute des prix du gaz
Le marché aux Etats-Unis est moins impacté par la baisse du brut Depuis 2008, les Etats-Unis bénéficient d’un gaz très bon marché, grâce à l’explosion de la production de gaz de schistes. Pour exporter le gaz américains vers les grandes régions de consommation, il faut le liquéfier. Le montant élevé des investissements nécessaires à la construction d’infrastructures de liquéfaction, ainsi que des contraintes réglementaires, ont pour l’instant empêché l’écart de prix entre zones géographiques de se résorber. Cet écart s’est toutefois en partie résorbé en 2014. En effet, le marché spot du gaz aux Etats-Unis est plus développé qu’ailleurs. L’indexation des prix du gaz sur le marché du pétrole brut n’a donc presque plus cours aux Etats-Unis, et le marché spot du gaz est moins corrélé aux cours du pétrole quand dans les autres zones géographiques. C’est pourquoi la baisse du prix du gaz naturel sur le marché américain est moindre que dans les autres zones géographiques. Hiver 2014 exceptionnellement froid Auteur avec des données Reuters La chute des prix du gaz
Les perspectives pour 2015 La chute des prix du GNL est dictée par des fondamentaux solides : après des années de sous-capacité, les nouvelles installations de liquéfaction qui ont commencé à produire en 2014 ou vont voir le jour en 2015 dans la zone Pacifique sont suffisantes pour satisfaire des besoins asiatiques en faible croissance. 2014 constitue donc un tournant majeur sur ce marché, le surcoût du GNL par rapport au gaz naturel sous sa forme gazeuse n’étant plus justifié : ainsi, des constructeurs des usines de liquéfaction géantes aux Etats-Unis (Excelerate, BG Group) ont déjà annoncé un report de leurs projets(1). Les cargaisons désormais disponible permettront aux importateurs européens de diversifier leurs approvisionnements. Les marchés du gaz en Europe et en Asie sont corrélés au marché du pétrole : malgré la renégociation des contrats à long terme, censée réduire leur prix, les importations de gaz naturel restent indexées sur le marché du pétrole brut, avec un retard de quelques mois. Si le baril de pétrole continue à s’échanger sous les 60$, les prix du gaz sur ces marchés se rapprocheront encore plus des prix américains. L’appréciation du dollar par rapport aux monnaies des pays importateurs, qui pourrait se poursuivre si la FED décide d’augmenter ses taux, modère l’effet de la baisse des cours du gaz pour ces pays. De même, les tensions avec la Russie soutiendront les prix du gaz en Europe en 2015. http://www.reuters.com/article/2015/03/13/usa-lng-cutbacks-idUSL5N0WE59N20150313 La chute des prix du gaz