Maurizio Ambrosini, université de Milan, directeur de la revue “Mondi migranti” Les printemps arabes, l’Italie et l’Europe: un regard sociologique
Les printemps arabes: du soutien à la peur? Vus de l’Europe, les printemps arabes ont rapidement perdu les sentiments positifs qu’ils avaient suscités. La Méditerranée, jadis lieu d’échanges et de rencontres, tend à se séparer entre Nord et Sud Deux sont les craintes plus répandues: 1)la perte de contrôle sur les migrations 2)la prise de pouvoir de la part de mouvements islamistes et les attaques de terroristes
Les migrations et les Etats nationaux L’immigration trouble les frontières entre les nations: les immigrés sont des étrangers (pauvres) qui s’installent à l’extérieur des frontières de leur Etat- nation Comme la capacité des Etats, même développés, de protéger leur citoyens au point de vue économique et social baisse, le Etats nationaux montrent un plus fort investissement sur l’aspect symbolique de la protection des frontières Tandis que l’économie se globalise, la politique se nationalise de nouveau
Une mobilité humaine selective Les migrations qualifiées sont souhaitées, et appelées « mobilités», d’autres formes de mobilité sont admises (tourisme, voyages d’affaires, mobilité des étudiants), tandis que les migrations de travailleurs manuels sont en principe interdites À plus fort raison, l’immigration irrégulière est une incessante et contrastée redéfinition des frontières Les demandeurs d’asile posent des problèmes: on ne peut pas les refuser, mais on ne veut pas les admettre Par ex.: TF1 en ces jours appelait encore « clandestins » les réfugiés arrivés par la mer Méditerranée
Une fermeture contrastée Comme règle générale, l’économie tend à ouvrir, la politique tend à fermer Le marché du travail demande de la main d’œuvre peu exigeante et flexible D’autres intérêts favorisent l’ouverture des frontières: tourisme, échanges cultures, attraction d’étudiants…. Les droits humains, l’accueil des réfugiés et les acteurs qui les défendent, sont un autre facteur d’ouverture Les migrants et leur réseaux essayent de trouver des brèches dans les mur des nations développées
Acceptation sociale et reconnaissance officielle Acceptation sociale Reconnaissa nce officielle NoYes NoExclusion Ni acceptés, ni reconnus (par ex.: migrants irréguliers sans emploi) Tolerance Acceptés, mais non reconnus (par ex.: travailleuses domestiques irrégulières) YesStigmatisation Reconnus, mais non acceptés (par ex.: réfugiés) Intégration (par ex.: immigrés réguliers et employés)
Le cas des réfugiés 86% des réfugiés du monde sont accueillis dans des pays du Tiers Monde L’Europe en accueille environ le 10% Liban, Turquie, Jordanie accueillent chacun plus de réfugiés des 28 pays membres de l’UE dans l’ensemble Mais le sentiment largement répandu est celui d’une invasion
Les réactions européennes Les transporteurs comme cible: la criminalisation et le cercle vicieux qui en découle La nostalgie pour les régimes autoritaires La demande de stabilisation politique, notamment en Lybie, et de control sur les départs de navires l’hypothèse d’intervention armée Le mélange entre transport de réfugiés et terrorisme Les égoïsmes nationaux et les conflits intra-européens sur l’accueil
Conclusions 1: la politique Une Europe repliée sur soi même et sur ses problèmes internes n’a pas un regard lucide vers le rivage Sud de la Méditerranée Les exploitations politiques du dossier n’aident pas la recherche de solutions Une action avant tout culturelle est nécessaire pour contrecarrer les craintes et le refus envers l’Autre, surtout quand il s’agit de demandeurs d’asile
Conclusions 2: et les chrétiens? La voix des églises se lève, mais elle semble faible Des coopératives, associations et groupes de bénévoles sont actifs, surtout dans le Sud de l’Italie, mais on se pose la question si l’on pourrait faire plus L’idée de la Méditerranée comme espace partagé, d’un destin en commun et de la fraternité Nord-Sud est encore à construire