Chapitre 2 Les inégalités sociales : enjeux méthodologiques et réalité empirique en France en 2014.

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Chapitre 2 Les inégalités sociales : enjeux méthodologiques et réalité empirique en France en 2014

Partie 1 Définir et mesurer les inégalités sociales

Introduction : des points de vue démultipliés Le débat public sur le niveau et la dynamique des inégalités sociales en France est confus et contradictoire. Une raison est qu’il existe de multiples méthodes pour appréhender les inégalités et la pauvreté, qui varient : selon l’agrégat dont on mesure l’inégalité (salaire, revenu disponible, patrimoine, santé, éducation, opportunités, conditions de vie…) selon la population dont on étudie l’inégalité (ménages, individus, unités de consommation, territoires, classes sociales, groupes ethniques…) selon l’indicateur d’inégalité ou de pauvreté utilisé (Gini, Theil, Lorenz, Lorenz généralisé pour l’inégalité / headcount, Sen, Watts pour la pauvreté…) De plus, les données ne sont pas toujours disponibles ou le sont de manière fragmentaire, au gré des enquêtes statistiques.  Selon l’outil retenu, le tableau des inégalités sociales peut être différent.

A. La base d’information des inégalités et de la pauvreté

La « condition sociale » peut être appréhendée de multiples façons La « condition sociale » peut être appréciée de multiples façons. Elle dépend : de l’unité d’observation retenue : individus , ménages au sens de l’INSEE, familles, CSP, territoires, classes d’âge, genres, groupes ethniques… de l’étalon de mesure choisi pour apprécier la situation de ces unités, qui peut être quantitatif ou qualitatif, subjectif ou objectif, monétaire ou non monétaire, uni- ou multi-dimensionnel... On propose de distinguer deux grandes familles d’approches : Approches quantitatives et objectives Monétaire et unidimensionnelle = approche statistique « standard » Multidimensionnelle = approches alternatives Approches qualitatives et subjectives : bonheur, satisfaction… 5

1. L’approche monétaire : niveau de vie par unité de consommation (INSEE)

Du salaire au revenu disponible Salaire net Source statistiques : INSEE, déclarations automatisées de données sociales (DADS) Limites : ne mesure pas les avantages en nature, les primes, les bonus, les formes d’intéressement aux résultats de l’entreprise, le niveau de rémunération des temps partiels subis… Revenu disponible : revenu que le ménage peut dépenser Revenus d’activité Revenus du patrimoine Transferts entre ménages Prestations sociales (y compris pensions de retraite & indemnités chômage) Déduction faite des impôts directs (impôt sur le revenu, taxe d'habitation, CSG et CRDS) Limites : ne tient pas compte de la taille du ménage Revenus fiscaux déclarés 7

Du revenu disponible au niveau de vie Niveau de vie d’un ménage : revenu disponible pondéré par la taille du ménage mesurée en termes d’unités de consommation. Il renvoie à un revenu disponible par personne identique pour tous les membres d’un même ménage Définition : unités de consommation (UC) selon l’échelle d'équivalence de l'OCDE modifiée : 1 UC au premier adulte du ménage 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans ou plus 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans

Des différences notables selon l’étalon de mesure : un exemple

Débats méthodologiques en cours Conseil national pour l’information statistique (CNIS) (responsables d’associations, chercheurs, journalistes, représentants syndicaux, professionnels de la statistique…) : trois extensions discutées notion de loyer imputé (ou loyer « fictif ») pour les propriétaires de plein droit (équivalent du loyer qu’ils n’ont pas à payer) valorisation de la production domestique (problème du taux de salaire à imputer ; importance du temps passé à ces activités) Valorisation monétaire des consommations de services publics individualisables (notamment l’éducation ou la santé). Cette valorisation pose problème. Par exemple, tenir compte des dépenses de santé = serait comptabilisé comme une « richesse » pour les ménages… alors que cela renvoie à une santé médiocre et donc ) une perte de niveau de vie objective  De nombreux débats en cours ; pose le problème de la monétisation du niveau de vie

2. De nombreuses approches alternatives

De nombreuses approches alternatives pour estimer la condition sociale Bonheur et satisfaction dans la vie Niveaux d’éducation Trajectoires sociales (thématique de la mobilité) Capabilités à la Amartya Sen

B. Indicateurs de mesure des inégalités

Plusieurs points de vue coexistent Il n’existe pas de cadre théorique unifié décrivant toutes les façons de mesurer l’inégalité et la pauvreté. Les économistes superposent plusieurs points de vue qui permettent d’éclairer différents aspects de la construction des indicateurs d’inégalités. Calcul de ratios simples Indicateurs d’inégalités construits en relation avec des fonctions de bien-être social fondées sur des principes axiomatiques précis Indicateurs associés à des représentations graphiques 14

1. Pourcentiles et rapports interquantiles

Pourcentiles Les pourcentiles (déciles ; quintiles ; centiles) sont les seuils qui partagent la distribution des niveaux de vie en parts (10 ; 5 ; 100) comportant autant d'individus. En 2011 (données publiées en 2014, INSEE) P 99 : 99% des UC vivent avec moins de 7750 euros par mois D9 : 90% des UC vivent avec moins de 3266 euros par mois D5 : 50% des UC vivent avec moins de 1633 euros par mois D1 : 10 % des UC vivent avec moins de 875 euros par mois 16

Rapports inter-pourcentiles D9/D1 compare le niveau de vie des plus riches à celui des plus pauvres D9/D5 compare le niveau de vie des plus riches avec la médiane D5/D1 compare le niveau de vie de la médiane avec celui des plus pauvres

Rapports inter-pourcentiles

2. Indicateurs d’inégalité associés aux fonctions de bien-être social Source : Gajdos T. (2001) Les fondements axiomatiques de la mesure des inégalités [télécharger]

(1) La notion de bien-être social Supposons que la variable x mesure le bien-être. On observe sa valeur dans la population (échantillon représentatif) pour tous les individus i = 1,…,n qui la composent. Le bien-être social W atteint par la société est décrit par la fonction La fonction V doit respecter certaines propriétés (nombreux axiomes, cf. Gajdos, 2001 ou Duclos, 2002). Anonymat : le bien-être de la société ne dépend que des valeurs de la variable x et non de l’identité des individus . V est invariante pour toute permutation des xi (axiome d’invariance). 21

(1) La notion de bien-être social Fonction croissante en xi : le bien-être social augmente quand au moins un individu reçoit plus de x et aucun n’en reçoit moins (amélioration au sens de Pareto) Homogénéité de degré 1 : tout changement proportionnel de x se traduit par le même effet sur W Aversion à l’inégalité et principe des transferts de Pigou-Dalton (1920) : la fonction V augmente d’autant plus que l’on améliore le niveau de vie des plus pauvres. Propriété mathématique associée = quasi-concavité de la fonction V.  tout transfert de x d’un individu riche vers un individu pauvre augmente la fonction de bien-être social V ; à l’extrême, V est maximale lorsque toutes les valeurs de x sont égales 22

(2) De la fonction de bien-être social à la mesure des inégalités Selon le principe d’homogénéité : donc avec μ = la moyenne des valeurs de x dans la population de taille n Selon le principe des transferts La valeur du bien-être social W est égale à nμ lorsque tous les revenus dans l’économie sont égaux Toute allocation inégale des revenus entraîne une diminution du bien-être social total W selon un paramètre proportionnel au degré d’inégalité I Arbitrage égalité / efficacité 23

(3) L’indicateur d’Atkinson (1970) La fonction de bien-être social d’Atkinson s’écrit et pour pour Le paramètre ɛ décrit l’aversion de la société pour l’inégalité Si ɛ = 0 il n’y a aucune aversion à l’inégalité. Qu’il soit distribué à un riche ou à un pauvre, un euro supplémentaire augmente pareillement le bien-être social W. Si ɛ   l’aversion à l’inégalité est extrême et le bien-être social est confondu avec le bien-être de l’individu le plus pauvre (Rawls) 24

(3) L’indicateur d’Atkinson (1970) Les indices d’inégalité associés à la fonction de bien-être social d’Atkinson s’écrivent : si 25

(4) Indicateurs d'entropie (décomposables en sous-groupes) L'indicateur IE varie entre 0 (égale distribution des niveaux de vie) et + , avec le niveau de vie de l'individu i le niveau de vie moyen le nombre d'individus un paramètre de sensibilité à l‘inégalité (lorsque  <2, des transferts réalisés vers la queue inférieure de la distribution diminuent plus fortement la valeur de l'indicateur d'inégalité) Cas particuliers : Indicateur de Theil 26

3. Indicateurs d’inégalité associés à une représentation graphique

(1) La courbe de Lorenz Définition : la courbe de Lorenz rapporte la population cumulée (axe horizontal) aux niveaux de vie cumulés (axe vertical). Ici 40% des communes disposent de 30% du revenu total disponible 70% des communes disposent de 60% du revenu total disponible Plus la courbe de Lorenz est proche de la première diagonale, plus les individus disposent de parts égales de l'indicateur de niveau de vie : l'inégalité peut être visualisée comme l'aire qui sépare ces deux courbes. 28

(2) Courbe de Lorenz et le classement d’états sociaux On peut utiliser la courbe de Lorenz pour classer des états sociaux caractérisés par des distributions différentes d’une variable donnée dans la population. On préfère l’état social se rapprochant de la première diagonale : ici, on préfère A à B et C. Limite : lorsque deux courbes de Lorenz se croisent, on n’a pas de critère pour trancher La distribution C est plus égalitaire que B pour les plus riches et les plus pauvres… … mais plus inégalitaire pour les classes moyennes. 29

(3) La courbe de Lorenz généralisée La courbe de Lorenz généralisée permet de représenter graphiquement les arbitrages entre efficacité (moyenne de la distribution) et équité (degré d’inégalité) dans la comparaison entre différents états sociaux. Elle est construite en multipliant les parts cumulées de ressources de la courbe de Lorenz par le montant moyen des distributions étudiées. Ainsi, on peut voir que La distribution C est plus inégalitaire que A… … mais elle possède une moyenne plus élevée. 30

(4) Le coefficient de Gini Le coefficient de Gini est l'aire A divisée par la somme des aires A et B Le coefficient varie entre 0 (égalité parfaite) 1 (inégalité totale) Il existe de nombreuses formules permettant de calculer le coefficient de Gini. La plus simple à utiliser est μ moyenne des niveaux de vie N nombre d'individus Pi rang du niveau de vie de i Xi niveau de vie de i 31

(5) Avantages et limites du coefficient de Gini Lien avec la courbe de Lorenz : interprétation géographique immédiate Interprétation intuitive : le coefficient de Gini s'interprète comme l'espérance de la différence des niveaux de vie de deux ménages tirés au sort dans la population Le coefficient de Gini n'est pas additif : le coefficient de Gini des niveaux de vie de la population totale n'est pas égal à la somme des coefficients de Gini des niveaux de vie de différents sous-groupes de la population Le coefficient de Gini pondère de façon identique les individus situés en tête et en queue de distribution Le coefficient de Gini est sensible à des transferts entre individus, mais cette sensibilité ne dépend pas de l'endroit où s'effectuent ces transferts (riche – pauvre, riche - médiane). 32

C. Indicateurs de mesure de la pauvreté

Mesurer la pauvreté : 3 éléments méthodologiques 1) La base d'information du niveau de vie (pauvreté monétaire vs. pauvreté en conditions de vie) 2) Le seuil de niveau de vie en-deçà duquel on considère que les individus sont pauvres - Seuil absolu ? - Seuil dépendant du contexte ? 3) Un indicateur de mesure permettant de quantifier la pauvreté - Suffit-il de compter le nombre de pauvres ? Faut-il calculer leur proportion ? - Doit-on (et si oui, comment) mesurer l'intensité de la pauvreté ? Nombre d'individus Distribution de l'indicateur du niveau de vie Niveau de la pauvreté Valeur de l'indicateur de niveau de vie z Seuil de pauvreté 34

1. L’importance des seuils de pauvreté

Le débat sur le seuil de pauvreté : seuil et pauvreté absolus Seuil absolu : cherche à renseigner sur les dépenses minimales pour assurer un niveau de vie tolérable. Il peut être exprimé en relation à un panier de biens ou en unités monétaires. Il remonte aux travaux du Rowntree (fin XIXe, début XXe) Exemples 1 ou 2 dollars par jour pour les comparaisons internationales par la BM Revenu nécessaire pour garantir un apport calorique donné (2 400 kcal, …) Revenu nécessaire pour acheter un panier de biens et services essentiels (mis à jour selon la structure de la consommation et du coût de la vie) = l’approche retenue aux États-Unis et au Canada En France : pauvreté en conditions de vie (cf. infra) Limites Difficile à faire à évoluer dans le temps et dans l’espace Souvent très restrictif + ne tient pas compte du fait que la pauvreté est une exclusion des modes de vie minimaux de la société Contradiction avec le caractère absolu de la mesure et la composition particulière des paniers de biens 36

Possessions matérielles (Cuba) www.menzelphoto.com 37

Possessions matérielles (USA) www.menzelphoto.com 38

Possessions matérielles (Mali) www.menzelphoto.com 39

Le débat sur le seuil de pauvreté : pauvreté et seuils relatifs Seuil relatif : pauvre = exclu des modes de vie minimaux acceptables dans chaque société. Remonte aux 30 Glorieuses où la pauvreté absolue était censée disparaître En France et en Europe, le seuil de pauvreté est fixé à 60% du revenu médian (anciennement 50%). Des effets de seuil peuvent fortement modifier le nombre des personnes considérées comme pauvres : selon que l’on fixe le seuil à 50 ou à 60%, on passe de 4 à 8 millions de personnes pauvres en France en 2009 (Louis Maurin dénonce le brouillage des réalités sociales qui en résulte : la « France pauvre » est ainsi confondue avec la « France modeste ») 40

Évolution des seuils de pauvreté depuis 1970

2. Indicateurs de mesure de la pauvreté

Indicateur d'incidence de la pauvreté (headcount ou taux de pauvreté)

(Insee, 2014)

Indicateur d'incidence de la pauvreté (headcount ou taux de pauvreté)

Taux et intensité de la pauvreté : des divergences empiriques récentes Situation « avant la crise »

Intensité et taux de pauvreté en France (Insee, 2014)

Intensité et taux de pauvreté en France (Insee, 2014) : des évolutions contrastées (« méthodo matters »…) Le taux de pauvreté diminue, mais l’intensité de la pauvreté augmente En 2012, 8,5 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté monétaire qui s’élève à 987 euros par mois (RSA personne seule 475 euros / Allocation de solidarité pour personnes âgées 777 euros). Le taux de pauvreté monétaire s’élève à 13,9 % de la population, soit une baisse de 0,4 point par rapport à 2011. Ce recul du taux de pauvreté au seuil de 60 % du niveau de vie médian s’inscrit toutefois dans un contexte où ce niveau de vie médian recule lui-même de 1,0 % ; il n’est pas le signe d’une hausse du niveau de vie des catégories les moins favorisées. De fait, la moitié des personnes pauvres vivent avec moins de 784 euros par mois, soit, en euros constants, un niveau qui n’avait pas été aussi bas depuis 2006. L’intensité de la pauvreté augmente donc nettement, passant de 19,1 % en 2011 à 20,5 % en 2012 : les personnes pauvres sont globalement plus éloignées du seuil de pauvreté. Le taux de pauvreté au seuil de 50 %, qui cible une population plus pauvre que le taux au seuil de 60 % (seuil retenu le plus souvent au niveau européen) passe d’ailleurs de 7,9 % en 2011 à 8,1 % en 2012.

La France bien placée parmi les pays européens

Indicateurs de pauvreté « axiomatiques » : l’indicateur de Sen (1976) Formule L'indicateur de pauvreté de Sen est la moyenne de l'indicateur d'incidence de la pauvreté (headcount H) et de l'indicateur d'intensité de la pauvreté (poverty gap PG) pondérée par l'indicateur d'inégalité de Gini (Gz) – cf. infra Avantages Sensible à la distribution du bien-être entre les pauvres (comme PG2) Construit de façon à respecter plus de principes axiomatiques que les indicateurs d'incidence et d'intensité de la pauvreté, notamment le principe de transfert de Pigou-Dalton Limite Pas de décomposabilité en sous-groupes (car dépend du coefficient d'inégalité de Gini) : on ne peut pas calculer la contribution de sous-groupes à la pauvreté totale 54

Indicateurs de pauvreté « axiomatiques » : la famille FGT (1984) Formule générale des indicateurs de pauvreté de la famille FGT Ces indicateurs expriment la pauvreté comme la somme cumulée des déficits de bien-être des individus pauvres (exprimée en % du seuil de pauvreté) pondérée par le rang des individus pauvres Remarque 1 Indicateurs de pauvreté de la famille FGT selon le paramètre de sensibilité de l'indicateur à la pauvreté Valeur de α Indicateur P0 Incidence (headcount) P1 Intensité (poverty gap) P2 Sévérité (poverty gap quadratique) Pα> 2 FGT Pα=∞ Déficit de pauvreté de l'individu le plus pauvre 55

Indicateurs de pauvreté « axiomatiques » : la famille FGT (1984) Remarque 2 : plus α est élevé, plus les déficits de bien-être des pauvres pèsent lourd dans la mesure de la pauvreté α = 0 incidence α = 2 sévérité α = 1 intensité α → ∞ x z Contribution des déficits de bien-être à l'indicateur de pauvreté selon le rang des pauvres et selon le paramètre de la fonction FGT 56

Axiomes normatifs et indicateurs de pauvreté (Zeng, 1997) Headcount 57

Indicateurs de pauvreté « axiomatiques » : indicateur de Watts (1968) L'indicateur de pauvreté de Watts (Watts, 1968, Zheng, 1993) respecte un ensemble élargi d'axiomes raisonnables pour un indicateur de pauvreté En particulier, il est - Décomposable en sous-groupes - Sensible aux déficits de bien-être des plus pauvres Limite : pas d'interprétation intuitive. Il est de plus en plus utilisé par les chercheurs… mais pas dans la statistique publique ! 58