La dépression de la personne âgée

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Transcription de la présentation:

La dépression de la personne âgée Docteur Peeters Anne Psychogériatre Service de psychogériatrie Hôpital Sainte Thérèse, GHdC

Il faut tout d’abord bannir la croyance erronée que dépression et grand âge vont de pairs Trop souvent la dépression est considérée comme banale chez la personne âgée et assimilée à tort au vieillissement normal La vieillesse est une période de crise et de fragilisation en raison de pertes multiples subies mais l’âge et le temps n’arrêtent en aucun cas le désir de vivre!

On peut considérer qu’une diminution des intérêts est normale avec le vieillissement Lors d’une dépression, le manque d’intérêt prend un caractère pénible voir touche les plaisirs les plus fondamentaux comme le plaisir de manger La personne exprime un sentiment de vide intérieur, elle n’éprouve plus ni joie ni tristesse La fatigue demeure un des symptômes les plus communs. Elle se manifeste par un sentiment d’épuisement, d’accablement, d’exténuation

Ne pas passer à côté! Fréquente Population générale de plus de 65 ans prévalence de la dépression de 8 à 16% chez les plus de 85 ans, de 12 à 15% Population institutionnalisée prévalence de la dépression de 35% Peu exprimée un certain nombre de sujets âgés éprouvent des difficultés à se reconnaître dépressifs et à s’en plaindre Mal diagnostiquée et donc mal traitée Peut prendre différents masques

Spécificité de la dépression chez le sujet âgé (Adapté de Katona et coll. Aging&Mental Health 1997)

Facteurs de risque Organiques et biologiques Antécédents de dépression pathologies somatiques chroniques difficultés cognitives, troubles du sommeil… diminution des neurotransmetteurs au niveau cérébral (sérotonine, noradrénaline et dopamine) risques génétiques (mal connus) Antécédents de dépression Perte d’autonomie et la réduction d’activités Environnementaux la perte de proches (veuvage) et dates anniversaires de décès la carence en relations intimes et en relations de confiance l’isolement social et les problèmes financiers

forme typique de l’épisode dépressif majeur Selon le DSM-IV-TR trouble de l’humeur forme typique de l’épisode dépressif majeur

Au moins 1 des symptômes de 1er rang humeur dépressive, signalée par le sujet ou par les autres anhédonie, perte d’intérêt ou de plaisir, pour les activités Au moins 4 des symptômes de 2ème rang perte ou gain de poids significatif en l’absence de régime insomnie ou hypersomnie agitation ou ralentissement psychomoteur asthénie, fatigue ou perte d’énergie sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive diminution de l’aptitude à penser, se concentrer, indécision pensées de mort ou idées suicidaires récurrentes ou TS Pendant une durée d’au moins 2 semaines, pratiquement toute la journée et presque tous les jours Représente un changement par rapport au fonctionnement antérieur

Selon le DSM-IV-TR trouble de l’humeur dysthymie

Présence d'au moins deux symptômes parmi ceux-ci: Humeur dépressive présente pratiquement toute la journée plus d'un jour sur deux pendant au moins deux ans (sans répit de plus de deux mois) Présence d'au moins deux symptômes parmi ceux-ci: perte d’appétit ou hyperphagie insomnie ou hypersomnie baisse d'énergie ou fatigue faible estime de soi difficulté de concentration ou difficulté à prendre des décisions sentiment de perte d’espoir

Formes masquées masque anxieux masque somatique masque hypochondriaque masque délirant masque hostile masque conatif masque démentiel

Masque anxieux Il n’y a généralement pas d’antécédents anxieux Un événement déclenchant peut être présent mais parfois il n’y a pas de raison apparente L’anxiété peut s’exprimer par accès itératifs d’angoisse inexpliquée inquiétude permanente grande appréhension, peur de tout impossibilité à se détendre importantes ruminations gémissements, lamentations…… La quête d’apaisement est pressante, parfois irritante pour l’entourage

Masque somatique 45 à 80% des personnes âgées souffrent de douleurs chroniques depuis des années céphalées, ostéo-articulaires et musculaires… désordres gastro-intestinaux, douleurs abdominales douleurs thoraciques, « mal au cœur »… ! déni d’une dépression et absence de tristesse Le sujet parle et communique avec son corps, plutôt que par la parole et la pensée. Cette douleur du corps correspond souvent à une souffrance psychologique avec un besoin d’attention et d’affection Il est important d’évaluer le sens que prend la douleur dans une histoire de vie

Masque hypochondriaque La personne se plaint d’un mauvais fonctionnement d’une ou de plusieurs parties de son corps fonctions digestive, cardiaque, respiratoire, urinaire… céphalées présence d’un cancer… Le sujet est entièrement polarisé sur lui-même. Il a la crainte, la croyance d’être atteint d’une maladie grave. Cet état est à l’origine d’une souffrance significative Des examens, des soins médicaux et des traitements sont exigés de manière revendicatrice A travers le médecin est maintenu le lien à l’autre

Le syndrome de Cotard associe état dépressif sévère avec douleur morale, tristesse idées de ruine négation d'organe ou de fonction physiologique conviction de ne plus avoir de cœur ou d’intestins conviction de ne plus pouvoir uriner... idée de damnation : le sujet pense être si mauvais et méprisable qu’il est damné et risque de causer du tort à toute personne qu’il croise idée d'immortalité l’avenir est si bouché qu'il n'a même plus l'issue de la mort

Masque délirant Des faits banals sont interprétés péjorativement idée de préjudice « on me vole » idée de persécution « on me veut du mal » jalousie « ruine conjugale » Ces interprétations sont souvent bien systématisées Parfois accompagné de phénomènes hallucinatoires auditifs ou visuels Ceci entraîne une altération des relations sociales suite à des comportements quérulents, agressifs et procéduriers

Masque hostile Le sujet âgé devient irritable susceptible querelleur coléreux hostile Il présente une attitude agressive tout en étant méfiant et émotionnellement labile

Masque conatif Dépression centrée sur la démotivation désengagement affectif et relationnel perte de volonté, apathie sentiment d’inutilité d’être renoncement A pour conséquence négligence de soi-même, autrui et l’environnement Le sujet va être progressivement en proie à une régression qui va l’entraîner dans une dépendance de + en + importante

Masque démentiel Altération des compétences intellectuelles l’attention ne peut pas se concentrer l’encodage ne mémorise plus perd sa mémoire exprime un vide intellectuel les fonctions de mémoire explicites mémorisation des informations sous forme verbale, exprimées avec le langage

Dépression secondaire

La dépression et démence Chez des patients ayant un syndrome démentiel débutant ou même avéré, l’existence de symptômes dépressifs est fréquente Inversement, une dépression à début tardif peut être révélateur d’un syndrome démentiel débutant, surtout s’il existe des troubles cognitifs, même discrets Ces patients ont un risque important de développer, au décours de l’épisode ou à distance de celui-ci, une maladie d’Alzheimer

La dépression vasculaire Forme particulière de dépression associée aux pathologies vasculaires ou facteurs de risques vasculaires (FA, HTA, angine de poitrine, infarctus du myocarde…) L’intérêt de cette sous-classe de dépression repose essentiellement sur la prévention, qui peut en être faite, et sur les approches thérapeutiques spécifiques Le sujet est beaucoup plus apathique avec moins d’introspection plus en incapacité dans la vie quotidienne que le sujet âgé dépressif non vasculaire

L’incidence d’une symptomatologie dépressive dans les suites d’un accident vasculaire cérébral varie de 8 à 30% Elle survient généralement au cours de la phase de rééducation, mais peut parfois apparaître à la fin de la phase aiguë de l’AVC L’existence d’une dépression post-AVC est un facteur de moins bonne récupération fonctionnelle Le traitement de la dépression améliore la récupération fonctionnelle de l’AVC

La dépression et maladie de Parkinson La prévalence de dépression chez les patients parkinsoniens varie de 40 à 50% La dégénérescence neurobiologique des systèmes dopaminergiques est en lien avec l’apparition de la symptomatologie dépressive Les symptômes parkinsoniens peuvent masquer une dépression qui passe plus ou moins inaperçue parce que l'on va attribuer ces signes à la maladie de Parkinson C'est bien l'humeur dépressive qui sera le critère le plus pertinent pour diagnostiquer la dépression

Dépression mélancolique

La dépression mélancolique revêt une gravité majeure chez l’âgé La symptomatologie est sévère: faute et culpabilité prostration, mutisme ruine et incurabilité… Le pronostic vital est engagé du fait de son retentissement somatique rapide et du risque suicidaire L’autodépréciation peut conduire à la crainte d’une incapacité d’assumer les ADL une perte d’estime de soi

Echelles diagnostiques

GDS: geriatric depression scale autoquestionnaire de 30 items sa passation est assez longue non validé en cas de troubles cognitifs CSDD: Cornell scale for depression in dementia a été conçue pour rechercher les symptômes dépressifs chez les patients déments questionnaire de 19 items basée sur l’interrogatoire de l’entourage

Ces échelles n’ont qu’un intérêt limité si elles ne sont pas associées à une vision globale de la symptomatologie du patient Une échelle à conseiller en première intention: la mini-GDS validée en français Cette échelle peut aider à un bon dépistage de la dépression pour les non-spécialistes En cas de possibilité d’une dépression, il faut alors passer l’échelle GDS complète ou bien rechercher les symptômes cardinaux de l’état dépressif et les confronter aux critères du DSM-IV

Traitement

La prise en charge des personnes âgées dépressives nécessite une collaboration étroite entre les différents intervenants et l’entourage familial, que ce soit à domicile ou en institution Il s’agit donc d’un travail d’équipe Le traitement pharmacologique est indispensable. Mais il doit systématiquement être associé à une prise en charge psychothérapeutique

L’efficacité des thérapeutiques antidépressives n’est plus à démontrer chez la personne âgée Il y a toujours nécessité de poser une indication du traitement antidépresseur Lors de la prescription, il est important expliquer au patient et à sa famille recourir à une posologie efficace traiter suffisamment longtemps privilégier une monothérapie éviter les interactions médicamenteuses

Que dire au patient ? Employer le mot dépression et détailler la maladie Expliquer le principe du traitement, ce qu’il peut en attendre et en craindre Insister sur la notion que la dépression est une maladie véritable, qu’elle se traite et donc peut se guérir Insister sur l’idée que le traitement n’agit pas immédiatement et qu’il doit être prolongé pendant au moins 6 mois, généralement 1 an

Que dire à son entourage ? Faire preuve de patience, de bienveillance, d’écoute et d’encouragement Il ne sert à rien de forcer la personne âgée à «réagir», pour qu’elle aille mieux Il est important de l’aider dans son quotidien et de la valoriser

1ère intention: antidépresseur sérotoninergique (SSRI) - cipramil, sipralexa, prozac, seroxat… - bonne tolérance ( ! hyponatrémie) Conclusions d’une étude de la Mutualité chrétienne publiée en mai 2011 et menée en 2009 auprès de 60.000 résidents dans 1.084 institutions: «  43,2% des résidents en MR ont consommé des antidépresseurs au moins 30 jours, contre 31,7% pour les personnes soignées à domicile »  Ces résultats corroborent ceux de l'étude réalisée par le KCE en 2007 Les médecins seraient-ils des prescripteurs irresponsables ? Plutôt que de pointer du doigt des responsables, il y a URGENCE, à tous les niveaux, d’agir si l’on veut éviter que le génocide des vieux ne soit orchestré par eux-mêmes, en l’absence de possibilités réelles de vieillir et de mourir dans la dignité

Médicaments potentiellement dépressogènes: ! à la iatrogénie Médicaments potentiellement dépressogènes: bétabloquants: propranolol… antagonistes du calcium: amlodipine… IEC: captopril… benzodiazépines corticoïdes L-Dopa…

Une prise en charge globale est indispensable, en collaboration étroite avec les différents intervenants, en particulier les somaticiens vu la fréquence de l’intrication de la dépression avec les maladies somatiques L’importance de l’abord psychothérapeutique L’association antidépresseurs et psychothérapie est plus efficace que le traitement pharmacologique seul D’une façon générale, il faut aider le patient à rompre son isolement et à communiquer plus avec son entourage dans une relation empathique de qualité

La luminothérapie constitue une approche non médicamenteuse intéressante La situation des personnes âgées souffrant de handicaps moteurs importants vivant en institution peut être rapprochée de situations de faible éclairement De plus, les effets du vieillissement sur la production de mélatonine et sur les rythmes biologiques nycthéméraux rendent cette approche séduisante

Conclusion La dépression constitue un problème de santé très fréquent chez les personnes âgées Il est important que tous les médecins et soignants se mobilisent pour améliorer sa détection, son diagnostic et sa prise en charge En effet, une prise en charge optimale de la dépression peut améliorer de façon rapide la qualité de vie des patients concernés, ce qui représente l’objectif principal des soins donnés aux personnes âgées.

ressemble à la flamme d’une bougie La vie d’un vieillard ressemble à la flamme d’une bougie dans un courant d’air (proverbe chinois) Merci de votre attention