Quels enjeux relatifs à la concentration du pouvoir par les supermarchés dans la chaine d’approvisionnement alimentaire?
Concentration des filières agricoles mondiales
Chaine d’impacts générée par la concentration des acheteurs dans les filières agricoles
Comment le marché fonctionne t-il?
EN THEORIE L’homo-economicus Seul le libre choix du consommateur dicte les prix car la demande est sensée assurée une efficacité économique maximale Le modèle économique dominante est donc basé sur le concept d’« homo-oeconomicus »
EN THEORIE Objectif du droit de la concurrence Protéger le consommateur de la formation de prix supérieurs aux conditions de marchés Moyen : Garantie de l’égalité des conditions d’accès au marché
EN THEORIE Les caractéristiques du marché où la concurrence est pure et parfaite Aucun acteur n’a le pouvoir d’influencer les prix fixés par le marché Grand nombre de producteurs avec des parts de marché faible Libre entrée et sortie du marché et même accès aux ressources (technologie, finances…) Information complète et transparente sur les produits vendus Equivalence des produits quelque soit le producteur
EN PRATIQUE Des hypothèses non-vérifiées Lors de l’acte d’achat, le consommateur n’est pas uniquement guidé par le critère du prix mais également par un besoin d’équité et de justice : La qualité est le principal critère de choix d’un produit (76 %), suivi du prix (75 %, en recul de 6 points par rapport à 2012), du goût (64 %) et de la santé (49 %). Dans beaucoup de secteurs, quelques acteurs ont une puissance d’achat suffisante pour influencer les prix du marché
Puissance d’achat et concentration des acteurs de la grande distribution
Parts de marché des chaines de supermarchés au niveau européen
Concentration des chaines de supermarchés au niveau français (juillet 2014) Source : http://www.lineaires.com/LA-DISTRIBUTION/Les-actus/Parts-de-marche-une-prime-aux-gros-bras-44206
Source : avis autorité de la concurrence mars 2015 sur rapprochement des centrales d’achat
Illustration de cette puissance d’achat FILIERE « FRUITS TROPICAUX » En 2012, la grande distribution française représente le principal canal de distribution des fruits et légumes avec 75% des volumes de vente. 75% des ventes 86% des ventes
Illustration de cette puissance d’achat : FILIERE « CACAO » Oxfam Novib, Franck Mechielsen, 2009 dans Mars, Mondelez, Nestlé et la défense des droits des femmes, 2013
Décomposition du prix d’une longe de porc en grande distribution https://observatoire-prixmarges.franceagrimer.fr/Lists/Liste%20des%20etudes%20autres/Attachments/138/Rapport_2014_v17_.pdf http://www.nouschangeonsavecvous.com/2010/05/comment-calculer-le-prix-de-vente-dune-pomme/ - Prix producteur : 0,40 - Tri, conditionnement : 0,38 (soit un prix départ station de 0,78 = cotation SNM pour 2009) - Coûts logistique (distributeur) : 0,107 - Casse perte : 0,115 - Frais de personnel : 0,107 - Frais généraux : 0,157 - TVA : 0,075 - Marge nette distributeur : 0,089
Puissance d’achat des distributeurs Dans certaines conditions, les situations de concentration et de domination sont considérées comme bénéfiques si elles permettent l’efficacité économique (économies d’échelles, gains d’efficacité)
Puissance d’achat des distributeurs En réalité, les autorités de la concurrence considèrent les distributeurs comme les garants d’une concurrence pure et parfaite des marchés d’épicerie de détail : Peu de condamnations des distributeurs pour abus de dépendance économique La puissance d’achat des distributeurs est considérée comme pro-concurrentielle Cela revient à ignorer les pratiques commerciales déloyales des grands distributeurs et leur rôle de « producteur » à travers leurs marques de distributeurs (MDD)
Les pratiques commerciales déloyales
Les pratiques commerciales déloyales Ce sont des pratiques qui s’écartent manifestement de la bonne conduite commerciale et sont contraires aux principes de bonne foi et de loyauté. Les PCD sont généralement imposées lorsqu’il y a un déséquilibre entre une partie forte et une partie faible et peuvent exister des deux côtés de la relation entre entreprises et à toute étape de la chaîne d’approvisionnement. Livre vert SUR LES PRATIQUES COMMERCIALES DÉLOYALES DANS LA CHAÎNE D'APPROVISIONNEMENT ALIMENTAIRE ET NON-ALIMENTAIRE INTERENTREPRISES EN EUROPE, Commission Européenne, Janvier 2013
Les pratiques commerciales déloyales Ces pratiques sont nombreuses et les principales sont les suivantes : Cessation ou modification soudaine et injustifiée d’une relation commerciale Changements rétroactifs dans le contrat, i.e. demandes d’avantages sans contreparties telles que des frais de référencement, des garanties de marge etc. Transfert abusif de risque commercial, i.e. marges arrières, frais de démarque, etc. Utilisation abusive d’informations confidentielles Utilisation rétroactive de clauses contractuelles ambiguës
Les pratiques commerciales déloyales 96% des participants ont subi au moins une fois une pratique commerciale déloyale 87% n’iraient pas au-delà d’une discussion avec leur client 65% n’ont pas agi pour remédier à ces abus par peur de représailles Selon une enquête européenne de 2011
La stratégie des Marques de distributeurs (MDD)
Les Marques de distributeurs (MDD) Définition Les produits de MDD sont produits dans des unités de production appartenant à une autre entreprise qui peut être utilisée simultanément pour des produits d’autres MDD ou pour ses propres produits.
Les Marques de distributeurs (MDD) Au niveau mondial, les marchés nationaux européens détiennent le plus fort taux de pénétration de marques de distributeurs (MDD). En 2015, la part de produits issus de MDD atteint 40% des ventes européennes de détail de produits alimentaires. En Europe, leur prix est 30% moins chère que les MDF. En France, le taux de pénétration est de 29%.
Impacts de la puissance d’achat des distributeurs sur les conditions de travail en amont de la chaine d’approvisionnement
Conditions de travail en amont de la chaine d’approvisionnement Plusieurs rapports de la société civile ont mis en lumière des conditions de travail indécentes au sein des filières bananes, mangues, haricots, tomates et avocats: Absence de sécurité de l’emploi Répression syndicale Discrimination Salaires insuffisants Organisation du travail indécente Conditions de travail dangereuses
Insécurité de l’emploi et discrimination Absence de contrats écrits Abus du renouvellement des contrats à durée déterminé Licenciement des travailleuses enceintes
Répression syndicale Absence de syndicats Risque de licenciement et harcèlement des travailleur-s-es syndiqué-e-s Accès interdit des syndicats sur les plantations
Salaires insuffisants Rémunération en dessous du salaire minimum établi par l’Etat Par exemple, pour la filière mangue péruvienne, 238 euros versus 417 euros (salaire minimum)
Conditions de travail dangereuses Utilisation de produits chimiques dangereux Pas de première aide médicale Pas de toilettes et d’accès à l’eau sur les plantations Logements insalubres
Organisation indécente du travail Heures supplémentaires imposées Représailles si refus
Le contexte réglementaire
Régulation des pratiques commerciales déloyales 2010 : mise en place du Forum à haut niveau sur l’amélioration du fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement alimentaire Avril 2013 : création de la « Supply Chain Initiative » Janvier 2013 : publication par la Commission Européenne d’un livre vert sur les pratiques commerciales déloyales Juillet 2014 : publication par la Commission Européenne d’une communication décidant de ne pas réguler Fin 2015/début 2015 : rapport de la nouvelle Commission Européenne sur les prochaines étapes du processus
Suivi par l’OIT des principes et droits fondamentaux au travail 1998 : adoption de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail Objectif : ratification universelle des 4 conventions fondamentales liberté syndicale, élimination du travail forcé, du travail des enfants et des discriminations en matière d’emploi Procédure de suivi par l’OIT auprès des Etats Bilan : 129 pays n’ont toujours pas ratifié les 4 conventions fondamentales
Principes directeurs des Nations Unies sur les entreprises et droits de l’homme Juin 2011 : adoption des principes par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies : obligation de protéger incombant à l’État lorsque des tiers, y compris des sociétés, portent atteinte aux droits de l’homme ; responsabilité des entreprises de respecter les droits de l’homme ; nécessité d’un accès plus effectif à des mesures de réparation pour les victimes. Résolution 26/9 de juillet 2014par le conseil des droits de l’homme : création d’un groupe de travail pour l’élaboration d’un traité international contraignant Elaboration par les Etats de plans d’action Nationaux
Merci pour votre attention ! Place au débat et à vos questions !