Les tendances internationales en matière de protection des personnes inaptes André Bzdera, conseiller en planification stratégique 29 octobre 2015 Colloque.

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Transcription de la présentation:

Les tendances internationales en matière de protection des personnes inaptes André Bzdera, conseiller en planification stratégique 29 octobre 2015 Colloque de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, « Les travailleurs sociaux pour les majeurs inaptes : 25 ans de protection »

2 Plan A.Québec : les grands traits de son dispositif de protection des personnes inaptes B.La Convention relative aux droits des personnes handicapées de 2006 C.L’impact de la Convention en Europe et au Canada D.L’impact de la Convention sur les évaluations médicales et psychosociales

3 Plan A.Québec : les grands traits de son dispositif de protection des personnes inaptes

4 Dispositif de protection québécois  Régimes de protection modulés  Les évaluations médicales et psychosociales  L'ouverture d’un régime de protection est un acte judiciaire  La surveillance des curateurs et tuteurs privés  La réévaluation périodique des régimes

5 Dispositif de protection québécois  Le mandat en cas d’inaptitude ─ L’homologation du mandat est un acte judiciaire ─ Évaluations médicales et psychosociales  Le consentement aux soins pour autrui ─ Priorité au représentant légal, au conjoint, aux proches parents et aux personnes qui démontrent un intérêt particulier pour le majeur

6 Prise de décisions  Le curateur, le tuteur ou le mandataire agit : ─ Dans l'intérêt de la personne ─ Dans le respect de ses droits et la sauvegarde de son autonomie  Donc, une prise de décisions « substitutive »

7 Plan A.Québec : les grands traits de son dispositif de protection des personnes inaptes B.La Convention relative aux droits des personnes handicapées de 2006

8 Une convention internationale Qu’est-ce qu’une « convention internationale » relative aux droits fondamentaux ?  Chaque pays a la responsabilité de mettre en œuvre la convention sur son territoire  Un comité supervise sa mise en œuvre  Chaque pays lui soumet un rapport périodique  Le comité examine le rapport en présence de la délégation nationale et formule ses recommandations

9 La Convention Des règles contraignantes?  Non : la Convention fait partie du « soft law » ― Des règles de droit non obligatoires ― Des sanctions ne sont pas prévues  Des juges nationaux peuvent cependant s’y référer  Les « observations finales » d’un comité font parfois les manchettes

10 La Convention La Convention relative aux droits des personnes handicapées (CRDPH)  Adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU en 2006  La 10 e Convention de l’ONU en matière des droits de la personne  Ratifiée par le Canada en 2010

11 La Convention

12 La Convention La Convention des droits des personnes handicapées vise à consolider dans un seul texte les droits inscrits dans divers instruments internationaux de l’ONU, dont :  Déclaration des droits du déficient mental de 1971  Déclaration des droits des personnes handicapées de 1975  Principes pour la protection des personnes atteintes de maladie mentale de 1991

13 Déclaration de 1971 La personne ayant une déficience intellectuelle a droit à : 1.Un curateur qualifié 2.Une évaluation de ses capacités sociales par des experts 3.Une réévaluation périodique de sa mesure de protection

14 La Convention La Convention relative aux droits des personnes handicapées de 2006  50 articles couvrant tous les aspects de la vie  L’article 12 porte sur la protection des personnes inaptes « La reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité »

15 Article 12 Les « mesures relatives à l’exercice de la capacité juridique » doivent :  Respecter les droits, la volonté et les préférences de la personne concernée  Être proportionnées et adaptées à la situation de la personne concernée  S’appliquer pendant la période la plus brève possible  Être soumises à un contrôle périodique impartial et indépendant  Être exemptes de tout conflit d’intérêts

16 Article 12 Une nouvelle d’approche Mesures relatives à l’exercice de la capacité juridique Mesures de protection ou mesures de représentation

17 Article 12 Une nouvelle conception de la prise de décisions pour autrui Décisions qui respectent la volonté et les préférences de la personne Décisions dans l’intérêt supérieur de la personne (ou dans son meilleur intérêt)

18 Article 12 – deux interprétations Que signifie la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité? 1.Le statu quo Les mesures de représentation sont autorisées lorsqu’elles sont nécessaires 2.Le changement de paradigme Les mesures d’assistance doivent remplacer les mesures de représentation

19 Le Comité de l’ONU L’article 12, selon les membres du Comité  Il faut abolir les systèmes de prise de décisions substitutive, comme la curatelle ou la tutelle  Le paradigme « de la volonté et des préférences » doit remplacer le paradigme de l’intérêt supérieur

20 Mesures d’assistance D’autres précisions du Comité  Les mesures d’assistance peuvent viser autant les personnes inaptes que les personnes handicapées aptes  Une mesure d’assistance ne doit pas priver une personne de ses droits civils

21 Plan A.Québec : les grands traits de son dispositif de protection des personnes inaptes B.La Convention relative aux droits des personnes handicapées de 2006 C.L’impact de la Convention en Europe et au Canada

22 Le Canada et la Convention  Le premier rapport périodique du Canada a été présenté en 2014  Le Comité pourrait examiner le rapport du Canada en 2016 ou 2017  En attendant, il y a quelques indices : ─ La portée de la « réserve » canadienne ─ L’expérience récente des pays européens

23 Réserve canadienne Lors de sa ratification de la Convention en 2010, le Canada a précisé sa vision de l’article 12  Le Canada comprend que la Convention permet des mesures de représentation  Le Canada se réserve le droit de ne pas soumettre ces mesures à un contrôle périodique indépendant

24 Réserve canadienne Pourquoi affirmer le droit de ne pas soumettre ces mesures à un contrôle indépendant?  Pour le Gouvernement du Québec ─ Les lois en vigueur au Québec respectent déjà les dispositions de la Convention  Ailleurs au Canada ― Certains régimes de protection ne sont jamais réévalués, ni même surveillés (par le tribunal ou par un curateur public)

25 La réserve selon le Comité En 2013, le Comité a précisé sa vision d’une réserve  Une réserve qui porte sur un droit fondamental est incompatible avec l’objectif de la Convention  Par conséquent, une réserve ne peut être que temporaire

26 Expériences européennes Trois pays ont récemment réformé leur dispositif de protection des personnes inaptes  Suisse  Norvège  Belgique Un pays a mandaté un groupe de travail  Royaume-Uni

27 Quatre pays, quatre solutions 1. Suisse (2013)  Abolition de la « tutelle », le régime le plus privatif des droits  Il ne reste que la « curatelle » modulée Problème La curatelle, même modulée, est toujours un régime de représentation

28 Quatre pays, quatre solutions 2. Norvège (2013)  Introduction d’une « curatelle d’assistance » et d’une « curatelle de représentation »  Adoption d’une réserve similaire à celle du Canada Problèmes Le régime de représentation est conservé La réserve est une mesure temporaire

29 Quatre pays, quatre solutions 3. Belgique (2014)  Introduction d’un régime d’assistance unique (« administration »), qui remplace tous les autres régimes  Le juge peut néanmoins accorder à l’« administrateur » des pouvoirs de représentation Problème Les pouvoirs de représentation

30 Quatre pays, quatre solutions 4. Angleterre (2014)  Le ministère de la Justice a mandaté un groupe d’experts pour examiner l’impact de l’article 12 La solution proposée Remplacer la prise de décisions dans l’intérêt supérieur par la prise de décisions dans le respect de la volonté et des préférences de la personne protégée

31 Cas problématiques La personne dans le coma, isolée, qui ne laisse aucun indice quant à ses préférences  Comment identifier sa volonté? ─ Le Comité répond que l’assistant devrait identifier « la meilleure interprétation possible de la volonté et des préférences » de la personne

32 Cas problématiques La personne ayant une maladie mentale ou le toxicomane  Peut-on prendre à l’occasion une décision qui va à l’encontre de sa volonté? ─ Le Comité n’offre pas de réponse claire ─ La législation québécoise prévoit déjà des éléments de solution impliquant les tribunaux

33 Plan A.Québec : les grands traits de son dispositif de protection des personnes inaptes B.La Convention relative aux droits des personnes handicapées de 2006 C.L’impact de la Convention en Europe et au Canada D.L’impact de la Convention sur les évaluations médicales et psychosociales

34 Évaluations  Le Comité de l’ONU nous offre quelques indices concernant sa vision du rôle des évaluations médicale et psychosociale Source : Comité des Nations Unies des droits des personnes handicapées, Observation générale no 1 de 2014, paragraphes 14, 15 et 29.

35 Évaluation de la capacité mentale Le Comité rejette l’évaluation de la capacité mentale, peu importe l’approche employée  L’approche fondée sur le statut – diagnostic médical  L’approche fondée sur le résultat – mauvaises décisions  L’approche fonctionnelle – lorsqu’on juge que la capacité de décider d’une personne est insuffisante

36 Évaluation des besoins Selon le Comité, il faut offrir une assistance aux personnes dans l’exercice de leur capacité juridique  Cette offre ne devrait pas dépendre d’une évaluation de leur capacité mentale  Il faut développer de nouveaux critères d’évaluation du besoin d’assistance ou d’accompagnement

37 Mandats et directives anticipées Les personnes handicapées ont aussi le droit de planifier à l’avance leur assistance  L’État peut prévoir divers instruments de planification  Le moment de leur prise d’effet devrait être décidé par la personne concernée et indiqué par écrit  La prise d’effet de l’instrument ne devrait pas dépendre d’une évaluation de sa capacité mentale Source : Comité des Nations Unies des droits des personnes handicapées, Observation générale no 1 de 2014, paragraphe no 17.

38 Implications pour le Québec  Le dispositif de protection québécois de 1990 a un atout important ― Les évaluations psychosociales contribuent à une intervention adaptée aux besoins de la personne  Mais nos mesures de protection ne sont pas axées sur la volonté et les préférences de la personne ― Ce sont des mesures de représentation ― L’homologation du mandat en cas d’inaptitude requiert des évaluations et l’intervention du tribunal

39 Le débat se poursuivra… 1.L’évolution rapide du droit international ─ Certains pays ne partagent pas l’avis du Comité en ce qui concerne l’article 12 de la Convention ─ La Norvège plaide pour une « approche plus équilibré et plus subtile » de la part du Comité 2.De nombreux pays sont à la recherche de nouvelles façons de faire, plus respectueuses des droits des personnes handicapées ─ Mais il n’existe pas encore de modèle satisfaisant

40 À la recherche d’un modèle  Certaines mesures sont régulièrement citées en exemple ― La codécision (Alberta et Saskatchewan) ― L’entente de représentation (Colombie-Britannique) ― L’ombudsman personnel (Suède)  Or, ces mesures sont rarement utilisées  De nombreux projets pilotes sont en cours

41 Merci ! ONU, Convention relative aux droits des personnes handicapées : Comité, Observation générale no 1 de 2014 : CRPD/C/GC/1 « Le Canada et l’article 12 de la Convention », Bulletin de veille, juillet Site Web du Curateur public :