Insécurité, violence, drogue et criminalité Dr Degani BANZULU – UNIKIN Kinshasa 2015
Définition : Agressivité, violence et criminalité Agression : attaque violente contre une personne Violence : agir sur quelqu’un ou le faire agir contre sa volonté, en employant la force ou l’intimidation Réduites à leur plus simple expression, l’agressivité physique implique l’utilisation de tout ou partie de son corps (mais des instruments ont été mis au point pour ce faire) Un délinquant est un individu contrevenant à une règle du droit pénal on peut donc être agressif ou violent sans être délinquant ou criminel
Agression proactive et réactive Agression directe et indirecte Agression instrumentale
Début à la petite enfance avec un pic vers la deuxième année de vie Point de vue développemental de Tremblay sur la violence et l’agression : Début à la petite enfance avec un pic vers la deuxième année de vie Ce sont les comportements prosociaux (socialisation) qui les réduisent. Mais 10% présente une fréquence élevée d’agressions jusqu’à l’âge de 4 ans et la moitié maintiendra cette fréquence élevée jusqu’à l’adolescence.
Quel est le devenir de ces enfants agresseurs chroniques? Sujet délicat car risque de stigmatisation!! A l’âge de 12ans : Risque d’être insatisfaits dans leurs relations avec les pairs Risque de rapporter plus des sentiments dépressifs que la majorité des enfants Risque d’être décrits comme par leurs enseignants comme ayant peu d’habilités sociales Risque d’être considéré par l’enseignant comme les plus disruptifs En réalité l’étiquetage se fait spontanément par les pairs et perdure tant que le comportement ne change pas.
2,2 fois plus à risque de récidive criminelle; Et par rapport à la criminalité? Une étude longitudinale en Nouvelle Zélande d’une cohorte de naissance en 1972 montre que les enfants ayant peu de contrôle de soi à l’âge de 3 ans étaient : 4,5 fois plus susceptibles d’être condamnés pour crime violent avant l’âge de 21 ans; 2,2 fois plus à risque de récidive criminelle; 2,9 fois plus à risque d’être évalué comme personnalité antisociale Mais aussi : 2,2 fois plus de risque de présenter des problèmes de santé mentale; 2,7 fois plus à risque de souffrir de dépendance à l’alcool à 21 ans; 16,8 fois plus à risque de tentative de suicide Ce n’est pas tout, il en est de même pour les enfants aux troubles internalisés (timides, dépressifs, craintifs)
Syndrome hiérarchique des comportements A l’adolescence, occurrence d’autres comportements antisociaux ou déviants = Syndrome de déviance : Syndrome hiérarchique des comportements Ensemble des comportements manifestes (violence), clandestines (vol), rebelles (conflits avec l’autorité) et imprudentes (abus des drogues) (12 types de conduite par analyse factorielle) Syndrome hétérotypique : continuité et changement Un paradigme développemental pour la criminologie : développement et autorégulation de la conduite déviante, Le Blanc, 2010
Binôme drogue-délinquance/criminalité
Un comportement X entraîne un comportement Y, Les théories explicatives de la relation drogue-criminalité I. Les modèles causaux : Un comportement X entraîne un comportement Y, Le modèle psychopharmacologique : L’intoxication favorise la désinhibition et montée de l’impulsivité (pour certains usage instrumental) Le modèle économico-compulsif : En cas de dépendance, commettre des actes criminels (vol) pour financer sa consommation Le modèle systémique : Délits générés par les guerres de territoire pour le contrôle de l’approvisionnement et de la distribution des drogues illicites. Le modèle tripartite : Goldstein 1985, l’association des trois précédents. Le modèle causal inversé : C’est la criminalité qui incite à la consommation de drogues Les modèles conceptuels explicatifs de la relation entre la consommation d’alcool et des drogues illicites et la criminalité, Chantal Plourde, 2003
II. Les modèles corrélationnels : Pas de causalité simple entre drogue et criminalité, Le modèle sans cause commune : simultanéité d’apparition des comportements de criminalité et de drogue à un âge donné Le modèle psychopathologique : Des facteurs psychologiques comme une personnalité antisociale peut expliquer les deux comportements Le modèle psychosocial : Plus des facteurs sociaux (carences familiales) et psychologiques (faible estime de soi) sont pris en compte. Le syndrome de déviance de Donovan-jessor1985)
III. Les modèles interactifs : L’avantage d’intégrer les notions de facteurs de risque, de style de vie déviant, des facteurs de maintien, de progression et d’arrêt dans sa conception de la relation drogue-crime. Etude de la trajectoire de vie via le stade d’occurrence, le stade de renforcement mutuel, le stade écomicocompulsif
Expliquer impulsivité (selon UPPS-P), recherche des sensations et sensibilité à la punition et à la récompense
Impulsivité et criminalité Le construit d’impulsivité a été souvent intégré dans les modèles dominants de la personnalité tel le modèle de Eysenck1967 qui propose trois facettes de la personnalité :le nevrosisme, l’extraversion-introversion et le psychoticisme. Le nevrosisme = l’instabilité émotionnelle et la vulnérabilité aux émotions négatives. L'extraversion = propension aux émotions positives (des traits comme la sociabilité, l'activité ou la recherche de sensations). Enfin, le psychoticisme = forte impulsivité et une faible empathie (des traits comme l'agressivité ou le comportement antisocial) Pour Eysenck, l’impulsivité est la tendance à ne pas réfléchir avant de prendre des décisions (ou maque de préméditation)
Des modèles combinant dimensions comportementales et traits de caractère de Cloninger1987,1993 et Zuckerman1979,1993. Zuckerman s’est particulièrement intéressé à la recherche des sensations qui constitue les aspects impulsifs du psychoticisme et les aspects non conformistes de l’extraversion, recherche des sensations qui elle-même est multidimensionnelle (recherche des dangers et d’aventure, recherche d’expériences, désinhibition et susceptibilité à l’ennui).
Un autre modèle psychobiologique qui accorde une place importante à l’impulsivité est le modèle de la sensibilité aux renforcements : deux systèmes motivationnels existent le système d’inhibition comportementale (sensible aux signaux de punition, de frustration=de non récompense et à la nouveauté) et le système d’activation comportementale (corrélé aux troubles psychopathologiques externalisé, et à l’impulsivité)
Barratt1985,1993, le premier a contredire le fait que l’impulsivité est un trait de personnalité stable jouant un rôle causal dans le comportement observable, négligeant ainsi de facto, les mécanismes psychologiques (cognitifs, affectifs et motivationnels) sous-tendant ces traits.
De plus, certains auteurs ont montré que l’impulsivité pouvait revêtir un caractère adaptatif dans des contextes particuliers, d’où le notions d’impulsivité fonctionnelle et dysfonctionnelle (Dickman1990)
4 facettes de l’impulsivité : Impulsivité = construit multidimensionnel selon Whiteside-Lynam2001 : 4 facettes de l’impulsivité : L’urgence (négative) : la tendance à exprimer des réactions rapides et fortes (directes, abruptes, inconsidérées) en présence d'émotions négatives. Evaluée par des items du style « Quand je suis contrarié, j’agis souvent sans réfléchir », « Quand la discussion s'échauffe, je dis souvent des choses que je regrette ensuite » Le manque de persévérance : la difficulté à rester concentré sur une tâche pouvant être difficile ou ennuyeuse. Evalué par des items du style « je me concentre facilement », « une fois que je commence quelque chose, je déteste m’interrompre ». Le manque de préméditation : la difficulté de réfléchir aux conséquences d’un actes avant de s’y engager. Evalué par des items du style « je n’aime pas commencer un projet sans savoir exactement comment procéder » La recherche des sensations : tendance à rechercher l’excitation et l’aventure ainsi qu’une ouverture aux nouvelles expériences. Evaluée par des items du style « j’aime parfois faire des choses qui sont un petit peu effrayantes », « j’éprouve du plaisir à prendre des risques »
Spécificité des composantes de l’impulsivité : l’exemple du téléphone portable : Facette urgence explique la dépendance vis-à-vis du portable et la tendance à une utilisation excessive (nombre de sms et d’appels élevés et des coûts financiers importants), donc la perte de contrôle sur l’utilisation du portable en particulier en présence d’émotions négatives ou positives. Facette recherche des sensations explique l’utilisation dangereuse (lors de la conduite automobile) du portable Facette manque de préméditation explique l’utilisation du portable dans des lieux où son usage est prohibé Facette manque de persévérance explique l’utilisation effective plus grande du portable associée à des conséquences financières
Dans la théorie générale du crime de Gottfredson-Hirschi le faible contrôle de soi et l’impulsivité sont considérés comme les caractéristiques essentielles de la propension criminelle
Les conséquences (les coûts) de la criminalité peuvent être : Conséquences (coûts) de la criminalité Le criminel chronique coûte 1,3 à1,5 millions de $ en 1997 aux USA, voir 1,7 à 2,3 millions $ si on associe consommation des drogues et décrochage scolaire. Les conséquences (les coûts) de la criminalité peuvent être : Des coûts sociaux (la victime, l’auteur, la société) Des coûts économiques (découlant de la perpétration du crime, ou de la réaction face à la criminalité) Des coûts directs/ indirects Des coûts tangibles / intangibles (plus importants en cas de criminalité violente)
Les facteurs favorisant la criminalité en RDC : La jeunesse de la population : près de la moitié de la population de la RDC a moins de 15 ans (soit 47,4%). Taux de scolarité de 52% population souvent peu qualifiée au terme des études et au chômage. Vivier des criminels potentiels.
La précarité socio-économique : le produit intérieur brut de l’Afrique sub-saharienne a baissé de 0,8% chaque année depuis 1975. Le revenu par habitant a baissé de moitié sur cette même période au point que la majorité de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté de 1$/jour.
Les faibles moyens alloués à la justice et à la police : l’Afrique est le continent où la police a l’image la plus négative au monde et le taux de magistrat par habitant le plus faible. Cette situation ne dissuade pas la commission des crimes ni ne favorise leur dénonciation. De plus, en RDC, seul 0,15% du budget national de l’année 2014 était alloué au ministère de la défense qui gère la police et 0,015% au ministère de la justice les agents de ces services sont démotivés et facilement corruptibles.
La situation de conflit armé : la nature des guerres a changé, guerres civiles (liens étroits entre les guerres et la criminalité organisée). Le taux de criminalité peut augmenter dans les pays en post-conflit suite aux déplacements de la population, à la nécessité de survivre, à la destruction du tissu économique, à la prolifération des armes à feu et aux traumatismes psychologiques subis par la population et notamment les enfants.
L’exode rural : le continent africain connait une urbanisation de 4% par an, malheureusement anarchique et conduit à la constitution des bidonvilles. Plus de la moitié de population africaine vit actuellement dans des villes avec un accroissement de la densité de ces villes. La criminalité en milieu urbain est plus importante que la criminalité en milieu rural.
Les coûts sociaux importants : en ce qui concerne les crimes contre la personne (crime violent), la moindre qualité des soins médicaux au Congo fait qu’une blessure qui aurait pu être guérie dans les pays développés, pourra être mortelle au Congo alors que pour la criminalité contre les biens, un bien vandalisé risque d’être perdu définitivement pour la victime, étant donné le faible taux d’assurance de la population.
La criminalité peut donc être considérée comme un frein au développement du pays de par : l’altération de la qualité de la vie expatriation des personnes qualifiées (fuite des cerveaux) la fuite des investissements (et encore plus dans certains secteurs comme le tourisme,…) l’affaiblissement de l’autorité de l’Etat.(règne de l’économie parallèle avec réduction de l’assiette fiscale,…)
Les victimes = victimologie et psychotraumatologie . Sentiment d’insécurité Victimologie criminologique et victimologie générale (victimes de maltraitance infantile,…)