Les bonheurs
Rappel Emmanuel Kant souligne qu’il est difficile de définir précisément ce qu’est le bonheur parce que sa connaissance est empirique et dépend de chacun de nous. Il nous est presque impossible de savoir ce que nous voulons vraiment, ce à quoi nous aspirons. « Il n’y a donc pas à cet égard d’impératif qui puisse commander au sens strict du mot de faire ce qui rend heureux, parce que le bonheur est un idéal non de la raison mais de l’imagination. » Fondements de la métaphysique des mœurs.
Singularité et bonheur Pour beaucoup de philosophes, il semble que le bonheur soit une affaire personnelle. Ainsi Kant explique-t-il qu’on ne peut facilement suivre les lois morales et en même temps rechercher le bonheur. Si l’on recherchait le bonheur pour soi-même, et que nous puissions l’obtenir, il devrait nécessairement naître beaucoup de situations conflictuelles.
« Il est donc étrange, alors que le désir du bonheur est universel et par suite aussi la maxime en vertu de laquelle chacun pose ce désir comme principe déterminant de sa volonté, qu’il ait pu venir à l’esprit d’hommes sensés d’en faire pour cela une loi pratique universelle. En effet, alors que d’ordinaire une loi universelle de la nature fait que tout concorde, en ce cas, si l’on voulait attribuer à la maxime la généralité d’une loi, il s’ensuivrait exactement le contraire même de l’accord, le pire des conflits et le complet anéantissement de la maxime elle-même et de sa fin…. Découvrir une loi régissant l’ensemble des inclinations tout en satisfaisant à la condition de les accorder complètement, voilà qui est parfaitement impossible. »
Le bonheur n’est pas solitaire Le tort de beaucoup de penseurs du bonheur est de considérer que le bonheur est un état strictement personnel de l’homme. Si l’être humain peut être heureux quelque temps sur une île déserte, il est tout à fait concevable qu’il puisse s’y ennuyer un peu au bout de quelques années. L’être humain, explique Aristote, est né pour la société et il ne trouve son épanouissement qu’au sein de la cité et parmi les hommes.
La nécessité d’autrui C’est le regard d’autrui qui construit notre être, le structure. Dans propre notre vie quotidienne, nos actes sont orientés vers autrui, vers notre entourage et nous recherchons leur bonheur avant le nôtre. C’est donc bien la joie de nos proches qui nous procure le bonheur, qui en est la clé. Nous vivons pour notre famille, nos enfants, nos amis. Notre responsabilité s’exerce à leur égard et nous ne travaillons que pour leur bonheur. Nous ne pouvons être heureux s’ils ne le sont pas ou s’ils souffrent.
Kant a réfléchi à l’instance d’autrui dans la recherche du bonheur Kant a réfléchi à l’instance d’autrui dans la recherche du bonheur. « Comme notre amour de nous-mêmes ne peut être séparé du besoin d’être aussi aimé par d’autres (et d’en être aidé en cas de danger), comme nous faisons ainsi de nous-mêmes une fin pour les autres et que cette maxime ne peut jamais obliger autrement que parce qu’elle est qualifiée pour former une loi universelle, par suite, par le biais de la volonté de faire aussi des autres une fin pour nous, le bonheur d’autrui est une fin qui est aussi un devoir. »
Mais pourtant, l’idée de Kant est un peu curieuse Mais pourtant, l’idée de Kant est un peu curieuse. Nous ne travaillons pas au bonheur d’autrui par devoir mais parce que nous aimons nos proches. Enfin, nous ne travaillons pas au bonheur parce que c’est un devoir mais parce que cela nous plaît ainsi et si nous recherchons leur bonheur, ce n’est pas pour développer ou hâter le nôtre. Notre bonheur ne peut pas être une construction personnelle qu’incident, contingent, puisque, comme le souligne Kant « Le bonheur est un idéal de la raison mais de l’imagination »