Bas relief en marbre de l'arc de Constantin à Rome (IVe siècle) Séquence 4. Citoyenneté et empire à Rome (Ier-IIIe siècles) Bas relief en marbre de l'arc de Constantin à Rome (IVe siècle)
Le cadre territorial
Conquête de la Gaule par Jules César Le cadre chronologique République Empire - 27 180 58 50 Conquête de la Gaule par Jules César Principat d’Auguste Pax Romana Fondation de l’Empire
Le cadre institutionnel chef de l’armée (imperator) nomme les généraux Pouvoir militaire Stèle de Glanum (vers 50 après J.C.) nomme et réunit les sénateurs propose les lois nomme les gouverneurs des provinces peut juger ou rejuger tous les procès Pouvoir politique Denier d’argent de Trajan (97) Augustus Prima Porta (14) chef de la religion (Grand Pontife) organise le culte de l’empereur (statut divinisé) Pouvoir religieux Temple d’Auguste et de Livie de Vienne (Ier siècle)
Introduction Notion d’empire : extension territoriale significative coexistence de peuples divers sous une même autorité → avancée militaire (légion) ≠ limites (limes et barbares) Rome : passage d’une cité victorieuse au statut de capitale d’un empire → intégration progressive des cités avec la diffusion de la citoyenneté romaine = base de la pérennité de l’empire Comment la diffusion de la citoyenneté s’accompagne-t-elle d’une romanisation des provinces de l’Empire ?
Plan de la séquence Introduction. Cadre territorial et cadre chronologique I. Une diffusion individuelle de la citoyenneté au Ier siècle 1. Être citoyen dans l’Empire romain : un statut prestigieux 2. Comment devenir citoyen ? 3. Une participation politique de plus en plus réduite II. Une diffusion de la citoyenneté de plus en plus massive 1. Les Tables claudiennes (48) : l’intégration des élites gauloises 2. L’édit de Caracalla (212) : vers une citoyenneté universelle 3. Romanisation et citoyenneté : l’exemple de Lugdunum
I. Une diffusion individuelle de la citoyenneté au Ier siècle Stèle de Glanum, légionnaires gallo- romains (Ier siècle)
Être citoyen romain : un statut prestigieux Un statut de privilège et de protection : exemple de Paul de Tarse Juif de la province de Cilicie mais citoyens romain, Paul de Tarse est arrêté et emprisonné à Jérusalem. « Le Tribun commanda de faire entrer Paul dans la forteresse, et de lui donner la question par le fouet, afin de savoir pour quel motif ils criaient ainsi contre lui. Lorsqu'on l'eut exposé au fouet, Paul dit au centenier qui était présent : « Vous est-il permis de battre de verges un citoyen romain, qui n'est pas même condamné ? ». A ces mots, le centenier alla vers le tribun pour l'avertir disant : « Que vas-tu faire ? Cet homme est romain. » Et le tribun, étant venu, dit à Paul : « Dis-moi, es-tu romain ? - Oui », répondit-il. Le tribun reprit : « C'est avec beaucoup d'argent que j'ai acquis ce droit de citoyen. - Et moi, dit Paul, je l'ai par ma naissance. » Aussitôt ceux qui devaient lui donner la question se retirèrent. » Paul de Tarse (10-65), Actes des Apôtres 22 (Ier siècle après J.C.). Mosaïque du Ier siècle
Denier d’argent gaulois du Ier siècle Être citoyen romain : un statut prestigieux Un statut de privilège et de protection Denier d’argent gaulois du Ier siècle Patricien portant le buste de ses ancêtre, statue Barberini, Ier siècle avant J.C.
Être citoyen romain : un statut prestigieux Un corps civique hiérarchisé par la richesse
Être citoyen romain : un statut prestigieux Citoyens romains = sujet de l’empereur, mais statut juridique social privilégié : - trois droits : droit de justice ; possession des biens ; élection lors des comices - trois privilèges : toge ; tria nomina ; cursus honorum Devoirs limités mais importants : - paiement des impôts - participation aux cultes publics (culte de l’empereur) - défense de l’empire (engagement / financement)
Être citoyen romain : un statut prestigieux La citoyenneté par … la faveur impériale « Seigneur, mis en danger de mort l’an passé par une maladie très grave, j’ai eu recours à un médecin ; ce n’est que par un bienfait de ta bienveillance que je peux le remercier de sa sollicitude et de son zèle. Je te prie donc de lui donner la cité romaine. Il est en effet de condition pérégrine, ayant été affranchi par une pérégrine. Il a pour nom Harpocras. Il eut pour patronne Thermutis, femme de Théon, qui est morte depuis longtemps. » Pline le Jeune, gouverneur de la province de Bithynie écrit à l'empereur Trajan, début du IIe siècle. Pline le Jeune (61-114) Trajan (98-117) empereur romain
Être citoyen romain : un statut prestigieux La citoyenneté par … le service militaire « L’empereur Titus Caesar Vespasianus Auguste, grand pontife en sa neuvième puissance tribunicienne , salue empereur pour la quatorzième fois, père de la patrie, censeur, consul pour la septième fois, aux vétérans qui ont fait leur service dans la flotte qui est en Egypte, qui ont accompli vingt six années ou plus et ont été mobilises avec un certificat de bon soldat et dont les noms sont écrits ci-dessous, ainsi qu’a leurs enfants et a leur descendance a donne le droit de cite et le droit de mariage légitime avec les femmes qu’ils pouvaient avoir au moment où le droit de cite leur a été donne, ou, s’ils étaient célibataires, avec celles qu’ils pourraient épouser par la suite, pourvu qu’ils n’en aient qu’une. » Extrait de la loi Flavia Salpensis (82). Vespasien (69-79) empereur romain
Être citoyen romain : un statut prestigieux La citoyenneté par … les magistratures « Que ceux qui ont été crées duumvir, édile ou questeur, conformément à cette loi, soient citoyens romains lorsque, à la fin de l’année, ils abandonneront leur magistrature. Que soient également citoyens romains leurs parents, leurs femmes et leurs enfants nés de mariage légitime, encore sous la puissance paternelle, ainsi que de leurs petits fils et petites filles, nés de leurs fils. » Extrait de la loi Flavia Salpensis (82). Vespasien (69-79) empereur romain
Comment devenir citoyen romain ? Citoyenneté romaine : citoyenneté héréditaire Citoyenneté romaine : citoyenneté ouverte aux pérégrins - par la faveur impérial - par le service militaire (26 ans d’engagement) - par les magistratures provinciales (après ses fonctions) Cas à part des affranchis : accord automatique de la citoyenneté si leur ancien maître (patron) est lui-même citoyen !
Une participation politique de plus en plus réduite « Le peuple qui, jadis, octroyait des commandements, des consulats, des légions et bien d'autres choses encore, ne se même plus aujourd'hui de rien et n'aspire qu'à deux choses : du pain et les jeux du cirque. » Juvénal (60-130), Satires, édition les Belles Lettres (1931). Juvénal (65-128)
Une participation politique de plus en plus réduite Perte du rôle politique des citoyens au profit de l’empereur → échange : la pax romana, le pain (annone) et les jeux Conservation d’un rôle politique du citoyen à l’échelle locale (cités provinciales) Rôle civique des spectacles : théâtre, cirque et amphithéâtre (arènes) lieux d’expression de l’opinion publique vis-à-vis de l’empereur ou des honestiores → perte du pouvoir du forum
II. Une diffusion de la citoyenneté de plus en plus massive Mosaïque (fin du IIe siècle), Lyon-Fourvière
Les Tables claudiennes (48) Quelques repères - En 50 avant J.C. : César transforme la Gaule chevelue en province romaine En 43 avant J.C. : fondation de Lugdunum En 22 avant J.C. : la Narbonnaise devient province sénatoriale En 48 après J.C. : Tables claudiennes (ouverture de Sénat aux élites gauloises) César (100-44) général romain
Claude (41-54) empereur romain Les Tables claudiennes (48) L’ouverture du Sénat aux élites gauloises « C'était vraiment un coutume nouvelle lorsque le Divin Auguste, mon grand oncle maternel et mon oncle maternel Tibère, voulurent que toute l'élite des colonies entrât dans cette assemblée. Regardez la très remarquable et très puissante colonie des Viennois, n'y a-t-il pas déjà longtemps qu'elle donne des Sénateurs à notre assemblée ? Si vous admettez qu'il en est ainsi, que désirez-vous de plus ? Est-ce que vous regrettez de compter des gens de Lugdunum parmi les membres de notre ordre ? C'est au grand jour qu'il me faut défendre la cause de la Gaule chevelue. Si l'on considère cent années de fidélité inébranlable et une obéissance qui a fait ses preuves dans de nombreuses affaires, alarmantes pour nous. » Extrait des Tables claudiennes (48 après J.C.). Claude (41-54) empereur romain Plaque de bronze sur laquelle est gravée le discours de Claude devant le Sénat en 48 pour l'octroi de la citoyenneté romaine complète aux élites de la Gaule chevelue
Tacite (55-120) écrivain romain Les Tables claudiennes (48) La réaction des sénateurs romains aux Tables claudiennes « Les principaux habitants de la Gaule chevelue, qui depuis longtemps avaient obtenu des traités et le titre de citoyens, désiraient avoir dans Rome le droit de parvenir aux honneurs. Cette demande excita de vives discussions et fut débattue avec chaleur devant le prince. Fallait-il y faire entrer en quelque sorte la captivité elle-même avec cette foule d'étrangers ? Ils allaient tout envahir, ces riches dont les aïeuls, à la tête des nations ennemies, avaient massacré nos légions, assiégé le grand César près d'Alise. Qu'ils jouissent, après cela, du nom de citoyens ; mais les décorations sénatoriales, mais les ornements des magistratures, qu'ils ne fussent pas ainsi prostitués. » Tacite (55-120), Annales, Livres XI-23. Tacite (55-120) écrivain romain
Les Tables claudiennes (48) La romanisation des Gaulois dès le Ier siècle La diffusion de la culture romaine et du latin « Je ne pensais pas qu'il y avait des librairies à Lugdunum ! J'ai été d'autant plus ravi d'apprendre par ta lettre que mes modestes ouvrages y sont en vente. Je me réjouis de voir qu'ils gardent chez les pérégrins le succès qu'ils ont eu à Rome. Je commence à penser qu'une œuvre sur laquelle concordent les jugements des lecteurs dans des régions aussi distantes et aussi diverses n'est pas si imparfaite que cela.» Pline le Jeune, Lettres, IX (vers 110). Pline le Jeune (61-114)
Les Tables claudiennes (48) La romanisation des Gaulois dès le Ier siècle Inscription trouvée à Lyon dans le sanctuaire des Trois Gaules (début du Ier siècle). L’évergétisme des élites gauloises « Caïus Julius, fils de Caïus Julius Otuaneunus, petit-fils de Caïus Julius Gedemon, arrière petit-fils d'Epotsovidoros, prêtre de Rome et d'Auguste à l'autel des Trois Gaules, ses fils et son petit-fils de la cité des Santons ont fait à leurs frais l'amphithéâtre de Lyon. »
Les Tables claudiennes (48) Une stabilisation du nombre de sénateurs gaulois Sous le règne de l'empereur Nombre de sénateurs dont l'origine est connue Sénateurs gaulois Nerva (96-98) 165 20 (soit 12%) Trajan (98-117) 231 27 (soit 11%) Hadrien (177-138) 199 18 (soit 9 %)
Les Tables claudiennes (48) Contexte de menaces germaniques et conquête de la Bretagne = besoin des élites gauloises En 48, l’empereur Claude donne la citoyenneté complète (cursus honorum = accès au Sénat) aux élites gauloises
Conquête de la Gaule par Jules César Le cadre chronologique République Empire - 27 180 58 50 48 212 Conquête de la Gaule par Jules César Principat d’Auguste Pax Romana Fondation de l’Empire Tables claudiennes
Caracalla (211-217) empereur romain L’édit de Caracalla (212) L’avènement d’une citoyenneté universelle « L'empereur César Marc Aurèle Sévère Antonin Auguste déclare : Je peux manifester ma gratitude envers les dieux immortels qui me gardent, je considère donc que je peux rendre service à leur majesté en faisant participer avec moi au culte des dieux tous ceux qui appartiennent à mon peuple. C'est pourquoi je donne la citoyenneté à tous les pérégrins de la terre. Car il est légitime que le plus grand nombre ne soit pas seulement astreint aux charges tout entières, mais soit aussi associé à ma victoire. Cet édit sera la majesté du peuple romain. » Caracalla (211-217) empereur romain L'empereur émet des édits, source essentielle du droit appliqué dans l'Empire. L'édit de Caracalla nous est transmis par un papyrus très mutilé découvert en 1901 et conservé à la bibliothèque de l'université de Giessen en Allemagne. Le texte est rédigé en grec, la langue officielle de l'Empire en Orient.
L’édit de Caracalla (212) Une décision calculée ? « Il se fit une occupation de dépouiller, spolier et pressurer tout le reste de l'humanité, les sénateurs pas moins que les autres. Il y eut les fournitures qu'il fallut livrer en grande quantité en toute occasion, gratuitement et parfois même contraints à des dépenses supplémentaires ; il les prodiguait aux soldats ou alors les vendait au détail ; il y eut les cadeaux qu'il exigea des citoyens riches et les impôts, ceux qu'il promulgua et le dixième qui remplaça le vingtième sur les affranchissements et sur les biens laissés en héritage et toute forme de legs. Il abolit, en effet, le droit de succession et l'immunité fiscale qui avait été accordée aux proches du défunt. Ce fut la raison pour laquelle il attribua à tous les habitants de son empire le droit de cité romaine, officiellement pour les honorer, en fait, dans le but d'augmenter par ce moyen ses revenus, dans la mesure où les pérégrins ne paient pas la plupart de ses impôts. » Dion Cassius, historien grec (155-229), Histoire romaine, Livres LXVIII-9. Dion Cassius (155-229) écrivain grec
L’édit de Caracalla (212) Une décision calculée ? Les termes de Caracalla aujourd'hui Maquette des thermes de Caracalla (projet Rome Reborn, 2003)
L’édit de Caracalla (212) Une décision calculée ? L'arc de triomphe de la cité de Volubilis (près de Meknès au Maroc) construit en 216-217 en l'honneur de Caracalla par les élites de la cité.
L’édit de Caracalla (212) Edit qui clôt une série de lois d’extension du droit de cité depuis Claude (48) : citoyenneté accordée à tous les hommes libres de l’Empire → Caracalla achève en 212 le processus de romanisation Plusieurs raisons : - raisons religieuses : extension du culte impérial - raisons financières : extension des impôts (successions)
Conquête de la Gaule par Jules César Le cadre chronologique République Empire - 27 180 58 50 48 212 Conquête de la Gaule par Jules César Principat d’Auguste Pax Romana Fondation de l’Empire Tables claudiennes Edit de Caracalla
Romanité et citoyenneté : Lugdunum Apollon Mercure Cernunnos
Romanité et citoyenneté : Lugdunum Extension de la citoyenneté permise par la romanisation : intérêt des élites provinciales d’intégrer le mode de vie du vainqueur romain Diffusion du modèle de la cité par Rome dans les régions qui l’ignorent (Gaule, Afrique du Nord) = vitrine de la romanité - par l’organisation : plan en damier (decumanus/cardo) - par l’architecture : forum, thermes, cirques, théâtre - par les habitudes alimentaires : vin et huile - par la langue : le latin
Conclusion Dans l’Empire romain, la citoyenneté = statut héréditaire (droits et devoirs) A partir des conquêtes romaines = diffusion progressive de la citoyenneté romaine par les empereurs (Claude en 48 ; Caracalla en 212) → uniformisation du statut des habitants en parallèle de l’homogénéisation du cadre de vie (diffusion de la cité) Perte du pouvoir politique des citoyens = octroi de la citoyenneté plus facile (≠ Athènes)