Le fondement du droit
En 1793, Goethe, à la fin du siège de Mayence, arrête une foule sur le point de lyncher un capitaine français. Il dit : « C'est dans ma nature : j'aime mieux commettre une injustice que tolérer un désordre. » Peut-on appliquer cette idée à la justice et au droit ? Sur quoi la justice et le droit se fondent-ils ? Le fondement du droit
Le droit positif et le droit naturel Les lois sont les œuvres des hommes, qui les ont édictées dans le but de protéger leur personne et leurs biens. C’est ce principe qui fonde le droit positif des sociétés. Droit codifié, « posé » par écrit. Ce droit peut sembler quelquefois arbitraire. Les citoyens se fondent alors sur le « droit naturel », que la nature humaine ordonnerait.
Comment définir le droit naturel si notre nature est « changeante » comme le remarquait Pascal ? D’autre part, nous ne pensons pas tous cette nature de la même manière. Le droit naturel repose sr notre entendement, notre raison. Il n’est pas déterminé précisément puisque, justement, il n’a pas été l’objet d’une codification écrite (auquel cas, serait-il très différent du droit positif ?)
La raison du plus fort Selon Platon, le droit naturel du sage dépasse celui de l’ignorant. Il dépend donc de l’intelligence. Si le droit de nature nous engage à tout faire pour préserver notre vie et nos biens, on conçoit sans peine qu’il n’existe réellement que par notre force, notre puissance. Et, de fait, il ne peut être le même pour tous.
« Le droit de nature, que les écrivains politiques appellent communément jus naturale, est la liberté que chacun a d’user de sa propre puissance, comme il le veut lui-même pour la préservation de sa propre nature, autrement dit de sa propre vie et, par conséquent, de faire, selon son jugement et sa raison propres, tout ce qu’il concevra être le meilleur moyen adapté à cette fin. » Thomas Hobbes Léviathan 1651
La raison de la force Or, cette force qui nous fait souvent défaut, est celle, précisément, que la justice de l’Etat fait sienne pour faire appliquer les lois. « Il est juste que ce qui est juste soit suivi, il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique. La justice sans force est contredite, parce qu’il y a toujours des méchants ; la force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et, pour cela, faire que ce qui est juste soit fort, ou que ce qui est fort soit juste. » Pascal Pensées fragment 285
Mais si Pascal, dans ce passage, n’explique pas ce qui est juste, c’est précisément parce que l’homme ne peut en avoir une idée correcte, parfaite, claire. Elle dépend de Dieu. Pascal n’affirme pas que les lois soient justes, bien au contraire, mais il suppose que la paix sociale nécessite le respect des lois et donc, de la force publique.
Du vice à la vertu Pour que le peuple respecte la loi, il doit la croire juste, bien fondée. La justice est forcément immaculée, irréprochable, dans l’esprit de celui qui croit à la vérité des institutions, qui a foi en l’ordre et qui condamne le mal. Quand ce système perd de sa logique ou de sa clarté, toute son économie s’effondre d’un seul coup : Javert, dans Les Misérables, ne peut comprendre qu’un voleur puisse risquer sa vie pour le sauver, lui, policier. Et il se suicide.
« Il est dangereux de dire au peuple que les lois ne sont pas justes, car il n’y obéit qu’à cause qu’il les croit justes. C’est pourquoi il lui faut dire en même temps qu’il y faut obéir parce qu’elles sont lois, comme il faut obéir aux supérieurs, non parce qu’ils sont justes mais parce qu’ils sont supérieurs. Par là, voilà toute sédition prévenue si on peut faire entendre cela, et [ce] que [c’est] proprement que la définition de la justice. » Pascal Pensées fragment 288