L’alimentation des travailleurs de nuit, postés ou à horaires décalés Université de Picardie Jules Verne Amiens L’alimentation des travailleurs de nuit, postés ou à horaires décalés Christine PETIT Diplôme Universitaire « Nutrition et diététique » 2008 - 2009
Différents horaires de travail sont pratiqués dans nos sociétés INTRODUCTION Différents horaires de travail sont pratiqués dans nos sociétés 20% de la population active en horaires décalés. Effets sur la santé à court et à long terme. Les fonctions les plus perturbées sont le sommeil et l’alimentation. Action de prévention en milieu de travail.
LES RYTHMES PROFESSIONNELS Les horaires normaux : 35 h. / semaine Le travail posté : les 24 h de la journée sont divisées en 3 tranches de 8 heures 2X8 : 2 équipes / 2 postes (matin, après-midi) 3X8 : 3 équipes / 3 postes (matin, après-midi, nuit) 4X8, 5X8, … : 3 équipes et plus / fonctionnement de l’établissement 24h/24 de façon ininterrompue. Equipes fixes ou alternantes Le travail de nuit peut s’inscrire dans des horaires fixes ou alternés
LA REGLEMENTATION DU TRAVAIL DE NUIT Loi n°2001-397 du 9 mai 2001 encadre le travail de nuit pour l’ensemble des salariés et lève l’interdiction du travail de nuit des femmes. Ordonnance n° 2001-174 du 22 février 2001 concerne le travail de nuit des jeunes travailleurs. Décret n°2002-792 du 3 mai 2002 concerne le travail de nuit et les modalités de surveillance médicale spéciale. Loi du 4 mai 2004 précise la durée quotidienne et hebdomadaire du travail de nuit.
DEFINITIONS LEGISLATIVES Travail de nuit 21 heures >>> 6 heures Au minimum 2 x semaine 3 h de travail entre 21 h et 6 h Au minimum 270 h de travail de nuit pendant une période de 12 mois consécutifs ou
LE RÔLE DU MEDECIN DU TRAVAIL Surveillance médicale renforcée (décret 2002-792 du 3 mai 2002) À l’embauche, tous les 6 mois, à la demande Informations et conseils aux travailleurs de nuit des incidences potentielles du travail de nuit sur la santé Femmes enceintes, travailleurs vieillissants +++ Actions en milieu de travail Étude du poste et des conditions de travail Loi du 11 octobre 1946 : « …Le rôle du médecin du travail, …, consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail… »
La tolérance semble varier en partie avec l’âge. LES EFFETS SUR LA SANTE L’Homme est un être à activité diurne, il est programmé pour travailler et manger le jour, dormir et jeûner la nuit Les conséquences sur la santé sont très variables d’un travailleur à l’autre. Dépendent des capacités de chacun à supporter les rythmes atypiques de travail. La tolérance semble varier en partie avec l’âge.
NOTIONS DE CHRONOBILOGIE L’activité des êtres vivants se déroulent de façon périodique en suivant des rythmes. Définis sur 24 h => rythmes circadiens Variation jour/nuit => rythme nycthéméral Les différents pics et creux de ces rythmes sont programmés dans le temps selon les activités des différents organes.
NOTIONS DE CHRONOBIOLOGIE (2) Les rythmes biologiques ont une origine à la fois endogène (génétique/inné) et exogène (alternance activité/repos, lumière/obscurité, …) Les facteurs endogènes sont entraînés par les facteurs exogènes ou synchroniseurs Les synchroniseurs : Facteurs environnementaux, parfois sociaux (lumière, horaires des repas, vie sociale), toujours périodiques pouvant modifier la période ou la phase d’un cycle biologique.
DESYNCHRONISATION DES RYTHMES Le travail en horaires décalées => désynchronisation des rythmes circadiens, source de perturbations hormonales et métaboliques qui peuvent expliquer au moins en partie les troubles cliniques. Désynchronisation interne (âge, dépression, cancers hormonaux dépendants) Désynchronisation externe (travail de nuit, posté, décalage horaire, jet lag)
LES CONSEQUENCES A court terme A long terme Fatigue Problème de vigilance Accident du travail et de trajet A long terme Troubles du sommeil Troubles digestifs Troubles cardio-vasculaires Troubles du métabolisme
LES TROUBLES DIGESTIFS 26 études => troubles gastro-intestinaux plus fréquents chez les travailleurs postés. L’étude BEST(1) montre que 20 à 75% des travailleurs de nuit se plaignent de : troubles de l’appétit problèmes intestinaux dyspepsie, de brûlures d’estomac douleurs abdominales borborygmes et flatulences A long terme => gastrites chroniques, gastroduodénites, ulcères gastroduodénaux, colites. Selon estimation, ulcères gastroduodénaux 2 à 8 fois plus nombreux chez les postés de nuit que les postés de jour sans nuit. (1) Bulletin études européennes sur le temps – FONDATION EUROPEENNE pour l’amélioration des conditions de vie et de travail – Travail posté et santé 2000
LES TROUBLES CARDIO-VASCULAIRES Les troubles cardio-vasculaires semblent liés à une grande prévalence des facteurs de risques : Tabagisme HTA Taux souvent excessif de cholestérol Mise en évidence de risques plus spécifiquement liés aux conditions socioprofessionnelles (stress, catégorie socioprofessionnelle, …)
LA PRISE DE POIDS Divers études, dont une observation dans une cohorte de 469 infirmières de nuit suivies pendant 10 ans, montrent une augmentation de l’IMC, un périmètre abdominal élevé. Par ailleurs, on observe une prise de poids dès que les salariés commencent à travailler en équipes alternantes. =>Très net pour le travail de nuit qui entraîne la prise d’un repas nocturne supplémentaire au moment de la désactivation digestive, tout en maintenant les 2 repas principaux de la journée.
ALIMENTATIONS ET HORAIRES DECALES Pas d’augmentation de l’apport énergétique quotidien. Modification de la répartition de ces apports sur 24 heures. Apport alimentaire en dehors des repas (surtout la nuit) qui correspond environ à 20% de l’apport énergétique : casse-croûte, grignotage
ALIMENTATION ET HORAIRES DECALES Modifications induites par un repas nocturne : Ralentissement de la vidange gastrique Diminution de la tolérance glucidique Diminution de la thermogénèse post-prandiale Elévation des triglycérides plasmatiques Les perturbations liés à l’alimentation Décalage des horaires des repas Erreurs diététiques Augmentation de la ration glucidique, grignotage, casse-croûte froid et riche en lipides
CONSEILS NUTRITIONNELS (1) Conseils généraux Ne pas sauter de repas Limiter la consommation de produits sucrés et de graisses Eviter le grignotage entre les repas A chaque repas, prendre le temps de manger assis au calme et de bien mastiquer. Boire au moins 1,5 l d’eau par jour Eviter l’alcool Gérer la consommation de café Pratiquer une activité physique
CONSEILS NUTRITIONNELS (2) 3 grands principes à respecter Conserver un rythme de 3 repas équilibrés par jour - quelque soit le poste de travail, essayer de respecter 3 repas traditionnels (petit-déjeuner, déjeuner, dîner) Respecter le besoin d’une collation - pas physiologique, mais ressentie comme une nécessité
CONSEILS NUTRITIONNELS (3) Contrôler les rations afin de prévenir les troubles du métabolisme lipidique post-prandial (souvent perturbé chez les travailleurs postés) Limitation des sucres rapides, les graisses d’origine animale et l’alcool Ration énergétique répartie de manière équilibrée entre les 3 grands types de nutriments protides : 12 à 15% des calories glucides : 50 à 55% lipides : pas plus de 35% apports vitamines et oligo-éléments suffisant si alimentation variée
CONSEILS NUTRITIONNELS (4) Difficultés pour les travailleurs de nuit, postés ou à horaires décalés de respecter 3 prises alimentaires idéales. Dans ce cas, un repas peut être fractionné pour en faire une collation : Complétera un repas ou débutera le suivant Adaptée en fonction des horaires de travail, elle améliorera la vigilance et le rendement au travail.
CONSEILS NUTRITIONNELS (5) Voici ce qui peut être conseillé dans la pratique selon le poste de travail pour des sujets exempts de pathologie. Poste du matin Au réveil Début du petit-déjeuner : Boisson - pain - beurre Collation au travail Fin du petit-déjeuner : Pain - fromage - fruit - eau En rentrant à la maison Repas traditionnel : Légumes - féculent - viande - yaourt - fruit - eau Le soir Repas traditionnel : Légumes - féculent - yaourt fruit - eau Poste de l’après-midi Au réveil Un petit déjeuner traditionnel Boisson - pain - beurre - produit laitier - fruit Avant de partir Début du repas de midi : Viande - légumes - pâtes - eau Collation au travail Fin du repas de midi : Pain - fromage - fruit - eau En rentrant à la maison Repas traditionnel : Légumes - féculent - yaourt fruit - eau Poste de nuit En rentrant à la maison Petit-déjeuner : Lait - tartines - confiture/beurre fruit Au réveil (en milieu de journée) Repas équilibré : Légumes - féculent - viande - yaourt - fruit - eau Avant de partir Début du repas du soir : Légumes - féculent - eau Collation au travail Fin du repas du soir : Pain - fromage - fruit - eau
ACTION DE PREVENTION AST 62/59 Objectifs Evaluer l’état de santé des travailleurs de nuit, postés ou à horaires décalés Sensibiliser et informer les salariés et les employeurs Favoriser l’adoption d’une hygiène de vie adaptée aux contraintes horaires Moyens Suivi médical des salariés Création d’outils adaptés à la pratique de la santé en milieu de travail Campagnes d’information collectives et individuelles
ACTION DE PREVENTION AST 62/59 Evaluation Pour affiner les besoins en matière de santé des salariés à horaires décalés => adapter la prise en charge médicale Mettre en place des axes de prévention pertinents.
CONCLUSION (1) Conditions et organisation de travail => influence sur les besoins et les comportements alimentaires. A l’inverse, la manière de s’alimenter peut influer sur le comportement des individus au travail. Nécessité de dépister les troubles débutants => des conseils nutritionnels peuvent dans certains cas y remédier.
CONCLUSION (2) Mission du service de santé au travail et de l’équipe pluridisciplinaire Médecin du travail => Consultation médicale Diététicienne, intervenante en alimentation nutrition, infirmière => Informations et conseils collectifs et/ou individuels : campagnes d’information, forum, ateliers pratiques, …)