SEMIOLOGIE DES TROUBLES DE LA VIGILANCE Pr Mamadou Habib THIAM Psychiatre des Hôpitaux Universitaires
Introduction La vigilance est une présence attentive au monde. C’est un état du système nerveux permettant à l’organisme de s’adapter et d’échanger avec le milieu. Les variations du niveau de vigilance peuvent s’observer selon tous les degrés entre la perte de vigilance que constitue un état d’alerte ou d’excitation. L’examen de la concentration ou l’attention, la mémoire de fixation, l’organisation de la pensée (dans sa logique et sa rigueur), l’activité imaginative.
Introduction Le terme de « conscience » est souvent utilisé au sens de « vigilance », qualifiant ainsi le degré de présence de l’être au monde. Dans ce cadre la distinction est classique entre les différents niveaux de conscience ou de vigilance : l’inconscience (le sommeil), la subconscience (permet une activité automatique), la conscience spontanée (la rêverie), la conscience réfléchie.
Troubles de l’attention Le rôle principal de l’attention est de fixer l’esprit sur des objets déterminés et de lutter contre l’émergence et l’envahissement de pensées involontaires qui se manifestent dès que faiblit l’attention. L’attention se manifeste sous deux formes : L’attention spontanée qui consiste dans une simple fixation spontanée des phénomènes. L’attention réfléchie ou volontaire qui utilise les associations d’idées, dirige le cours des représentations, permettant ainsi à chacune de se maintenir logiquement dans le champ de la conscience.
Troubles de l’attention Sur le plan quantitatif, on décrit trois degrés d’attention : Hyperprosexie : augmentation et polarisation de l’attention sur un sujet précis avec souvent une diminution dans d’autres domaines. Hypoprosexie : diminution de l’attention avec distractibilité. Se traduit cliniquement par des difficultés de concentration. Aprosexie : perte de l’attention avec distractibilité extrême et impossibilité de se concentrer de façon durable.
Troubles de la perception spatiale Espace corporel Perception d’un membre surnuméraire ou d’un membre fantôme. Hémiasomatognosie Agnosie Autotopo-agnosie Indistinction droite-gauche Agnosie digitale Perturbation du rapport de proportions Espace extracorporel Perceptions déformées Incapacité de reconnaître la disposition des objets et/ou du corps dans l’espace, Désorientation visuelle de Holmes
Troubles de la perception spatiale Perception d’un membre surnuméraire ou d’un membre fantôme (chez les amputés) doué de mobilité. Hémiasomatognosie : méconnaissance ou négligence d’un hémicorps. Le patient parvient à distinguer le côté droit du côté gauche mais ne reconnaît pas son hémicorps comme le sien. Si on lui montre sa propre main, il dira qu’il s’agit d’une main d’une autre personne (parfois même du sexe opposé). Agnosie : méconnaissance de ses propres troubles, par exemple d’une hémiplégie. Souvent associée à l’hémiasomatognosie ; elles constituent ensemble le syndrome d’Anton-Babinski.
Troubles de la perception spatiale Autotopo-agnosie : impossibilité de localiser et de montrer les différentes parties de son corps. Le patient ne peut désigner son nez, ses membres, ses yeux, etc. Indistinction droite-gauche : impossibilité d’identifier ses propres doigts, et si on lui montra sa gauche, il est incapable de la nommer. Agnosie digitale : impossibilité d’identifier ses propres doigts. Perturbation du rapport de proportions entre le monde extérieur et le corps propre du sujet. Par exemple, impression d’avoir un corps très grand et hypertrophié dans le délire d’énormité
Troubles de la perception spatiale Perceptions déformées (hallucinations, illusions) transformant l’aspect normal des objets (métamorphosies), qui paraissent asymétriques, renversés ou monstrueux. Incapacité de reconnaître la disposition des objets et/ou du corps dans l’espace, avec troubles de la topokinésie (orientation d’après un plan). Désorientation visuelle de Holmes : incapacité d’estimer les distances, d’apprécier les dimensions.
Trouble de la mémoire topographique C’est une incapacité à s’orienter dans l’espace. Le patient ne peut décrire oralement ni établir une carte d’un lieu connu. Il ne peut dessiner les notions géométriques et/ou spatiales. Désorientation spatiale : impossibilité à reconnaître un lieu bien connu et à y retrouver son chemin. Le patient ne parvient pas à se diriger d’un endroit à un autre, se croit dans un autre lieu. Apraxie constructive : impossibilité de réaliser un ensemble à partir des éléments isolés. Par exemple, impossibilité de réalisation d’un puzzle.
Trouble de la notion du temps Désorientation temporelle : incapacité de se reconnaître dans l’ordre chronologique ; le patient ne sait plus la date, se trompe de jour, de mois et d’année, se croit dans une époque ancienne. Destruction temporelle éthique : perte de la capacité de s’accorder aux exigences du présent, souvent associée à une désinhibition intellectuelle. Lenteur ou même arrêt du temps vécu.
Trouble de la notion du temps Sentiment de déjà vu : impression d’avoir déjà vu ou perçu contre toute vraisemblance une situation présente. Parfois, au contraire, impression, illusion de « jamais vu ». Fausses reconnaissances : identification erronée de personnes ou de lieux dont la présence est alors rapportée à la mise en scène délirante. Négation du temps : impression d’être indéfini dans le temps, idées délirantes d’immortalité, d’énormité, de négation.
Troubles de l’orientation temporospatiale C’est une incapacité à se repérer dans le temps et dans l’espace. En général la désorientation temporelle précède la désorientation spatiale. Le patient ne sait plus la date, le jour, l’année, son âge, prend le matin pour le soir, ne se rend pas compte de ce qu’il a fait antérieurement dans la journée ou la veille, se croit à une époque ancienne, ne sait plus la durée de la maladie et de l’hospitalisation.
Troubles de l’orientation temporospatiale Lorsque la désorientation spatiale s’installe, il ne reconnaît pas ce qui l’entoure, les lieux, les personnes, se trompe en les identifiant et varie dans ses erreurs à propos du même objet, se croit dans un autre endroit, ne peut pas retrouver sa chambre. La désorientation peut être partielle, portant sur des lieux, et le temps, ou seulement sur les personnes. On distingue alors les désorientations allopsychique et autopsychique.
Troubles de l’orientation temporospatiale Désorientation allopsychique : Difficultés à identifier les autres. Le patient ne reconnaît plus ses proches ; Perte de la notion du monde extérieur. Cette désorientation entraîne la perplexité et de fausses reconnaissances, des erreurs d’authentification des personnes. Désorientation autopsychique : Difficultés à reconnaître sa propre identité. Le patient ne sait plus son nom, sa date de naissance, etc. Il ne se reconnaît plus, ne s’intègre plus à la continuité de son histoire, de ses vécus.
Troubles quantitatifs du champ de la conscience Hypervigilance Hypovigilance Obtusion Hébétude Confusion Stupeur
Hypervigilance C’est une augmentation de la vigilance, parfois stérile (avec baisse de la performance intellectuelle), souvent accompagnée d’une excitation psychomotrice. Peut être normale (état d’alerte en cas de danger ou de menace) ou pathologique, comme dans le syndrome maniaque.
Hypovigilance C’est une diminution de la vigilance. Selon la profondeur de la baisse de la vigilance, on distingue : Obtusion Hébétude Confusion Stupeur
Obtusion Elle est marquée par une somnolence, une lenteur de l’idéation, des difficultés de compréhension et de préciser ses idées. Parfois, on observe une légère désorientation temporospatiale
Hébétude C’est une diminution de la performance intellectuelle caractérisée par un étonnement et une perplexité. Le patient paraît absent, complètement détaché de son environnement ;
Confusion C’est une baisse importante de la vigilance: souvent fluctuante dans la journée (plus accentuée le soir ou à l’obscurité) désorientation temporospatiale nette, troubles de jugement, du raisonnement, de l’attention amnésie de fixation et onirisme (non constant) activité hallucinatoire particulièrement visuelle, extrêmement angoissante, entraînant des troubles du comportement. Il s’agit d’un rêve vécu et agi
Stupeur C’est une diminution profonde de la vigilance caractérisée par : Ralentissement ou suspension des mouvements des volontaires ; Hypomimie et parfois absence totale de l’expression physionomique, faciès figé ; Mutisme, parfois rompu par quelques productions verbales qui n’ont aucun lien avec la réalité ambiante ; Alimentation capricieuse, souvent refus d’alimentation ; Suspension totale de la synthèse mentale ; Indifférence affective.
Les comas C’est une perte totale de la conscience caractérisée par l’absence totale (coma carus) ou partielle (coma vigile) de la réactivité aux stimulations douloureuses Coma dû à une cause somatique Stade I, coma vigile Stade II, coma léger Stade III, coma profond Stade IV, coma dépassé Coma dit psychogène
Les comas Stade I, coma vigile : simple état d’obnubilation, le patient est facilement réveillé par une stimulation douloureuse légère ou par une stimulation auditive. Les réflexes ostéotendineux, cornéens sont présents et le clignement à la menace conservé ; Stade II, coma léger : abolition des relations aux stimulations douloureuses sont inadaptées (si elles persistent). Les réflexes ostéotendineux et cornéens peuvent être conservé ;
Les comas Stade III, coma profond : abolition des reflexes ostéotendineux et cornéens et photomoteurs, absence de réaction aux stimulations douloureuses, accompagnée de signes végétatifs : hyperthermie, troubles du rythme cardiaque, incontinence urinaire et/ou fécale, troubles du rythme respiratoire ; Stade IV, coma dépassé : hypotonie globale, réactivité nulle avec abolition des fonctions végétatives : pas de respiration spontanée, pupilles en mydriase aréactive. C’est le stade de mort cérébrale.
Coma dit psychogène Il s’agit plutôt d’un état de non réactivité de courte durée, qui dépasse rarement quelques minutes. Il n’existe aucun signe neurologique de focalisation, ni de trouble témoignant une lésion du tronc cérébral : respiration normale, pupilles égales et réactives à la lumière, résistance à l’ouverture des paupières, fermeture rapide des paupières au relâchement.
Troubles qualitatifs du champ de la conscience Onirisme ou délire de rêve Troubles perceptifs de l’onirisme Thèmes délirants caractéristiques de l’onirisme Etat oniroïde ou crépusculaire Etat second
Onirisme ou délire de rêve Il est constitué par l’apparition à l’état de veille d’une succession d’images presque exclusivement visuelles et d’associations fortuites d’idées, comme dans le rêve. Le délire est caractérisé par une activité hallucinatoire particulièrement visuelle. L’adhésion est totale, la charge affective massive avec réactions comportementales parfois graves (rêve agi et vécu).
Onirisme ou délire de rêve L’intensité du délire évolue par vagues successives: Au degré le plus faible, il est exclusivement nocturne, cesse au lever et réapparaît le soir ou dans l’obscurité. A un degré plus marqué, il cesse le matin mais réapparaît dès que le patient ferme les yeux. Au degré le plus élevé le délier persiste toute la journée.
Troubles perceptifs de l’onirisme Hallucinations et illusions visuelles : Elles sont fantastiques, mobiles, changeantes, terrifiantes, kaléidoscopiques, gigantesques (gulliveriennes) ou microscopiques (lilliputiennes). Elles apparaissent, disparaissent, se fusionnent, se transforment, se succèdent souvent sans relation entre elles ;
Troubles perceptifs de l’onirisme Hallucinations auditives : voix menaçantes et insultantes ou bruits divers (sifflements, machines, cloches…) ; Hallucinations cénesthésiques : piqûres, brûlures, fourmillements ; Hallucinations olfactives et gustatives.
Thèmes délirants caractéristiques de l’onirisme Préoccupations professionnelles : le patient vit ses occupations mais avec un choix pour les activités pénibles et désagréables. Il joue des scènes de la vie professionnelles où il agit comme s’il travaillait, faisant la plupart de ses gestes dans le vide : le commerçant discute avec son client, le chauffeur essaie de mettre en marche sa voiture… ;
Thèmes délirants caractéristiques de l’onirisme Zoopsies : visions d’animaux dangereux, monstrueux (bêtes répugnantes, rats, souris, serpents, insectes…), indéfinissables et bizarres (serpent à deux têtes) qui se déplacent et se transforment sans cesse ; Scènes terrifiantes : des assassins armés, des monstres fantastiques, flammes, incendies.
Etat oniroïde ou crépusculaire Il s’agit d’un état proche du rêve avec rétrécissement du champ de la conscience, sentiment de déréalisation et de dépersonnalisation (métamorphose des objets et des personnages) et diminution de la synthèse mentale.
Etat oniroïde ou crépusculaire Cet état est marqué par une suspension des activités habituelles avec conservation des activités relativement coordonnées mais automatiques, entraînant des troubles du comportement parfois graves (fugues, vols, actes de délinquance, crimes), vécus avec une angoisse importantes laissant une amnésie lacunaire de l’accès oniroïde.
Etat second C’est un état de perte de la conscience pendant lequel le sujet est cependant capable d’accomplir de façon automatique des actes parfois compliqués. L’accès débute et cesse brusquement. Le patient abandonne tout à coup ce qu’il fait. Il se trouve plus tard dans un endroit éloigné de son point de départ, ne se rappelant pas comment s’est effectué ce déplacement.
Etat second Pendant l’accès, le sujet fait tout de façon automatique sans être remarqué : il traverse des rues, évite les voitures, va à l’hôtel ou au restaurant. Il est capable de répondre convenablement aux questions, parfois prend une autre identité. Le seul élément clinique pouvant attirer l’attention est l’aspect perplexe du patient.
Etat second Cette perplexité anxieuse indique l’état de désarroi et d’impuissance psychologique chez le sujet qui semble percevoir son trouble sans pouvoir lui donner un sens. L’accès dure de quelques minutes à quelques jours. Revenu à lui, le patient est étonné. Il n’existe aucun motif à la fugue. Une amnésie lacunaire portant sur toute la période de l’accès est présente.
Fin