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Sociologie générale Louis Chauvel
SEANCE 6 Théories à moyenne portée III : la dynamique des clivages générationnels Louis Chauvel
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Constat : l’émergence de générations sociales lors de périodes historiques spécifiques, générations susceptible d’apparaître comme acteurs du changement Génération 1914 ; Génération de la grande dépression (US) ; Génération 1968 ; etc. Problème : comment une génération peut-elle se créer à partir d’individus séparés ? Les théories de la socialisation permettent-elles de rendre compte de ce phénomène ? Quelle est alors la spécificité de cette dynamique générationnelle ? Enjeu des définitions : générations sociales et générations familiales ; intensité des générations sociales Plan de l’exposé : Les théories de la socialisation et générations sociales Les méthodes de lecture du phénomène générationnel Les constats empiriques…
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Les théories de la socialisation et générations sociales
Contradiction entre le changement social « moyen » et l’apparition de générations sociales spécifiques. Solution/constat de Karl Mannheim Les « situations de générations » (Generationenlage) sont susceptibles de produire du collectif : à la fois conditions objectives d’existence, prise de conscience de ces conditions, et référents symboliques spécifiques « Zeitgeist » et « Generationengeist » Comment les référents symboliques se fabriquent-ils ? Pourquoi les « nouvelles générations » sont-elles plus concernées ? „Das Erste, was auffallt, wenn man eine bestimmte Generationseinheit ins Auge fasst, ist die weitgehende Verwandtschaft der Gehalte, die das Bewusstsein des einzelnen erfüllen. Gehalte haben – soziologisch gesehen – Bedeutsamkeit, nicht nur durch die in ihnen enthaltenen und erfassten Inhalte, sondern durch das Faktum, dass sie die Einzelnen zur Gruppe verbinden, „sozialisierend“ wirken.“ (K. Mannheim, Das Problem des Generationen, 1928) « la première chose qui frappe, quand on envisage une unité de génération définie, c’est l’affinité profonde des contenus qui remplissent la conscience de chacun. Les contenus — du point de vue sociologique — ont de l’importance, non seulement à cause de leur signification, mais parce qu’ils font d’individus isolés un groupe, parce qu’ils ont un effet de « socialisation ».
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Parenthèse simmelienne : La notion de Vergesellschaftung chez Simmel
Définitions de la socialisation Socialisation : une des notions les plus anciennes, diffuses et complexes de la sociologie Origines du mot : Vergesellschaftung (Hegel, Marx) => socialisation de la propriété individuelle Vergesellschaftung (Simmel) => notion centrale de la sociologie simmelienne : Parenthèse simmelienne : La notion de Vergesellschaftung chez Simmel Pour Simmel, la société n’existe pas en soi Elle n’est pas non plus la simple somme d’individus => Elle résulte de la polarisation/généralisation des interactions interindividuelles dans le même sens Exemple de la pauvreté : non pas le manque, mais le fait de recevoir une aide (ou devoir recevoir)
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Vergesellschaftung est le nom de la généralisation de ces interactions
La triade Le réseau La société dans son sens large existe quand plusieurs individus entrent en interaction Vergesellschaftung est le nom de la généralisation de ces interactions
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Définitions de la socialisation
« Socialisation » = action de rendre collectif ce qui à la source ne l’est pas Traductions américaines de Simmel ( ) => contresens de « socialization » reprises en Français, puis en Allemand (« Sozialisierung ») Et changement de sens considérable Définition « Moderne » (= à la Durkheim) de la socialisation Processus par lequel la société assujettit ses nouveaux membres dans le but de les intégrer, en leur transmettant / imposant valeurs, culture, référents, normes, rôles spécifiques
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Définitions de la socialisation
La socialisation comme façonnage social de l’individu : métaphore de la « cire molle » « l'éducation consiste en une socialisation méthodique de la jeune génération ». (« L'éducation, sa nature et son rôle », Durkheim, 1922 [1911]) « On voit par ces quelques exemples à quoi se réduirait l'homme, si l'on en retirait tout ce qu'il tient de la société : il tomberait au rang de l'animal. » ibid. Le mot fait aussi référence au temps du processus : Période de l’existence où les potentialités latentes se muent en réalités durables : trajectoires de socialisation, ses conséquences sur le choix de possibilités ouvertes. Il met en jeu les institutions de la socialisation : Famille, école, processus éducatifs et mondes professionnels sont des lieux centraux de la socialisation, selon des orientations et en fonction d’objectifs distincts. Enjeu apparemment subjectif (valeurs, rôles, savoirs représentations), les conditions objectives sont aussi importantes (socialisation professionnelle) A la fois transmission et reproduction.
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(chercher une troisième voie?)
Le conflit autour de la notion de socialisation Les deux traditions : 1- Celle qui insiste le plus sur la force du social comme institution de régulation des individus (Holisme) Le premier travail à avoir critiqué cette approche : Wrong, D.H., 1961, « The Oversocialized Conception of Man in Modern Sociology », American Sociological Review, v.26, pp 2- Celle qui insiste plus sur la capacité des acteurs à critiquer les apprentissages qu’ils subissent (individualisme, sociologie du « sujet ») La difficulté est alors celle-ci : la distanciation pure peut-elle exister sans référent ? (chercher une troisième voie?) Holisme Intériorisation Individu comme cire molle (Durkheim, Parsons, sociologie « moderne ») Individualisme Distanciation Individu critique, sujet (Wrong, Boudon, Dubet, sociologie “post-moderne” et du “sujet”)
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Les temps de la socialisation
La socialisation primaire (Parsons) : Dans l’enfance, le moment de l’apprentissage général des valeurs, rôles et modèles sociaux, famille comme lieu central. La socialisation secondaire (Berger et Luckmann : La construction sociale de la réalité) : Deuxième processus, de socialisation spécialisée comme « l’intériorisation de sous-mondes institutionnels ». Problème chez B&L : au long de la vie, ou près l’école primaire ? La socialisation transitionnelle (Roulleau-Berger) : Période courte de la vie où les potentialités acquises à l’école se changent en une position sociale définitive Utilité et limites de ce modèle socialisation primaire Jusqu’à la fin de l’école obligatoire socialisation transitionnelle socialisation secondaire Au long de la vie adulte 16-18 ans 25-30 ans
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RETOUR AUX GENERATIONS Les définitions des générations : générations familiales, démographiques, sociales, historiques (générations familiales) Comment passe-t-on en France d’une cohorte née autour de 1948 à la « génération 1968 » ? La question de la socialisation à l’origine de la sociologie des générations Générations historiques Collectif historiquement construit, conscient, en conflit Générations sociales Générations démographiques ( = cohortes de naissance) Groupe neutre d’individus, « matière première »
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Méthodes : Le diagramme de Lexis (1872)
Période, âge et cohorte de naissance comme trois temps colinéaires : est-il possible de les séparer ?
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L'hypothèse de la loi du progrès social générationnel
Kant et le progrès intergénérationnel : " Les générations antérieures ne paraissent s’être livré à leur pénible besogne qu’à cause des générations ultérieures, pour leur préparer le niveau à partir duquel ces dernières pourront ériger l’édifice dont la nature a le dessein, et donc pour que seules ces générations ultérieures aient la chance d’habiter le bâtiment auquel la longue suite de leurs ancêtres (à vrai dire, sans doute, sans intention) a travaillé sans pouvoir prendre part eux-mêmes au bonheur qu’ils préparaient. " (Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, 1784). Progrès médicaux = espérance de vie plus longue et meilleure Progrès du système éducatif = meilleure intégration des jeunes Croissance économique = conditions de vie meilleures pour tous Pacification des relations familiales = solidarité générationnelle inédite QUESTION : Est-ce certain ?
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Socialisation et histoire individuelle et collective
La génération comme groupe humain socialisé dans le même contexte historique spécifique L’impact de long terme de la socialisation transitionnelle : « scar effect », « effet de scarification » Histoire et constitution d’un Generationenlage et d’un Generationengeist
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1. Répartition du pouvoir d’achat
Sept éléments de la fracture générationnelle en France 1. Répartition du pouvoir d’achat 2. Progrès de la structure socioprofessionnelle 3. Effet de rémanence 4. Situation de la nouvelle génération plus difficile que celle de ses parents 5. Risque inédit de dyssocialisation 6. Déséquilibre de la représentation politique 7. Transmission du modèle social contemporain aux générations futures
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Interprétation du cas français :
Typologie des Etats-providence selon Esping-Andersen : France = « welfare mix » de type conservateur, stabilisateur des rapports sociaux Protection des cotisants, les autres devant trouver des aides subsidiaires (RMI, famille) Enjeu central de la stabilité sociale : En cas de ralentissement économique : « insiderisation » des nouvelles générations « outsiderisation » des nouveaux entrants : : taux de chômage de 4% pour ceux sortis de l’école depuis moins de deux ans 1985 : 33% de taux de chômage : contexte de socialisation radicalement différent En France, les jeunes peuvent prendre leur mal en patience taux pauvreté des jeunes en hausse, inégalités intracohortes stables (après redistributions) D’autres compromis entre les générations sont-ils possibles, moins défavorables aux jeunes ?
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Trois modèles d’Etat-providence :
Modèle « conservateur » (Europe continentale) : Préservation des grands équilibres, dans un système contributif « assurantiel » susceptible d’exclure une part substantielle de la population Modèle « libéral » (monde anglo-saxon) : Marché comme référence centrale, Etat-providence résiduel pour pallier les accidents du marché HL0 : inégalités intracohortes plus fortes HL1 : mise en concurrence des générations = moindres inégalités intercohortes Modèle « Social-démocrate » (Europe nordique) : Citoyenneté et progrès égalitaire comme référence centrale, compromis politique entre groupes sociaux (genres, générations, etc.) pour parvenir à d’un développement de long terme HD0 : inégalités intracohortes plus faibles HD1 : compromis entre générations = inégalités intercohortes très résiduelles
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Trois modèles d’Etat-providence :
Modèle « libéral » américain : -Dans les années soixante : édification d’un Etat-providence développé, détruit depuis -Investissements scolaires et universitaires massifs -Réduction massive des droits sociaux pour les générations nouvelles => fracture générationnelle radicale, en moyenne (HL1 fausse) -Croissance massive des inégalités intracohortes => au sein des nouvelles générations, les plus diplômés ne connaissent pas la crise (HL0 vraie) Modèle « Social-démocrate » suédois : -Expansion massive de l’Etat-providence dans les années soixante -Développement maintenu et intégration des nouvelles générations dans ce modèle et progrès égalitaire comme référence centrale, compromis politique entre groupes sociaux (genres, générations, etc.) pour parvenir à d’un développement de long terme HD0 : inégalités intracohortes plus faibles (oui) HD1 : compromis entre générations = inégalités intercohortes très résiduelles (???)
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Conclusions La loi de Kant de progrès intergénérationnel est vraie au long terme, pas à moyen terme lourdes interrogations pour l’avenir de l’Etat-providence, la stabilité sociale, etc. Exigence dans beaucoup de pays d’un rééquilibrage entre les générations Problème : la société est marquée par une forte inertie (« scaring effect ») Il se peut qu’un tel rééquilibrage soit impossible, sauf à inventer de nouveaux droits sociaux stabilisateurs : retour à l’université tout au long de la vie, requalification d’emplois, mise en réelle concurrence de différentes générations…
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