Maladies Tumorales au cours de l’infection à VIH Dr Jean-Baptiste Guiard-Schmid, OMS DIU Ouaga 2012
Connaître les principaux cancers liés à l’infection par le VIH Connaître leurs caractéristiques épidémiologiques et cliniques principales Connaître les principes diagnostiques et thérapeutiques Connaître les principaux cancers non liés à l’infection par le VIH Données épidémiologiques Objectifs
Généralités Tumeurs malignes liées au VIH : Lymphômes malins non hodgkiniens Sarcome de Kaposi Cancer du col utérin Réduction globale de l’incidence depuis HAART 23.4 à 5 événements pour 1000 P/A entre et (Buchacz K, AIDS, 2010) Tumeurs malignes non liées au VIH : Liées à infections, comorbidités ou toxiques Incidence stable ou en augmentation
Lymphomes malins
Les proliférations lymphoïdes malignes compliquant l’infection à VIH sont de nature diverse : Lymphomes Malins Non Hodgkiniens (LMNH) Maladie de Castleman et lymphome des séreuses (très rares) La Maladie de Hodgkin (LH) est classée dans les cancers non liés au VIH Expressions cliniques, anapath et pronostics variés LMNH dominent largement, type B = 95%, T rares Formes agressives plus fréquentes Généralités
Incidence accrue dans l’infection à VIH (x30-100) Contexte de déficit immunitaire sévère : lymphome primitif cérébral lymphome immunoblastique sauf lymphome de Burkitt et « Burkitt-like » Classification histologique difficile Présence du virus EBV ≈ 60% Mutations génétiques (c-myc, bcl6, p53) Lymphome de Burkitt Généralités
LMNH restent une complication classique et sévère de l’infection VIH : ↘ 70% incidence depuis HAART (- 80% cérébral) Epidémiologie DMI2 French database : patients VIH Mais environ 25% des LMNH surviennent avec CV < 50 cp/ml sous ARV
Atteintes viscérales fréquentes, diagnostic différentiel souvent difficile avec IO (TB) 2 grands cadres nosologiques : A un stade précoce de l’infection VIH, chez des patients asymptomatiques (CD4 > 200/mm3), le lymphome est en règle de type Burkitt, avec présentation clinique ganglionnaire au premier plan. A un stade tardif de l’infection VIH, (CD4 < 100/mm3), le lymphome est plutôt de type immunoblastique, pratiquement toujours lié à l’EBV. L’atteinte viscérale localisée peut tromper et retarder le diagnostic. Présentations, corrélations immunocliniques
Ganglionnaire : Forme « classique » : 1 ou plusieurs ADN révélatrices, asymétriques, volumineuses, dures et non inflammatoires Biopsie = examen diagnostique de référence. Digestive : Selon le site de la tumeur : dysphagie, Σ d occlusif, rectorragie, mélaena, péritonite par perforation… Diagnostic par biopsie per-endoscopique ou chir. Ttt chir parfois nécessaire : résection, dérivation. Lymphomes : formes cliniques
Forme cérébrale Lymphome primitif cérébral CDA<100 troubles de la conscience, syndrome déficitaire, crise comitiale Diagnostic ≠ difficile (toxo, TB) En faveur du lymphome: taille > 3 cm, franchissement ligne médiane (corps calleux), aspect polylobé Lymphomes : formes cliniques
Autres formes neurologiques Atteintes des paires crâniennes (III, V) ; épidurites (compression médullaire, hyperprotéinorrachie, méningite lymphocytaire) ; méningite (Burkitt avec atteinte médullaire) ; atteintes oculaires… Valeur prédictive positive de la PCR EBV Formes pulmonaires Svt peu symptomatiques : toux, crachats hémoptoïques ; imagerie = nodules multiples, parfois excavés ; Δ g difficile (fibroscopie, ponction sous scanner, chir), souvent pris initialement pour TB. Lymphomes : formes cliniques
Formes musculaires et cutanées Dvpt masse parfois nécrotique ; Δ g par biopsie Formes osseuses : Tous segments osseux, ostéolyse +/- atteintes parties molles Formes ORL et stomatologiques Symptômes peu spécifiques (sinusite), Δ g par biopsie. Autres atteintes … Foie, rate, pancréas, testicules, thyroïde, ovaires, … Lymphomes : formes cliniques
Forme osseuse
Forme mésentérique
Forme pleurale
Formes rénale et hépatique
Formes cutanéo-ganglionnaire
Atteinte viscérale d’extension rapide (doublement <48H) masse ganglionnaire, axillaire, cervicale ou inguinale ; masse abdominale (douleurs ou occlusion) ; masse testiculaire, etc. pancytopénie fébrile ou hyperleucocytose (leucémie) atteinte d’une paire crânienne (V, hypoesthésie mentonnière)… Diagnostic histologique urgent myélogramme : Δ g formes disséminées (LAL 3) ; cytogénétique (translocations t(8;14), t(8;22) ou t(2;8)) ; association à l’EBV inconstante (environ 40% des cas) Prise en charge en milieu spécialisé urgente corticothérapie initiale (réduction de masse rapide) ; chimio intensive ; rechutes après 18 mois exceptionnelles. Lymphome de Burkitt
Burkitt forme clinique ORL de l’enfant Lymphome de Burkitt
Burkitt forme clinique abdominale de l’enfant Lymphome de Burkitt
Evolution sous traitement
Lymphome de Burkitt Après 1 cure de chimiothérapie Evolution sous traitement
Evaluation pré-thérapeutique : extension du lymphome, statut clinique et immuno du VIH, état général du patient (bilan rapide, sans retarder le traitement et limité aux examens clés) Patients en bon état général et déficit immunitaire modéré > polychimiothérapie classique Burkitt (avec atteinte médullaire et/ou neurologique) > traitement intensif (protocole LMB) en milieu hématologique. Patients avec CD4 < 100/mm3 chimiothérapie modérée « à la carte » et/ou radiothérapie à visée symptomatique (masse volumineuse, douleur, compression…) Traitement des LMNH
Si le lymphome est diagnostiqué chez un patient naïf de traitement ARV et s’il est possible de lui proposer un traitement antirétroviral efficace : chimiothérapie conventionnelle même si déficit immunitaire sévère. Le taux de mise en rémission complète augmente avec l’intensité du traitement et conditionne la survie à « long terme » : > 40 % à deux ans si T CD4+ > 100/mm3. Traitement des LMNH
Chimiothérapie classique d’induction des LMNH : CHOP Cyclophosphamide*750 J1 Doxorubicine* 50 J1 Vincristine* 1,4 J1 Prednisone (mg/j) 60 J1 à J5 * Les posologies sont exprimées en mg/m2. Chimiothérapie LMNH
Maladie de Kaposi
Quatre formes cliniques classiques : forme méditerranéenne : hommes âgés, indolente, membres inférieurs, œdème. forme africaine : adultes jeunes, agressive, étendue, fréquente atteinte ganglionnaire. forme de l’immunodéprimé (greffé d’organe) : peut disparaître à l’arrêt de l’immunosuppression. forme associée au VIH : extensive, agressive, avec atteinte viscérale ; d’abord observée chez les HSH puis chez les africains.
Maladie de Kaposi Diminution de l’incidence du SK depuis les HAART ; Découverte agent étiologique : HHV-8 (ex KSHV) meilleure compréhension de la maladie/épidémiologie, HHV8 du groupe herpès, proche d’EBV sérologie imparfaite : test de référence en IFI, PCR virale (DNA) disponible (qualitative et quantitative) coloration sur tissus en immuno-histochimie (AgLANA). Histologie du SK : tumeur vasculaire, angiomateuse, prolifération cellules fusiformes, fentes vasculaires et infiltrats inflammatoires.
Maladie de Kaposi Le virus HHV8 Il s’agit d’un virus du groupe herpès, classé parmi les Rhadinoviridae, virus « transformant », proche de EBV (homme) et du HVS (HV Saimiri du singe).
Maladie de Kaposi Physiopathologie au cours de l’infection VIH Le virus infecte les cellules lymphoïdes B et probablement les cellules endothéliales. Le déficit immunitaire, la production de certaines cytokines et le virus VIH-1 lui-même participent à la physiopathogénie du Kaposi. Ceci explique que la correction du déficit immunitaire et le contrôle de l’infection VIH par les ARV peut suffire à faire régresser un Kaposi (même de forte masse tumorale).
Caractéristiques épidémiologiques Incidence du Kaposi dépend étroitement de la prévalence de l’infection HHV8 : rare en Europe du Nord (< 2%), gradient vers le Sud et la Méditerranée jusqu’à 20/25% en Sardaigne. Élevée chez PvVIH en Europe et aux Etats-Unis (40%) Élevée en Afrique (jusqu’à 50% adultes Afrique Centrale/Est) Transmission du HHV8 reste mal connue contamination dans la petite enfance (salive, comme EBV ?). mais prévalence augmente avec l’âge donc autres modes de contamination probables (voie sexuelle). transmission materno-fœtale faible.
Caractéristiques cliniques Lésion élémentaire : atteinte cutanée est au premier plan : macule puis papule, nodule, plaque, tumeur ulcéro-végétante. lésion bien limitée, angiomateuse, érythémateuse puis violine, hyperpigmentée parfois ecchymotique. indolore et non prurigineuse. s’associe parfois à un œdème (mbre inf) taille : qques mm à pls cm. thorax : distribution métamèrique pfs.
Caractéristiques cliniques Le diagnostic est CLINIQUE Diagnostics différentiels : lymphome, botryomycome, angiomatose bacillaire Ce n’est qu’en cas de doute diagnostique que la biopsie apportera la confirmation du diagnostic.
Atteintes viscérales Elles font la gravité du SK Tous les viscères peuvent être atteints : poumons, plèvre, digestif, os, foie, ganglions lymphatiques... Localisations digestives : souvent asymptomatiques rarement à l’origine de saignement, perforation ou occlusion.
Atteintes viscérales (1) Localisations pleuro-pulmonaires fréquentes, Symptomatologie : toux, dyspnée, crachats hémoptoïques. Dg difficile : Radiographie : nodules mal limités, flou périhilaire, épanchements pleuraux. Scanner thx : nodules périphériques, péribronchiques, mal limités, parfois spiculés, épaississement péri-bronchovasculaires, proximaux, périhilaires, adénopathies médiastinales, épanchement pleural Fibroscopie bronchique : peut retrouver des lésions typiques au niveau des bronches.
Sarcome de Kaposi pulmonaire Sarcome de Kaposi pulmonaire : image radiologique
Atteintes viscérales (2) Localisations digestives fréquentes, Symptomatologie : saignements digestifs hauts et bas (méléna, rectorragies) Dg facile : Clinique : présence de lésions ORL = 100% corrélée à présence de localisations digestives hautes et/ou basses Endoscopie digestive (haute/basse) : nodules violines sur les muqueuses digestives (estomac, duodénum, intestin grêle, colon, rectum, anus) saignements digestifs hauts ou bas Formes étendues : risque d’hémorragies digestives cataclysmiques engageant le pronostic vital
Sarcome de Kaposi digestif Sarcome de Kaposi digestif : image endoscopique gastrique
Traitement Traitement antirétroviral puissant (2 NRTI + 1 IP) ChimioPosologie Administration Effets indésirablesToxicité Bleomycine (bleo) 10 mg IV (2 h) 5 mg IM x 3j fièvre frissons pigmentation - pneumopathie d’hypersensibilité - fibrose pulmonaire (dose max: 300 mg) - radiosensibilité (délai de 3 semaines) Vinblastine (vlb) 6 à 10 mg IV (5 mn) - neuropathie - iléus Vincristine (vcr) 1.2 à 2 mg IV (5 mn) - neuropathie - iléus Etoposide (vp16) 150 à 250 mg IV (1 h) nausées hypo-TA - neutropénie - thrombopénie Adriamycine (adria) 25 à 50 mg IV (30 mn) nausées alopécie - neutropénie - thrombopénie - insuff. cardiaque (dose max: 400 mg/m 2 )
Traitement La chimiothérapie peut être réalisée tous les 15 jours sur une période de 3 à 6 mois. Dans les formes étendues ou avec atteinte viscérale, il est possible (souhaitable) de commencer par une poly-chimiothérapie : Vcr - bléo Vlb - bléo Vp16 - bléo Traitements locaux (cryo, radio, etc.) abandonnés
Régression du Sarcome de Kapos sous traitement ARV + spécifique Traitement
Cancer du col utérin
Epidémiologie FvVIH ont un risque majoré de lésion cervicale intra épithéliale (SIL), précurseur du cancer invasif du col 2-3% par an en pop gén, bas grade, liées ou non à HPV RR multiplié par 3 à 5 chez FvVIH 1 er KC féminin au cours de l’infection à VIH, avant SK et LMNH RR de CCU = 1,3-3 chez FvVIH vs non VIH 1993 : CIC intégré aux classifications SIDA Stein L, Int J Cancer ; Kuhn L, AIDS 2010 (SA)
Epidémiologie Rôle majeur du HPV (60 à 100% des cas) Mêmes souches de HPV, mais HPV-18 > 16 ? Infection HPV multiples chez les FvVIH avec CIC : 23% vs 3% d’infections à HPV multiples ; lien inverse avec taux de CD4 Facteurs de risque pour l'apparition d'un SIL (Tedd V. Ellerbrock, JAMA 2000) en analyse multivariée : infection à VIH : RR=3.2 détections d'ADN HPV : RR=5.5 ; HPV autres que 16 et 18 : RR=7.6 ; HPV16 et 18 : RR=11.6 âge inférieur à 37.5 ans RR=2.1
Histoire naturelle SIL → CIC : 25% des SIL se transforment en lésions de haut grade, délai d’apparition de CIC : 15 ans en moyenne, Vitesse de progression accélérée chez les FvVIH (<10 ans) Lien HPV et CIC clairement identifié, lien CD4 et portage chronique HPV aussi Récidives de SIL après traitement local + frqtes CIC pas lié aux CD4, mais pronostic plus mauvais chez FvVIH
Cancer du col utérin Schéma anatomique du cancer du col utérin
Cancer du col utérin
Prévention et prise en charge Prévention: Vaccination HPV Dépistage régulier des FvVIH Traitement : SIL : traitement local (électrocoag, cryo, conisation) CIC : traitement chirurgical + radiothérapie +/- radiothérapie
Autres cancers « non liés au VIH »
Autres cancers « non liés » au VIH Incidence accrue des cancers « non liés » au VIH chez les PvVIH (4.797 cas KC parmi pts), SIR = 2 (1,8-2,0) : Cancer anal (SIR=28) Lymphôme de Hodgkin (SIR=11) Hépatocarcinome (SIR=5,6) Cancer du poumon (SIR=2,6) Cancers cutanés, rein, ORL (SIR=1-2)
Cancer anal Fréquence accrue chez l’homme (HSH) et la femme devrait être classant (RR x 28) Lien avec HPV (mêmes souches que CIC) Mêmes implications que CIC : pronostic, thérapeutique, prévention (vaccin HPV, dépistage)
Maladie de Hodgkin Non reconnue comme une manifestation liée au SIDA, mais incidence accrue (x 5-11) Médiane des CD4 au diagnostic : 200 /mm3 Association à l’EBV: 100% vs 50% Cellularité mixte : 60% vs 20% Stade IV : 60% vs 15% Traitement : chimiothérapie (MOPP, ABVD ou MOPP/ABV) +/- radiothérapie. pronostic médiocre
Cancers bronchiques Risque relatif x 2-3 par rapport pop. Générale Lien avec forte prévalence du tabagisme chez les PvVIH Adénocarcinomes +++ Atteintes plus sévères initiales (au diagnostic) Pronostic plus grave (médiane de survie : 1-8 mois)
Synthèse cancers « non liés » Malgré HAART, RR élevé de cancers non liés Lien avec co-infections : cancer anal, hépatocarcinome, Maladie de Hodgkin Lien avec cofacteurs (tabac) : poumons, reins, ORL Lien avec immunodépression : RR ↗ pour KC Poumons et ORL si CD4<200/mm3 (Silverberg MJ, Cancer Epidemiol Biomarkers Prev, nov. 2011) Agressivité ↗, pronostics plus grave
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