LES ENJEUX DE LA REFORME DE LA FISCALITE COMMUNALE EN POLYNESIE FRANCAISE
Les communes de Polynésie française se distinguent par leur absence de véritable autonomie financière, ou tout au moins, par leur absence d’autonomie fiscale. C’est au regard de ce constat qu’il convient d’examiner successivement : - le contexte budgétaire des communes et ses conséquences ; - les enjeux d’une réforme de la fiscalité communale ; - et plus généralement les conditions de réussite d’une réforme du financement des communes. Les enjeux de la réforme de la fiscalité communale
I - Un contexte budgétairement difficile qui rend indispensable l’adoption de dispositions nouvelles 1) Les dépenses communales Un dynamisme mal maîtrisé des dépenses de fonctionnement : - Les frais de personnel représentent une part croissante des dépenses de fonctionnement (60 % pour les communes de plus de h) ; - La mise en place de la fonction publique communale, risque dans un premier temps d’alourdir les charges des communes ; - La création des services publics environnementaux (eau, assainissement, déchets) risque d’accroître les difficultés déjà rencontrées par les communes, si des mesures adéquates ne sont pas prises rapidement.
I - Un contexte budgétairement difficile qui rend indispensable l’adoption de dispositions nouvelles 2) Les recettes communales Les conseils municipaux ne maîtrisent ni le niveau, ni l’évolution des recettes de fonctionnement (sauf pour les produits de l’exploitation et du domaine). Les principales recettes ne dépendent pas de décisions communales : -la dotation globale de fonctionnement (24,5 % des recettes de fonctionnement) est fixée par l’Etat ; -le fonds intercommunal de péréquation (42 %) et les centimes additionnels (12,5 %) dépendent essentiellement de décisions fiscales de la Polynésie française ; -la taxe sur l’électricité (environ 7,5 %) est liée à la consommation des acteurs économiques.
I - Un contexte budgétairement difficile qui rend indispensable l’adoption de dispositions nouvelles 2) Les recettes communales (suite) Les communes ne peuvent agir, dans le meilleur des cas, que sur les seuls taux des centimes additionnels et de la taxe sur l’électricité, qui ont souvent déjà atteint le plafond autorisé. Les ressources fiscales sont au demeurant très inégales d’une commune à l’autre : quatre communes seulement ont des ressources fiscales supérieures à 25 % de leurs recettes de fonctionnement.
I - Un contexte budgétairement difficile qui rend indispensable l’adoption de dispositions nouvelles 3) L’équilibre budgétaire est fragile L’équilibre budgétaire des communes est fragile, quand il n’est pas déjà compromis : - depuis 2009, la CTC a eu à connaître de situations financières communales dont la dégradation remonte à plusieurs années ; - la rigidité des dépenses ne laisse que peu de chances de restaurer les marges d’autofinancement dans un contexte de stagnation des recettes ; - à défaut d’autre solution, puisqu’il n’y a pas de marges fiscales, la chambre a dû proposer aux communes de mettre en place des plans de redressement pluriannuels portant sur la réduction des dépenses.
II - Quels sont les enjeux d’une réforme de la fiscalité communale ? 1) Les droits et obligations de la Polynésie française Depuis 2004, la Polynésie française dispose seule du pouvoir de réformer la fiscalité des communes (article 53 de la loi organique statutaire). Elle n’est pas tenue, au regard de la Constitution, de donner l’autonomie fiscale aux communes (décision n° DC du 29 décembre 2009 du Conseil constitutionnel). L’article 72-2 de la Constitution dispose seulement que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources ». Peuvent être incluses parmi les ressources propres des communes des impositions partagées ou transférées qui s’assimilent parfois davantage à des dotations qu’à des prélèvements locaux.
II - Quels sont les enjeux d’une réforme de la fiscalité communale ? 2) Les avantages d’un renforcement de la fiscalité communale -permettre aux communes de mobiliser des ressources nouvelles en fonction leurs besoins ; -leur permettre d’arbitrer librement entre un accroissement de la pression fiscale, la réalisation d’économies ou encore le prélèvement de produits de l’exploitation et du domaine ; -desserrer l’étreinte qui risque de peser sur leurs usagers des services municipaux ; -responsabiliser des décideurs communaux, en cohérence avec le cadre communal décentralisé ; -accroître la transparence pour le citoyen-contribuable.
II - Quels sont les enjeux d’une réforme de la fiscalité communale ? 3) Les risques de la création d’une fiscalité propre aux communes - risque de superposition de mesures fiscales pouvant entraîner l’augmentation globale des prélèvements obligatoires (38 % en 2008 en Polynésie française) ; - difficulté plus grande pour la collectivité de la Polynésie française de maîtriser l’évolution de ces prélèvements obligatoires ; - complexification des modalités de recouvrement des impôts communaux. Qui en serait chargé ? Selon quelles modalités ?
II - Quels sont les enjeux d’une réforme de la fiscalité communale ? 3) Les risques de la création d’une fiscalité propre aux communes (suite) - effet d’aubaine : tentation forte pour les élus de mobiliser l’impôt plutôt que de rechercher des économies budgétaires ou d’améliorer le recouvrement des redevances pour service rendu ; - risque d’épuisement rapide des marges fiscales si l’augmentation des impôts devient une solution de facilité ; - risque d’accroissement des inégalités entre les communes ;
III - Quelles seraient les conditions de la réussite d’une réforme du financement des communes ? La réforme de la fiscalité communale ne peut être envisagée qu’en prenant diverses précautions : - un fort encadrement par l’assemblée de la Polynésie française (fourchettes limitées d’évolution des taux, liaison des taux…) ; - une clarification préalable des bases fiscales ; - un caractère progressif permettant une évolution maîtrisable des effets de la réforme sur les équilibres généraux ; - un contrôle effectif par l’assemblée de l’évolution des prélèvements obligatoires (fixation d’objectifs d’évolution de la fiscalité communale et du taux global des prélèvements obligatoires) ; - un choix pertinent des impôts à transférer ou à créer.
III - Quelles seraient les conditions de la réussite d’une réforme du financement des communes ? (suite) Les impôts communaux doivent être adaptés aux objectifs visés : stabilité de la ressource répondant à la permanence des services assurés par les communes ; nécessité de financer les services environnementaux par des impôts et taxes incitatifs ; financement de nouvelles compétences transférées ; accompagnement du développement économique.
III - Quelles seraient les conditions de la réussite d’une réforme du financement des communes ? (suite) Mais il est illusoire de penser que l’on résoudra le problème du financement des 48 communes polynésiennes en se limitant à développer la fiscalité communale. La réforme de la fiscalité communale doit donc s’accompagner de mécanismes correcteurs pour les collectivités ne disposant pas de bases fiscales suffisantes (mécanismes de péréquation ou de solidarité) : - soit au niveau de la seule fiscalité communale (article 53 de la loi statutaire à modifier) ; - soit au niveau du budget de la Polynésie française. Le fonds intercommunal de péréquation (FIP) pourrait devenir l’outil de correction des disparités fiscales entre les communes.
III - Quelles seraient les conditions de la réussite d’une réforme du financement des communes ? (suite) Toutefois, la question mérite d’être posée de savoir si une réforme du financement des communes sans réforme de la fiscalité, ne serait pas envisageable. L’objectif premier d’une réforme du financement des communes est de leur garantir des ressources stables. Ces ressources doivent pouvoir évoluer en fonction de critères objectifs comme la croissance démographique ou le transfert de compétences nouvelles. Or, le projet de développement de la fiscalité communale ne répond pas à cet objectif.
III - Quelles seraient les conditions de la réussite d’une réforme du financement des communes ? (suite) Dans de nombreux Etats, les collectivités territoriales sont majoritairement financées par des dotations ou une fiscalité partagée. Le système de la fiscalité partagée est déjà appliqué en Polynésie française au travers du FIP. Celui des dotations est également appliqué au travers de la DGF. Le financement par dotation présente de nombreux avantages : - mécanismes connus et bien maîtrisés ; - visibilité et stabilité des ressources ; - redistribution et péréquation faciles à mettre en oeuvre. La question ne doit donc pas être éludée. Une réforme du financement des communes sans réforme de la fiscalité est possible.
III - Quelles seraient les conditions de la réussite d’une réforme du financement des communes ? (suite) En conclusion : L’hypothèse d’un développement de la fiscalité communale est conforme à l’objectif de responsabilisation des élus communaux et à l’esprit de la décentralisation et répond à des besoins immédiats des communes. Mais il faut l’accompagner de mécanismes de stabilisation des ressources ou de garantie des ressources, et de correction des inégalités fiscales.