Une crise internationale au cinéma: Docteur Folamour
Edito d ’ Albert Camus, 8 août 1945, Combat « Le monde est ce qu'il est, c'est-à-dire peu de choses. […] On nous apprend, en effet, au milieu d'une foule de commentaires enthousiastes que n'importe quelle ville d'importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d'un ballon de football. Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l'avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique. Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. […] »
« J’ai eu l’idée de cette comédie cauchemardesque après avoir entendu le Président Kennedy dire que la guerre atomique, que l’on déclenche uniquement en pressant un bouton, a mille fois plus de chance d’avoir lieu à la suite d’une erreur ou d’un geste de folie, que de se déclarer sur l’ordre effectif des responsables ». Stanley Kubrick ( )
INTRODUCTION 1/2 L ’ entre-deux guerres = affirmation de l ’ importance du cinéma comme mass media. Seconde Guerre mondiale = cinéma outil idéal de propagande. Cinéma et Guerre froide Le cinéma occupe ainsi dans les stratégies de l ’ image des deux blocs une place stratégique vecteur de l ’ idéologie vecteur de la puissance technologique
INTRODUCTION 2/2 Une trentaine de films sur le communisme en Europe sortent des studios américains dans les années 1950, ce qui entraîne de vives protestations des partis communistes. Aux Etats-Unis, le maccarthysme touche également les cinéastes dans les années 1950 (Chaplin). En 1963, Stanley Kubrick donne une vision toute personnelle de la guerre froide. Jamais un film comique n ’ avait abordé le sujet de la guerre atomique.
Problématique Comment un film de fiction peut-il rendre compte du climat de guerre froide du début des années 60 De quelle manière Kubrick met en scène une crise internationale ?
Plan de la séance 1/2 I- Kubrick et la dénonciation grotesque de la guerre froide 1) Définition du grotesque 2) Un chef d ’ œuvre d ’ humour noir
Plan de la séance 2/2 II- Un film dénonciateur et grotesque 1) Les lieux du film 2) L ’ absence de communication et l ’ impuissance des « Puissants » 3) L ’ atmosphère du film : entre peur et grotesque III- La réception du film
I- Kubrick et la dénonciation grotesque de la guerre froide 1) Définition du grotesque L'étymologie de grotesque est grutta. Est caractérisé de grotesque tout ce qui suscite le rire par son apparence bizarre, ridicule, outrée, extravagante. Le grotesque possède une charge comique qui agit dans un contexte de pression de l ’ angoisse ou du malaise. Il apporte moins la catharsis que la confirmation de l ’ instabilité de tout.
2) Un chef d ’ œuvre d ’ humour noir La représentation d ’ une guerre idéologique, sans fronts ni combats spectaculaires, n ’ est pas aisée. Représentation cinématographique du climat de peur qui règne à cette époque. Avec Docteur Folamour (1963), Stanley Kubrick dénonce avec dérision et provocation la croyance dans l ’ arme nucléaire comme garantie de la paix en montrant qu ’ il suffirait d ’ un fou pour détruire le monde dans une catastrophe sans précédent et que rien ni personne ne pourrait l ’ arrêter. Théorie du refoulement - Roll Back en anglais
II- Un film dénonciateur et grotesque 1) Les lieux du film Le prologue Manière de suggérer la peur nucléaire qui est perçue comme une épée de Damoclès.
La plupart des séquences se situent à l ’ intérieur dans trois endroits : Au Pentagone américain, dans la salle de commande de l ’ état-major américain, la war room (salle des opérations). Le bombardier du Major Kong dont l ’ intérieur est précisément reconstitué au point d ’ effrayer les militaires américains ! La base militaire de Burpelson
Il s ’ agit de 3 espaces fermés qui ne communiquent jamais. Ce sont les dysfonctionnements techniques qui sont les vrais moteurs d ’ une intrigue et d ’ un destin qui échappent définitivement au contrôle des hommes. Tous les lieux sont sombres et coupés du monde. Cette sensation d ’ isolement visuel renvoie à l ’ idée d ’ absence de communication qui constitue le fil rouge du film.
2) L ’ absence de communication et l ’ impuissance des « Puissants » Les deux Grands sont impuissant à gérer cette crise : Ils ne maîtrisent pas le progrès technique et leurs officiers. Ils sont entourés de conseillers ridicules ou inquiétants. Ils sont obsédés d ’ être tous les deux à égalité, dans tous les domaines.
3) L ’ atmosphère du film : entre peur et grotesque L ’ atmosphère de peur et de grotesque nous est donnée : par la bande-son par le lieu de l ’ action par les personnages par le contenu des dialogues et le vocabulaire utilisé
La scène finale Démonstration de l ’ union maléfique du plaisir et de la destruction Rappel des dangers qu ’ exercent les idéologies conquérantes sur les esprits fascines ou domestiqués de l ’ appareil politique et militaire Progressivement, Folamour (représentation expressionniste du héros infernal mû par une volonté de puissance) passe maître des lieux, de la parole, de l ’ organisation du monde postnucléaire Son discours est à l ’ aune de son corps robotisé
III- La réception du film Le film a été très mal accueilli à sa sortie Contexte de l ’ installation d ’ une ligne de télétype rouge entre Washington et Moscou Ce n ’ est que dans les années 1980 que le film a acquis son statut de film-culte
CONCLUSION Génie de Kubrick Film entièrement tourné sur le rapport paradoxal entre l ’ immense intelligence de l ’ homme et son incommensurable bêtise, c ’ est-à-dire sa capacité à s ’ autodétruire et à vouloir tout détruire avec ce qu’il produit. Grotesque une arme parfaite pour traiter de ce sujet.