Paragangliomes malins multiples : problèmes de prise en charge H. BABA, MS. BELHAMIDI, M. ELFAHSSI, M. ABOULFATH, A. AIT ALI, A. BOUNAIM SERVICE CHIRURGIE VISCERALE I, HMIM V RABAT CONGRÈS NATIONAL DE CHIRURGIE
Introduction Les paragangliomes sont des tumeurs rares issues des cellules indifférenciées de la crête neurale primitive [1]. Ils se développent dans la base du crâne et du cou au niveau du système parasympathique et dans le thorax, l’abdomen, et le pelvis au niveau du système sympathique. Ces tumeurs peuvent être fonctionnelles, secrétant des catécholamines, ou non fonctionnelles, découvertes souvent à la suite d’un syndrome tumoral avancé [2]. Dans environ 30 % des cas, les paragangliomes sont génétiquement déterminés, et15 à 35 % de ces tumeurs sont malignes. Les facteurs de bon pronostic sont la précocité du diagnostic et l’exérèse complète de la tumeur [3,4]. CONGRÈS NATIONAL DE CHIRURGIE Objectifs Nous rapportons un cas exceptionnel de paragangliome malin multiple découvert à un stade très avancé, et nous discutons les problèmes de prise en charge des formes non sécrétantes.
Observation CONGRÈS NATIONAL DE CHIRURGIE Patient 56 ans, ATCD = 0, douleurs abdominales atypiques depuis 1 an, examen clinique: masses au niveau des fosses iliaques. TDM abdominale:un nodule du segment VI du foie de 2 cm de diamètre, un nodule surrénalien gauche de 2,2 cm de diamètre (Fig. 1) et plusieurs masses tissulaires, confluentes, avec des zones de nécrose, localisées surtout au niveau du flanc droit des fosses iliaques et du pelvis, et dont le diamètre variait entre 5 et 8 cm (Figs. 2,3). Les marqueurs tumoraux (ACE, AFP, CA19-9, CYFR et NSE) étaient normaux. L’acide vanylmandélique urinaire était de 8,2 mg par 24 heures (valeur normale entre 1 et 8 mg par 24 heures). La cortisolémie était normale. Une laparotomie exploratrice était réalisée, montrant plusieurs masses péritonéales de couleur rouge brunâtre foncée, arrondies à contours bosselés, vasculaires, situées au niveau du mésentère iléal. Une biopsie-exérèse d’une masse d’environ 5 cm de diamètre était réalisée (Fig. 4). L’examen anatomopathologique = paragangliome. Immunohistochimie: les cellules tumorales exprimaient la vimentine, la chromogranine A et la synaptophysine (Fig. 5). Traitement : refus de chirurgie chimiothérapie. Évomution:DC après 1 an
Résultats CONGRÈS NATIONAL DE CHIRURGIE Les paragangliomes sont des tumeurs d’origine ectodermique développées aux dépens des vestiges du tissu chromaffine primitif se trouvant le long du squelette axial et dans la médullosurrénale [1]. Dans 90 % des cas, les paragangliomes sont de siège sous diaphragmatique, préférentiellement dans le rétropéritoine médian au contact des vaisseaux mésentériques (organe de Zuckerkandl), au niveau des hiles rénaux, du hile hépatique et de la vessie. Les paragangliomes multiples et synchrones restent exceptionnels [2]. Selon la dernière classification publiée en 2004 par la Human Organization, on parle de phéochromocytome lorsque le paragangliome est fonctionnel et localisé dans la médullosurrénale. Le diagnostic des paragangliomes non sécrétants ou non fonctionnels est souvent réalisé à la suite de la découverte d’un syndrome tumoral très évolué. Les examens d’imagerie morphologiques et fonctionnels standard sont peu contributifs pour diagnostiquer les formes non sécrétantes [3]. Selon la littérature, une lésion tomodensitométrique évocatrice de paragangliome correspond à une tumeur de diamètre supérieur à 3 cm, de densité tissulaire sans injection, plus ou moins hétérogène, fortement rehaussée après injection de produit de contraste en dehors des zones restant hypodenses et correspondant à des remaniements nécrotiques, kystiques ou hémorragiques [2]. Le diagnostic positif ne sera donc confirmé que par l’examen anatomopathologique. Entre 15 et 35 % des paragangliomes sont malins, mais aucun critère histopathologique ne permet de distinguer les formes bénignes des formes malignes. L’envahissement locorégional extensif et l’apparition de métastases restent en définitif les seuls critères valables pour affirmer la malignité. Les sites métastatiques les plus communs sont les ganglions lymphatiques, l’os, les poumons et le foie [4]. Dans environ 30 % des cas, les paragangliomes sont génétiquement déterminés. La forme familiale de la maladie est appelée paragangliome héréditaire. Elle se transmet selon un mode autosomique dominant avec une pénétrance incomplète. La fréquence élevée des formes familiales justifie la réalisation systématique d’une enquête génétique chez tout patient porteur d’un paragangliome à priori d’allure sporadique. Le diagnostic génétique repose sur la recherche de mutations germinales des gènes codant pour les sous-unités B et D de la succinate déshydrogénase (SDHB, SDHD) [5]. En effet, l’identification d’une tumeur héréditaire permettra de conduire deux actions essentielles pour le patient et sa famille : pour le patient, recherche d’autres localisations tumorales nettement plus fréquentes dans ce groupe que dans le groupe des tumeurs sporadiques ; pour la famille, mise en place d’un diagnostic génotypique prédictif permettant de repérer rapidement les sujets à risque de paragangliome [6] Le traitement de choix, aussi bien pour les tumeurs primitives que secondaires, reste la résection chirurgicale qui peut avoir des effets thérapeutiques et palliatifs considérables. L’expérience avec la chimiothérapie dans la maladie métastatique est limitée [7]. En sachant donc que, d’une part, le seul facteur sur lequel on puisse agir reste la taille de la tumeur au moment de l’intervention et que, d’autre part, le seul traitement reste la chirurgie d’exérèse radicale de type R0, le dépistage génétique familial devrait avoir un intérêt pronostique capital, permettant de réduire la morbimortalité de cette maladie. Ainsi, concernant notre patient, une résection des masses tumorales aurait pu améliorer le pronostic de sa maladie, et la mise en évidence d’une forme héréditaire, si le test génétique était réalisé, aurait aidé à dépister le paragangliome chez ses enfants à un stade très précoce.
Conclusions CONGRÈS NATIONAL DE CHIRURGIE Les paragangliomes malins multiples non sécrétants sont exceptionnels. Ils posent un épineux problème de prise en charge, d’une part, à cause du retard diagnostique dû à la latence clinique et, d’autre part, à cause du modeste résultat des thérapeutiques adjuvantes. La chirurgie d’exérèse R0 est le seul traitement curatif, mais sa réalisation est souvent difficile, vu le caractère multiple des lésions. Références 1.Crozier F, Lechevallier E, Eghazarian C, et al (1999) Paragangliome non sécrétant rétropéritonéal. J Radiol 80:150–152 2.Chabbert V, Otal P, Colombier D, et al (2000) Imagerie des phéochromocytomes et des paragangliomes. Feuil. Radiol. 40:107–121 3.Gimenez-Roqueplo AP (2003) Paragangliomes et phéochromocytomes. Ann Endocrinol 64:396–397 4.Edstrom Elder E, Hjelm Skog AL, Hoog A, Hamberger B (2003) The management of benign and malignant pheochromocytoma and abdominal paraganglioma. EJSO 29:278–283 5.Mirallié E, Cariou B, Kraeber-Bodéré F (2005) Phéochromocytomes bilatéraux : génétique et traitement. Ann Surg 130:273– Lamblin A, Pigny P, Tex G, et al (2005) Paragangliomes : profil clinique et sécrétoire à propos de 39 cas. Ann Surg 130:157–161 7.Van Heerden JA, Sheps SG, Hamberger B, et al (1982) Pheochromocytoma: current status and changing trends. Surgery 91:367–373