ENCG de Fès DU Finance et Ingénierie Bancaire Décisions d'investissement et de financement Chapitre 2 - Evaluation et choix d'investissements en situation d'incertitude Pr: A. HMIOUI
En situation d'incertitude, certains événements sont connus mais leur réalisation n'est pas certaine alors que d'autres sont inconnus. La notion d'incertitude présente alors deux formes: — L'incertitude relative: la probabilité que tel événement se produise est connue; — L'incertitude absolue: la probabilité que tel événement se produise est inconnue.
I-Evaluation des investissements en avenir probabilisable 1-Caractéristiques de l'avenir probabilisable En matière d'investissement, l'avenir probabilisable est une situation dans laquelle il est possible de déterminer toutes les valeurs que peut prendre le cash-flow relatif à un exercice donné et d'affecter une probabilité déterminée à chacune de ces valeurs. En d'autres termes, en avenir probabilisable, chaque cash-flow d'un projet d'investissement est une variable aléatoire dont on connait la loi de probabilité. Dans une telle situation, plusieurs critères d'évaluation et de choix peuvent être utilisés.
2-Le critère espérance-variance En avenir probabilisable, il est possible de calculer l'espérance mathématique de la VAN, E(VAN), ainsi que sa variance, V(VAN), et son écart-type, 6 (VAN). L'espérance mathématique E(VAN) permet d'évaluer la rentabilité du projet, tandis que la variance ou l'écart-type donnent une mesure du risque que représente le projet.
L'évaluation et le choix des projets s'effectuent sur la base de ces deux critères et sont fonction de l'attitude du décideur face au risque. Dans la réalité, on simplifie le problème en ramenant tous les événements possibles à trois hypothèses seulement : — Une hypothèse optimiste ; — Une hypothèse moyenne ; — Et une hypothèse pessimiste. Auxquelles on affecte une probabilité plus ou moins subjective.
Exemple: Considérons deux projets nécessitant le même capital investi 100 et ayant la même durée 2 ans. Chaque cash-flow fait l'objet de 3 évaluations à chacune desquelles a été affectée une probabilité. On suppose que les cash-flows sont indépendants les uns des autres et que le coût du capital est de 10%.
0_______________1 _______________2 100 C 1 P(C 1 )C 2 P(C 2 ) 600,3500,4 700,4600,3 800,3700,3
0_______________1 _______________2 100 C’ 1 P(C’ 1 )C’ 2 P(C’ 2 ) 300,3500,4 620,5800,4 900,21000,2
Pour chacun des projets, nous allons calculer l'espérance mathématique de la VAN : E(VAN); la variance de la VAN: V(VAN) et l'écart-type de la VAN: 6 (VAN). Premier projet: C 1 et C 2 désignent, respectivement, le premier et le deuxième cash-flows. C 1 et C 2 sont deux variables aléatoires. L'expression de la VAN est: VAN = C 1 (1,1) -1 - C 2 (1,1) (1) Les quantités (1,1) -1 et (1,1) -2 sont des constantes, il en résulte que les expressions C 1 (1,1) -1 et C 2 (1,1) -2 sont des variables aléatoires.
Leur somme est aussi une variable aléatoire et, par conséquent, la VAN elle-même est une variable aléatoire. Calcul de E(VAN) et de V(VAN) V(aX+b) = a 2 v(x) V(x) = E(x 2 ) — [E(x)] 2 La relation (1) permet d'écrire: E(VAN) = (1,1) -1 E(C 1 ) + (1,1) -2 E(C 2 ) — 100 V(VAN) = (1,1) -2 V(C 1 ) + (1,1) -4 V(C 2 ) E(C 1 ) : espérance mathématique du premier cash-flow E(C 2 ) : espérance mathématique du deuxième cash-flow V(C 1 ) : variance du premier cash-flow V(C 2 ) : variance du deuxième cash-flow
Il faut donc déterminer la valeur des expressions ci-dessus. C1C1 P(C 1 )C 1.P(C 1 )C12C12 C 1 2.P(C 1 ) 600, , ,
E(C 1 ) = ∑C 1.P(C 1 ) = 70 V(C 1 ) = ∑C 1 2. P(C 1 ) — [E(C 1 )] 2 = 4960 — (70) 2 = 60 Pour C 2, on trouve : E(C 2 ) = 59 V(C 2 ) = 69 on a alors : E(VAN) = (1,1) (1,1) —100 = 12,40 V(VAN) = (1,1) (1,1) = 96,71 6 (VAN) = √96,71 = 9,83
Deuxième projet Une démarche identique à la précédente conduit aux résultats suivants : E(VAN) = 12,63 V(VAN) = 627,06 6 (VAN) = 25,04 Les deux projets ont des E(VAN) très voisines, mais le deuxième projet est beaucoup plus risqué que le premier (6 (VAN) : 9,83 et 25,04). Par conséquent, le premier projet surclasse le second.
3-Utilisation du modèle d'équilibre des actifs Le MEDAF permet de déterminer le taux de rentabilité requis d'un actif financier ayant un risque systématique donné. Ce taux de rentabilité (R 1 ) est donné par la relation suivante : E (R 1 ) = R f + β 1 [E(R M ) – R f ] R f : Taux sans risque β 1 : bêta du projet considéré (coefficient de volatilité de la rentabilité de l'action par rapport à la rentabilité du marché) E(R M ) : espérance mathématique de la rentabilité du marché
* Le problème consiste à calculer R, puis à le comparer à la rentabilité (r i ) du projet étudié ou à l'utiliser pour calculer la VAN. Si r i > R i ou si VAN >0, le projet est acceptable et inversement. * Le calcul de R i nécessite l'estimation de β 1, et de E(R i ), ce qui constitue la phase la plus compliquée. * L'estimation de β 1, peut être effectuée à partir de données relatives à des projets analogues déjà réalisés, ou à partir de données sectorielles pertinentes, on encore, à partir d'un actif financier qui aurait les mêmes caractéristiques que le projet considéré. * E(R M ) peut, par exemple, être estimé à partir des données historiques.
Soit le projet d'investissement décrit par le schéma suivant : 0________________________1________________________ ,5 Capital Espérance mathématiqueEspérance mathématique investi du 1 er cash-flowdu 2 ème cash-flow
On a estimé le (β 1 de cet investissement à 1,75 et l'espérance mathématique de la rentabilité du marché à 8% (E(R M ) = 8%). Le taux sans risque est de 4%. Le projet est-il acceptable? Calculons la rentabilité requise R 1 : E (R 1 ) = R f + β 1 [E(R m ) – R f ] E (R 1 ) = 4 + 1,75[8-4] = 11%
Calculons le TRI(X) du projet : 100 = 55 (1 + x) ,5 (1 + x) -2 x = 10 % La rentabilité du projet est inférieure à la rentabilité requise : le projet n'est pas acceptable. Vérifions en calculant la VAN au taux de 11%. VAN = 55 (1,11) ,5 (1,11) = - 5,85 La VAN est négative, la conclusion précédente est confirmée.
Il-Choix d'investissements en incertitude absolue 1-Caractéristiques de l'incertitude absolue L'incertitude absolue est une situation dans laquelle : — Il est possible de recenser tous les événements (E i ) susceptibles d'affecter les cash-flows (dans la littérature économique, ces événements sont appelés "états de la nature"); — Il est possible d'évaluer les projets d'investissement considérés dans le cadre de chacun des événements recensés (par le calcul des VAN, par exemple); — Mais, il est impossible de déterminer la probabilité de chaque événement (E i ).
Dans une situation d'incertitude absolue, le problème à résoudre consiste à déterminer, parmi un ensembledeprojets d'investissement, celui qui doit être retenu (ou d'établir un classement de ces projets).
2-Critères de choix Les critères de choix sont adaptés aux diverses attitudes possibles du décideur face au risque. Nous allons les exposer à partir de l'exemple suivant: Exemple: On décide de choisir le meilleur des 3 projets d'investissement I 2, I 2 et I 3 pour lesquels les VAN ont été calculées en fonction de chacun des 3 événements E 1, E 2, E 3 susceptibles de se produire et dont dépendent les cash-flows.
Les résultats on été donnés dans le tableau ci-dessous E i I i E1E1 E2E2 E3E3 I1I I2I I3I
a-Critère de Laplace Ce critère n'est autre que l'espérance mathématique des VAN calculée dans l'hypothèse de leur équiprobabilité. L'application de ce critère donne : — I 1 : E (VAN) = (60 x 1/3) + (0 x 1/3) + (-90 x 1/3) -10 — I 2 : E (VAN) = (120 x 1/3) + (-60 x 1/3) + (0 x 1/3) = 20 — I 3 : E (VAN) = (-15 x 1/3) + (90 x 1/3) + (30x 1/3) = 35 Le choix doit porter sur I 3
b-Critère du maximin (maximum des minimums ou critère de Wald) C'est le critère du décideur prudent, averse au risque, qui privilégie la sécurité. Il consiste à prendre la VAN minimum de chaque investissement et à retenir celui dont la VAN minimum est la plus élevée. L'application de ce critère donne : — I l : VAN minimum = - 90 — I 2 : VAN minimum = - 60 — I 3 : VAN minimum = - 15 Le choix doit porter sur I 3
c- Critère du maximax (maximum des maximums) C'est le critère du décideur optimiste, non averse au risque, qui privilégie le gain (au détriment de la sécurité). Il consiste à retenir l'investissement dont la VAN est la plus élevée. L'application de ce critère donne : — I 1 : VAN maximum = 60 — I 2 : VAN maximum = 120 — I 3 : VAN maximum = 90 Le choix doit porter sur I 2
c-Critère du minimax (critère de Savage) Ce critère est adapté au décideur relativement prudent ; il tempère le pessimisme du maximin. Sa mise en œuvre nécessite, au préalable, l'élaboration de la matrice des regrets. Celle-ci résulte du raisonnement suivant : Supposons que E 1 se réalise, le meilleur investissement est alors I 2. Si I 2 a été choisi, on a pas de regret, d'où 0 dans la case I 2 E 2 (matrice ci-dessus), mais si c'est I 2 qui a été choisi, on a une VAN de 60 alors qu'elle aurait pu être de 120 avec I 3, d'où un regret de 120 — 60 = 60 dans la case I 1 E 1 ; si c est I 3 qui a été choisi, on a une VAN de -15 alors qu’elle aurait pu être de 120, d'où un regret de 120 — (-15) = 135 dans la case I 3 E 1 et ainsi de suite.
On obtient alors la matrice suivante : E i I i E1E1 E2E2 E3E3 I1I I2I I3I
On relève ensuite le regret maximum correspondant à chaque investissement et on choisit celui dont le regret maximum est le plus faible. Ce qui donne : —I 1 : regret max = 120 —I 2 : regret max = 150 —I 3 : regret max = 135 Le choix doit porter sur I 1