Dr Xavier LOOSFELD Intersecteur d’Alcoologie du Hainaut Année 2007 COURS D’ALCOOLOGIE Dr Xavier LOOSFELD Intersecteur d’Alcoologie du Hainaut Année 2007
FORMES CLINIQUES DES CONDUITES D’ALCOOLISATIONS
Les différentes classifications : CIM 10 – DSM IV Classification de « Fouquet » Classification alcoolisme primaire/alcoolisme secondaire Les formes cliniques en fonction de l’âge et du sexe : alcoolisation chez l’adolescent Alcoolisme féminin Alcoolisation passive du fœtus (SAF) Alcoolisation du sujet âgé
LES DIFFERENTES CLASSIFICATIONS Ce sont des instruments conceptuels, susceptibles de faciliter l’abord des problèmes liés à la consommation d’alcool en permettant de définir des sous-groupes homogènes de patients.
Certaines classifications permettent de poser un diagnostic très précis, utiles pour la réalisation de travaux de recherche et pour les études épidémiologiques, ou pour permettre un relevé d’activité dans un service : CIM 10 (Classification Internationale des Maladies) DSM IV (diagnostic and statistical manual of mental disorders) D’autres classifications sont plus cliniques à visé étiologique, utiles pour apprécier le type d’alcoolisation d’un patient et adapter la prise en charge la plus adéquate.
CLASSIFICATION DE « FOUQUET » Il distingue 3 modes d’alcoolisation : L’alcoolisation d’habitude ou d’entraînement (alcoolite) Concerne principalement les hommes Débutant à la fin de l’adolescence Consommations régulières de vin ou de bière lors des repas ou avec les « copains » dans un esprit de convivialité Les ivresses sont rares La consommation est continue,quotidienne, pendant des dizaines d’années Absence de sentiment de culpabilité Évolution de 20 à40 ans avant l’apparition de dommages physiques ou l’apparition d’une dépendance Antécédents familiaux d’alcoolisme fréquent(notamment chez les parents)
L’alcoolisation de compensation ou névrotique (alcoolose) Mode d’alcoolisation prédominant chez les femmes Associé à des difficultés existentielles et relationnelles Utilisation de l’alcool à visée psychotrope (« auto-médication ») Boissons alcooliques fortement titrées (apéritifs, liqueurs) Consommation solitaire, irrégulière et paroxystique Ivresses fréquentes Conduisant rapidement à une dépendance psychique Sentiment de culpabilité Comorbidité anxieuse et/ou dépressive très fréquemment associée ATCD de troubles névrotiques ou psychotiques chez les ascendants Début plus tardif évolution sur 5 à 10 ans dépendance
L’alcoolisation psychiatrique (somalcoolose) Forme beaucoup plus rare ( 1 à 5%) Alcoolisations compulsives avec des accès de consommation effrénée suivis d’accalmies de plusieurs mois Dégoût habituel pour les boissons alcoolisées Crises durant de quelques heures à quelques jours Consommation strictement solitaire et clandestine Recherche d’ivresse immédiate Parfois ingestion d’alcool non-alimentaire(eau de Cologne, parfum…) Culpabilité très forte Début tardif Risques importants au moment des intoxications aiguë (coma, complications,décès..)
Pour un patient donné, seul un diagnostic complet et précis, intégrant la notion de dépendance ou non, le type d’alcoolisation, et l’analyse de l’ensemble des complications permet d’envisager un traitement global et personnalisé.
CLASSIFICATION ALCOOLISME PRIMAIRE / ALCOOLISME SECONDAIRE Elle permet de déterminer la chronologie d’apparition des troubles les uns par rapport au autres. On distingue l’alcoolisme primaire lorsque la maladie alcoolique est la première à apparaître en distinguant : Les formes primaires permanentes Les formes primaires intermittentes L’alcoolisme secondaire favorisé par des troubles psychiatriques préexistants.
1.Alcoolisme primaire : a- Formes primaires permanentes atteint des hommes le plus souvent alcoolisation, insidieusement installée souvent dès l’adolescence et au départ peu bruyante. personnalité de base non pathologique. Alcoolisation quotidienne, volontiers sociale et conviviale, au café plus qu’au domicile. Vin et bière sont le plus souvent consommés.Les ivresses sont rares. La sémiologie de ces alcoolismes, autrefois dit « d’entraînement » ou « d’habitude » est essentiellement celle du syndrome alcoolique attitudes de dénégation particulièrement fréquentes (« déni alcoolique »). augmentation progressive de la tolérance, puis survenue d’une dépendance évoluant sur une dizaine d’années décompensation parfois brutale, sur le plan physique, social ou familial.
1.Alcoolisme primaire : b- Formes primaires intermittentes caractérisées par l’aspect intermittent et massif des alcoolisations. entrecoupées de périodes d’abstinence plus ou moins durables. consommation souvent solitaire, clandestine. utilisation d’alcools forts, voire d’alcools non alimentaires (eau de Cologne, alcool à brûler…) l’ivresse est recherchée ; elle est souvent grave. Formes plus souvent féminines, caractérisées par une forte culpabilisation, le peu d’attrait affiché pour l’alcool, une utilisation toxicomaniaque, d’ailleurs souvent associée à d’autres conduites toxicophiles.
2. Alcoolismes secondaires : La pathologie alcoolique survient secondairement d’un point de vue chronologique. Ils comprennent toutes les conduites alcooliques qui s’installent chez un sujet porteur d’un trouble mental ou d’un désordre de la personnalité (dépression, anxiété chronique, syndromes phobiques, personnalités sociopathiques, personnalités border-line, schizophrénie). L’alcool ayant une valeur « d’auto-médication » au début. Les aspects cliniques de ces formes d’alcoolisme et leur pronostic général semblent plus liés à la nature du trouble psychique primaire qu’à la conduite alcoolique elle-même (les troubles mentaux persistant après le sevrage). Début plus tardif. Ils pourraient être influencés génétiquement.
FORMES CLINIQUES EN FONCTION DE L’AGE ET DU SEXE L’alcoolisme chez l’adolescent L’alcoolisme féminin Le syndrome d’alcoolisme fœtal L’alcoolisme du sujet âgé
L’alcoolisme chez l’adolescent (1) Les premiers contacts avec l’alcool sont précoces (entre 10 à 12 ans) et se font souvent dans les familles 36 % des enfants ont été initiés aux boissons alcoolisées par leurs parents avant l’âge de 8 ans. 31 % des garçons et 15 % des filles, parmi les lycéens, consomment déjà régulièrement des boissons alcoolisées.
L’âge de la première ivresse se situe en moyenne entre 14 et 16 ans L’âge de la première ivresse se situe en moyenne entre 14 et 16 ans. Les jeunes semblent délaisser le vin au profit de la bière et des alcool forts. Dans la plupart des cas, il s’agit de consommations de groupe, entre copains, souvent limitées aux week-ends.
On rencontre schématiquement chez l’adolescent : Les alcoolisations excessives sans expressions cliniques. Les alcoolisations ayant valeur d’auto-médication Les alcoolisations toxicomaniaques .
1 - alcoolisations excessives, sans expression clinique : certains adolescents consomment de l’alcool de façon déjà excessive, sans que ce comportement n’entraîne de conséquences somatiques, psychiques ou sociales. Ces alcoolisations, surtout à la bière, parfois aux alcools forts, sont régulières, souvent associées à un tabagisme précoce et, chez les filles, à une consommation de médicaments psychotropes. Elles semblent favorisées par des facteurs socio-culturels, incitation familiale d’abord, puis incitation par le groupe des « copains » (groupe des pairs.)
2 - Alcoolisation ayant valeur d’automédication Il s’agit ici de consommations intermittentes et massives avec ivresses fréquentes, chez des adolescents présentant des troubles psychologiques (troubles de la personnalité,anxiété, dépression). L’alcool, facilement accessible est d’abord utilisé pour ses propriétés psychotropes comme « médicament », puis consommé de façon de plus en plus massive et régulière. La consommation est ici plus souvent solitaire, culpabilisée et porte volontiers sur les alcools forts.
3-Alcoolisations toxicomaniaques chez l’adolescent : On observe chez certains adolescents, une utilisation précoce et toxicomaniaque de l’alcool, consommé de façon massive pour obtenir la « défonce ». Utilisation de bières fortes 8,6° – 8,8° –10° et/ou d’alcool fort parfois associé entre-eux (TGV) Divers situations sont rencontrées : l’usage précoce de l’alcool peut être le premier pas vers la toxicomanie aux drogues « dures » (20 % des héroïnomanes seraient ainsi passés de l’abus d’alcool à la consommation d’héroïne).
un nombre croissant d’adolescents toxicomanes utilisent simultanément drogues illicites et alcool ; ce dernier, d’accès facile et peu coûteux, amplifie les effets des drogues. certaines héroïnomanes, découvrent l’alcool après avoir « décroché » d’une drogue dure : de véritables alcoolismes « de substitution » peuvent alors s’installer.
L’alcoolisme féminin (1) La fréquence de l’alcoolisme chez la femme demeure notablement inférieure à celle de l’alcoolisme masculin (5 hommes pour 1 femme). La forme classique est celle d’un alcoolisme secondaire à un trouble psychiatrique, d’ordre dépressif notamment. La femme alcoolique, le plus souvent, boit seule, le soir chez elle, en cachette. Elle recherche plutôt les alcools forts qui lui procurent rapidement l’ivresse.
L’alcoolisme féminin (2) Cette consommation, longtemps dissimulée, ignorée des proches, est fortement culpabilisée. Dans bien des cas, l’alcoolisme féminin s’installe dans des situations de deuil, d’abandon, de divorce… Dans tous les cas, l’abus d’alcool aggrave la pathologie dépressive, accentue l’isolement et la dégradation sociale, majore les risques de suicide. Sont souvent associées des conduites d’auto-médications (abus de médicaments tranquillisants).
L’alcoolisme féminin (3) Certains alcoolismes féminins s’apparentent aux formes primaires rencontrées fréquemment chez l’homme. Les alcoolisations sont ici plus permanentes, conviviales, sociales, voire « mondaines » ; alcoolisations à la bière et au vin, sans recherche de l’ivresse.
L’alcoolisme féminin (4) La toxicité hépatique de l’alcool est plus importante : les complications, hépatites toxiques et cirrhoses, apparaissent plus précocement et pour des doses ingérées moindres. L’abus d’alcool peut entraîner des troubles du cycle menstruel et des ménopauses précoces. Il accroît la fréquence des avortements spontanés. Son effet tératogène peut être à l’origine du « syndrome d’alcoolisme fœtal ».
L’alcoolisation passive du fœtus (1) Le tableau complet, relativement rare, du syndrome d’alcoolisation fœtal (SAF) associe : une dysmorphie faciale donnant un aspect caractéristique : microcéphalie raccourcissement du nez avec narines éversées hypoplasie du maxillaire inférieur quelquefois hypertélorisme, ptosis, front bombé et étroit. absence de philtrum
Comparaison lèvres et philtrum
Clinique, dysmorphie craniofaciale :
Fente palpébrale
John
L’alcoolisation passive du fœtus (2) Un retard de croissance, à début intra-utérin, portant sur la taille, le poids, le périmètre crânien. Il persiste pendant toute l’enfance, surtout en ce qui concerne le poids. Des troubles neurologiques : syndrome hyperkinétique, troubles de l’attention, retard d’acquisition du langage, perturbations de la motricité fine, émotivité accrue, voire retard mental.
L’alcoolisation passive du fœtus (3) Les problèmes posés par ce syndrome sont multiples. On peut d’abord s’interroger sur l’existence d’un seuil de risque. (Les études anglo-saxonnes aboutissent à proposer l’abstinence totale pour toutes les femmes enceintes. En France, la non-consommation durant la grossesse est aussi préconisée.Cependant la prévention s’oriente plutôt vers les grandes buveuses dont il faudrait réduire la consommation.) Un second problème concerne les risques non plus liés à la consommation habituelle d’alcool, mais à une alcoolisation aiguë intermittente et ponctuelle, en particulier dans les premières semaines de la grossesse : l’effet tératogène est vraisemblable.
Campagne de prévention réalisée par le GRA (groupement régional d’alcoologie) en 1996
L’alcoolisme du sujet âgé (1) On estime actuellement que 10 % des sujets de plus de 65 ans auraient un problème d’alcool. La proportion des femmes alcooliques, au delà de 65 ans, rejoint pratiquement celles des hommes (1 femme pour 1,3 hommes environ). L’alcoolisation excessive est souvent méconnue du fait de l’isolement du sujet. Elle a pourtant des conséquences médicales importantes : troubles hépatiques et pancréatiques ; troubles cardio-vasculaires, HTA, fractures,affaiblissement cognitifs, suicide lorsqu’il existe une pathologie dépressive associée
L’alcoolisme du sujet âgé (2) La majorité des alcoolismes du sujet âgé semblent être des conduites de début tardif , apparaissant comme des tentatives pour résoudre, à l’aide de l’alcool, des difficultés sociales et affectives inhérentes à l’âge. Le plus souvent, ces sujets étaient antérieurement des consommateurs modérés ou occasionnels d’alcool. On retrouve comme facteurs précipitants de ces alcoolismes : la solitude, l’isolement, le veuvage, les maladies physiques, notamment les plus douloureuses et les plus invalidantes.
L’alcoolisme du sujet âgé (3) Quel que soit le type d’alcoolisme, la consommation est volontiers solitaire et dissimulée, faisant appel aux alcools forts plutôt qu’au vin et à la bière. Ces alcoolismes doivent être pris en charge, l’efficacité des cures de sevrage s’avérant du même ordre que chez les sujet plus jeune. Les attitudes de complaisance excessive sont néfastes : l’alcoolisation abusive altère notablement l’état physique et mental, précipite la détérioration, l’isolement affectif et social, altère en somme la qualité de vie des sujets âgés.