Troubles bipolaires (PMD) Max Michalon, MD., CSPQ., FRCPC. Professeur agrégé associé, CHU de Fort-de-France
Introduction Par définition, un trouble récurrent ayant des épisodes de plus en plus fréquent au fil du temps Quotient dépression/manie = 3/1 ou 5/1 D’un point de vue clinique: Les épisodes maniaques sont en général abrupts. Les sentiments de grandeur sont observés dans environ 80% des cas, les délires dans 70% & la dépersonnalisation dans 40% des cas.
Introduction (2) Rosenthal: 34% des patients en état maniaque ont des symptômes schneidériens du premier degré (first rank) Tout patient ayant eu 2 des paramètres suivants sont à plus grand risque de développer des épisodes récurrents et devraient avoir un traitement au long cours: 2 épisodes affectifs pendant toute période de 2 ans 3 épisodes affectifs ou plus sur la vie Début des T. bipolaires après 30 ans
T. Bipolaires classiques Vs spectre bipolaire (2)
T. Bipolaires classiques Vs spectre bipolaire De nos jours la notion de « spectre bipolaire » semble prédominer (Ghaemi SN, Can J Psychiatry 2002;47) A → B → C → D → E → F : A: hypomanie ou manie induite par des médicaments antidépresseurs B: différentes manifestations de personnalités hyperthymiques C: troubles de l’humeur du post-partum D: épisodes dépressifs de courte durée ou atypiques E: absence de réponse positive à plus de trois traitements antidépresseurs F: troubles bipolaires classiques de type I et II
T. Bipolaires classiques Vs spectre bipolaire (4)
Classification des T. de l’humeur (DSM-IV) T. de l’humeur T. dépressifs. T. bipolaires (2 semaines + 5 ou plus symptômes)(1 semaine + 3 – 4 symptômes) T. dépressif Dysthymie T. de l’humeur non spécifié Bipolaire I Bipolaire II Cyclothymie Bipolaire NOS T. de l’humeur dû à condition T. de l’humeur induit par une substance médicale générale
Classification des T. de l’humeur Spécification de l’évolution actuelle: Sévérité Psychotique En rémission Chronique Avec caractéristiques catatoniques Avec caractéristiques mélancoliques Avec caractéristiques atypiques Avec début lors du post-partum Spécification de l’évolution récurrente: Avec évolution longitudinale Avec caractère saisonnier Avec cycles rapides
Classification selon Klerman GL (Psychia. Annals 1987) Type I: Patients ayant eu au moins une hospitalisation pour manie et ayant des antécédents d’épisodes de dépression majeure. Type II: Antécédents de manie et dépression mais la manie reste modérée (hypomanie sans besoin d’hospitalisation). Type III: Cyclothymie sans dépression ou manie. Type IV: Manie induite par des troubles médicaux ou des médicaments Type V: Patient avec antécédents de dépression sans manie, mais ayant une histoire familiale de troubles bipolaires. Type VI: Manie unipolaire récurrente (sans épisode dépressif) Type 1: Patients hospitalized at least once for mania with a history of major depressive episodes. Type II: History of mania and depression but manic episodes are mild (hypomania only without hospitalization). Type III: Cyclothymia without major depression or mania. Type IV: Manic state associated with illnesses or medications considered to play an etiologic role. Type V: Pt with history of major depression alone but family histories of bipolar D. Type VI: Unipolar mania (no depressive episode).
Kupoulos et Réginaldi: évolution spontanée des T. bipolaires avant l’ère moderne Avant l’ère du Li, 4 catégories: Manie, Dépression, intervalle libre Dépression, Manie, intervalle libre Évolution circulaire continue (absence d’intervalle libre) Évolution irrégulière La catégorie la plus fréquente: Manie, Dépression, intervalle libre (60% en Italie, 80% au USA) Dépression, Manie, intervalle libre (seulement 19% des patients) +++ les patients commençant leurs épisodes par de la manie ont une bonne réponse au Li (2 fois plus que ceux commençant par une dépression)
Différentes formes d’hypomanie au sein du spectre de T. bipolaires « soft » (Akiskal)
Formes cliniques particulièrement décrites aux USA/Canada Manie à cycles rapides (« Rapid cycling or continuous mania »): Terme venant de Dunner & Fieve (Arch. Gen. Psychiatry 30:229-33, 1974) DSM-IV: peut se voir aussi bien pour les types I & II Au moins 4 épisodes de manie/hypomanie, dépression ou d’état mixte durant les 12 mois antérieurs (en l’absence de prise de substances telles cocaïne, corticostéroïdes…) Réponse pauvre au lithium (Li) Les Dérivés Tricycliques & qqs antidépresseurs peuvent ou exacerber un état maniaque ou convertir un patient bipolaire en manie à cycles rapides
Formes cliniques particulièrement décrites aux USA/Canada (2) Causes précipitantes non négligeables: Hypothyroïdie, épilepsie temporale partielle, sclérose en plaque, traumatisme crânien… Stratégies de traitement: Arrêt d’antidépresseurs (Kupoulos 1980), mais attention aux considérations éthiques! Le Li n’est en général pas efficace, en particulier quand la manie précède la dépression en ordre chronologique +++ Ac. Valproïque, carbamazépine, lamotrigène, gabapentine… T3 ou T4 IMAO + Li, neuroleptiques « privation de sommeil » de façon répétitive !!!?
Formes cliniques particulièrement décrites aux USA/Canada (3) États mixtes (« Dysphoric (mixed) mania ») Intrication stable dans le temps de symptômes dépressifs et maniaques (souvent humeur triste et excitation intellectuelle) DSM-IV: Présence chaque jour (au moins une semaine), de symptômes maniaques et dépressifs Incapacité fonctionnelle (« impairment ») Absence d’hypothyroïdie, d’abus de substance(s) ou d’anomalies organiques Serait plus fréquente (40% des patients vus en CHU) que la manie à cycles rapides
Formes cliniques particulièrement décrites aux USA/Canada (4) Profil des patients souffrant d’états mixtes: Jeunes, surtout femmes, présence de T. bipolaires sévères ayant une grande fréquence d’épisodes dans le passé Stratégies thérapeutiques: Réponse au Li pauvre (Himmel & Garfinkel, psychopharmacol. Bul , 1986) (Scuda, Am. Psychiatric Press 1986) Carbamazépine, Ac. Valproïque, lamotrigène, gabapentine… Les états mixtes sont parfois associés à l’abus de substances/alcool, à l’existence de convulsions… (il est impératif de traiter toutes causes associées, précipitantes/perpétuantes)
Aspects thérapeutiques des T. bipolaires à cycles rapides et mixtes: T4 (Thyroxine) v/s T3 (Liothyroxine) La glande thyroïde sécrète beaucoup plus de T4 (levotyrox) que de T3 (cynomeléliothyronine/cynomel) La plus grande part de la T3 provient de la déiodinisation de T4 par les divers tissus de l’organisme T4 v/s T3 ? : La T3 est puissante et très rapide d’action, sa demi-vie est de 12 h (7 jours pour la T4) Similairement, l’action de la T3 est aussi très brève La T4 & et la T3 passent la BM et pénètrent toutes deux dans le cerveau où elles ont une myriade d’effets centraux
Les hormones thyroïdiennes doivent occuper une place majeure en psychiatrie? Les patients souffrant du sous-type de troubles bipolaires aux cycles rapides, ont des antécédents familiaux aussi bien de trouble bipolaires que de troubles thyroïdiens. Il y a plusieurs publications indiquant que 50 ug/jour de T3 tout au long d’un traitement par sismothérapie, peuvent augmenter et accélérer la réponse à ce traitement.
T3: Indications psychiatriques et dosages en pratique T3 en traitement d’augmentation de la dépression majeure (adjunct treatment): 25 ug/j (le matin) Peut être jusqu’à 37, ug 75 ug/j, on peut s’attendre à de la thyréotoxicose La T3 ne devrait pas être prescrite pour plus de 2-3 mois : Ensuite, la T3 par 12,5 ug tous les 3-7 jours Après son arrêt, attendre 2-3 semaines puis mesurer la TSH. Si un déficit est observé, considérer un traitement de maintenance
T4: Indications psychiatriques et dosages en pratique L’usage de la T4 pour troubles bipolaires à sous- type aux cycles rapides: Commencer à 100 ug/j (il n’y a aucun besoin de diviser la dose compte tenu de la longue demi-vie de la T4) Dose maximale 500 ug/j Durée de prescription?, mal établie dans la littérature La T4 devrait être diminuée graduellement (tapered) par 50 ug tous les 2 jours
Pathophysiologie et effets secondaires Utilisés au long cours, la T4 & T3 → de la déminéralisation squelettique La T4 pourrait être une pré-hormone, la T3, elle, semble être plus efficace dans le SNC et serait un neurotransmetteur direct Il existe une hypothèse voulant que la dépression soit secondaire à un état d’hyperthyroxinémie (hyperthyroxinemic state). La T3 deviendrait donc thérapeutique parce qu’elle diminue la circulation de T4.
Phénoménologie des T. bipolaires du sujet âgé Chez le jeune adulte, la manie est essentiellement un syndrome « positif » (accélération/excès de comportement & d’activité mentale/émotion). Chez la personne âgée (Slater & Roth 1977), la manie est relativement modérée: Absence de comportement « infectieux » Présence d’hostilité et ressentiments, souvent prononcés
T. Bipolaire adulte jeune Vs Sujet âgé Les débuts précoces de manie ont un taux plus élevé de T. affectifs familiaux (prédisposition génétique) Les manies à début tardif (gériatrique) sont plus fréquemment associés à des pathologies cérébrales « organiques » (« neurological comorbidity »), la « manie gériatrique » est plus vraisemblablement une forme de « manie secondaire » (secondary mania) que celle de l’adulte jeune
Diagnostic différentiel/sujets âgés Manie « secondaire »: Pathologies somatiques/médicales: SEP, maladie de Parkinson, chorée de Huntington, D. de Pick Pathologies vasculaires, épilepsie Démence frontale (paralysie générale/syphilis tertiaire) Maladies endocriniennes (Cushing, Addison) Avitaminose (Biermer), carence en folates M. infectieuses (SIDA, méningo-encéphalite…) Toxique (substances, médications diverses…): Alcool, cocaïne, LSD, PCP, psilocybine, hallucinogènes… Tagamet/cimétidine, alphaméthyldopa, L-Dopa, amantadine, bromocryptine, interféron… Antidépresseur, anticholinergique (surtout trihexyphénydile/artane…) T. schizophréniques
Aspects thérapeutiques (manie gériatrique) Les sels de Lithium demeurent les médicaments de premier choix « Golden standard » (Young et Klerman Am J psychiatry 92): Chez le sujet âgé, il y a une réduction de la clairance du Li des dosages de Li tissus adipeux/tissus maigre réduction du volume de distribution des dosages de Li
Aspects thérapeutiques (manie gériatrique) Risques accrus avec les diurétiques thiazides et ou les diètes pauvres en sel de table Chez le sujet âgé, les complications potentielles dues à l’effet du Li sur le « nœud sinusal » sont parfois menaçantes Les troubles neurologiques pré-existants le risque de toxicité au Li (delirium) Un delirium peut survenir à des dosages < 1.5 meq/L.
Aspects thérapeutiques (manie gériatrique) Les tremblements secondaires au Li peuvent être très prononcés même à dose thérapeutique +++ les patients souffrant de démence et de troubles médicaux divers, ont en général une réponse très pauvre au Li (Himmelhoch) En conclusion: chez le sujet âgé, le Li offre une fenêtre thérapeutique très limitée (« narrow therapeutic index ») qui impose fréquemment des choix thérapeutiques alternatifs (depakote)
Changement de paradigme clinique: les anticonvulsivants supplanteraient-ils le Li? (McIntyre RS, Étude avec échantillon de 360 pts)
Divalproate sodium (dépakote) Comment initier le dépakote: Histoires des antécédents avec focus sur les troubles hépatique, hématologique, anomalies sanguines Fonctions hépatiques, formule sanguine complète (continuer ce monitoring pendant plusieurs mois jusqu’à stabilité, puis ts les mois) En cas de leucopénie/thrombocytopénie modérées ou ↑ modérée des transaminases, continuer le dépakote à doses modérées ou même dose mais surveiller de près la FSC En cas d’anomalies hépatiques/sanguines plus marquées = arrêt du dépakote
Divalproate sodium (dépakote) (2) Commencer (sur une période de 5 à 7 j) le dépakote à dosages de 500 – 1000 mg /j en 3 prises/j (20 mg/kg/j en cas d’un besoin de dépakinisation rapide) Commencer le monitoring de la dépakinémie après 4 à 5 jours à mg /j (12 hrs après la dernière prise) Ajuster les dosages en se basant sur la fenêtre thérapeutique de votre Labo ??
Divalproate sodium (dépakote) (3) Critères prédisant une bonne réponse au dépakote: Cycles rapides ou manie mixte Attaques de panique comorbide T. neurologiques/organiques (anomalies EEG, trauma crânien, handicap mental…) T. schizoaffectifs
T. bipolaires et carbamazépine tégrétol (CBZ) (révision R. McIntyre 2001) Nombreuses décennies d’expérience clinique du CBZ Efficacité: 60% de réponses positives pour la manie (19 études) 50% de réponses positives pour les dépressions bipolaires (3 études) Prophylaxie: 55% des pts durant les 2 premières années, mais avec subséquente perte d’effet prophylactique L’efficacité du CBZ demeure indépendante de sa concentration sanguine Efficacité possible en manie dysphorique, mais pas vis-à-vis de la manie aux cycles rapides
Comparaisons d’effets secondaires des thymorégulateurs Valproate Lithium CBZ GI ↑ poids absent ou peu sédation tremblements Insuffisance hépatique 1/ Psoriasis risque modéré R. tératogénique oui oui oui pancréatite effets rénaux ↓ NA perte de cheveux ↓ thyroïde agranulocytose interactions médicamenteuses
Effets secondaires du CBZ et divalproex S. en association Le CBZ est métabolisé en CBZ époxyde, ce dernier métabolite du CBZ est actif et contribue aux effets toxiques et anticonvulsivants Le divalproate de S. inhibe le métabolisme du CBZ époxyde (en inhibant l’époxyde hydroxylase) → ↑ de la concentration sérique de l’époxyde Cette combinaison si employée ds le traitement des T. bipolaires résistants, doit être surveillée de près (CBZ devrait être ↓)
TraitementManie en phase aiguë Dépression en phase aiguë Prophylaxie Lithium Divalproate S. Carbamazépine Neuroleptiques conventionnels (typiques) + +/- -/?en l’absence de psychose + +/- - Neuroleptiques atypiques Rispéridone Olanzapine Quétiapine Thymorégulateurs de 3e génération Lamotrigine Topiramate Gabapentine Antidépresseurs + - +/- - - (aggravent la manie) +/- + +/- + +/- + (prophylaxie dépression) ? ? (peuvent induire des cycles rapides) Légende: + = DBPT (double-blind, placebo controlled trial) +/- = Partial control - = inefficacy in replicated DBPT ? = Not adequately studied
Estimation des gains de poids et chimiothérapie bipolaire (Allison DB et al, Am J Psychiatry 1999, )