Par M. Georges Eric Bowen
I- Présentation sommaire du régime géré par la CNPS du Cameroun 2
Le régime de sécurité sociale géré par la CNPS comprend deux principales composantes : - un régime général obligatoire qui couvre les travailleurs salariés régis par le code du travail, à l’exclusion des agents de l’Etat ; - un régime volontaire qui, dans l’unique branche d’assurance pensions de vieillesse, d’invalidité et de décès, couvre les personnes qui ne relèvent pas déjà d’un régime obligatoire existant (professions libérales, chefs d’entreprise, travailleurs de l’économie informelle, ruraux), à l’exclusion celles qui soit, sont déjà titulaires d’une pension soit, remplissent les conditions requises pour prétendre au bénéfice d’une telle prestation dans le cadre de l’un des régimes existants ; La gestion du régime obligatoire qui, couvre les travailleurs salariés régis par le Code du Travail ainsi que celle du régime d’assurance volontaire sont confiées à la CNPS. Le régime obligatoire est articulé autour de trois branches de prestations sociales : prestations familiales, pensions de vieillesse, d’invalidité et de décès, accidents du travail et maladies professionnelles. Il couvre une population d’environ assurés sociaux tandis que le régime volontaire compte assurés volontaires. 3
Les effectifs enregistrés dans la branche de pensions s’élèvent à bénéficiaires, toutes catégories confondues, pour un volume annuel des prestations payées en 2015 de l’ordre 66 milliards de francs, tandis que les recettes techniques dans la branche se chiffrent à environ 50 milliards de francs, d’où un déficit de 16 milliards de francs. Les dépenses techniques en pensions représentent environ 86% du budget global des dépenses techniques de la CNPS, et environ 56% du budget de la CNPS. Le financement du régime provient pour l’essentiel, des cotisations sociales versées par les employeurs et les travailleurs, pour ce qui est du régime obligatoire, ainsi que de celles versées par les assurés volontaires, pour le régime volontaire. Ces cotisations sont calculées sur la base soit, des salaires versés, soit, des revenus déclarés (cas des assurés volontaires) dans la limite d’un plafond des rémunérations qui est passé depuis le 15 février 2016, de francs à francs. Les taux de cotisations sociales applicables dans la branche de pensions sont les suivants : 4,2% à charge de l’employeur ; 4,2% à charge du travailleur ; 8,4% à charge de l’assuré volontaire ; 4
La technique de financement adoptée est celle de la répartition, en ce sens que les actifs cotisent pour les inactifs, avec cependant cette particularité que le régime connaît une capitalisation partielle due à l’obligation de constitution d’une réserve dont le montant est égal au volume des dépenses enregistrées dans la branche au cours des trois derniers exercices comptables. La CNPS apparaît ainsi, tant du point de vue de la taille de la population qu’elle couvre, que du volume des prestations qu’elle sert, comme le principal instrument de mise en œuvre de la politique du gouvernement en matière de sécurité sociale. Au plan de son statut juridique, la CNPS est un établissement public doté de la personnalité morale et jouissant de l’autonomie financière. 5
II- Des difficultés rencontrées 6
Les difficultés rencontrées dans la gestion des deux régimes, au niveau de la branche pensions, sont de plusieurs ordres : La branche enregistre depuis près d’une dizaine d’années, un déficit financier structurel dû, entre autres, à l’arrivée à maturité du régime qui, est entré en vigueur depuis le 1 er juillet 1974, mais aussi à la possibilité donnée à l’assuré depuis 1984, de prendre sa retraite par anticipation dès l’âge de 50 ans, dès lors qu’il justifie d’au moins 15 années de cotisations versées, et ceci, sans subir une décote ; La faiblesse du taux de base de remplacement des salaires perçus en activité qui, était jusqu’à une date récente de 30% de francs, et qui vient d’être porté à 30% de francs, ce qui, bien que constituant une amélioration non négligeable, est loin de combler les besoins et les attentes des retraités qui, aspirent à bénéficier au moment de la retraite, des revenus qui ne sont pas éloignés de ceux perçus en activité ; La non attractivité du dispositif actuel de prise en charge des retraites dû à la faiblesse du plafond des rémunérations pris en compte dans le régime de base, pour ceux dont les revenus sont supérieurs audit plafond ; La faiblesse du rythme des adhésions à l’assurance volontaire des travailleurs de l’économie informelle dans un contexte où l’on note une faible culture de la sécurité sociale, laquelle se traduit par une certaine méfiance observée des intéressés pour confier leur épargne à une institution publique ; 7
L’inexistence d’un régime complémentaire public obligatoire ou volontaire et qui, donnerait la possibilité à ceux qui perçoivent des revenus supérieurs au plafond des rémunérations pris en compte, de bénéficier d’une retraite complémentaire à celle servie dans le cadre du régime de base ; Le non réajustement depuis plusieurs décennies, des paramètres techniques de gestion du régime (taux de cotisation, plafond des rémunérations, durée de cotisation, âge de départ à la retraite, conditions d’octroi des prestations), en dépit d’un accroissement significatif du déficit dans la branche, et de l’existence des mécanismes légaux permettant de restaurer l’équilibre financier du régime ; L’absence de mécanismes permettant une gestion coordonnée des pensions servies dans le cadre des régimes existants : La persistance des difficultés rencontrées dans la gestion du régime et notamment dans la branche pensions a amené la CNPS à solliciter en 2008, l’appui du BIT en vue de la réalisation d’une évaluation actuarielle et financière du régime. Les conclusions et recommandations issues du rapport qui a sanctionné cette évaluation, ont inspiré la plupart des propositions de réforme qui ont été faites au gouvernement. 8
Il en est ressorti les principaux points suivants : La nécessité d’accroître le niveau des réserves pour combler le déficit de gestion constaté dans la branche de pensions, rétablir et maintenir l’équilibre de la branche, et assurer la pérennité du régime ; Le relèvement de à francs au moins, du plafond des rémunérations qui sert de base pour le calcul des cotisations sociales ; L’allongement de la durée de cotisation requise pour bénéficier d’une pension ; Le relèvement de l’âge requis pour prendre sa retraite par anticipation, avec comme conséquence l’application d’une décote par année d’anticipation ; La revalorisation des pensions ; L’extension de la couverture contre les risques de vieillesse, d’invalidité et de décès aux populations non encore couvertes, étant donné que le taux de couverture du régime n’est que de 10% de la population active ; Certaines préconisations contenues dans ce rapport ont déjà été entérinées par le gouvernement, notamment à travers des textes réglementaires récents portant sur : Le relèvement de à francs du plafond des rémunérations applicable dans la branche de pensions ; Le relèvement du taux de cotisation de 7% à 8,4% ; L’extension de la couverture contre les risques de vieillesse, d’invalidité et de décès aux populations non encore couvertes. D’autres mesures requièrent, pour leur adoption, le vote d’une loi dont le projet y relatif est en cours validation par le gouvernement. 9
III- Des réformes audacieuses à entreprendre 10
Il est question à présent de poursuivre le train de mesures déjà adoptées, à travers un réajustement de l’ensemble des paramètres techniques de gestion du régime (taux de cotisation, plafond des rémunérations, âge de départ à la retraite, conditions d’octroi des prestations), dans le but de : Rétablir et de maintenir l’équilibre financier du régime et assurer sa pérennité ; Accroître de façon significative le niveau des pensions servies ; Rendre le dispositif de prise en charge plus attractif notamment pour les professions libérales et les chefs d’entreprise. Au-delà de ces orientations, il semble de plus en plus indiqué de mettre en place un pilier supplémentaire de la protection sociale constitué du régime complémentaire de retraite. Celui-ci donnerait la possibilité à ceux qui ont des revenus supérieurs au plafond en vigueur de cotiser, sur une base obligatoire jusqu’à un certain seuil, ou même simplement sur une base volontaire. Dans le modèle proposé, la garantie de l’Etat doit s’imposer pour prévenir une défaillance des régimes complémentaires, et assurer aux travailleurs les prestations attendues, ce qui va renforcer la confiance et susciter une grande adhésion à ce nouveau dispositif. Outre cette garantie, l’Etat peut, pour promouvoir la création des régimes complémentaires, accorder des avantages fiscaux (déductions fiscales sur les bénéfices ou les revenus imposables, exemptions des caisses de retraite du paiement de l’impôt sur les sociétés) portant aussi bien sur la contribution des entreprises, sur celle des travailleurs, que sur les fonds gérés par l’institution de sécurité sociale. 11
Enfin, l’intervention de l’Etat peut consister en l’adoption des règles visant à : garantir un niveau minimal de capitalisation permettant de couvrir les engagements du régime ; orienter les placements des fonds accumulés ; Le nouveau modèle proposé peut, à bien des égards, sembler complexe à gérer. Mais, sous réserve des études actuarielles à réaliser pour définir les conditions et les modalités de sa viabilité et de sa pérennité, il aura le mérite de proposer un dispositif plus complet et cohérent qui, concilie les exigences de qualité, de sécurité financière, et d’équité sociale pour tous. Pour ce qui est de la gestion du régime complémentaire, il serait judicieux, pour plus de lisibilité, de la séparer de celle du régime de base, et de la confier à une entité juridique distincte (Caisse de retraites complémentaires ou Fonds de pension), dotée d’une autonomie financière, et créée à cet effet par l’Etat. De la sorte, l’entité à créer pourra, outre la garantie de l’Etat, bénéficier d’une répartition des risques sur un plus grand nombre de personnes, tout en s’attelant au choix judicieux des investissements à réaliser pour faire fructifier les fonds accumulés. Ainsi, il sera possible de concilier la responsabilité individuelle de chacun dans la protection sociale et la solidarité. 12
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