La négociation collective décentralisée en France Quel rôle pour les instances interprofessionnelles de terrain? Paris, 15 Novembre 2013
1 Un territoire et sa problématique Un département au tissu économique clivé: un leader de l’industrie de l’énergie avec ses sous-traitants; un éparpillement de petites entreprises tournées vers le tourisme et l’aide à la personne Un taux de chômage élevé Progression des contrats « atypiques » dans l’ensemble des branches d’activité, alors que dans l’entreprise leader les groupes noyaux sont des salariés « à statut »
Le clivage entre grandes et petites entreprises se retrouve dans les structures de négociation collective: négociation groupe versus convention de branche (Smic) Cette structure de la négociation laisse de côté les salariés atypiques: la logique de branche est-elle adaptée à la fragmentation des salariats? La négociation interprofessionnelle offre-t-elle un espace d’agrégation?
2 La négociation interprofessionnelle (territoriale) en France: prégnance et déclin Un rôle longtemps décisif des structures interprofessionnelles … … lié aux conditions particulières de formation de la classe ouvrière en France (Maurice, Sellier, Silvestre, 1979) Les unions locales et départementales des confédérations syndicales mobilisent les militants d’entreprise, assurent la présence syndicale dans les petites entreprises, mettent en contact les équipes syndicales agissant dans des contextes divers
Les structures interprofessionnelles
Expansion, restructuration, internationalisation des entreprises déstructurent les marchés du travail locaux et les cohésions territoriales Les structures interprofessionnelles deviennent un champ d’action secondaire pour les organisations syndicales Les militants d’entreprises s’y investissent peu; le contact se perd avec les petites et moyennes entreprises. Une loi de 2004 incite à la revitalisation de la négociation territoriale
3 Une négociation territoriale… sans conséquences notables Longtemps dotée d’un rôle d’intégration du salariat local, l’entreprise de l’énergie à capitaux publics adopte une politique d’externalisation et de sous-traitance; l’écart entre salariés permanents et sous-traités se creuse. Sans plan social, plusieurs milliers d’emplois sont perdus pour le territoire L’Union locale d’une organisation syndicale se mobilise pour initier une négociation territoriale pour y remédier. L’ambition porte sur tout le secteur de l’énergie. Elle est interprofessionnelle parce que des secteurs divers sont concernés (métallurgie, construction, chimie, services)
La mobilisation locale paie: confédérations et fédérations syndicales, grands donneurs d’ordre, représentants du ministère du Travail se rencontrent au niveau national et adoptent un cahier de charges social pour la filière. Donneur et preneurs d’ordre sont tenus de garantir au moment de la passation de marchés un socle social minimum aux salariés des sous-traitants Droits souvent « basiques » : santé et sécurité, accès à la cantine, indemnités de déplacement
Mais l’accord (aux effets non contraignants) n’a pas de répercussions pratiques sur le terrain Il reste inconnu des acteurs locaux D’autres enjeux de dialogue territorial –formation professionnelle notamment – subissent (au plus) un traitement uniquement formel Comment expliquer cet impasse, alors même que les structures de l’échange territorial existent et sont fortement médiatisés?
4 Les chances perdues de la négociation interprofessionnelle locale? Il existe désormais un triptyque consacré de la négociation collective rarement mis en cause: interprofessionnel sommital - branche - entreprise Ce système montre sa faiblesse face à des salariats fragmentés Les acteurs syndicaux eux-mêmes doutent de l’effectivité des normes produites pour les salariés
Les syndicats peinent à retrouver le chemin de l’action interprofessionnelle de terrain. L’étude de cas révèle plusieurs facteurs « handicapants »: - le « conflit d’intérêts » entre salariés à statut et salariés atypiques (le blocage d’un site par les salariés de la sous-traitance rencontre l’incompréhension des salariés permanents); - les faibles ressources allouées par les syndicats aux instances interprofessionnelles, délaissées par les salariés en activité; - l’aspiration de l’énergie des équipes syndicales d’entreprise vers les tâches institutionnelles (négociation centralisée de groupe) … même si les DRH (ou le législateur) en écrivent l’agenda