La recevabilité de la demande de révision et de la requête introductive d’un recours: ce que l’évaluateur municipal doit savoir. Me Sylvain Bélair
Les délais applicables à la demande de révision Trois situations doivent être considérées: La demande de révision suite au dépôt d’un nouveau rôle d’évaluation; La demande de révision suite à l’émission d’un certificat de modification; La demande de révision suite à un événement justifiant la modification du rôle.
1. La demande de révision suite au dépôt d’un nouveau rôle d’évaluation Art. 130 L.F.M.: 130. La demande de révision doit être déposée avant le 1 er mai suivant l'entrée en vigueur du rôle. Cas particuliers: Art. 131 L.F.M. Art. 131.1 L.F.M. Art. 134 L.F.M. 130. La demande de révision doit être déposée avant le 1 er mai suivant l'entrée en vigueur du rôle.
2. Demande de révision suite à l’émission d’un certification de modification Article 132 L.F.M.: 132. Une demande de révision à l'égard d'une modification au rôle apportée en vertu de l'article 174 ou 174.2 doit être déposée, selon la dernière des échéances, soit avant le 1er mai qui suit l'entrée en vigueur du rôle, soit avant le soixante et unième jour qui suit l'expédition de l'avis prévu à l'article 180 à la personne au nom de laquelle est ou était inscrit au rôle le bien visé par la modification ou, dans le cas d'une demande visée à l'article 126, avant le soixante et unième jour qui suit la réception d'une copie de cet avis par le ministre des Affaires municipales et des Régions ou, selon le cas, par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
3. Demande de révision suite à un événement justifiant la modification du rôle Article 131.2 L.F.M.: 131.2. Une demande de révision peut être déposée en tout temps au cours de l'exercice financier pendant lequel survient un événement justifiant une modification du rôle en vertu de l'article 174 ou 174.2 ou au cours de l'exercice suivant, si l'évaluateur n'effectue pas cette modification.
La demande de révision déposée hors les délais prescrits Règle générale: la demande de révision hors délai est irrecevable.
Exception: les immeubles à vocation unique La requête introductive de recours devant le Tribunal administratif du Québec Seule une unité d’évaluation ayant fait l’objet d’une demande de révision en bonne et due forme peut faire l’objet d’un recours devant le Tribunal administratif. Dubé c. Municipalité de Cabano Exception: les immeubles à vocation unique
Délai applicable à la requête introductive d’un recours Art. 138.5 (3) L.F.M.: 138.5. La personne qui a fait la demande de révision peut, si elle n'a pas conclu une entente en vertu de l'article 138.4, former devant le Tribunal un recours ayant le même objet que la demande. Si une telle entente est conclue, les personnes suivantes autres que celle qui a fait la demande de révision peuvent, dans les circonstances mentionnées le cas échéant, former un recours devant le Tribunal pour contester la modification découlant de l'entente: 3° la municipalité locale, la commission scolaire ou l'organisme municipal responsable de l'évaluation intéressé, si la modification concerne une unité d'évaluation ou un établissement d'entreprise qui n'est pas inscrit au rôle à son nom et si le recours est fondé sur une question de droit; Le recours visé au premier alinéa doit être formé avant le 31e jour qui suit l'expiration du délai prévu au deuxième alinéa de l'article 138.4 pour la conclusion d'une entente.
Les immeubles à vocation unique: art. 138.5.1 L.F.M.: 138.5.1. La personne au nom de laquelle est inscrite une unité d'évaluation constituant un immeuble visé par le règlement pris en vertu du paragraphe 10° de l'article 262 peut (…) former un recours devant le Tribunal (…) sans avoir au préalable déposé de demande de révision en ce sens. (…) Ce recours doit être formé dans le délai qui est applicable pour le dépôt d'une demande de révision ayant le même objet. (…).
La requête introductive déposée hors délai Règle générale: la requête hors délai est irrecevable.
Exceptions Dans certains cas, une demande de révision de prime abord déposée hors délai peut néanmoins être recevable; Il en est de même de la requête introductive de recours.
Deux situations doivent être considérées: La force majeure; Les motifs raisonnables / sérieux et légitimes;
Demande de révision: art. 134.1 L.F.M. 1. La force majeure Demande de révision: art. 134.1 L.F.M. 134.1. Une demande de révision qui, en raison d'une situation de force majeure, n'a pu être déposée dans le délai applicable parmi ceux prévus aux articles 130 à 134 peut l'être dans les 60 jours qui suivent la fin de cette situation. Requête introductive: art. 138.5 in fine L.F.M. 138.5 (…) Un recours qui, en raison d'une situation de force majeure, n'a pu être formé dans le délai applicable parmi ceux prévus au présent article peut l'être dans les 60 jours qui suivent la fin de cette situation.
Qu’est-ce que la force majeure ? C’est un concept objectif; C’est un test très exigeant; Événement extérieur au contribuable, que celui-ci ne pouvait pas prévoir, auquel il ne pouvait résister et qui a rendu absolument impossible l’exécution de son obligation.
Les 4 critères de la force majeure L’imprévisibilité; L’irrésistibilité; La non–imputabilité; L’impossibilité d’exécution.
Ce n’est pas l’importance du retard qui importe mais sa justification; Une demande de révision déposée un jour après l’expiration du délai applicable est irrecevable en l’absence de force majeure. Poulin c. Saint-Zénon
Exemples de ce qui ne constitue pas de la force majeure Le fait d’être en instance divorce et dans un contexte d’indivision ne constitue pas un cas de force majeure. Breau c. Ville de Montréal Des instructions équivoques données par un procureur ne constituent pas un cas de force majeure. Finance Elkay c. Ville de Montréal
L’erreur commise par le procureur du contribuable ne constitue pas un cas de force majeure. Daoust c. Ville de Châteauguay, C.Q. Gestion Tasa c. Ville de Laval, C.Q. confirmant T.A.Q. C.U.M. c. Crédit commercial de France, C.A. Une « possible promesse » de l’évaluateur municipal de modifier le rôle ne constitue pas un cas de force majeure. Développement D’Arcy McGee ltée c. Ville de Montréal
Le fait que le contribuable ne soit devenu propriétaire de l’immeuble que postérieurement à l’expiration du délai pour déposer une demande de révision ne constitue pas un cas de force majeure. Moreau c. Ville de New-Richmond L’erreur d’interprétation d’un contribuable des informations contenues à la réponse de l’évaluateur municipal quant au délai pour instituer son recours ne constitue pas un cas de force majeure. Club Kinsmen de Delson c. Ville de Delson
Le fait pour un contribuable de confier son dossier à sa nièce, laquelle ignore les délais applicables et habite une autre région que le contribuable, ne constitue pas un cas de force majeure. Girard-Tremblay c. Paroisse de St-Irénée Même chose si le contribuable n’a pas reçu le certificat de modification parce que celui-ci a été expédié à la mauvaise adresse. Gestion GP Argus c. Ville de Laval 9051-0256 Québec inc. c. Ville de Montréal
Exemples de ce qui constitue de la force majeure Un avis d’évaluation comportant des explications confuses ou illisibles constituent un cas de force majeure. 9096-3653 Québec inc. c. Ville de Clermont Le fait pour un contribuable de ne pas avoir reçu son compte de taxes en raison d’une erreur dans son adresse, commise par la municipalité, constitue un cas de force majeure. Tremblay c. La Malbaie
Le fait pour un contribuable de ne pas avoir reçu la réponse de l’évaluateur municipal à sa demande de révision constitue un cas de force majeure. Westmount Hospitality Group c. Ville de Montréal Des informations erronées données par un préposé de la Ville quant au délai applicable constitue de la force majeure. Haché c. Salaberry-de-Valleyfield
Condition essentielle en cas de force majeure Même en présence d’un cas de force majeure, le délai de grâce de 60 jours prévu aux articles 134.1 et 138.5 L.F.M. doit absolument être respecté.
2. Les motifs raisonnables Art. 106 L.J.A.: À venir jusqu’au 1er janvier 2006 106. Le Tribunal peut relever une partie du défaut de respecter un délai prescrit par la loi si cette partie lui démontre qu'elle n'a pu, pour des motifs sérieux et légitimes, agir plus tôt et si, à son avis, aucune autre partie n'en subit de préjudice grave. Il ne peut cependant prolonger ce délai au-delà de quatre- vingt-dix jours. Depuis le 1er janvier 2006 106. Le Tribunal peut relever une partie du défaut de respecter un délai prescrit par la loi si cette partie lui démontre qu'elle n'a pu, pour des motifs raisonnables, agir plus tôt et si, à son avis, aucune autre partie n'en subit de préjudice grave.
Critères de l’article 106 L.J.A. La partie doit établir qu’elle a été empêchée d’agir pour un motif raisonnable; Rien ne limite la partie à l’acte d’un tiers par opposition à la partie elle-même; Le Tribunal doit s’assurer qu’aucune partie ne subit de préjudice grave s’il relève une partie du défaut de respecter le délai.
Interprétation de l’article 106 L.J.A. «L’article 106 L.J.A. s’apparente à une mesure rémédiatrice adaptée dans le but de pallier à l’effet, souvent trop draconien, de l’application stricte du délai édictée à la L.F.M. aux fins de se pourvoir à l’encontre des décisions de l‘Administration municipale. Dans cette perspective, il doit recevoir une interprétation large et s’apprécier dans le sens d’une ouverture plus libérale à la formation d’un recours lorsqu’il y a eu écoulement du temps en raison d’une impossibilité relative d’agir. Tel que nous l’avons indiqué précédemment, le motif sérieux et légitime ayant empêché d’agir plus tôt auquel réfère l’article 106 L.J.A. se distingue de l’impossibilité absolue d’agir qui est l’équivalent de la force majeure et qui est le lot du dernier alinéa de l’article 183.5 L.F.M. Par ailleurs et dans la mesure où la partie est dans l’impossibilité absolue d’agir, il y a certainement là un motifs sérieux et légitime d’agir plus tôt, tel que prévu à l’article 106 L.J.A. Si l’impossibilité absolue d’agir est forcément un motif sérieux et légitime, en revanche, le motif sérieux et légitime n’est certes pas nécessairement une impossibilité absolue d’agir.» France Film c. Ville de Montréal
Portée de l’amendement législatif L’expression «motifs sévères et légitimes» est remplacée par l’expression « motifs raisonnables»; La limite de 90 jours à compter de l’expiration du délai prescrit est abolie.
Interprétation de l’amendement «La modification à l’article 106 L.J.A. s’inscrit dans la foulée de l’article 1 L.J.A. où le législateur indique que la L.J.A. a pour objet d’assurer le respect des droits fondamentaux des administrés. En matière de justice administrative, il n’y a pas de droit fondamental plus important pour un administré que celui lui permettant de recourir au Tribunal afin d’être entendu et de faire valoir ses droits. L’article 106 L.J.A. s’inscrit pleinement dans cet objectif lorsque, sans limite de temps, il vise à accorder à l’administré l’occasion de débattre ses droits lorsqu’il a fait défaut de respecter un délai prescrit par la loi et qu’il n’a pu agir plus tôt pour des « motifs raisonnables». Baldo Lumia c. Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu
Les motifs raisonnables vs la force majeure Il n’y a pas d’incompatibilité; Dispositions complémentaires; 138.5 L.F.M. régit les conditions d’exercice d’un recours dont le délai n’a pas commencé à courir en raison d’une force majeure; Le délai alors applicable est de 60 jours et il commence à courir à la fin de la situation de force majeure.
106 L.J.A. permet au Tribunal de prolonger un délai qui est expiré, lorsque le contribuable établit qu’il n’a pas pu faire valoir ses droits à l’intérieur de ce délai pour des motifs jugés raisonnables.
Application de l’article 106 L.J.A. S’applique assurément à la requête introductive de recours au T.A.Q. Il existe à ce jour une certaine incertitude quant à la question de savoir si cet article s’applique aussi à la demande de révision.
Exemples de motifs raisonnables L’erreur de l’avocat, qui ne saurait constituer un cas de force majeure, peut constituer un motif raisonnable au sens de l’article 106 L.J.A.; L’absence à l’extérieur du pays du contribuable ou de son représentant, qui ne saurait constituer un cas de force majeure, peut constituer un motif raisonnable au sens de 106 L.J.A.