HISTOIRE DES ARTS L'Affiche Rouge
Les photos de 10 résistants condamnés placées dans un triangle retourné 6 photos d'armes, de sabotages, d'attentats Une question : « Des libérateurs ? » L'Affiche répond : « La libération ! Par l'armée du crime » « Manouchian – Arménien, chef de bande, 56 attentats, 150 morts, 600 blessés » Couleur rouge
Les photos apportent la « preuve » de la culpabilité des résistants. Des photos de résistants arrêtés avec leur nom, leur activité et leur nationalité : la consonance étrangère des noms, les qualificatifs de juifs, communistes, Arménien, Hongrois… voudrait faire croire que la plupart des résistants ne sont pas Français. Cela est en faveur de la thèse du complot étranger. La pointe du triangle peut être interprétée par une flèche démontrant une gradation hiérarchique, ainsi qu'une volonté d'assimiler les actes des photos aux résistants. La couleur rouge et le triangle formé par les portraits apportent de l'agressivité. L'affiche est construite comme une démonstration irréfutable qui ne nécessite pas d'autres arguments que les photos et les renseignements donnés sur les condamnés.
Une affiche au service de la propagande nazie L'homme de la rue de 1944 est sensible au message porté par les murs de la ville car le tract, le graffiti et l'affiche sont des supports qu'utilisent la Résistance. De leur côté, les propagandes nazies et vychistes multiplient les publications de plaquettes, d'effigies, d'insignes. Pourtant supervisée par les services de la propagande nazie, cette affiche ne mentionne aucun texte en allemand, à la différence de la plupart de celles qui annoncent les exécutions d'otages, par exemple. Elle présente une situation franco- française où la place de l'organisation nazie est évacuée, malgré les teintes aux couleurs du drapeau nazi. En cela, le choix du mot "libérateurs" vise au discrédit et à la criminalisation des actions des mouvements de résistance.
L'affichage partout dans Paris fut accompagné par la diffusion large d'un tract reproduisant, au recto, une réduction de l'affiche rouge ; au verso, un paragraphe exprimant très agressivement l'idée « l’Armée du crime, contre la France ». Les dimensions des tracts distribués sont de 22 x 26 cm.
Les 23 condamnés La thèse du complot étranger Vingt-trois personnes constituant le « groupe Manouchian » ont été arrêtées, toutes condamnées à mort. Pourquoi n'en reste-t-il que dix sur l'affiche ? C'est que la présence des treize autres aurait éclairé la composition de ce groupe sous un jour tout à fait différent : ➔ Vingt-trois, ce n'est plus une "bande", mais un réseau déjà organisé. ➔ Mentionner la présence d'une femme (Olga Bancic) et de trois jeunes Français "de souche" aurait affaibli la thèse du complot étranger selon lequel la majorité des résistants sont étrangers.
CE QU'IL FAUT RETENIR ● Le schéma de construction de l'affiche, très agressif, en entonnoir, du haut vers le bas, associé au rouge, illustre la volonté de l'Occupant et de l'Etat français d'imposer la thèse de cette « Armée du crime ». ● L'affaire de l'Affiche rouge a beaucoup attiré l'attention, et a inspiré de nombreux artistes, écrivains, cinéastes... ● L'Affiche témoigne d'un nouveau procédé : la photographie est pour la première fois utilisée, plutôt que le dessin et la caricature pour condamner l'opposant. ● L’Affiche combine deux outils habituellement placardés sur les murs, d’une part les listes des condamnés ou les avis d’exécutions et d’autre part les affiches de propagande collaborationniste dont elle reprend l'organisation et les slogans. ● L’Affiche est un échec puisqu’elle permet d’identifier et d’humaniser les combattants armés et contribue à intégrer toutes les forces de la Résistance au destin national, en mettant en avant notamment le rassemblement des militants communistes. L'argumentation présentée n'a donc pas eu l'effet escompté sur l'opinion française, et a clairement desservi le pouvoir en place.