Par : Elie N. VLAVONOU KPONOU AVOCAT AU BARREAU DU BENIN CIFAF 2016 LES IMPLICATIONS DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE EN DROIT PROCESSUEL.

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Transcription de la présentation:

Par : Elie N. VLAVONOU KPONOU AVOCAT AU BARREAU DU BENIN CIFAF 2016 LES IMPLICATIONS DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE EN DROIT PROCESSUEL

INTRODUCTION  Les relations humaines sont bien souvent empreintes de moments de désaccords qui génèrent des différends dont la résolution passe parfois par la tenue d’un procès ou instance.  Qu’il s’agisse de l’instance devant les juges du premier degré, d’appel ou de cassation, elle est régie par des principes consacrés, établis pour assurer aux parties la garantie d’un procès équitable communément désignés sous le vocable de « Principes Directeurs du procès ».  Parmi ces principes, figure en bonne place le principe du « Contradictoire ».

 Le principe évoque le respect des droits de la défense et implique que dans un procès, « nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ».  Tel est le libellé de l’article 14 du code de procédure civile français que reprend presque à la lettre l’article 15 de la loi n° du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes en République du Bénin et qui dispose que : « Aucune partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ».  Le procès est contradiction et la contradiction est le premier facteur d’une justice de qualité.

 Le contradictoire innerve l’instance et doit être observé, tant au seuil que pendant le cours de la procédure. Il ne recouvre pas le même contenu selon les phases de l’instance où il doit être mis en œuvre.  En effet, si au seuil de l’instance le principe établit le droit pour toute personne d’être informée du procès qui lui est fait de façon claire et régulière, il implique au cours de l’instance que, chaque partie permette à l’autre d’organiser sa défense. Ainsi le contradictoire crée pour les parties, aussi bien des obligations réciproques que des obligations à l’égard du juge.  Aussi verrons-nous dans une première partie les implications du principe du contradictoire à l’égard des parties, et dans une seconde partie les implications à l’égard du juge.

 LES IMPLICATIONS DU CONTRADICTOIRE A L’EGARD DES PARTIES  Les parties à l’instance sont astreintes par le législateur au respect du contradictoire. Il s’agit donc d’une obligation légale (A), laquelle obligation est également fixée par les règles déontologiques (B).  UNE OBLIGATION LEGALE  Elle s’impose aussi bien au seuil de l’instance qu’au cours de l’instance.  L’Obligation légale au seuil de l’instance  Aucune partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée. Cette exigence légale (cf. art. 15 du cpccsac) impose l’information des parties quant à l’existence même d’un procès, et le respect des délais de comparution, toute chose qui vise à assurer le respect des droits de la défense.

L’information de la partie adverse  La partie qui prend l’initiative d’un procès a le devoir d’en informer la personne contre laquelle elle émet des prétentions.  Relativement à l’information des parties, elle se réalise par la notification ou la signification de l’acte introductif d’instance et varie selon que l’instance est introduite par assignation ou par requête.  Le plus important n’est pas la comparution de la partie défenderesse, mais qu’elle soit appelée.  Si le plaideur informé refuse le débat contradictoire, cela n’empêche pas le prononcé d’un jugement.

 Le jugement sera également prononcé même si visiblement le plaideur n’a pas pu être informé; mais ce jugement peut ouvrir une faculté d’opposition pour rétablir la contradiction.  L’article 540 du code béninois de procédure prévoit les conditions dans lesquelles un juge peut statuer au fond, alors qu’il n’est pas établi que le destinataire de l’acte en a eu connaissance en temps utile : notamment, le défendeur peut, à l’initiative du demandeur ou sur décision prise d’office par le juge, être à nouveau invité à comparaître si l’assignation n’a pas été délivrée à personne ou si la convocation n’a pas été remise à personne. Le juge peut aussi prescrire d’office toutes diligences complémentaires pour s’assurer de l’effectivité de la signification, et même informer l’intéressé, par lettre simple, des conséquences de son abstention.

Le respect des délais de comparution  Afin que la partie appelée dispose d’un temps suffisant pour assurer sa défense, un délai de comparution est fixé par la loi.  Aux termes des dispositions de l’article 106 du code de procédure civile, le délai entre la délivrance de la convocation ou de l’assignation et le jour indiqué pour la comparution est fixé comme suit :

o Huit (08) jours si la partie convoquée ou assignée demeure dans le ressort de la juridiction appelée à connaître de l’affaire ; o Quinze (15) jours si elle demeure dans le ressort limitrophe ; o Un (01) mois si elle demeure dans les autres parties de la république ; o Deux (02) mois si elle demeure en dehors du territoire de la République. Dans les cas où le ministère d’avocat est obligatoire, le non- respect de ce délai constitue une cause de nullité de l’assignation puisqu’il entrave les droits de la défense.

 L’Obligation légale au cours de l’instance  L’organisation de l’instance par le législateur fait ressortir un souci constant de mettre chaque partie en mesure d’organiser sa défense. En ce sens, l’article 16 du code de procédure civile impose aux parties une obligation de communication loyale en disposant que : « les parties doivent se faire connaître mutuellement, en temps utile, les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense. »

 De façon concrète, cette obligation se traduit par la nécessité, pour chaque partie, d’une part de signifier ses conclusions à l’adversaire avant de les déposer au greffe de la juridiction, d’autre part, de lui communiquer l’ensemble des pièces dont elle entend se servir afin que l’adversaire puisse les examiner et, le cas échéant, les contester.

 Mais le législateur exige également que la communication soit faite en temps utile. On pourrait relever que cette obligation va de soi puisque le but poursuivi est de permettre à chaque partie de préparer sa défense.  En effet pour préparer efficacement sa défense, chaque partie a besoin d’abord d’être informée suffisamment tôt des prétentions et moyens de son adversaire et, ensuite, de temps pour y réfléchir et y répondre. Il en va par ailleurs de la loyauté des débats.

 L’exigence de communication ressort davantage des dispositions de l’article 209 du code de procédure civile selon lesquelles : « la partie qui fait état d’une pièce s’oblige à la communiquer à toute autre partie à l’instance.  La communication des pièces doit être spontanée. »  Ainsi la liberté n’est pas laissée aux parties de décider de se communiquer ou non leurs pièces ou leurs écritures au cours de l’instance. Elles sont tenues de le faire.  Cette exigence est également établie par les règles déontologiques.

 UNE EXIGENCE DEONTOLOGIQUE  Au sens des dispositions de l’article 79 du règlement intérieur du Barreau de la République du Bénin « l’Avocat ne peut, soit au cours d’une instance, soit en cours de délibéré, soit au cours d’une expertise, déposer ni conclusions, ni mémoire, ni note, ni pièces d’aucune sorte sans communication préalable à l’Avocat adverse, dans tous les cas où notification ne serait pas faite par le greffe.

 La communication par le greffe ne doit, cependant, avoir qu’un caractère exceptionnel.  Entre Avocats, la communication a lieu sans aucune formalité et sous la seule garantie de leur loyauté réciproque. Le demandeur doit communiquer le premier. (…) »  En France, l’article 5.1 du règlement intérieur du Barreau de Paris dispose que : « l’avocat se conforme aux exigences du procès équitable. Il se comporte loyalement à l’égard de la partie adverse. Il respecte les droits de la défense et le principe du contradictoire.

 La communication mutuelle et complète des moyens de fait, des éléments de preuve et des moyens de droit se fait spontanément, en temps utile et par les moyens prévus par les règles de procédure (…) »  Le même règlement intérieur prévoit que, « la violation de ce principe du contradictoire constitue une faute pouvant entraîner une sanction disciplinaire. »  Dans le même ordre d’idée, il a été décidé que, « constitue une atteinte manifeste aux règles de confraternité et de loyauté, tant vis-à-vis du confrère que du magistrat, le fait de produire quatre attestations non communiquées à son contradicteur puis, à l’audience de plaidoiries, de se contenter de déposer son dossier sans plaider. »

 Il a également été décidé que, « méconnaît le principe du contradictoire l’avocat qui fait parvenir à son contradicteur des pièces la veille de l’audience. »  Ainsi qu’on peut le constater, le contradictoire est d’importance en matière de procédure. Et cette importance est telle que le législateur n’a pas cru devoir ou pouvoir la laisser à la seule appréciation des parties. En effet, il a investi le juge d’une mission de contrôle du contradictoire, en même temps qu’il l’astreint lui-même au respect de ce principe.

 LE JUGE ET LE CONTRADICTOIRE En tant qu’ « arbitre » chargé de départager les parties au bout du procès, le juge a l’obligation de veiller au respect du contradictoire entre elles à travers les pouvoirs de contrôle dont il est investi, mais également à travers l’exigence qui lui est faite de respecter lui-même le contradictoire.

 LE CONTROLE DU CONTRADICTOIRE PAR LE JUGE  Au sens des dispositions de l’article 17 du code, « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.  Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.  Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de pur droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. »

Le juge doit veiller à faire éviter par les parties les attitudes déloyales et, l’enlisement de la procédure. Il dispose à cette fin de certains pouvoirs tels le pouvoir d’injonction assorti le cas échéant d’une astreinte, le pouvoir de sanction des parties en cas de manquement à leurs obligations. Par exemple, il peut écarter du débat les pièces qui n’auraient pas été communiquées en temps utile.

 La communication des pièces et écritures est si importante en procédure que son non-respect par une partie peut conduire au rejet par le juge de la prétention portée devant lui.  Le juge peut parfois faire usage des pouvoirs qui lui sont ainsi conférés par la loi en faisant des injonctions à une partie, et au besoin sous astreinte, de communiquer les pièces à sa disposition (articles 210 et ss) : c’est la production forcée de pièces qui révèle le rôle de plus en plus accru du juge dans la gouvernance du procès.

 Le contrôle du contradictoire peut conduire le juge à obtenir des tiers à une instance la délivrance de l’expédition ou la production de pièce qu’ils détiennent et qui sont nécessaire à la solution du litige.  Dans bien de cas, il est utile que le juge diffère le contradictoire pour une plus grande efficacité de la mesure à ordonner. C’est le cas des ordonnances aux fins de mesures conservatoires. La clause de réserve de référé contenue dans ces ordonnances permet de rétablir le contradictoire devant le juge des référés.

 Dans d’autres cas, c’est la défaillance de la partie défenderesse qui ne met pas le juge en mesure d’assurer le respect immédiat du contradictoire. Dans ces cas, il rend des décisions de défaut. La voie de l’opposition ouverte contre ces décisions constitue un moyen de rétablir la contradiction, en permettant à la partie défaillante de faire valoir ses moyens et pièces.  Il convient de souligner que le juge n’a pas que l’obligation de faire observer le contradictoire par les parties. Il doit également l’observer lui-même.

 LA SOUMISSION DU JUGE AU CONTRADICTOIRE  L’article 17 sus cité fait obligation au juge lui-même d’observer le contradictoire. Et l’article 16 alinéa 1 er du règlement intérieur du Barreau de Paris dispose que : « le juge doit, en toutes circonstances, (…) observer lui-même le principe de la contradiction »  Cette exigence implique que le juge ne peut fonder sa décision sur une mesure d’instruction qui n’a pas été réalisée dans le respect du contradictoire.

 Elle implique également que le juge ne doit pas fonder sa décision sur des moyens de droit qu’il aurait relevés d’office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations y relatives. Cette défense faite au juge est valable, qu’il s’agisse d’un moyen de fond, de procédure ou d’irrecevabilité, d’intérêt privé ou d’ordre public.  Dans la pratique, le respect du contradictoire par le juge consistera pour lui à inviter les parties à conclure sur le moyen qu’il entend soulever, à provoquer leurs explications verbales lors des débats. Il peut consister également à révoquer l’ordonnance de clôture en ordonnant, le cas échéant, la réouverture des débats. Dans l’hypothèse où le moyen lui apparaît en cours de délibéré, le juge devra ordonner la réouverture des débats et demander les observations des parties sur le moyen qu’il entend relever d’office.

MERCI DE VOTRE ATTENTION