Le Multiplicateur d’investissement de J.M. Keynes Le Multiplicateur d’investissement de J.M. Keynes TC Économie du développement - IHEID 7e séance
Objectifs de la présentation Comprendre les relations au niveau macro-économique entre investissement, revenu, consommation et épargne Savoir calculer le coefficient multiplicateur d’investissement de J.M. Keynes Retour à un raisonnement macro (comme dans compta nationale) et comprendre comment trois agrégats : investissement, revenu et consommation sont liés. Techniquement, ce lien est exprimé par le coefficient multiplicateur, qu’il faudra savoir calculer (mémorisation)
Plan de la présentation À quoi sert cet outil ? Comment fonctionne cet outil ? Exemple d’application Quelles questions cet outil soulève-t-il ? Conclusion Pas de partie « exemple d’emploi » car dans la partie fonctionnement, exemple inclus pour expliquer ce fonctionnement
À quoi sert cet outil ? Analyser l’effet d’un investissement supplémentaire sur la croissance du revenu national Investissement privé ou dépense publique (relance) Rôle de la consommation et de l’épargne Perspective macro-économique Raisonnement à court terme Situation est la suivante : on se place au niveau macro-économique (ensemble de la société) et on imagine que l’on fait un investissement, c’est-à-dire que l’on injecte une somme d’argent comme dépense dans le circuit économique. Cet investissement peut être public (une dépense de l’État comme par exemple de grands travaux publics, se finance par un déficit budgétaire (qui ponctionne indirectement l’épargne et non la consommation, par exemple par émission monétaire) ou privé (de nombreux entrepreneurs qui investissent dans leurs entreprises) Et on se demande comment cet investissement va se répercuter à court terme sur le niveau de revenu global de la société. Le coefficient multiplicateur va permettre de faire le lien entre l’investissement initial et le revenu créé en faisant intervenir comme variable clef la consommation. Court terme : la relation entre le revenu et la consommation est stable à court terme dans la théorie keynésienne Et la partie du revenu épargnée n’est pas réinvestie ?? Et on n’envisage pas à long terme les effets d’une baisse de l’épargne si tout le monde se met à consommer.
Comment fonctionne cet outil ? (1) Circuit macro-économique : perspective dynamique Dépenses Épargne Consommation Investissement Visualisation de la question à laquelle cherche à répondre cet outil : Investissement qui entre au niveau des dépenses Il « passe » par la production en créant des emplois (les ouvriers des grands travaux publics, les employés supplémentaires pour faire marcher les nouvelles machines des entreprises privées) Ce qui génère des revenus de la même valeur pour les employés et pour entrepreneurs / l’État qui ont investi. Mais ça ne s’arrête pas là : les revenus créés sont en partie réinjectés (mais en partie seulement, il y a des fuites) ce qui crée une nouvelle dépense, de nouveaux emplois et un nouveau revenu. À chaque tour de circuit, les dépenses et revenus créés deviennent de plus en plus petits, jusqu’à ce que ça s’arrête. A partir de cette idée générale, on va voir comment est-ce que l’on peut plus précisément estimer ces fuites et la somme du revenu total créé au cours des différents « tours de circuit ». --- Idée clef : toute dépense d’un consommateur est un revenu ultérieur. Revenus Production Croissance Emploi
Comment fonctionne cet outil ? (2) Point clef : division des dépenses en consommation et épargne Propension marginale à consommer ou à épargner : part d’une unité de revenu supplémentaire consacrée à la consommation ou à l’épargne Par exemple : Revenu Dépense Prop. marg. conso. = 0,8 1 unité de revenu supplémentaire 0,8 unités consommées Pour formaliser, il est nécessaire d’introduire les notions de propension marginale à consommer et à épargner. Vous imaginez que l’on vous donne une unité de revenu supplémentaire (raisonnement « à la marge »). Par exemple, votre revenu passe de 100 à 101. Que faites vous de cette unité de revenu supplémentaire ? Est-ce que vous la consommez entièrement ? Est-ce que vous l’épargnez entièrement ? Keynes suppose qu’il existe une loi psychologique qui fait que l’on consomme une partie seulement de cette unité supplémentaire, par exemple 80 centimes et que le reste est épargné (dans ce cas 20 centimes). Ces proportions (80%, 20%) sont les propensions marginales à consommer / épargner. Elles vont jouer un rôle central dans les fuites du circuit macro-économique et dans le calcul du revenu total généré par la dépense initiale. Prop. marg. épargner = 0,2 0,2 unités épargnées
Comment fonctionne cet outil ? (3) Que se passe t-il si on investit 1000 unités supplémentaires ? Dépenses 20% Épargne 80% 200 + 160… Consommation 800 + 640… Investissement = 1000 Visualisation de la question à laquelle cherche à répondre cet outil : Investissement qui entre au niveau des dépenses Il « passe » par la production en créant des emplois (les ouvriers des grands travaux publics, les employés supplémentaires pour faire marcher les nouvelles machines des entreprises privées) Ce qui génère des revenus de la même valeur pour les employés et pour entrepreneurs / l’État qui ont investi. Mais ça ne s’arrête pas là : les revenus créés sont en partie réinjectés (mais en partie seulement, il y a des fuites) ce qui crée une nouvelle dépense, de nouveaux emplois et un nouveau revenu. À chaque tour de circuit, les dépenses et revenus créés deviennent de plus en plus petits, jusqu’à ce que ça s’arrête. A partir de cette idée générale, on va voir comment est-ce que l’on peut plus précisément estimer ces fuites et la somme du revenu total créé au cours des différents « tours de circuit ». --- Idée clef : toute dépense d’un consommateur est un revenu ultérieur. Revenus Production 1000 + 800 + 640… Revenu total supplémentaire ?
Comment fonctionne cet outil ? (4) La dépense initiale de 1 000 génère des revenus successifs de plus en plus petits ∆ Revenu = 1000 + 800 + 640 + 512 + 410 + 328… L’accroissement de revenu peut se calculer Il est k fois supérieur à l’investissement initial ∆ Revenu = k * Investissement initial Si on poursuit le calcul avec cet exemple numérique, on voit que les revenus générés sont à chaque fois 80% du revenu précédent ce qui donne comme revenu total : … De manière générale (en dehors de l’exemple numérique), le revenu total peut se calculer comme un multiple de la dépense initiale, ce qui fait apparaître le fameux coefficient multiplicateur d’investissement de Keynes (k). Coefficient multiplicateur d’investissement
Comment fonctionne cet outil ? (5) Formalisation Investissement ou dépense initiale D Propension marginale à consommer c ∆ Revenu = D + D*c + D*c*c + D*c*c*c + … « Suite géométrique convergente de raison c » Sa somme est : ∆ Revenu = D * 1 / (1 - c) Exemple numérique : k = 1 / (1-0,8) = 5 ∆ Revenu = 1000 * 5 = 5 000 Pour calculer k, on opère le calcul suivant … vous retenez : k = 1 / (1-c), k est fonction de la propension marginale à consommer c On vois ici apparaître le rôle clef de la consommation dans la relation d’amplification qui unit l’investissement au revenu Exemple numérique : k = 5, on finirait par avoir un revenu total de 1000 * 5 = 5000. k
Comment fonctionne cet outil ? (6) Le coefficient multiplicateur d’investissement est dans un rapport positif (exponentiel) avec la propension marginale à consommer k = 1 / (1 - c) De manière générale, on peut se représenter la relation qui unit k à c de la façon suivante (représentation graphique de la fonction k = f(c)). On voit que lorsque c augmente, k augmente de manière exponentielle C’est logique : plus c est grand, moins il y a de fuites et plus l’effet d’amplification de l’investissement initial est grand. Dans le cas limite où c serait égal à 1, k est infini (on tourne dans le circuit sans s’arrêter). 5
Comment fonctionne cet outil ? (7) Résumé : une dépense additionnelle d’investissement crée des ondes successives de revenus dont le total est une fonction croissante de la propension marginale à consommer « Paradoxe » : pour que l’effet d’une dépense initiale soit la plus importante possible sur le revenu généré, il faut consommer beaucoup (et épargner d’autant moins) Résumé et paradoxe ou résultat contre intuitif si on pense à un niveau micro. Ne fonctionne bien sûr qu’à court terme pour relancer l’économie (Keynes écrit dans contexte de crise des années 30). À long terme, une épargne est nécessaire. Position contraire à celle des libéraux sur l’épargne.
Exemple d’application Politique actuelle de relance en Grande-Bretagne Les entreprises privées anticipent une baisse de la demande efficace => pas ou peu d’investissement L’État investit pour relancer l’économie Grands travaux : logements sociaux, hôpitaux, porte-avions (~10 000 emplois), programme de « dissuasion nucléaire », JO Londres 2012 (9,3 milliards £, 12 000 emplois) ; plan d’aide aux PME (350 millions £)… Effet escompté sur l’emploi et la croissance économique Financé par un déficit public (~38% du PIB / 56,4% zone Euro) : ~43 milliards de nouveaux emprunts prévus pour 2009 Prévision : remboursement du déficit budgétaire grâce à l’augmentation des recettes fiscales. Politique annoncée le vendredi 24 oct. Voir notamment article Le Monde. Les dépenses pour les JO de Londres 2012 ont été multipliés par 4 par rapport aux prévisions initiales.
Quelles questions cet outil soulève t-il ? Mise en pratique controversée Economies fortement ouvertes : fuites du circuit par importations ? Capacité d’autofinancement à long terme ? Passage de la théorie à la pratique délicat Estimation de la propension marginale à consommer ? Estimation de la durée de propagation de l’investissement initial ? Un raisonnement « toutes choses étant égales par ailleurs » Un outil plus théorique que pratique Autre limite : raisonnement en économie fermée. En économie ouverte, une partie de la demande créée par l’investissement initial s’adresse aux entreprises étrangères par le biais des importations, alors que le déficit budgétaire lui est supporté par les nationaux (cf. ponction indirecte de l’épargne supplémentaire créée par l’effet multiplicateur). L’effet multiplicateur s’en trouve amoindri. Exemple de problème de mise en pratique du multiplicateur dans une économie très ouverte : Sous Mitterrand en France au début des années 1980, on injecte du pouvoir d’achat dans une perspective de relance keynésienne mais… le produit type vers lequel se dirige la consommation est le magnétoscope, qui a l’époque est importé du Japon => l’effet de la relance bénéficie à l’extérieur, alors que le déficit doit à terme être financé en France => finalement, décision de faire dédouaner les magnétoscopes à Poitiers, pour freiner ces importations (forme de protectionnisme). -- Critique du multiplicateur keynésien par Hayek – « le plus intelligent des néolibéraux » : si on baisse les taux d’intérêt (politique keynésienne de création monétaire), on favorise l’emploi de capital technique sur celui de la main-d’œuvre, et donc on crée du chômage effet secondaire non prévu de la politique keynésienne.
Conclusion Un outil permettant de lier au niveau macro-économique investissement et croissance et montrant le rôle clef de la consommation Mais un raisonnement théorique dont la mise en pratique est complexe Controverses sur les modalités des politiques de relance par l’État et sur leur efficacité