Crises bancaires et financières: causes, effets et politiques de prévention et de régulation Paul Reding Beyrouth, Mai 2013
Plan Partie I : Les crises bancaires Les crises financières: aperçu historique La fragilité des banques Les causes des crises bancaires Les coûts des crises bancaires La crise bancaire et financière de 2007-2008 Partie II: Interventions publiques et régulation préventive Interventions des autorités en temps de crise Régulation prudentielle Évolution post-crise: renforcer la régulation
Crise = échec de la « discipline de marché » Partie II: Intervention des pouvoirs publics et régulation prudentielle préventive 6. Interventions en temps de crise Crise = échec de la « discipline de marché » Eléments spécifiques de la « discipline de marché » = contrôle exercé sur les gestionnaires de la banque par les actionnaires ET les déposants et les autres créanciers = « gouvernance d’entreprise » basée sur Transparence: normes comptables et publication de l’information pertinente ; Organisation du processus de décision : compétences du comité de direction, du conseil d’administration, du comité d’audit, de l’assemblée générale = contrôle externe délégué à des auditeurs externes - à des agences de « notation » (rating) Interventions publiques justifiées par les « effets externes » d’une crise
Modalités d’intervention des autorités au cours de la crise Partie II: Intervention des pouvoirs publics et régulation prudentielle préventive 6. Interventions en temps de crise Modalités d’intervention des autorités au cours de la crise rôle du prêteur en dernier ressort ( banque centrale = banque des banques) Assurer la liquidité des banques pour éviter l’insolvabilité en leur prêtant de manière illimitée Principe: prêter à court terme, sans risque pour la BC (=contre garanties) 2007-2008 : interventions coordonnées des BC rôle de l'assurance dépôt : Principes : éviter le « bank run » en garantissant les déposants pour une partie des montants déposés 2007-2008 : accroissement significatifs des plafonds de garantie
Modalités d’intervention des autorités au cours de la crise Partie II: Intervention des pouvoirs publics et régulation prudentielle préventive 6. Interventions en temps de crise Modalités d’intervention des autorités au cours de la crise intervention publique dans la restructuration des banques en difficulté : Etat, Superviseurs, banque centrale Liquidation de la banque rachat par une autre banque, avec recapitalisation par apports privés ("purchase and assume » ) recapitalisation par des fonds publics, la cas échéant nationalisation : octroi de garanties publiques sur dettes interbancaires ou obligataires : création de sociétés de gestion d’actifs (« bad bank » - « structure de défaisance ») pour créances douteuses ou « toxiques » avec octroi de garanties par l’Etat
La nécessité de réguler Partie II: Intervention des pouvoirs publics et régulation prudentielle préventive 7. Régulation prudentielle La nécessité de réguler Vu l’insuffisance de la discipline de marché et de l’auto-régulation du secteur Vu l’aléa moral lié aux interventions publique en temps de crise Dimensions de la régulation: Micro-prudentielle Macro-prudentielle (= systémique) Sources et responsabilités en matière de régulation: Au niveau international : Comité de Bâle pour la Supervision Bancaire G20 et Conseil de Stabilité Financière Au niveau national : partage de responsabilités entre la Banque Central et l’autorité de supervision bancaire spécifique: contrôle unique ou contrôle joint? Les 3 « piliers » de la réglementation de Bâle : Normes de fonds propres Supervision Discipline de marché
Partie II: Intervention des pouvoirs publics et régulation prudentielle préventive 7. Régulation prudentielle La réglementation de Bâle en matière de fonds propres (= Bâle II) = « premier pilier » rôle du capital comme "co-assurance" pour le déposant rôle du capital comme "matelas" amortissant les pertes non- anticipées possibles rôle du capital pour internaliser le coût du risque pris Exigences de capital minimum via le ratio « Cooke » = ratio de capital sur actifs pondérés par les risques = «risk-asset ratio » (RAR) RAR fondamentalement axé sur risque crédit mais compléments de fonds propres pour risques de marché et risques opérationels (informatiques, juridiques, de réputation) Coefficients de risque applicables tant aux postes « au bilan » que « hors bilan »
Total des actifs pondérés par leur risque (« Bâle II ») Partie II: Intervention des pouvoirs publics et régulation prudentielle préventive 7. Régulation prudentielle La réglementation de Bâle en matière de fonds propres (= Bâle II) = « premier pilier » Fonds Propres: Tier 1 (« going concern » capital) = core tier 1 (capital+réserves) + quelques suppléments (emprunts subordonnés à maturité longue) Tier 2 (« gone concern » capital) = dettes subordonnées à plus court terme Total des actifs pondérés par leur risque (« Bâle II ») Montants des différentes catégories d’actifs, chacune pondérée par un coefficient de risque crédit spécifique Modalités de calcul des coefficients de risque crédit (à approuver par le régulateur):
Fonds propres sous Bâle II Partie II: Intervention des pouvoirs publics et régulation prudentielle préventive 7. Régulation prudentielle Fonds propres sous Bâle II Modalités de calcul des coefficients de risque crédit (à approuver par le régulateur: approche standard, en fonction des « notations externes » approche de « rating interne », notations établies par les banques elles-mêmes en collaboration avec les superviseurs (« Internal Rating Based » capital requirements) « Foundation Approach » « Advanced Approach » sur base d’estimation internes de paramètres clé: probabilité de défaillance, taux de perte si défaillance, exposition si défaillance..
Fonds propres sous Bâle II Partie II: Intervention des pouvoirs publics et régulation prudentielle préventive 7. Régulation prudentielle Fonds propres sous Bâle II Exigence de fonds propres pour risque crédit : RAR minimal = 8 % pour fonds propres globaux 4% pour fonds propres Tier 1 Compléments de fonds propres pour risques de marché (risque de variation de prix) 100 % sur positions nettes (p.ex. dans une devise, une action..) dans et hors bilan Utilisation possible de modèles internes, avec calcul de la « Value at risk » (VaR) pour p.ex. le portefeuille de négociation VaR = perte maximale projetée sur un horizon donné (ex. 10 jours ouvrables) avec un degré de confiance donné (p.ex. 99%) Exigence de Fonds Propres = 3*VaR (à 99% sur 10 j)
Réglementations complémentaires (2ème et 3ème Piliers de Bâle II) Partie II: Intervention des pouvoirs publics et régulation prudentielle préventive 7. Régulation prudentielle Réglementations complémentaires (2ème et 3ème Piliers de Bâle II) conditions à l'entrée (capital minimum, moralité des dirigeants …) ; activités non-autorisées organisation de la gouvernance, en particulier pour la gestion du risque - exigences d’audit internes et externes; normes comptables : not. comptabilité sur une base consolidée ; réglementation concernant les provisions, les modes d’évaluation des actifs et passifs (« valeur d’acquisition » ou « juste valeur »…) ; réglementation du degré maximal de concentration des prêts et de prêts entre parties liées exigences de liquidité Stress-tests
Initiatives multiples des régulateurs en cours Concernant les banques: renforcement des exigences de fonds propres et de liquidité (voir Bâle III) Restrictions sur les activités autorisés: projets de scission entre banque de dépôt et banque d’affaires (Volcker aux USA; Vickers au Royaume-Uni, Liikanen dans l’Union Européenne Pour les institutions à taille systémique: mettre en place des schémas de « résolution ordonnée » afin de faciliter les opérations de sauvetage ou de démantèlement de banques devenues en principe insolvables (« living wills ») Autres: taxation du secteur; restrictions sur les rémunérations.. Concernant les autres composantes du secteur financier: compagnies d’assurance; marchés de dérivés; opérateurs sur le « shadow banking market »(p.ex. hedge funds)…
Bâle III Entrée en vigueur progressive (2013-2019) mais Partie II: Intervention des pouvoirs publics et régulation prudentielle préventive 8 . Après la crise : renforcer la régulation prudentielle Bâle III Entrée en vigueur progressive (2013-2019) mais précédé par Bâle 2.5 déjà anticipé par tous les acteurs Nouvelles normes de fonds propres (Bâle III : à partir de 2013) Amélioration de la qualité du capital: insistance sur le Tier 1 dont ratio minimal sera augmenté de 4 à 6% et surtout sur le « Core Tier 1 » qui doit atteindre minimum 4.5 % du total des actifs pondérés par les risques: ajout d’un supplément de 2.5 % de volant « de conservation » de Core Tier 1 capital : création d’un matelas « supplémentaire » pour pertes non anticipées À accumuler en bonnes périodes et utiliser en mauvaises RAR global augmente de 8% à 10,5 %. Supplément « contre-cyclique » de 0-2.5 % au RAR en fonction de la conjoncture (augmentation en particulier pendant épisodes de « credit boom ») via fonds propres Tier 1 exclusivement Suppléments (de 0 à 2.5 %) de fonds propres pour banques à risque systémique
Partie II: Intervention des pouvoirs publics et régulation prudentielle préventive 8 . Après la crise : renforcer la régulation prudentielle Bâle III Ratio de levier : fonds propres Tier 1 > 3% du total des actifs non pondéré par les risques (norme encore à préciser) Ratios de liquidité : À court terme (liquidity coverage ratio): capacité à satisfaire à 100% minimum les besoins de liquidité à horizon de 30 jours par des actifs liquides ; estimation sur base de scénarios de stress À long terme (net stable funding ratio): vise un équilibre (100 % minimum) entre la disponibilité et les besoins de financements stables (ex. base de dépôts versus crédits long terme)
Partie II: Intervention des pouvoirs publics et régulation prudentielle préventive 8 . Après la crise : renforcer la régulation prudentielle Au-delà de Bâle III: renforcer les fonds propres ou/et séparer banques de dépôt et banque d’affaires Renforcer les fonds propres Avantages: Matelas plus gros Internalise les coûts de la prise de risque Désavantages: Augmentation du coût de l’intermédiation? ….. À ne pas exagérer: une banque mieux capitalisée est moins risquée et le ROE peut donc être plus faible Difficulté de lever du capital supplémentaire Concurrence avec les non-banques plus compliquée
Séparer la banque de dépôt de la banque d’affaires Avantages: Partie II: Intervention des pouvoirs publics et régulation prudentielle préventive 8 . Après la crise : renforcer la régulation prudentielle Séparer la banque de dépôt de la banque d’affaires Avantages: Protéger le « cœur des activités bancaires » des risques liés aux autres activités exercées par une banque universelle Éviter le subside implicite que la protection des activités-cœur par les pouvoirs publics octroie aux autres activités et donc à la prise de risque Accroître la transparence, diminuer la complexité, faciliter les interventions publiques en cas de problème..
Séparer la banque de dépôt de la banque d’affaires Désavantages: Partie II: Intervention des pouvoirs publics et régulation prudentielle préventive 8 . Après la crise : renforcer la régulation prudentielle Séparer la banque de dépôt de la banque d’affaires Désavantages: Perte des rendements d’échelle et de gamme engendrés par une banque universelle Contraintes sur l’affectation de la liquidité et du capital au sein d’une « banque universelle structurée » (projet Vickers UK; Liikanen EU) Danger de migration des activités les plus risquées hors du périmètre de la banque universelle structurée vers le « shadow banking sector » Ne résout pas le risque systémique lié à la contagion entre établissements et marchés hors « banques de dépôt »
S: Gambacorta L. and A. Van Rixtel Structural bank regulation initiatives, BIS WP 412, 2013 Rendement Risque Banque de dépôt……………>……………>…………>…………>…………Banque d’affaires
Séparer la banque de dépôt de la banque d’affaires Désavantages: Partie II: Intervention des pouvoirs publics et régulation prudentielle préventive 8 . Après la crise : renforcer la régulation prudentielle Séparer la banque de dépôt de la banque d’affaires Désavantages: Perte des rendements d’échelle et de gamme engendrés par une banque universelle Contraintes sur l’affectation de la liquidité et du capital au sein d’une « banque universelle structurée » (projet Vickers UK; Liikanen EU) Danger de migration des activités les plus risquées hors du périmètre de la banque universelle structurée vers le « shadow banking sector » Ne résout pas le risque systémique lié à la contagion entre établissements et marchés hors « banques de dépôt »
Partie II: Intervention des pouvoirs publics et régulation prudentielle préventive 8 . Après la crise : renforcer la régulation prudentielle Au-delà de Bâle III: renforcer les fonds propres ou/et séparer banques de dépôt et banque d’affaires Sans doute, progressivement, vers un « mix » des deux Mise en œuvre des réformes à beaucoup d’enjeux et de résistances Interactions risque souverain et risque bancaire dans de nombreux pays Harmonisation internationale des nouvelles règles Eviter une complexité excessive et contre- productive des régulations Décalage entre régulation et comportements d’évasion Les mesures de régulation préventive seront coûteuses à court-moyen terme, mais elles sont indispensables pour restaurer la confiance dans le secteur financier
Références Banque des Règlements Internationaux (BRI) (2009), Rapport Annuel 2009, chapitre 1 : Sauver, rétablir et réformer – pp 4-11 IMF (2011), Global Financial Stability Report, October IMF (2011), Global Financial Stability Report, chapter 3, September Laeven, L. and F. Valencia, 2008. Systemic Banking Crises: a New Database IMF Working Paper n° 08/224. Washington D.C. Ranciere, R. A. Tornell and F. Westermann (2006). Decomposing the effects of financial liberalization: Crises vs. growth. Journal of Banking & Finance, 30(12), pp. 3331-4 Reding P. (2012), Monnaie et Finance, syllabus du cours, chapitre 2, section 2.3., pp. 48-75. Reding P. (2012), Monetary and Financial Aspects in Emerging market and developping countries, syllabus du cours (advanced master), partie II Reinhart C. and K. Rogoff (2009) This time is different: eight centruries of financial folly, Princeton University Press