J. Barrère - M. Prieur - E. Sanchez Démarches et outils pour traiter une question d’actualité scientifique au lycée : le réchauffement climatique J. Barrère - M. Prieur - E. Sanchez
Contexte Les émissions anthropiques de CO2 et le réchauffement climatique : Une question socialement vive Un débat scientifique Question socialement vive (Alain Legardez) vive dans la société (interpelle les pratiques sociales, considérée comme globalement importante par la société, traitement médiatique) Vive dans les savoirs de référence (des débats entre les spécialistes du champ disciplinaire, des paradigmes en concurrence) Pénètre dans l’enseignement par l’actualité Par la demande sociale Par l’institution scolaire elle-même (les programmes de la classe de seconde et terminale S spé)
Des questions pour l’enseignement Comment l’enseignant de sciences peut-il aborder cette question avec ses élèves ? Comment peut-il éviter les pièges du dogmatisme et du relativisme ? Comment peut-il faire comprendre la nature du débat qui se noue dans la communauté scientifique ? (A. Legardez) Risque : De dérive normative : la science dit le vrai, l’enseignement devient dogmatique et s’érige cours de morale De dérive relativiste : tout se vaut, disparition de la distance entre opinions et savoirs De nier la distance entre les savoirs scolaires et les pratiques sociales, d’affaiblir le sens des QSV
Modéliser, simuler : quels rôles pour le chercheur ? Modèle et théories Réel
Modéliser, simuler : quels rôles pour le chercheur ? Modèle conceptuel Modélisation Simuler… pour valider un modèle et définir son domaine de validité pour établir des prévisions Programmation Environnement de simulation Simulation Réel (Buty 2000, Vince 2000, Beaufils 2000)
Modéliser, simuler : quelle place dans l’enseignement ? Modèle théorique Modèle informatique Représentations symboliques Environnement de simulation Représentations figuratives Réel
Des propositions pour la classe… Modèle conceptuel Modèle théorique Modélisation Environnement de simulation Réel
Méthodologie de la recherche : une ingénierie didactique Identifier des activités scientifiques permettant d’aborder la question du réchauffement climatique en classe Modéliser : construire des modèles numériques à compartiments Expérimenter et consulter des banques de données pour obtenir des mesures Simuler et comparer les calculs réalisés par le modèle aux valeurs mesurées pour enrichir et complexifier le modèle Identifier les limites du modèle construit Relever et analyser les traces de l’activité des élèves (productions écrites, enregistrement audio, vidéo…) Une question d’actualité: le réchauffement climatique Un travail d’investigation fondé sur la modélisation et la simulation numérique. Les modèles numériques du cycle du carbone proposé par le Collège de Carleton Un outil de modélisation Vensim PLE Un outil de simulation Vensim Reader Une confrontation des résultats calculés par le modèle aux données de terrain. Un va et vient entre les valeurs mesurées sur le terrain et les valeurs calculées par le modèle. Une recherche visant à améliorer le modèle en l’enrichissant pas à pas : Première étape : un modèle à 1 compartiment et 1 flux Deuxième étape : un modèle à 1 compartiment et 2 ou 3 flux Troisième étape : un modèle à 2 puis 3 puis 5 compartiments. A chaque étape se met en place des concepts qui régissent le cycle du carbone : concept de photosynthèse, de respiration, de dissolution, de dégazage… Lors de la construction du modèle, le modèle devient : Un outil pour comprendre le climat passé et le climat futur… Un outil pour expliquer, pour raisonner… Un outil pour prédire…
Formuler le problème et motiver les élèves « l’Homme est-il responsable de l’augmentation des GES et donc du réchauffement climatique? » Recherche des traces d’un réchauffement climatique : voir le recul de la banquise. Recherche d’une corrélation entre l’augmentation du CO2 atmosphérique et l’évolution des températures globales d’une part, les émissions de CO2 d’origine anthropique d’autre part. Le point de départ… on recherche quelques indices du réchauffement climatique existent comme l’élévation des températures globales, le recul de la banquise, le recul des glaciers continentaux, l’élévation du niveau des océans… On recherche les causes probables de ce réchauffement? L’élève de la classe de seconde sait que le climat de la Terre peut dépendre de l’énergie solaire reçue mais aussi du comportement de l’atmosphère à travers l’effet de serre. Les mesures de l’irradiance ne montrent pas de corrélation entre le réchauffement et l’activité solaire dans la mesure où les années les plus chaudes correspondent à une baisse de l’irradiance… L’effet de serre pourrait être un bon candidat. L’Homme pourrait-être responsable du réchauffement climatique par l’intermédiaire des GES émis dans l’atmosphère ? L’analyse des carottes de glace de l’Antarctique montre que la concentration en CO2 atmosphérique a peu varié autour de 280ppmv depuis 2000 ans mais depuis 1890 on assiste à une augmentation exponentielle du CO2… Il existe une corrélation entre l’augmentation du CO2 (graphe du haut) et l’augmentation de la température (graphe du bas) Barrette, 2002. Les informations fournies par les chercheurs montrent qu’il existe aussi une corrélation entre les émissions de CO2 liées aux activités humaines et le réchauffement climatique… La chronologie de cette augmentation pourrait être compatible avec la chronologie de l’utilisation des combustibles fossiles… Si c’est vrai alors le problème du réchauffement climatique montre l’enjeu de la maîtrise des émissions de CO2 liées aux activités humaines. Comment valider cette hypothèse ? Comment le chercheur résout-il ce type de problème ?
Des représentations initiales faire émerger la notion de modèle Où va le CO2 d’origine anthropique? Des représentations initiales des élèves… Au modèle du chercheur : un modèle numérique à compartiment dont il importe de déterminer les caractéristiques (variable, compartiment et flux). L’Homme est-il responsable de l’augmentation du CO2 atmosphérique? Pour beaucoup d’élève, cela paraît difficile à imaginer car pour eux l’atmosphère est infinie… Comment dans ces conditions, les combustions des carburants pourraient-elles « remplir cette atmosphère »? On demande aux élèves de construire un schéma : ce schéma doit montrer où va le CO2 émis par les activités humaines. Les représentations initiales des élèves montrent qu’ils adoptent naturellement : les notions de réservoir (pour eux l’atmosphère est un réservoir souvent fermé, pour certains c’est la couche d’ozone qui ferme ce réservoir…) et la notion de flux (nombreux sont ceux qui imaginent dès ce stade que le CO2 circule de l’atmosphère vers la biosphère (nous sommes en fin d’année, les élèves ont étudié les concepts de photosynthèse et de respiration au premier trimestre) … Les représentations initiales des élèves visent plus à expliquer le forçage radiatif à l’origine du réchauffement climatique qu’un modèle tel que le construit le chercheur... On indique aux élèves que pour répondre à la question « l’Homme est-il responsable de l’augmentation des GES et donc du réchauffement climatique », le chercheur construit des modèles numériques à compartiments. Le modèle du chercheur comporte un compartiment (sorte de boîte) qui se remplit ou se vide par l’intermédiaire de flux. On propose à l’élève de construire « un modèle élémentaire de chercheur » à un compartiment (le compartiment atmosphérique) et un flux entrant (les apports anthropiques). Pour construire un tel modèle, nous devons paramétrer le modèle et déterminer les différentes valeurs de Q et q. Quelle est la quantité de C en Gt de C présente dans l’atmosphère à l’instant t? Quelle est la valeur du flux exprimée en Gt de C par an?
Le paramétrage du modèle L’élève paramètre son modèle : Il interroge la banque de données WCDGG : en 1991 la concentration atmosphérique en CO2 était de 355.7 ppmv. Il convertit les ppmv en Q Gt de C : il y avait 778 Gt de C en 1991. Il recherche la valeur du flux anthropique : La banque de données (University of North Dakota) fournit des estimations des émissions anthropiques. On propose de construire un modèle numérique élémentaire à un compartiment (atmosphère) et un flux (apports anthropiques) pour une période de 1991 à 2000.. Pour construire un modèle numérique à compartiment, l’élève doit paramétrer son modèle : § Valeurs de Q au temps T0: il doit ainsi déterminer la quantité de C présente dans l’atmosphère en 1991. Pour cela il interroge la banque de données WDCGG qui fournit des données en ppmv. Il devra convertir les concentrations en quantités… On trouve 778 Gt de C en 1991. Valeurs des apports anthropiques q Gt par an. Il interroge la banque de données… On trouve 6.4Gt de C par an Connaissant la valeur Q du compartiment au temps T0, on pourra déduire par le calcul la valeur au temps T0+1 soit Q+q… Le logiciel à compartiment réalise ce travail. Les valeurs calculées par le modèle sont comparées aux valeurs mesurées sur le terrain (ici les valeurs de WCDGG).
La construction du modèle élémentaire La construction d’un modèle élémentaire à un compartiment avec Vensim. La simulation : on compare les valeurs calculées aux valeurs mesurées. La simulation permet de montrer que l’atmosphère n’est pas fermée: il existe des fuites, on parle de puits. De nouvelles hypothèses sont proposées: puits biosphérique et puits océanique… alors que certains évoquent des pertes vers l’espace. La construction d’un modèle à un compartiment s’appuie sur une hypothèse : Les émissions de CO2 anthropiques s’accumulent dans l’atmosphère. L’atmosphère est le compartiment unique et il est fermé! Cette hypothèse est facilement adoptée par les élèves… On construit en direct ce modèle… La simulation permet de découvrir que l’apport de Carbone lié à la combustion des carburants fossiles n’est pas négligeable : 64 Gt entre 1991 et 2001 pour un compartiment de 778 Gt! La simulation permet de découvrir que du CO2 disparaît de l’atmosphère … l’atmosphère n’est pas un compartiment fermé, il y a des fuites: Sur les 64 Gt de C d’origine anthropique émis entre 1991 et 2001, il n’en reste plus que 33Gt Il existe des phénomènes d ’atténuation dont il importe d ’évaluer l ’importance . Diverses hypothèses sont spontanément proposées par les élèves La biosphère végétale avec la photosynthèse pourrait être impliquée dans ce phénomène d’atténuation Les océans pourraient aussi être impliqués dans la séquestration du carbone. Certains élèves évoquent des fuites vers l’espace!
La recherche d’échanges entre l’atmosphère et la biosphère Les informations acquises au laboratoire ainsi que celles fournies par les banques de données sont utilisées lors de la construction du modèle… Existe-t-il des preuves de l’existence d’échanges entre l’atmosphère et la biosphère, nous proposons donc de nous appuyer sur : Des études faites au laboratoire (EXAO au cours desquelles nous pourrons quantifier les échanges gazeux à l’aide de sonde à CO2 …). Ces études sont conduites en utilisant des échantillons de végétaux ou sur une mini serre. On pourra mesurer les flux de carbone au niveau des végétaux et ou du sol en faisant varier différents facteurs, notamment l’éclairement, la température et la pco2. Les résultats obtenus ont surtout une valeur qualitative (montrer l’effet fertilisant du CO2 sur la photosynthèse – l’effet de la température sur la respiration du sol etc.), Des mesures réalisées sur le terrain (de nombreuses stations d’écophysiologie mesurent les flux de co2, … au-dessus de nombreux écosystèmes à différentes latitudes, sur tous les continents…). Toutes ces données confortent les choix qui accompagnent la construction du modèle. Une telle approche représente une nouvelle vision des mécanismes de PS et de respiration intégré dans une perspective planétaire. Voir le modèle atmosphère biosphère
La recherche d’échanges atmosphère hydrosphère Les informations acquises au laboratoire ainsi que celles fournies par les banques de données (Université de Colombia) sont utilisées lors de la construction du modèle… Ce travail est réalisé en physique… Comme en SVT, l’élève va interroger les BDD et découvrir que les océans jouent parfois le rôle de puits vis à vis du CO2, parfois le rôle de source… Le facteur principal qui intervient dans ces échanges océan-atmosphère semble être la température. L’élève pourra mesurer les échanges air-eau au laboratoire… et montrer que les échanges s’effectuent bien dans les 2 sens… Voir le modèle atmosphère océan
Le modèle du cycle du carbone et la résolution du problème : Le climat du passé de 1780 à l’actuel,où est passé le CO2 d’origine anthropique? Le logiciel Vensim permet de construire progressivement un modèle de complexité croissante (copier-coller). Nous n’avons pas construit le modèle complet avec les élèves… seule la première étape de construction a été conduite par les élèves. Pour les modèles complexes, ils ont exploité les modèles déjà construits que l’on présente comme le modèle du chercheur. Le modèle du chercheur n’est pas le réel. Il existe des différences entre les valeurs mesurées et les valeurs calculées par le modèle… L’analyse des valeurs calculées par le modèle permet de : Répondre à la question initiale : L’Homme est-il responsable de l’augmentation des GES présents dans l’atmosphère? Préciser la réponse : Où est passé le CO2 d’origine Anthropique? On découvre qu’une partie importante du CO2 anthropique a été piégé par la biosphère (photosynthèse) et l’autre partie par les océans froids. On découvre aussi que le réchauffement d’une part et la déforestation d’autre part stimule le dégazage des sols… (Permafrost) Avant de lancer le modèle sur le XXI siècle l’élève doit pour voir argumenter les choix : Si la population continue à croître et si les inégalités nord sud s’estompent, alors les émissions de GES vont progresser… la température globale de la planète augmentant, je prévois que les puits océaniques et biosphériques risquent de diminuer etc. les sols vont libérer un surplus de CO2 …
Premiers résultats… Des difficultés d’ordre conceptuel le formalisme utilisé pour modéliser : le passage du concret à l’abstrait et le paramétrage du modèle informatique restent des exercices difficiles le raisonnement dans le cas de causalités non linéaires : les boucles de rétroaction la prise en compte de concepts de différents champs disciplinaires Des difficultés d’ordre pédagogique la prise en main de l’outil informatique le temps nécessaire qu’il faut prendre la mise en place d’un travail pluridisciplinaire Un changement de statut du modèle dans la classe est possible. Le modèle peut être : un outil pour comprendre, raisonner, expliquer, prédire un outil permettant à l’élève de conduire une démarche d’investigation de manière autonome Ce changement du statut du modèle peut aider l’élève à prendre de la distance cad le recul critique Ce changement du statut du modèle peut aider l’élève à problématiser et argumenter
Des propositions pour la classe… Rendre au modèle son statut d’outil pour l’investigation scientifique Articuler travail sur le réel/modélisation/simulation Conduire un travail pluridisciplinaire
http://acces.inrp.fr Pour aller plus loin… jacques.barrere@inrp.fr michele.prieur@inrp.fr eric.sanchez@inrp.fr