Quand faut-il arrêter certains médicaments chez la personne âgée? Dr.C.Schott-Geisert Gériatre Consultation mémoire Hôpital Richaud-Versailles Avril 2012
PLAN I- Personne âgée et iatrogénie. II- Règles de prescription III- Quelques exemples Mcs Cardiovasculaires Les statines AVK IPP Psychotropes AINS Mcs et Maladie d’Alzheimer
I- Personne âgée et iatrogénie
Tendance forte à la réduction des incapacités Progression de l’espérance de vie sans incapacité plus rapide que l’espérance de vie totale, d’où un gain de qualité de vie. Réduction du pourcentage d’aînés en situation d’incapacité physique en France 1990 : 8,5% 1998: 6,4%
Différents types de vieillissement Vieillissement réussi 20% Vieillissement usuel 50% Sujet âgé fragile Sujet âgé malade Sujet âgé handicapé Adapter la stratégie thérapeutique
Défaillance viscérale chez le sujet âgé.
Caractéristique de la Iatrogénie chez le sujet âgé + fréquent +grave + atypique que chez l’adulte plus jeune.
La confusion Définition d’une confusion selon le DSM IV-R Changement rapide du comportement habituel ou d’inversion récente du rythme nycthéméral (veille-sommeil) : * perturbation de la conscience de soi et de son environnement * trouble de l’attention * troubles cognitifs * troubles de la vigilance * troubles psychiatriques Début brutal ou rapidement progressif Fluctuation des signes sur 24 heures avec recrudescence vespérale
Facteurs favorisants Démence avérée ou troubles cognitifs chroniques sous-jacents Immobilisation, aggravée par une contention physique Déficit sensoriel (visuel ou auditif) Existence de comorbidités multiples Dénutrition Polymédication :arrêter les médicaments pouvant être responsables d’une confusion et/ou ceux non indispensables adapter les modalités de l’arrêt à la classe thérapeutique Antécédents de confusion, notamment postopératoire Troubles de l’humeur(dépression)
II- Règles de prescription
Trois modalités de prescription non-optimale • « Underuse » (traitements insuffisants) : absence d’instauration d’un traitement ayant démontré son efficacité • « Misuse » (traitements inappropriées) : utilisation des médicaments inappropriés (dont les risques dépassent les bénéfices attendus) liste de BEERS • « Overuse » (excès de traitements) : utilisation de médicaments en l’absence d’indication ou d’efficacité démontrée
Liste de « Beers » molécules considérées comme potentiellement inappropriées chez les sujets très âgés MEDICAMENTS MOTIF Dextropropoxyphène Peu avantage / paracetamol métoclopramide Sd extrapyramidal Indométacine, phenylbutazone Bénéfice/risque < autres AINS Certains antispasmodiques (visceralgine, buscopan, ceris, ditropan) anticholinergiques BZD à demie vie longue (urbanyl 50h, rohypnol 35h, lexomil 20h, xanax 15h) (NB préférer : Stilnox 2h, imovane 7h, buspar 5h) Sédation, chutes Digoxine dose élevée intoxication Methyldopa, reserpine Préférer les autres anti HTA Hydergine, vd cérébraux Efficacité non prouvée Beers, Arch Intern Med 1991 et Fick, Arch Intern Med 2003
Principaux médicaments pouvant entraîner une confusion par leurs propriétés anticholinergiques (liste non exhaustives) Neurologie Classe thérapeutique Antiparkinsoniens Anticholinergiques Antidépresseurs Imipraminiques DCI (exemples) Trihexyphénidyle Tropatépine bipéridène Spécialités Artane Lepticur Akinéton Psychiatrie Neuroleptiques Phénothaziniques Neuroleptique atypique Hypnotiques (neuroleptiques) Clozapine Acépromazine + acéprométazine Méprobamate +acéprométazine Leponex Noctran Mépromizine Gastro Entérologie Antiémétiques Métoclopramide Métopimazine Primperan vogalène Urologie Immuno allergologie Antispasmodique Dans l’instabilité Vésicale Antihistaminiques Phénothiaziniques Antihistaminiques H1 Oxybutynine Trospium Toltérodine Solifénacine Prométhazine Alimémazine Hydroxyzine Dexchlorphéniramine cyproheptadine Ditropan, Céris, Détrusitol Vésicare Phénergan Théralène Atarax Polaramine, Périactine Pneumologie Antitussifs Pimétixène oxomémazine Calmixène Toplexil Bronchodilatateurs Ipratopium Tiotropium Atrovent Spiriva Antimigraineux Neuroleptique Flunarizine Sibélium Cardiologie Troubles du rythme Disopyramide Rythmodan Divers Antispasmodiques Atropine Tiémonium Scopolamine Viscéralgine
Classe thérapeutique ou DCI Principales classes médicamenteuses non anticholinergique pouvant entraîner une confusion (liste non exhaustive) Classe thérapeutique ou DCI Psychiatrie Benzodiazépine et apparentés Antidépresseurs (IRSS, IRSNa, etc.) Neurologie Antiparkinsoniens dopaminergiques Anti-épileptiques Gastro-entérologie (anti-ulcéreux) Inhibiteurs de la pompe à proton Infectiologie (antibiotiques) Fluoroquinolone Cardiologie Digoxine Bêtabloquant Amiodarone Antalgie Morphine, codéine Dextropropxyphène Tramadol Divers Corticoïdes à fortes doses Collyre mydriatiques
Démarche DICTIAS D: Diagnostic I: Indication C: Contre indications? T: Tolérance (start slow, go slow) I: Interactions médicamenteuses A: Ajustement de posologie (ex si Insuffisance rénale) S: Sécurité (Suivi…)
III-Quelques exemples
Traitements cardiologiques
Les dérivés nitrés Indications très peu nombreuses chez le sujet âgé. sur 12 heures. Encadrer l’arrêt d’un traitement au long cours avec un cardiologue.
Eviter les AA de la classe I +++ anti-arythmiques Eviter les AA de la classe I +++ – IA : quinidiniques (serecor, rythmodan) • Effets digestifs (diarrhée), tbles neurologiques, effet anticholinergique (rythmodan) = rétention urine, confusion, aggravation glaucome – IB : lidocaine – IC : Flecaine, cipralan, rythmol • effets inotropes négatifs et effets arytmogènes
Les STATINES
Recommandations Afssaps 2005 en prévention secondaire prescription de statines chez les 70-80 ans, En privilégiant faibles doses initiales, En contrôlant régulièrement les enzymes hépatiques, CPK, associer régime et activité physique si possible, objectif de LDLc de 1 g/l.
« Malgré la démonstration en prévention secondaire du bénéfice des statines chez les 70-80 ans, elles restent largement sous utilisées chez ces sujets » Pr Assayag.
Après 80 ans selon l'Afssaps, la prescription relève plus du bon sens » c.-à-d. de l'espérance de vie de la tolérance d'une éventuelle IR. Mais des données d'observation et d'intervention soutiennent la prescription en prévention secondaire au-delà de 80 ans » P. Assayag.
Prévention secondaire ETUDE 1- L'analyse d'un registre américain des 50 000 sujets en maison de retraite, dont 2,6 % sous statine, conforte en effet la prescription passé 80 ans avec un bénéfice en termes de décès et de déclin fonctionnel dans les trois tranches d'âge étudiées : - 66-74 ans, RR de décès = 0,67, RR déclin = 0,92; -75-84 ans: RR décès = 0,67, RR déclin = 0,96; -plus de 85 ans, RR décès = 0,72, RR déclin = 0,91 (Eaton et al, JAGS 2002)
Prévention secondaire ETUDE 2- La méta-analyse des plus de 65 ans dans 9 études randomisées estime globalement à 22 % la réduction des décès associée au traitement à 5 ans). (Afilalo et al, JACC 2008 Relativement, le bénéfice est même d'autant plus important que les sujets sont âgés, puisqu'à 65-70 ans, on gagne 4 ans, quand à 85 ans, on gagne 2 ans, ce qui revient à doubler l'espérance de vie (Diamond et al, JACC 2008).
Recommandations Afassaps 2005 En prévention primaire, -Continuation d'une prévention primaire initiée avant 70 ans et ce, jusqu'à 80 ans ou plus. -Pas d’initiation chez les seniors. MAIS: « Bien que les recommandations ne prônent pas l'initiation d'une statine en prévention primaire passé 70 ans, une prévention ciblant les sujets à haut risque semble fort intéressante ». Pr. Assayag
AVK et sujets âgés Risque hémorragique avec le score HAS BLED, ou score HEMORR2HAGES Nouvelles recommandations ESC sur la FA : score CHA2DS2-VASc
Recommandations ESC sur la FA : score CHA2DS2-VASc Élément Score Insuffisance cardiaque / dysfonction VG 1 Hypertension Age > 75 ans 2 Diabète AVC / AIT ou embolie périphérique Pathologie vasculaire (IDM, vasc. périph. ou plaque de l'aorte) Âge 65-74 ans Sexe féminin Score maximum 9 Un algorithme est, ainsi, proposé pour le choix du traitement antithrombotique : Score ≥ 2 : anticoagulation orale Score =1 : anticoagulation orale ou aspirine avec une préference pour l’anticoagulation
- Risque d'hémorragie sous AVK en fonction du score HEMORR2HAGES
Le patient chuteur augmente son risque d’AVC (+13%) Il augmente aussi son risque hémorragique MAIS : Le risque de faire un AVC >> que le risque lié à AVK Bénéfice net à traiter. Attention cependant si plus de 5 chutes par mois.
PRADAXA sans surveillance biologique bon niveau de preuve par rapport aux AVK rapidement éliminé en cas de saignement Mais, pas d’antidote Pas de dépistage d’un surdosage.
IPP
Rappel : ES des IPP ↑infections pulmonaires, digestives à clostridium difficile ↑Fractures du col fémoral Hyponatrémie Interaction avec clopidogrel
Aspirine et IPP Vérifier absence d’Hélicobacter Pylori qui augmente x15 le risque d’Ulcère GD. Il est aussi efficace d’éradiquer HP que de prescrire un IPP.
Situation Indication IPP Anti agrégant plaquettaire (AAP) Oui si patient à risque* AAP+AVK Oui (INR recommandé: 2-2,5) Haut risque hémorragique et aspirine Oui Pas de switch aspirine/clopidogrel Antécédent Ulcère GD Recherche et traitement de HP Ulcère GD hémorragique Arrêt AAP discussion risque de thrombose/ risque hémorragie Digestive FOGD et double anticoagulation --------------------------------- AINS On n’arrête pas la double anticoagulation. ------------------------ Toujours quelque soit la durée du traitement
Patient à risque* Si antécédent familial d’Ulcère GD, il existe risque d’acquisition d’Hélicobacter Pylori (HP) dans l’enfance (3 à 5 ans). Dans ce cas, Prévalence HP à plus de 75 ans = 65 %
PSYCHOTROPES
Neuroleptiques classiques: Haldol*, Tercian*,Loxapac* atypiques: Risperdal*,Zyprexa*,Leponex*
Neuroleptiques et sujet âgé Effets Indésirables Synd. Parkinsonien, acathisie, dyskinésies tardives, dyskinésies aiguës Anticholinergiques HypoTA orthostatiques, tr. conduction Chutes + synd. malin (confusion, hypertonie, hyperROT, hyperth., sueurs, instabilité hémodynamique, rhabdomyolyse)
« Les DICO » 10 arguments contre l’utilisation des neuroleptiques chez les patients déments (Lebert, Rev Neuronale,2000) • Cholinergie • antiCholinestérasiques • Corps de Lewy • Confusion • Cognitif • sous-Cortical • Convulsions • Coeur + Cérébrovasculaire • Constipation • Comorbidité
Anti-dépresseurs Durée du traitement : 1erépisode : 1 an Utiliser préférentiellement échelles adaptées : GDS chez la personne âgée, de Cornell chez le patient âgé et dément. Durée du traitement : 1erépisode : 1 an 2ème épisode : 2 ans 3ème épisode : 3 ans.
Les AINS
AINS et personne âgée Pas d’AINS ou Naproxène + IPP
Effets secondaires des AINS CI si clairance de la créatinine < 30ml/mn. Si risque gastrique : pas d’AINS Si risque gastrique et cardiologique: ni AINS ni COX2
Traitement de la maladie d’Alzheimer : quand l’arrêter?
Traitements sans AMM • Vasodilatateurs cérébraux • Oxygénateurs cérébraux • Relanceurs du métabolisme
Traitements médicamenteux en 2012 stade léger (MMSE > 20) : inhibiteur de la cholinestérase ; au stade modéré (10 < MMSE < 20) : inhibiteur de la cholinestérase ou antiglutamate ; au stade sévère (MMSE < 10) : antiglutamate.
HAS -2011 Il n’est pas recommandé de prescrire dans cette indication les traitements suivants : le piribédil, les antioxydants dont la vitamine E, la sélégiline, les extraits de ginkgo biloba, les nootropes, les anti-inflammatoires, les hormones (dont la DHEA et les oestrogènes), les hypocholestérolémiants (dont les statines) et les omégas 3.
- au-delà d’un an, une concertation pluri professionnelle avec le patient (si son état le permet), son aidant, le médecin généraliste traitant, le gériatre et le neurologue ou le psychiatre est préconisée pour réviser la prescription et vérifier l’intérêt pour le patient de poursuivre le traitement et ce, afin d’assurer un suivi de qualité et personnalisé.
Poursuite ou arrêt du traitement –HAS 2011 Il est recommandé de réévaluer régulièrement le rapport bénéfice/risque du traitement médicamenteux spécifique. La poursuite ou l’arrêt du traitement dépend de cette évaluation. L’arrêt des traitements ne doit pas reposer sur les seuls critères de score au MMSE, d’âge ou d’entrée en institution.
Fillit H. et al. Memantine discontinuation in nursing home residents with Alzheimer’s disease is associated with increased psychotropic drug use J Am Med Dir Assoc. 2010 nov . Effets de l’arrêt d’EBIXA sur la consommation des psychotropes en institution Effets de l’arrêt du traitement par la mémantine sur la consommation de psychotropes en institution ; 2 groupes de patients : un groupe traité par mémantine sans interruption pendant au moins 90 jours (N=273) un groupe traité pendant au moins 30 jours par mémantine puis ayant interrompu le traitement depuis au moins 60 jours (N=248). MMSE moyen : 11,2 Etude inversé / la précédente Que se passe t’il si l’on arrête EBIXA chez des patients en institution Un Intérêt à maintenir la prescription d’EBIXA en institution Augmentation significative de la consommation des psychotropes à l’arrêt de la mémantine les antipsychotiques (p<0,01), les antidépresseurs (p<0,001), les anxiolytiques (p<0,01) et les anticonvulsivants (p<0,001), mais n’est pas retrouvée pour les sédatifs/hypnotiques.