Industrialiser la collecte? Extrait de « L’industrie laitière en Afrique de l’Ouest : histoire, stratégies et perspectives » 2014 Projet Milky Way CARE - CIRAD - RBM

Constat : Le sahélien aime le lait Bande sahélienne : pays consommateurs de lait. Disponibilités moyennes nationales en lait au Niger, Mali et Sénégal comprises entre 40 et 70 litres Eq Lait (équivalent Lait) par habitant et par an. Niveaux relativement conséquents liés aux niveaux élevés de l’autoconsommation en lait des populations pastorales ou agro-pastorales et aux habitudes alimentaires, même en milieu urbain.

Et c’est pas fini Croissance démographique : +100 millions d’habitant dans les 15 prochaines années en CEDEAO Consommations nationales augmentent et augmenteront encore dans les prochaines décennies. Débouché pour les entreprises laitières, d’autant que le nombre d’urbains sera supérieur à celui des ruraux (250 millions contre 150 millions en 2030). Consommation de lait atteint déjà des sommets avec 400 000 tonnes Eq Lait au Sénégal en 2010, 1 000 000 au Niger et 1 800 000 au Mali en 2012 (Source FAOSTAT)

Alors on importe… Pays ouest-africains déficitaires en lait et produits laitiers. Montant des importations 200 milliards de Francs CFA en zone UEMOA en 2010 (Duteurtre et Corniaux, 2013). Côte d’Ivoire (52 milliards de Francs CFA) Sénégal (83 milliards) plus gros importateurs. Niveau de ces importations va se maintenir dans la prochaine décennie en Afrique de l’Ouest d’autant plus que le lait en poudre, qui représente plus de 90 % des produits laitiers importés, est la matière première de base de l’industrie laitière.

Importation et production de lait entre 2006 et 2010 par les pays de l’UEMOA

Mais ce n’est pas la seule solution Tendance du cours mondial du lait en poudre à la hausse depuis la dernière décennie (Idele, 2014), même s’il a sensiblement baissé en 2014. Augmentation du cours du lait en poudre, volatilité rendent délicate la gestion des stocks. Entreprises laitières fortement contraintes lors des pics de prix sur les marchés ouest-africains, en 2008 et en 2013. Recours à de la poudre enrichie en matière grasse végétale, moins chère mais de qualité gustative et nutritionnelle moindre ce qui met en danger le développement de certaines gammes de produits laitiers (produit gras qui prennent de l’importance dans la diversification de l’offre). Entreprises ouest-africaines cherchent de plus en plus à garantir un approvisionnement par du lait produit localement même si le prix, la disponibilité et la qualité sanitaire du lait restent généralement favorables au lait en poudre.

Localisation des laiteries industrielles en 2014

Répartition entre collecte et importation

Et les laiteries du Nord elles en pensent quoi? Orientation pourrait être dans les années à venir encouragée par les industriels européens. Prochains investissements patinés de « responsabilité sociale des entreprises ». Vendre uniquement du lait en poudre est un risque déjà dénoncé par certaines ONG et des représentants du monde paysan en Afrique et en Europe car cette chaîne d’approvisionnement est potentiellement concurrentielle du lait produit localement (Grain, 2011 ; Agritrade, 2014). Quasi-totalité des grands groupes européens (IFCN, 2014) s’implique donc aujourd’hui dans la collecte de lait locale et la transformation des produits laitiers in situ.

Avec ou sans les industries nationales? Association avec des industriels en place qui connaissent le marché local, possèdent souvent des marques reconnues et disposent surtout de réseaux de distribution solides et éprouvés (ancrage local recommandé par Danone Ecosystem, 2015). Au Sénégal il s’agit de Danone qui s’est associé à la Laiterie du Berger et de Sodiaal en partenariat avec Kirène, dans le prolongement de leur expérience Mauritanienne avec Tiviski. Au Mali c’est Lactalis avec Mali Lait. Rappelons que Nestlé qui faisait cavalier seul au Sénégal a arrêté sa production de lait concentré au début des années 2000 (en moyenne 1000 l par jour de collecté en 12 ans).

Positionnement des multinationales laitières européennes en Afrique de l’Ouest

Vers un nouveau cadre politique? TEC à 5%: lait et riz sont à la base de l’alimentation des urbains (prix de la paix sociale) Etats aussi préoccupés par leur balance commerciale déficitaire Etats pourraient, à l’avenir, exiger dans le cahier des charges des entreprises, au moment de l’obtention de la licence, un certain pourcentage de collecte de lait dans la transformation des produits laitiers. Ces mesures ne seront réellement applicable que si elles sont consolidées par des politiques d’appui au développement de la production locale et de la collecte (Duteurtre, 2013). Ainsi au Nigéria Friesland Campina atteint difficilement les 10% sur les 50 promis.

Pourtant ça ne décolle pas L’auto consommation, la vente à des circuits parallèles, le lait réservé aux veaux (système allaitant visant la production de viande Question de la saisonnalité et de disponibilité du lait local: Un industriel doit pouvoir régulièrement remplir ses cuves, d’une capacité de l’ordre de 3 000 litres. Autrement dit, si il refroidit le lait fourni la veille, il a besoin au minimum de 1 500 litres par jour pour lancer une fabrication rentable. Qualité sanitaire du lait aussi une contrainte récurrente qui n’existe pas avec le lait en poudre. Gérer les relations avec de nombreux fournisseurs, proposer des services et assurer parfois la collecte.

Modèles de collecte industriels: une grande diversité de situation Nom de l’industrie Circuit de collecte A qui appartiennent les équipements de collecte ? Système de production Contrat Service Qté max l/j Prix d’achat Laiterie du Berger Circuit avec camion (perspective d’ouverture d’un centre en brousse) Industriel Pastoral (90%) + 2 nouvelles fermes laitière en système irrigué Non Oui par la Laiterie (intrants, nutritionnel) 10 000 l 300 Fcfa Kirène Au quai (perspective d’ouverture d’un centre à Fatik en zone agro pastorale) Fermes + un centre à venir en zone agro pastorales ? Mali Lait Au quai Coopérative de fermiers de concession rurale Fermes + 2 centres de collecte pastoraux 400 Fcfa Solani En camion au niveau des centres de collecte Union de groupement des producteurs Systèmes agro-pastoraux et pastoraux Oui Oui par l’Union des Producteurs 1 500 400 Fcfa si supérieur à 500 l Tiviski Oui par Tiviski 50 000 700 Fcfa

Couverture des besoins en SPAI pour approvisionner en lait local de certaines capitales d’Afrique de l’Ouest

Alors manque de dialogue? Plusieurs questions de principe font débats et divisent encore les acteurs de la filière: Qui fait la collecte? L’industriel, des collecteurs, les producteurs? A qui appartiennent les équipements, à l’industriel comme pour Tiviski ou au producteurs comme à Hamdallaye ou Kollo? Comment se négocient les prix (contrat pas contrat)? Quels modèles entre les réseaux de mini-laiterie au Mali autour de Mali Lait, les centres de collecte au Niger autour de Solani, les fournisseurs de la Laiterie du Berger, les groupements autour de Tiviski ? Quels sont les différents type de producteurs (agro-pasteurs, fermes modernes) et leur complémentarité? Quels services doivent être offerts (SPAI, santé de proximité)? Comment est pris en compte l’impact sur les populations productrices (nutritionnel, environnemental, genre…) Quels protection donner au marché en particulier concernant la production hivernale (politique du 0 refus)?

MERCI