Inégalités, justice sociale et performance économique UTLM 2016-2017 Nicolas Danglade
Les inégalités Les inégalités Il existe des différences entre individus qui portent sur des caractéristiques qui ne sont pas valorisées par la société qui sont valorisées par la société Les inégalités
L’évolution des inégalités de revenu Le cas des Etats-Unis Le cas de la France
L’évolution des inégalités aux Etats-Unis : part détenue par les 10% les plus riches
L’évolution des inégalités en France : la part détenue par les 10% les plus riches
Part détenue par les 1% les plus riches
L’évolution des inégalités : la hausse des revenus des 1% les plus riches
Part détenue par les 50% les plus pauvres
Conclusion : aux Etats-Unis, les inégalités augmentent car la distance qui sépare le haut du bas de l’échelle des revenus s’élargie En France, les inégalités augmentent très peu même si les revenus du Top 0,1% augmente plus vite que ceux des autres Pourquoi les inégalités augmentent-elles, surtout aux Etats-Unis ?
Un phénomène de destruction créatrice : Le progrès technique a des conséquence sur la structure des emplois La mondialisation a des conséquences sur la structure des emplois En France, cette destruction créatrice s’accompagne d’un renforcement des emplois qualifiés et très qualifiés et d’une hausse des emplois se service peu qualifiés Aux Etats-Unis, cette destruction créatrice met les classes moyennes sous pression Des explications incomplètes
Le rôle de la fiscalité Évolution de la fiscalité sur le revenu, le patrimoine et le capital
Évolution taux marginal sur la tranche supérieure du revenu
La fiscalité a des conséquences sur l’évolution des salaires
Fiscalité sur les hauts revenus qui recule Fiscalité sur le patrimoine qui recule (succession) Fiscalité sur le capital qui diminue = conséquences ? Des évolutions de la fiscalité favorable aux ménages riches qui peuvent transformer les gains de pouvoir d’achat en épargne = revenu du capital Conséquence : une repatrimonialisation de la société
Le retour d’une société de rentier
(Rappel) L’évolution des inégalités économiques Hausse des inégalités de revenu dans tous les pays développés depuis les années 1980 Le cas de la France : la manière de mesurer les inégalités compte ; en déciles, les inégalités sont stables/ en centiles, les inégalités se creusent Cette hausse des inégalités de revenu = hausse des inégalités de patrimoine (la situation des USA)
Expliquer ces évolutions Impact du Progrès technique Distinguer polarisation des emplois aux Etats-Unis et polarisation des emplois en France Impact de la mondialisation Un impact limité sur le volume des emplois mais effet sur les rémunérations Choix fiscaux / recul de la redistribution verticale (IR)
Les inégalités ont augmenté quasiment dans tous les pays de l’OCDE
Les inégalités sont-elles bonnes pour la croissance ?
Dans tous les pays, le creusement des inégalités s’est traduit par une croissance plus faible que ce qu’elle aurait pu être à inégalités constantes Depuis les années 1980, plus d’inégalités = moins de croissance Nouvelle Zélande : +30% de croissance au lieu de +45% Royaume-Uni : +40% de croissance au lieu de +50% Allemagne : +28% de croissance au lieu de +33% Etats-Unis : +30% de croissance au lieu de +35% Pourquoi ?
Causalité inégalités / croissance ? Inégalités et performances scolaires / capital humain Inégalités et investissement / innovation
L’exemple des performances scolaires
Les sources des inégalités scolaires sont multiples : Inégalités de revenus Inégalités de diplôme des parents (information incomplète; culture « scolaire ») Inégalités territoriales / moyens Effet des pédagogies
Inégalités de revenus : un désavantage pour les parcours scolaires - Accès au logement - Accès aux établissements - Financement études supérieures Les inégalités de revenu s’articulent avec inégalités de diplômes - Accès au langage (écrit et oral) - Conséquences néfastes des pédagogies implicites
Les échecs de parcours scolaires / le moindre accès aux diplômes = perte de capital humain Or capital humain = source de productivité globale des facteurs Les inégalités de revenu = moindre accès au crédit Or crédit = investissement physique Les inégalités de revenu = frein à la mobilité sociale Les inégalités de revenu = davantage comportements déviants / recul de la confiance interpersonnelle = coût pour la collectivité
Le cas des discriminations
Le scénario 3 : la convergence des durées hebdomadaires du travail Source : France Stratégie « Le coût des discriminations », septembre 2016 Le scénario 1 : l’effet positif à attendre d’un meilleur accès aux postes qualifiés Le scénario 2 : l’effet d’un plus grand accès à l’emploi des catégories discriminées Le scénario 3 : la convergence des durées hebdomadaires du travail Le scénario 4 : la convergence des niveaux d’éducation entre populations au niveau du Bac.
Conclusion : plus d’inégalités = moins de croissance Il n’est pas possible d’affirmer que les inégalités ne posent de problème aujourd’hui dans les PDEM Premier problème : inefficacité économique Si l’on cherche plus de croissance = réduire les inégalités Seconde interrogation : au-delà du critère d’efficacité économique, ces inégalités sont-elles (in)justes ?
Les inégalités sont-elles (in)justes ? Les théories de la justice sociale : définir les ressources qui sont valorisées par la société et interpréter la répartition inégalitaire de ces ressources Toutes les théories modernes de la justice sociale sont d’accord sur le principe d’égalité des droits Mais il y a des débats sur l’égalité des situations et l’égalité des chances
Théories « libertariennes » : Tant que les droits fondamentaux sont respectés, les inégalités qui en découlent sont justes Vouloir modifier la répartition initiale des revenus est injuste car elle se fait au détriment de la liberté individuelle Les inégalités sont le résultat du mérite individuel et de la chance = aucune raison d’intervenir au nom de la justice sociale pour les réduire
La redistribution chez les libertariens ? Comment réduire les inégalités de situation ? Par la charité Mais le risque : passager clandestin = solution ? Mettre en place un revenu universel (impôt forfaitaire + impôt négatif) Tout le monde est imposé au même pourcentage Tout le monde perçoit un même montant universel (inconditionnel) Ceux qui n’ont rien obtiennent ainsi un revenu (c’est aussi une solution que l’on trouve chez Rawls)
Théorie rawlsienne (J.Rawls) Les inégalités sont acceptables si elles s’accompagnent d’une amélioration du sort des plus défavorisés Les inégalités sont acceptables si elles s’accompagne d’une inégalité des chances soutenable (P.Savidan, Repenser l’égalité des chances)
Évolution du niveau de vie des plus pauvres ? Inégalité des chances soutenable ? Constat : inégalités injustes car la situation des plus pauvres ne s’améliore pas et l’inégalité des chances n’est pas « assez » soutenable
Évolution niveau de vie des plus pauvres
Inégalités scolaires d’origine sociale X 6
En résumé Depuis les années 1980, le creusement des inégalités est un handicap pour la croissance économique (Le creusement) des inégalités est également injuste car les gains de croissance profitent peu aux plus fragiles Les inégalités rendent la « compétition sociale » inéquitable
Comment faire pour rendre la société à la fois plus juste et plus efficace ? Un double défi Est-il possible de lutter contre les inégalités /protéger les plus pauvres Sans entraîner d’effets pervers de la protection et la redistribution sur la croissance
Comment protéger / lutter contre les inégalités ? Politique de revenu : augmenter le salaire minimum ? Politique de redistribution horizontale : élargir la sécurité sociale ? Politique de redistribution verticale : augmenter la redistribution verticale ?
Mais ces actions peuvent entraîner des effets pervers en terme d’efficacité ou même de légitimité SMIC : augmenter coût du travail et pénaliser demande de travail peu qualifiés Augmenter les prélèvements obligatoires : reculer le consentement à l’impôt Augmenter les revenus de transferts : déclencher des trappes à inactivité
En résumé, les instruments de redistribution ont des effets « pervers » La fiscalité sur les revenus ou les revenus de transferts = provoquer des trappes à inactivité La fiscalité sur les revenus des ménages = provoquer une fuite ménages La fiscalité sur le patrimoine des ménages = provoquer l’usage des paradis fiscaux (fuite) La fiscalité sur les bénéfices des entreprises = provoquer des techniques d’optimisation fiscale qui s’appuient sur les paradis fiscaux
Comment lutter contre ces effets pervers ? Les AE cherchent à se soustraire à l’impôt : Mobilité du travail vers pays moins taxés Mobilité du capital des ménages vers paradis fiscaux ; Pourquoi ? Il n’existe pas un registre mondial des détenteurs d’actifs financiers / secret bancaire Source : Gabriel Zucman « La richesse cachée des nations » (2013)
8% du patrimoine financier des ménages (soit 5800 milliards d’euros) se trouve actuellement dans les paradis fiscaux dont 350 milliards appartiennent à des français La fraude représente a minima 130 milliards d’euros de pertes d’impôt au niveau mondial et 17 milliards pour la France Sans l’évasion fiscale, le taux d’endettement public pour la France serait réduit de 25 points
Cette mobilité des capitaux concerne également les FMN qui échappent à l’impôt sur les territoires où elles sont implantées Construction juridique / optimisation fiscale / prêts intragroupes / ruling fiscal
Comment lutter contre les effets pervers de la mobilité du capital ? créer un cadastre mondial des titres financiers Coopération internationale : mise en place échange automatique de données bancaires En 2010, le Congrès américain a adopté la loi FACTA (Foreign Account Tax Compliance Act) qui contraint les banques étrangères à envoyer chaque année au fisc la liste de leurs clients américains, sous peine de se voir infliger une taxe de 30% sur leurs transactions financières
Admettons que l’on puisse réguler les problèmes de « fuites fiscales », est-il possible de minimiser les effets pervers de la redistribution ? Fiscalité optimale : déterminer le montant d’imposition au delà duquel désincitation / effet pervers Redistribution optimale : déterminer le montant d’imposition au delà duquel désincitation / effet pervers
Un exemple d’économie où la protection, la faiblesse des inégalités et la fiscalité n’entraînent pas d’effet pervers sur les performances économiques : le Danemark Fiscalité élevée sur les ménages et consommateurs; faible sur le capital = incitation à l’investissement Indemnité chômeur élevé mais contrôle et formation = pas de trappe inactivité Marché du travail flexible, main d’œuvre qualifiée, appariement rapide = pas de chômage
Faut-il arbitrer entre inégalités (justice) et efficacité économique? Un faux débat