Les droits linguistiques des peuples autochtones Naiomi W. Metallic 1
Aperçu des langues autochtones au Canada Il existe entre 53 à 70 langues autochtones au Canada 11 familles de langues distinctes associées au Premières Nations, auxquelles s’ajoutent l’inuktitut, avec ses différents dialectes, et le michif (parlé au sein des collectivités métis) Locuteurs Langues 80,000 le cri 45,000 l'ojibwé 25,000 l'inuit 7,000 - 15,000 le chipewyan, le micmac, certaines des langues dénées, le mohawk, le dakota et le nakoda 300 - 1,000 Les langues des Salishs et les langues de la famille du tsimshian, le kwakw'ala, le nuu-chaa-nulth (C-B, T. du N-O et Yukon) 50 - 200 la plupart des langues iroquoiennes, certaines langues des Dénés du Nord, le malécite, ainsi que l'heiltsuk, l'haisla, le ktunaxa et le tlingit < 50 le han, le tagish, le tahltan, le munsee (delaware) et la langue des Abénakis de l'Ouest et des Tananas d'en Haut
Situation précaire des langues autochtone D’après l’UNESCO, les langues autochtones du Canada sont parmi les plus menacées au monde. Malgré le déclin de l’usage des langues autochtones, une enquête relève que plus de 2 sur 3 membres des Premières nations souhaitent conserver, apprendre ou réapprendre leur langue autochtone. Seulement l’inuktitut, le cri et l’ojibwé étaient florissantes au moment du sondage, et depuis les deux dernières connaissent des déclins.
Les langues autochtones sont étroitement liée aux : La situation de vulnérabilité dans laquelle se retrouvent les langues autochtones a été causée en grande partie par les politiques d’assimilation du gouvernement canadien, y compris le système des pensionnats. Les langues autochtones sont étroitement liée aux : connaissances traditionnelles territoires traditionnels identités collectives cultures droits autochtones coutumiers identités personnelles bien-être spirituel des Autochtones
Défense des intérêts des droits linguistiques des peuples autochtones Beaucoup d’efforts ont été faits par l’Assemblée des Premières Nations depuis les années 1970s. Tentative visant la modification de la Loi constitutionnelle de 1982 en vue d’y inscrire le droit à l’autonomie gouvernementale des peuples autochtones, y compris le pouvoir « de préserver et de développer leurs langues, leurs cultures … et leurs traditions » - échouée. Groupe de travail sur les langues et les cultures autochtones et leur rapport de 2005 « Le début d’un temps nouveau » - pas mené à des actions concrètes. Projet de loi déposé par le sénateur Joyal en 2007, Loi visant la promotion des langues autochtones du Canada ainsi que la reconnaissance et le respect des droits linguistiques autochtones – pas franchi l’étape de la deuxième lecture.
Qui a compétence ? Fédéral vs provinces Les gouvernements autochtones « Langue » est une matière de double aspect. Est-ce que les provinces empiètent sur le champ de compétence fédéral sur les « Indiens » si elles légifèrent directement sur les langues autochtones ? Les langues autochtones portent-elles sur « l’essentiel de l’Indianité »? Bande Kitkatla c. Colombie-Britannique, 2002 CSC 31 – « Les Première nations ne sont pas des enclaves du pouvoir fédéral dans une mer de compétence provinciales. » reconnaissance du droit à l’autonomie gouvernementale Campbell et al. c. AB BC et al., 2000 BCSC 1123 – le partage des pouvoirs constitutionnels ne répartit pas la totalité des pouvoirs législatifs. Politique publiée par le gouvernement fédéral en 1995 reconnaît le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale des peuples autochtones et prévoit qu’ils auront compétence sur les « langues, cultures et religions autochtones » et sur « l’éducation ». Certaines ententes sur l’autonomie gouvernementale reconnaissent ces compétences.
Le Canada Rien dans la Loi sur les langues officielles du Canada. Rien (sauf indirectement) dans la Loi sur le maintien et la valorisation du multiculturalisme au Canada. Rien de spécifique sur la langue dans la Loi sur les Indiens ni par rapport à l’éducation. Les écoles sur les réserves sont financées et réglementées (par des politiques) par le gouvernement fédéral. Peu est fait pour encourager l’enseignement dans les langues autochtones. Patrimoine canadien a une Initiative des langues autochtones qui accorde des subventions à des Premières nations et des organismes autochtones qui font des demandes de financement pour des projets communautaires sur les langues. Le Groupe de travail pense que ce n’est pas assez.
Le Yukon le Gwich'in, le Hän, le Kaska, le Tutchone du nord, le Tutchone du sud, le Tagish, le Tanana du haut, et le Tlingit Le français et l’anglais sont les seules langues officielles, mais la Loi sur les langues inclus l’engagement suivant : « Le Yukon reconnaît l'importance des langues autochtones au Yukon et souhaite prendre les mesures nécessaires pour maintenir et valoriser ces langues au Yukon, et en favoriser le développement. » La Loi confère le droit de parler une langue autochtone du Yukon dans les débats à l’Assemblée législative. La Loi sur l’éducation exige que le ministre de l’éducation inclue dans le programme obligatoire d'études des cours sur le patrimoine culturel, linguistique et historique du Yukon et de ses peuples autochtones. Sur demande, le ministre peut accorder la permission pour que, dans un programme d’études, la totalité ou une partie de l’enseignement se fasse en langue autochtone. Plusieurs Premières nations du Yukon ont des accords d’autonomie gouvernementale qui leur permet de légiférer sur les langues autochtones et l’éducation.
Les Territoires du Nord-Ouest La Loi sur les langues officielles reconnaît 11 langues officielles, à savoir le français, l’anglais et neuf (9) langues autochtones : le chipewyan, le cri, l’esclave du Nord, l’esclave du Sud, le gwich’in, l’inuinnaqtun, l’inuktitut, l’inuvialuktun et le tlicho. La Loi sur les langues officielles prévoit : La prestation de services par l’administration publique au bureau local et régional; Le droit de parler l’une quelconque des langues dans les débats et travaux de l’Assemblée législative; Toute langue officielle peut être employée devant les tribunaux. La Loi n’exige pas que les lois et les règlements soient adoptés, imprimés et publiés dans les langues autochtones, mais le commissaire en conseil peut prescrire qu’une loi soit traduite après sa promulgation. Un poste de commissaire de langue qui a comme mission d’appliquer toutes mesures nécessaires à assurer la reconnaissance des droits linguistiques. La Loi sur le jury prévoit qu’un locuteur unilingue dans une des neuf langues autochtones officielles peut être membre d’un jury. La Loi sur l’éducation prévoit que le programme d’enseignement dans une école publique est offert dans l’une des langues officielles. La commission scolaire peut choisir une des langues autochtones s’il existe une demande importante dans le district scolaire. Depuis 2001, le gouvernement a un plan d’action (strategy) sur les langues autochtones.
Le Nunavut La langue inuit est la langue maternelle d’environ 83 % de la population du territoire La Loi sur les langues officielles (2008) a établit l’inuit ainsi que le français et l’anglais comme langues officielles. La Loi sur la protection de la langue inuit (2008) vise à accroître la maîtrise de la langue Inuit, tant à l’oral qu’à l’écrit, au sein de la population du Nunavut et à soutenir son rayonnement à l’échelle du territoire : Institutions publiques doivent afficher leurs enseignes et panneaux publics dans les trois langues; Communication et prestation des services publiques (oral et écrit) dans les trois langues par les organismes du secteur public (en vigueur en 2009), les municipalités (sept. 2012) et par les organismes du secteur privé (2015); L’inuit est une langue de travail au sein des institutions territoriales; Droit de parler l’une quelconque des langues dans les débats et travaux de l’Assemblée législative; Les lois doivent seulement être publiées en français et anglais, mais une version en inuktitut de chaque projet de loi doit être disponible. Le commissaire en conseil peut en exiger la publication. Toute langue officielle peut être employée devant les tribunaux. Toute partie a droit à une décision traduite dans sa langue officielle de son choix. Tout parent d’un enfant inscrit au programme d’enseignement au Nunavut a le droit de le faire instruire en langue inuit.
Le Nunavut Les deux lois mettent sur pied un mécanisme d’enquête et de résolution des plaintes à l’égard des violations des droits linguistiques et crée aussi un organisme qui sera l’autorité en ce qui concerne la langue inuit. La Loi sur le jury prévoit qu’un locuteur unilingue d’une des langues officielles peut être membre d’un jury. La Loi sur l’éducation (2008) exige que chaque étudiant reçoive un enseignement bilingue et que les langues d’instructions soient la langue inuit et soit le français ou l’anglais. Le gouvernement a établit un fonds pour financer les projets qui se rapportent aux langues officielles.
La Colombie- Britannique 34 langues autochtones distinctes parlées, mais plusieurs connaissent un déclin alarmant Colombie-Britannique a adopté une loi sur le patrimoine, les langues et cultures des Premières nations, intitulée le First Peoples' Heritage, Language and Culture Act. Le préambule identifie l’objectif de « protéger, revitaliser et améliorer …les langues… ». La Loi crée un Conseil dont le mandat est de gérer des fonds afin de financer des projets pour promouvoir les langues et la culture. La province offre un service pour les victimes de la criminalité qui sont offerts dans 17 langues autochtones. Le ministère de l’Éducation s’est doté d’une politique pour financer l’éducation des élèves autochtones inscrits aux écoles provinciales afin d’offrir des programmes d’éducation qui combinent la réussite scolaire à la culture et aux langues autochtones. First Nations Education Act - donne plus de contrôle aux Premières nations pour gérer les programmes et les services d'éducation sur les réserves, y compris des normes sur la langue d'enseignement.
La Saskatchewan 63 Premières Nations dans la province, comprenant cinq groupes linguistiques, notamment le cri, Ojibway, Dakota, Ojibway-Cris et Dénés, et aussi une grande population de peuples Métis. Aucune reconnaissance des langues des Première nations. La province a adopté le Métis Act afin de saluer la contribution des Métis. Cette loi prévoit un processus de négociation bilatérale en vue de régler les revendications du peuple Métis. La province a un département au ministère de l’Éducation appelé First Nation and Metis Education qui prépare actuellement un programme d’enseignement en langue crie. Il y a aussi un comité consultatif sur l’éducation des Premières nations et des Métis.
Le Manitoba Langues autochtones parlées incluent le crie, l’ojibwé, le michif, l’inuktitut, le dakota et l’oji-cri. Loi sur la reconnaissance des langues autochtones (2010) qui a seulement pour but de reconnaître les langues autochtones du Manitoba. La Loi n’indique pas que ces langues auront le statut de langues officielles, mais le préambule prévoit notamment : « que le gouvernement a un rôle à jouer dans la reconnaissance des langues autochtones ainsi que dans la promotion de la préservation et de l’utilisation de celles-ci. » Le ministère de l’Éducation développe actuellement un programme pour l’enseignement des langues autochtones de la maternelle à la 12e année dans les écoles provinciales.
Le Québec Le Québec compte 11 nations autochtones : les Abénakis, les Algonquins, les Attikameks, les Cris, les Hurons, les Inuits, les Malécites, les Micmacs, les Mohawks, les Innus et les Naskapis. La Charte de la langue française reconnaît le droit des peuples autochtones à leurs langues et dans cet esprit, les réserves indiennes sont exemptées ainsi que ceux sous l’application de la Convention de la Baie James. Le gouvernement s’est doté d’une politique sur les langues autochtones qui reconnaît les langues du Québec et prévoit des mesures de sauvegarde, de développement, de maintien et de soutien de ces langues. Le Québec a une loi qui exige que les ministères de la santé et services sociaux adapte leurs services au besoin des autochtones cris, y compris l’accessibilité à des services dans leur langue. (Rien de semblable pour d’autres communautés autochtones.) D’autres protections linguistiques sont inscrites pour les peuples cris et naskapis dans la Convention de la Baie James. La Loi sur les jurés prévoit qu’un Indien ou Inuk unilingue peut servir comme juré.
Alberta Ontario Politique sur l’éducation des élèves autochtones aux écoles provinciales, y compris l’enseignement des langues autochtones. Un programme d’enseignement de sept langues autochtones de la première à la 12e année. Depuis 2007, le gouvernement a une politique qui prévoit fournir un plus grand accès pour les élèves au programme. Les langues des Premières nations les plus couramment parlées sont le blackfoot, cri, chipewyan, déné, sarcee et stoney (nakota sioux). On retrouve des locuteurs michif aussi. Ontario est la province avec la population autochtone la plus nombreuse (296,495). Ils parlent bon nombres de langues, mais les plus parlées sont l’ojibwé, l’oji-cri et le cri.
N.-B. N.-É. Élabore une politique sur l’enseignement des langues autochtones dans ses écoles publiques, de la maternelle à la 12e année. Services aux victimes de criminalité en Mi’kmaq. Aux écoles provinciales, un programme d’enseignement de la langue Mi’kmaq. Sur les réserves, le Mi`kmaq Education Act donne plus de contrôle aux Mi’kmaq pour gérer les programmes et les services d’éducation, y compris des normes sur la langue d’enseignement. Il y a quinze Premières nations au Nouveau-Brunswick qui parlent le mi’gmaq et le maliseet. Il y a treize Premières nations en Nouvelle-Écosse qui parlent tous mi’kmaq.
I.-P.-É. T.-N.-et-L. Rien ! Soutien un programme pour des interprètes juridiques en langues innus et inuit. Soutien un glossaire de terminologie juridique en droit de la famille en langue innu. Soutien des programmes dans les écoles provinciales pour les élèves autochtones pour apprendre d’avantage leur langue et leur culture. Il y a deux Premières nations mi`kmaq à l’Île-du-Prince-Édouard. Les langues parlées sont innu, mi`kmaq et inuktitut.
Protections en vertu de la Charte Plutôt muette sur les droits linguistiques autochtones. L’article 22 prévoit que les dispositions sur les langues officielles n’ont pas pour effet de porter atteinte aux autres langues. L’article 15(1) pourrait prévenir la discrimination sur une langue, mais ne pourrait pas être invoqué pour faire reconnaître des langues autochtones à titre de langue officielles. Cependant, les articles 15(2) et 25 pourraient servir à protéger tout programme destiné à promouvoir une langue autochtone contre une attaque fondée sur le paragraphe 15(1) ou une autre disposition de la Charte.
Protections en vertu du paragraphe 35(1) de la Loi Constitutionnelle de 1982 Fort probable que les langues autochtones font partie intégrante d’une culture distinctive et alors sont des droits ancestraux protégés en vertu du paragraphe 35(1). Cependant, est-ce que ce droit crée des obligations positives pour les gouvernements ? Exigerait-il : la mise en œuvre de programmes d’enseignement de la langue autochtone dans les écoles établies sur les réserves ? le financement des programmes communautaires en langues autochtones ? Aucun litige à date n’a tranché ces questions. Si oui, ce n’est pas un droit absolu et quelles seraient les limites ? Problématique de faire une analyse de coût-bénéfices pour faire moins pour les langues menacées. Il y a aussi des arguments en vertu de certains traités historiques.
Protections en vertu du droit international 2010 – Canada appuie officiellement la Déclaration des Nations Unies sur les peuples autochtones - elle comprend 46 articles portant sur les droits des peuples autochtones, y compris : L’article 13 accorde le droit aux peuples autochtones de «revivifier, d’utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures leur histoire, leur langue, leurs traditions orales... » et ainsi obliger l’État de prendre « des mesures efficaces pour protéger ce droit et faire en sorte que les peuples autochtones puissent comprendre et être compris dans les procédures politiques, juridiques et administratives, en fournissant, si nécessaire, des services d’interprétation ou d’autres moyens appropriés. » L’article 14 reconnait le droit aux peuples autochtones « d’établir et de contrôler leurs propres systèmes et établissements scolaires où l’enseignement est dispensé dans leur propre langue... » et oblige l’État de prendre des mesures efficaces pour que les autochtones ait « un enseignement dispensé selon leur propre culture et dans leur propre langue. »
Tentatives de revendications ? G. Poliquin, « La Protection d’une vitalité fragile : les droit linguistiques autochtones en vertu de l’article 35 » (2013) 58 McGill LJ 573. Les droits autochtones comprennent des droits linguistiques dont une obligation positive de l’État de favoriser la vitalité des langues. L’obligation positive est de mettre en place les structures nécessaires à la préservation des patrimoines linguistiques pour assurer leur transmission d’une génération à l’autre. Cette interprétation de l’article 35 est conforme aux principes énoncées par le droit international. Il y a des arrêts de la cour fédérale qui reconnaissent que le droit domestique portant sur les peuples autochtones doit être interprété à la lumière de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Projet de loi canadien sur l’éducation des Premières Nation… Peut-être les conditions commencent-elles à se présenter pour un « test case » ?
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