La socialisation politique : un processus au long cours CHAPITRE 3 La socialisation politique : un processus au long cours
A] Socialisation et transmission des préférences politiques
La socialisation : définitions Muriel Darmon Socialisation = « façon dont la société forme et transforme les individus » « façon » = « processus réels et déterminés » (comment la socialisation s’opère-t-elle ?) « société » = « agents ou instances précis » (“qui” ou “qu’est-ce qui” socialise ?) « forme » et « transforme » = « effets, produits, et ses résultats spécifiques de cette opération » (qu’est-ce qui est intériorisé par l’individu socialisé ?) Socialisation primaire =/= Socialisation secondaire Pierre Bourdieu Socialisation = « le double processus d’intériorisation de l’extériorité et d’extériorisation de l’intériorité » Intériorisation de l’extériorité : manières de faire et de penser propres à son groupe primaire = habitus, c'est-à-dire un ensemble de dispositions profondément incorporées (pratiques, goûts…) Extériorisation de l’intériorité : ces dispositions orientent durablement les comportements, les goûts, les aspirations des individus intériorisation du social et reproduction de l'ordre social !!! Pas de vision mécaniste de l’habitus les dispositions sont à la fois durables mais aussi réactualisées tout au long de la vie.
1. Réussir à s'imposer en valorisant une apparence masculine Le corps = réceptacle et véhicule de la socialisation, notamment de la socialisation genrée. Julie Thomas : Enquête sur les orientations scolaires d’adolescentes vers des filières traditionnellement « masculines » Quels sont les représentations et usages de l'apparence qui les amènent à pouvoir se penser à leur place dans ces filières ? Quels sont les ajustements (de comportements et de représentations) auxquels elles procèdent au cours de leur socialisation scolaire ? 1. Réussir à s'imposer en valorisant une apparence masculine Classes populaires et filières courtes (plomberie, électricité, maçonnerie…) Subversion des normes de genre dès l’enfance « Masculinisation » de leur apparence + propension à l'affrontement physique Le « soupçon » d'homosexualité leur est facilement appliqué. 2. La double invisibilisation de son appartenance de sexe Origines favorisées et filières socialement valorisées (S, classes prépa, STI électronique) « Neutralisation » de leur apparence physique : Masquent les aspects féminins (jupe/robe, décolletés, maquillage) Rejettent la « virilisation » des pratiques ou des apparences. Désexualiser leurs rapports avec les garçons =afficher ses compétences « Neutraliser » les garçons = réduire le nombre d'« incidents » à caractère sexuel et sexiste. 3. « Se féminiser » Sphère familiale = codes hétéro-normatifs respectés + carcan corporel Injonction à se fondre dans un ordre hétérosexuel (être séduisante, féminine)… sans relâchement des contraintes qui pèsent sur elles
2. Socialisation et socialisation politique : deux réalités imbriquées
b. L’intériorisation de la hiérarchie de l’ordre social dès l’enfance W. Lignier et J. Pagis : classements et jugements d’enfants scolarisés en CP, CE2 et CM1 Deux exercices : Classement de la hiérarchie des métiers Classement des « riches » et « pauvres ». Caractère relationnel des classements enfantins Classer, c'est aussi se classer, se situer socialement Classement est intrinsèquement lié à leur vie familiale. Trois exemples : Femme de ménage : travail maternel /employée de leurs parents > la « juste » rétribution économique de ce métier en dépend Opposition ouvriers/patrons : se classer avec ceux dont on est socialement proche et contre ceux dont on est socialement distant Classement pauvres/riches : en relation avec le discours parental. Deux revenus équivalents en termes nominaux peuvent se trouver classés différemment. La possibilité de classer dépend des possibilités langagières : Rôle décisif de la disponibilité des mots Propension à parler de soi et des siens Expression corporelle = substitut de la maîtrise du langage
a. L’apprentissage familial des perceptions politiques Socialisation politique : « les mécanismes et les processus de formation et de transformation des systèmes individuels de représentation, d’opinions et d’attitudes politiques ». Anne Muxel Famille = lieu de reproduction politique Homologie de positionnement politique entre parents et enfants. 41% des jeunes interrogés ont la même attitude partisane que leurs parents 65% partagent la même filiation politique (y compris dans l'apolitisme) que leurs parents. Ecole du Michigan (60’s, « The American Voter ») => rôle de la famille dans « l’identification partisane » Famille = contexte affectif Processus pas nécessairement intentionnel, parfois inconscient : Observation des pratiques concrètes (vote, lecture du journal…) Pratiques partagées (manifestations …) Interactions quotidiennes (positionnement sur l'actualité...) Annick Percheron : des conditions doivent être réunies : La visibilité des choix politiques des parents L’intérêt des parents pour la politique La force des préférences parentales L’homogénéité des choix politiques des parents (et oui 1 + 1 ne fait pas 1!!!!!) Pierre Bourdieu : toutes les formes de socialisations prescrivent des comportements politiques.