Séance – Guernica: un cri de révolte Support: Guernica, de Picasso Huile sur toile 349 X 777. Musée de la Reine Sophie (Madrid) Séance – Guernica: un cri de révolte Objectifs -Le contexte: Qu’est-ce que Guernica? -Un cri de révolte? Histoire des arts
Qu’est-ce que Guernica? Peut faire penser au poème Oradour, de Tardieu Qu’est-ce que Guernica? Oradour n'a plus de femmes Oradour n'a plus un homme Oradour n'a plus de feuilles Oradour n'a plus de pierres Oradour n'a plus d'église Oradour n'a plus d'enfants Plus de fumée plus de rires Plus de toîts plus de greniers Plus de meules plus d'amour Plus de vin plus de chansons. Oradour, j'ai peur d'entendre Oradour, je n'ose pas Approcher de tes blessures De ton sang de tes ruines, je ne peux je ne peux pas Voir ni entendre ton nom. Oradour je crie et hurle Chaquefois qu'un coeur éclate Sous les coups des assassins Une tête épouvantée Deux yeux larges deux yeux rouges Deux yeux graves deux yeux grands Comme la nuit la folie Deux yeux de petits enfants: Ils ne me quitteront pas. Oradour je n'ose plus Lire ou prononcer ton nom. Oradour honte des hommes Oradour honte éternelle Nos coeurs ne s'apaiseront Que par la pire vengeance Haine et honte pour toujours. Oradour n'a plus de forme Oradour, femmes ni hommes Oradour n'a plus d'enfants Oradour n'a plus de feuilles Oradour n'a plus d'église Plus de fumées plus de filles Plus de soirs ni de matins Plus de pleurs ni de chansons. Oradour n'est plus qu'un cri Et c'est bien la pire offense Au village qui vivait Et c'est bien la pire honte Que de n'être plus qu'un cri, Nom de la haine des hommes Nom de la honte des hommes Le nom de notre vengeance Qu'à travers toutes nos terres On écoute en frissonnant, Une bouche sans personne, Qui hurle pour tous les temps. Guernica est une petite ville sans histoire de 7000 habitants, située sur la route de Bilbao, au pays Basque. Le 26 avril 1937, elle devient la cible d’un raid aérien de la Luftwaffe allemande. Bombardée, sans défense, elle est totalement anéantie en quelques heures.
Le contexte Depuis Juillet 1936, l’Espagne est ravagée par une guerre civile. Cette guerre oppose Les nationalistes dirigés par Franco ( militaires, monarchistes…) Les républicains (socialistes, communistes, anarchistes…) Le 16 février 1936, le Front Populaire gagne les élections en Espagne sous la IIème république. Le 18 juillet, menés par l’ancien chef d’état-major de l’armée, le général Francisco Franco Bahamonde, les militaires de la garnison de Melilla se soulevèrent contre le gouvernement du Front Populaire. L’insurrection s’étend ensuite à toute l’Espagne et la guerre civile éclate. La guerre se finit en 1938 par la victoire de Franco.
Au moment du bombardement, il ne reste que les femmes, les enfants, les vieillards dans la ville... Les hommes sont partis se battre aux côtés des Républicains. Peu de temps avant l’attaque, les Républicains lancent un appel au secours à l’Angleterre et à la France, mais celles-ci refusent d’intervenir. En revanche, sollicitée par Franco, l’Allemagne d’Hitler envoie immédiatement ses avions de chasse. Le bombardement devient une sorte de répétition générale de la Seconde Guerre Mondiale et fait 1600 morts.
Quand il apprend le bombardement de Guernica, le lendemain, le 1er mai 1937, à Paris, Picasso se précipite sur la presse. Les trois « non-couleurs » de Guernica évoquent instinctivement les gros titres, la typographie et les photos d’un journal.
A la découverte de l’œuvre Faisons la liste de ce que nous reconnaissons en voyageant quelques minutes à l’intérieur de l’œuvre en 3D (Vidéo 1).
Une frise qui se lit de gauche à droite ou de droite à gauche? La composition repose sur quelques figures, lesquelles? Comment Picasso fait-il pour rendre compte de la violence de la scène? Pourtant quelques éléments dans le tableau semblent porteurs d’espoir, lesquels?
Examinons ces figures symboliques de plus près La mère et l’enfant Accroupie par terre Poitrine dénudée Tient son enfant mot dans les bras Qu’est-ce qui évoque la détresse dans l’attitude de la mère? Visage renversé Hurlement Ses narines et ses yeux ressemblent à des larmes Une représentation de la souffrance tout autant que de la mort.
On dit que Picasso se serait inspiré d’une toile de Poussin: Le massacre des innocents Le cri comme expression universelle de la souffrance Quelles figures reconnaissez-vous? Un massacre et un cri
L'enfant mort dans les bras de sa mère se rapprochent d'une autre image à portée universelle Qu’est-ce qu’une Pietà? La piéta, ou Vierge de Pitié , est un thème artistique biblique représentant la Vierge Marie douloureuse ( Mater dolorosa en latin ), tenant sur ses genoux le corps du Christ descendu de la Croix avant sa mise au tombeau Il y aurait alors la possibilité de lire le tableau avec des références chrétiennes: Désordre = l’enfer Pietà La lumière représenterait Dieu Pietà, de Michel Ange
Ses yeux de face fixent le spectateur Le taureau Immobilité menaçante Ses yeux de face fixent le spectateur Queue enroulée telle une spirale de fumée La figure du Minotaure. Le taureau est un symbole de la force brute, de la cruauté. Au milieu de la débâcle il apparaît impassible. Un oiseau Symbole d’espoir? Affolé Dévoré par l’ombre S’égosille
Un soldat mort Au premier plan de la composition apparaît un combattant dont le corps est morcelé et décapité. Ce personnage porte sur son visage toute la violence de la guerre : la dentition précise, et la décapitation sont les signes de la brutalité. La fleur? L’expression : Y-aller la fleur au fusil? Déjà mort, une fleur repousse.
Au centre, le cheval blessé Corps couvert de petits traits noirs: évoquent de loin les colonnes d’un journal. Langue en forme de pointe acérée : suggère un cri perçant Placé au centre de la composition, il symbolise, des dires même du peintre, le peuple, un peuple sur le point de s’effondrer. Transpercé par une lance dont la pointe ressort de son flanc. La lance pourrait évoquer celle qui blesse la poitrine du Christ, la crucifixion étant l’archétype de la souffrance et de l’agonie
Que dire de l’ampoule au-dessus de la tête du cheval? Le plafonnier, la présence de murs et de briques dans le fond évoquent l’enfermement : les corps dans le tableau sont littéralement pris au piège.
Le massacre en train de se faire Attitude de supplication Un genou à terre Paraît blessée Son corps n’est pas visible Entourée d’écailles évoquant les flammes d’un incendie Semble chercher à atteindre une petite fenêtre mais en vain
Mais… énigmatique porteuse de lumière De plus, comme toutes les autres figures, la porteuse de lumière regarde vers la gauche… symbole du passé, du désespoir, de la mort Tête blanche étirée par un long bras droit tenant une torche Symbole d’espoir? Mais sa lumière ne parvient pas à éclairer la nuit. Ou alors « Lucifer »: le porteur de lumière La figure à la "bougie" pourrait également représenter l'opinion internationale découvrant et éclairant (= articles dans les journaux) le massacre.
Donc: Au premier plan: des expressions fortes Au second plan: Des architectures intérieures alternent avec des vues extérieures, des portes, des fenêtres, des flammes, des toits, un dallage, une colombe.
Et si on parlait composition et lumière? Au premier abord: La confusion des corps et des formes qui donne l'impression d'un vaste charnier : multiplication des postures, jeu de transparence, de courbes et de lignes droites qui s'entrecroisent ce sont essentiellement les visages qui attirent le regard ainsi que leurs yeux qui ne fixent rien. Esthétique du cubisme (utilisation des formes géométriques, représentation fragmentée d'un objet qui permet de donner à voir en simultané les différentes facettes) : les choix esthétiques permettent de rendre de manière symbolique l'horreur du bombardement C’est le cheval dans la partie centrale qui domine la composition. Mais aussi composition triangulaire qui met en évidence trois parties
Quelles sont les sources lumineuses dans le tableau? Il y a plusieurs sources lumineuses : la lampe du plafond, la lampe à pétrole, les ouvertures vers l’extérieur (portes et fenêtres). La lumière divise la scène en deux parties (gauche et droite). Les contrastes de valeurs mettent en évidence les personnages du premier plan par rapport au second plan, mettent en évidence l’action et les expressions des personnages. A votre avis, que symbolise le plafonnier? Connotation : Le rôle de la lumière : le plafonnier symbolise les bombes donc la destruction la lampe à pétrole symbolise la résistance, l’espoir l’éclairage extérieur symbolise la vérité
Impression dégagée par ce tableau? Le bouleversement du spectateur // au bouleversement de toute une société qui découvre le massacre Stupéfaction: personnages saisis en plein massacre Un tableau de la dénonciation?: œuvre témoignage d’une réalité sanglante
Pour aller plus loin dans l’analyse
Guernica est un tableau d’histoire Depuis le XVIème siècle, le cheval est associé à la peinture d’histoire, surtout quand il s’agit d’évoquer une bataille glorieuse. A la fin du XIXème siècle, le Douanier Rousseau utilise le cheval comme allégorie de la guerre, comme ici dans son tableau La guerre ou la chevauchée de la discorde. Dans Guernica, aucun cavalier n’accompagne le cheval. Son cri semble plus déchirant que celui des femmes. Dans le tableau, l’homme semble excentré. L’homme est-il devenu bête? Les massacres de Scio, Delacroix
Le cubisme Dans Guernica, à l’exception de l’enfant, les autres figures sont vues de face et de profil à la fois. Déformées? Depuis son époque cubiste qui commence en 1907, Picasso préfère représenter les choses et les êtres comme ils sont et non comme on les voit. Il trouve ainsi une nouvelle façon de représenter le monde. Prenons l’exemple d’un visage: l’œil est incapable de saisir la totalité d’un visage sans tourner autour. Où que l’on se place, une partie essentielle nous échappe. Picasso choisit de multiplier les angles de vue tout en les concentrant dans une seule image. A partir de 1910, Picasso va donc se mettre à privilégier les formes: les couleurs disparaissent presque.
L’engagement de l’artiste Guernica est devenu après la guerre un symbole de la Résistance. Au lendemain de la guerre, l’engagement de Picasso ne s’arrête pas. Au-delà d’un évènement historique, Guernica nous parle de toutes les guerres Le Charnier : toile dans laquelle il accuse les camps de concentration La guerre (Chapelle de Vallauris)
Bilan Monumentale par sa taille comme par sa force symbolique, Guernica illustre le drame de la guerre civile espagnole. C’est l’une des œuvres emblématiques de Picasso. Vidéo 2 comme bilan Una pica: une lance La lance peut être interprétée comme le symbole de l’art pour Picasso. "Non la peinture n’est pas faite pour décorer des appartements ; c’est une arme offensive et défensive contre l’ennemi"
Sources Guernica, de Picasso, par Anette Robinson http://sylvain.weisse.pagesperso-orange.fr/guernica/comprendref.htm http://www.monnet-portail-rouge.net/francais/espoir/guernica.html http://web.org.uk/picasso/guernica-f.html http://pedagogie.ac-guadeloupe.fr/files/File/hist_geo/guernica_ppt_4b683e9e03.ppt#261,6,Diapositive 6 http://artplafox.blogspot.com/2010/01/analyse-de-tableau-guernica-de-pablo_11.html