La sédation en soins palliatifs Dr M.Desmedt Unité de Soins Continus Cliniques universitaires Saint Luc
Définition Réduire le degré de vigilance Somnolence retrait complet état de conscience A titre transitoire ou définitif À l’aide de moyens médicamenteux sédatifs Pour diminuer ou faire disparaître la perception d’une situation vécue comme insupportable
Historique Ventafridda V. et al, J Palliat Care 1990;6(3):7-11 Étude prospective réalisée à domicile 120 malades cancéreux en phase terminale 52 % réfractaires : dyspnée, douleur, agitation… Diversification des indications et de la terminologie Sommeil artificiel, sommeil induit, déconnexion, sédation pharmacologique totale, sédation de fin de vie, sédation palliative, sédation terminale …
Incidence Enquête transversale réalisée un jour donné 410 patients - 43 unités de soins palliatifs françaises 10 % sédation profonde (41 patients) 5 % sédation iatrogène (21 patients) 3,6 % sédation volontaire (15 patients) 1,2 % sédation prolongée (5 patients) Lassaunière J. Med Palliat 2002; 1: 15-18
Miccinesi et al, J Pain Symptom Manage 2006; 31: 122-129
Indications Geste traumatique ponctuel Situation d’urgence à risque vital immédiat Symptôme physique réfractaire État de détresse psychologique intense
Indications Geste traumatique ponctuel Extraction d’un fécalome, aspiration trachéale, soin de plaie, mobilisation en cas de facture… Retrait ± complet de l’état de conscience Sédation anticipée, transitoire et contrôlée Situation d’urgence à risque vital immédiat Hémorragie, détresse respiratoire asphyxique… Sédation profonde et continue
Indications Symptôme physique réfractaire « Tout symptôme dont la perception est insupportable et qui ne peut être soulagé en dépit des efforts obstinés pour trouver un protocole adapté sans compromettre la conscience du patient » Cherny et al. J Palliat Care 1994; 10: 31-38
Indications Revue de la littérature 4 études rétrospectives (434 patients) 4 études prospectives (1245 patients) Dyspnée 38 % 9 – 74 % Douleur 22 % 6 – 49 % Confusion agitation 39 % 17- 91 % Nausées et vomissements 6 % 3 – 10 % Porta Sales. Eur. J Pall Care 2001; 8: 97-100
Indications Détresse morale Indication controversée 124 médecins/pharmaciens canadiens interviewés 4 scénarios – une échelle d’accord de 0 à 6 physique S. transitoire: 5.2 S.continue: 4,9 morale S. transitoire: 3.2 S.continue: 2.7 Caractère persistant et intolérable de la souffrance Aucune alternative possible Pronostic de vie péjoratif à court terme Sédation initiée à titre transitoire Blondeau et al. J Palliat Care 2005; 21: 238-245 Rousseau P. Anesth Analg 2005 ; 101 : 611-612
Modalités pratiques Benzodiazépines Anesthésiques Neuroleptiques Barbituriques Habitudes professionnelles Disponibilité des produits Lieu de soins
Modalités pratiques Le midazolam (Dormicum) Produit de référence à l’hôpital et à domicile Effet anxiolytique, amnésiant et sédatif Délai d’action : 2 à 3’ en iv - 15 à 20’ en sc Effet dose dépendant : 20 à 60’ pour 0,05 à 0,15 mg/kg Réversibilité complète et rapide (1/2 vie: 2 à 4 h) Ampoules 5 mg/3 ml et 15 mg/3 ml Voie iv et sc (biodisponibilité 90 %), bolus et pompe Peu d’effet hémodynamique mais dépression respiratoire Effet de tolérance lorazépam, clorazépate et diazépam Recommandations de la SFAP. Med Pal 2002; 1: 9-14
Modalités pratiques Le propofol (Diprivan) Alternative en cas d’échec des benzodiazépines Effet anxiolytique, amnésiant, sédatif (dose dépendant) Voie intraveineuse (centrale) Ampoule, flacon 1 % (10 mg/ml – 50 ml) et 2 % (20 mg/ml – 50 ml) Délai d’action: 30’’ Réversibilité complète et rapide Dépression respiratoire et hypotension artérielle Prolifération bactérienne Volume à perfuser important (20 à 60 mg/h) Coût financier élevé (+/- 50 à 100 € par jour) Peu compatible avec un usage extrahospitalier Requière l’intervention d’un personnel spécialisé
Modalités pratiques La clonidine (Catapressan) La kétamine (Kétalar) Pour potentialiser l’effet des benzodiazépines ou du propofol Effet sédatif dose dépendant (4 à 8 h) Voie intraveineuse et sous cutanée Hypotension artérielle La kétamine (Kétalar) Effet antalgique et sédatif dose dépendant Agitation, cauchemars, hallucination L’halopéridol (Haldol) Effet sédatif et anti-hallucinatoire Associé aux benzodiazépines si agitation ou confusion
Modalités pratiques Le thiopental (Penthotal) Barbiturique utilisé dans les procédures d’euthanasie Sommeil rapide, profond et difficilement réversible Risque élevé de dépression respiratoire A réserver à l’échec des autres molécules
Modalités pratiques: utilisation du midazolam Induction de la sédation Dilution: sérum 1 mg/2 ml (iv) - 1 mg/1 ml (sc) 0,5 mg (1 ml) iv toutes 2’ 1 à 2,5 mg (1 à 2,5 ml) sc ttes 15’ 2,5 à 5 mg (5 à 10 ml) iv ttes 2’ (urgence) Entretien de la sédation En continu, iv ou sc Débit horaire = 50 % dose d’induction 1 mg/heure pour intensifier l’effet Dose moyenne journalière ≈ 0,5 à 1 mg/kg (30-60 mg) 50 % 6 heures avant un réveil partiel 100 % 1 heure avant un réveil complet Sédation
Modalités pratiques: utilisation du midazolam Titration individuelle et évaluation régulière Toutes les 15 minutes pendant la première heure Au minimum 2 fois par jour 1 Éveillé 2 Somnolent 3 Endormi, réponse à l’appel 4 Endormi, réponse à une stimulation tactile légère 5 Endormi, pas de réponse à une simulation tactile légère Échelle de Rudkin
Alonso Babarro et al. Palliat Med 2010; 24: 486-492
Résultats cliniques et toxicité Efficacité de la sédation 83 à 90 % de sédation au degré escompté Délai d’obtention du sommeil profond : 60 min 50 % d’éveil non souhaité si ≠ évaluation régulière Toxicité de la sédation Dépression respiratoire : 17 % Pneumonie d’aspiration Confusion et agitation difficiles à contrôler Morita et al. J Pain Symptom Manage 2005; 30: 320-328
Résultats cliniques et toxicité La sédation accélère-t-elle le décès ? Pas de différence de survie entre les patients sédatés et les autres malades admis en USP Résultats critiquables car ≠ groupe témoin Risque létal non négligeable ! Médicament avec ratio bénéfice/risque étroit Personne fragile Kohora et al. J Palliat Med 2005; 8: 20-25 Rientjes et al. J pain Symptom Manage 2008; 36: 228-234 Sykes et al. Lancet Oncol 2003; 4: 312- 318 Morita et al. J pain Symptom Manage 2005; 30: 320-328
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Aspect éthique 24 services hospitaliers Item % Prise en compte insuffisante du consentement du patient 31.8 Difficulté à définir le caractère réfractaire des symptômes 26.4 Difficulté à savoir quelles sont les intentions du prescripteur de la sédation 13.2 Conviction que la sédation peut anticiper le décès du patient 38 Crainte que les symptômes du patient ne soient pas soulagés par la sédation 24.8 Conviction que la sédation peut être assimilée à un geste euthanasique 19.4 Pas de consensus dans l’équipe soignante 20.9 Autre difficulté 17 Je n’ai rencontré aucune difficulté éthique lors de la pratique de la sédation 14.7 Aspect éthique 24 services hospitaliers 233 soignants (médecins/infirmiers) Réponse : 60.5 % Pratique : 92.9 % Difficultés éthiques: 85.3 % Leheup B. Med Pal 2006; 5:131-138
Aspect éthique La « sédation abusive » La « sédation euthanasique »
Aspect éthique La sédation abusive Sédation pratiquée à l’insu du patient En réponse à Une demande pressante des proches Un besoin d’agir et de maîtrise des soignants Pour apaiser la souffrance de l’entourage plutôt que celle du patient
Aspect éthique Billings J. Slow euthanasia J Palliat Care 1996;12: 21-30 Ben Diane et al, Ann Med Intern 2003; 154:441-447
Aspect éthique Sédation Euthanasie Intention Retrait de l’état de conscience Décès Motif Souffrance intolérable et réfractaire Moyen utilisé Sédatif titré Surdose létale Succès de la procédure Degré de soulagement obtenu Rapidité du décès Conséquence létale Parfois Toujours Fondras JC et al. Med Pall 2010; 9: 120-125
Rietjens et al Arch Intern Med 2006; 166:749-753
Aspect éthique Sédation profonde et définitive chez un patient dont la maladie n’est pas en phase terminale Sédation induite suite à une souffrance psychique Sédation associée à l’arrêt des autres thérapeutiques (nutrition, hydratation…) Sédation chez un patient dont la nature réfractaire du symptôme est remise en question Simon et al. BMC Palliative Care 2007; 6: 4-10
Aspect éthique La règle du double effet On peut accomplir un acte qui a à la fois un bon et un mauvais effet mais uniquement si le bon effet est supérieur au mauvais et pour autant que : Le bon effet est proportionnel au mauvais Le mauvais effet n’est pas un moyen de produire le bon effet mais il est simultané ou en résulte Le mauvais effet n’est pas intentionnel ou approuvé mais simplement permis L’acte en lui-même doit être bon, moralement neutre ou tout au moins ne doit pas être interdit
Phase 1 Prérequis Patient Équipe soignante Phase 2 Induction Proches Maintenance Recommandations de la SFAP (2002, 2010) BIGORIO 2005: recommandations « sédation palliative », SSMP A national guideline for palliative sedation in the Netherlands Development of a clinical guideline for palliative sedation (Morita)
Aspect éthique La collégialité de la réflexion Permet d’éliminer les raisons d’agir « immorales » et de s’assurer du caractère insupportable et réfractaire de la souffrance Requiert un questionnement systématisé sur la nature de l’événement déclanchant, les stratégies utilisées, les alternatives éventuelles, les modalités d’application, les conséquences et les risques attendus de la sédation Le recueil de l’avis du patient Permet de respecter la volonté du patient Requiert une information claire sur l’objectif, les conséquences et les risques inhérents à la sédation La visibilité de la décision
Aspect éthique La rigueur technique Un sédatif choisi en fonction du degré de sédation recherché, de sa marge de sécurité et de la réversibilité de son effet La proportionnalité de la thérapeutique Une dose suffisante pour supprimer la perception de la souffrance, sans plus Une durée d’administration la plus limitée possible L’évaluation régulière et la titration individuelle La poursuite des soins et des tt symptomatiques Pas d’arrêt consécutif et systématique de la nutrition ou de l’hydratation artificielle
Alonso Babarro et al. Palliat Med 2010; 24: 486-492
Accompagnement des proches Insatisfaction des familles Soulagement inadéquat Manque d’information ? Raccourcissement de la vie ? Alternatives possibles Détresse familiale Responsabilité dans la prise de décision Manque d’anticipation Absence de compassion du personnel soignant Rapidité du décès
Accompagnement des proches Support émotionnel soutenu et précoce Caractère réfractaire des symptômes Risque létal réfléchi Responsabilité médicale de la décision Monitoring régulier de l’état de vigilance Adaptation rapide du protocole de sédation Morita et al. J Pain Symptom Manage 2004; 28: 557-564
Conclusion Soulager la souffrance ou préserver la capacité à communiquer ? Travail intrapsychique éventuel pendant la sédation ?