Le vieillissement psychologique et les risques associés 24 mars 2011 Dr Cédric Nalin Pôle de Gériatrie de l’hôpital d’Avesnes / Helpe
Fallait pas m’inviter ! Médecin, je ne croise que des malades Je n’ai pas été formé pour appréhender les problèmes psychologiques J’ai une vision technique et scientifique Je n’ai pas le temps de parler aux patients Et je suis encore si jeune…
Le vieillissement cérébral a-t-il un retentissement psychologique ? Beaucoup de théories sur l’aspect chimique et physiologique du vieillissement : rien de bien applicable pour la psychologie Le vieillissement cognitif est bien connu : il se mesure avec des tests objectifs (diminution de l’attention, notamment de l’attention divisée, et restitution moins performante) Le vieillissement psychologique est bien moins facile à appréhender : on en reste à des observations très subjectives, on sort du cadre des neurosciences L’avis de Georges Brassens sur la question… L’approche fonctionnelle pourrait permettre une vision « cartésienne » du vieillissement psychologique, mais est-elle applicable au domaine psychologique ?
La courbe des performances en fonction de l’âge Capacité Incapacité Age 20 ans 50 ans 80 ans
Évolution des réserves fonctionnelles selon l’âge Performances Évolution des réserves fonctionnelles selon l’âge Capacité Incapacité Age 20 ans 50 ans 80 ans
Modification de la courbe par une pathologie aiguë Performances Modification de la courbe par une pathologie aiguë Capacité Incapacité Age 20 ans 50 ans 80 ans
Courbe des performances chez un sujet âgé fragile Capacité Incapacité Age 20 ans 50 ans 80 ans
Les pathologies chroniques jouent-elles un rôle ? Le vieillissement s’accompagne fréquemment de la survenue de pathologies chroniques, avec chez les grands vieillards des états « polypathologiques » Insuffisance cardiaque et insuffisance respiratoire Douleurs chroniques Arthrose Déficits visuels et auditifs
Les accidents de la vie pèsent-ils sur la psychologie ? Les sujets âgés ont dû faire face au cours de leur vie à une série de deuils. Comment cela ne pourrait-il pas retentir sur leur état psychologique ? départ des enfants mort des parents, des amis, du conjoint deuil du travail, du statut social, du statut familial avec inversion du rapport parent/enfant deuil de toutes les activités que l’on ne peut plus réaliser deuil du temps passé (« c’était mieux avant ! ») deuil de sa propre existence quand la mort se rapproche…
Le poids de l’environnement est-il finalement prédominant ? De nombreux clichés circulent sur la vieillesse, les sujets âgés en sont à la fois les premières victimes et les premiers colporteurs : « c’est normal à mon âge », « ce n’est plus la peine à mon âge », « maintenant ce sont mes enfants qui décident » Le jeunisme n’arrange rien… La retraite est le plus souvent synonyme d’exclusion de la population active ; d’exclusion de la société tout court… La sexualité des vieux reste un tabou au 21ème siècle
La place particulière des démences Aujourd’hui, la peur de devenir dément s’ajoute chez les sujets âgés aux autres peurs plus anciennes (cancer, douleur, mort…) Les syndromes démentiels s’accompagnent de bouleversements majeurs cognitifs et psychologiques Même aux stades débutants, l’entourage décrit des modifications de la personnalité (irritabilité, indifférence, froideur) Paradoxalement, les patients atteints de démence sont souvent les moins inquiets : ils sont anosognosiques
La dépression Du fait de la fragilité des sujets âgés, de leurs pathologies chroniques, de leurs deuils, de leur isolement, les dépressions sont très fréquentes Dépressions typiques, avec le triptyque douleur morale, ralentissement, troubles du sommeil – qui ne sont pas forcément faciles à identifier chez des sujets âgés Dépressions atypiques (la dépression masquée, la dépression hostile…)
Le risque suicidaire Les taux de suicides atteignent un pic chez les adolescents et chez les sujets âgés Du fait du recours à des méthodes violentes, les sujets âgés réussissent souvent leurs tentatives de suicide… Prévoir un suicide reste difficile, chez les jeunes comme chez les vieux D’autant que les sujets âgés développent souvent des facultés inattendues pour se suicider…
Le syndrome de glissement Terme galvaudé, employé le plus souvent à tort et à travers… Spécificité française L’authentique syndrome de glissement est un phénomène rare ; le plus souvent incurable et mortel Pathologie aiguë guérison intervalle libre apparition du syndrome de glissement Opposition aux soins, refus de l’alimentation, confinement au lit Équivalent dépressif chez un sujet qui aurait brutalement réalisé sa fragilité au cours d’une pathologie aiguë ?
En conclusion Un sujet âgé est un adulte responsable, qu’il faut traiter comme tel pour le meilleur et pour le pire malgré sa fragilité malgré ses pathologies organiques chroniques malgré l’image négative véhiculée par la société et que le sujet âgé lui-même reprend à son compte Il faut veiller à ne pas infantiliser et inverser le rapport parent/enfant, à ne pas surprotéger, à ne pas isoler D’un autre côté, il faut rester vigilant quant à la survenue d’une dépression ou surtout d’un syndrome démentiel – les troubles du jugement nécessitant alors une approche beaucoup plus directive