Les précontentieux et contentieux communautaires et Natura 2000
SOMMAIRE Rappels concernant le droit communautaire Les contentieux relatifs à Natura 2000 : enseignements Gestion du contentieux communautaire
Rappels concernant le droit communautaire Les sources du droit communautaire Le droit primaire : Les traités (traité CE, traité Euratom, traité de Maastricht, de Nice,…) Les traités communautaires se situent au sommet de la hiérarchie des sources. Ils prévalent ainsi sur toutes les sources du droit communautaire, qu’il s’agisse du droit dérivé ou du droit issu des accords internationaux.
Le droit dérivé : Le droit dérivé est l’ensemble des actes émis par les différents institutions communautaires sur le fondement des traités constitutifs (droit originaire). Il s’agit des : Règlements, directives, décisions, recommandations et avis.
La directive : « lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. » A l’inverse du règlement, la directive n’a pas de portée générale. Elle ne lie que ses destinataires qui sont normalement les Etats. Indirectement, cependant, elle a une portée juridique plus large à travers les mesures législatives et réglementaires de transposition édictées par les Etat membres.
La directive crée, à l’égard des Etats, une obligation de résultat et non de moyen. En théorie, cela signifie que les Etat sont libres d’atteindre le résultat fixé par les moyens qui leur semblent les plus appropriés notamment au niveau des normes internes utilisées : loi, règlement,…
La jurisprudence communautaire La Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) et désormais le tribunal de première instance (TPI) prennent un certain nombre de décisions à l’occasion de contentieux. Ces décisions doivent être appliquées par toutes les parties au litige et, plus largement, par les autres Etats membres.
Le recours en manquement Le recours en manquement est destiné à faire constater qu’un Etat membre n’a pas satisfait aux obligations qui lui incombent en vertu des traités (art. 226, 227, 228 du traité CE) C’est la Commission européenne (et très rarement des Etats membres) qui est au cœur du dispositif. Elle identifie les affaires litigieuses. Après une procédure précontentieuse, elle peut saisir la CJCE.
La Commission est mise au courant des affaires par diverses sources : plaintes de particuliers, d’associations, des Etats, questions et pétitions du Parlement européen, auto-saisine (par les médias, autres,…). Elle est obligée de donner une suite aux affaires dont elle a été saisie, ce qui ne l’empêche pas d’effectuer un tri. Le manquement est évalué par la CJCE à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé.
DEMANDE D’INFORMATION PROCEDURE EN MANQUEMENT (Article 226 CE) MISE EN DEMEURE Délai 2 mois (en général) Possibilité d’arrêt de la procédure AVIS MOTIVE Délai 2 mois (en général) SAISINE DE LA CJCE ARRET Condamnation Pas de condamnation Non exécution PROCEDURE POUR NON EXECUTION D’ARRET EN MANQUEMENT DE LA CJCE (Article 228 CE) Procédure en trois étapes identique à celle de l’article 226 CE ARRET + ASTREINTES
Le renvoi préjudiciel Le renvoi préjudiciel est la procédure par laquelle les juridictions nationales, pendant une instance, peuvent ou doivent saisir le juge communautaire sur une question de droit dont dépend la solution du litige (art. 234 CE).
Les contentieux communautaires relatifs à Natura 2000 Les arrêts de la CJCE concernant Natura 2000 en France sont les suivants: Arrêt du 18 mars 1999 « Estuaire de la Seine » Arrêt du 25 novembre 1999 « Marais poitevin » Arrêt du 6 avril 2000 « non transposition article 6 » Arrêt du 7 décembre 2000 « Basses Corbières » Arrêt du 11 septembre 2001 « liste nationale des pSIC ». Arrêt du 26 novembre 2002 « classement en ZPS et plaine des Maures ».
Des enseignements : Désignation Le seul fait qu’une zone est incluse dans une ZICO n’implique pas qu’elle doive être désignée en ZPS (Estuaire de la Seine) Les Etats membres ne dispose d’aucune marge d’appréciation autre que scientifique quant au choix des sites à proposer à la Commission (liste nationale de pSIC)
Protection La CJCE s’intéresse aux conséquences « pratiques » des mesures de protection (Basses Corbières). Les mesures de gestion de la chasse ne suffisent pas à assurer une protection suffisante pour les ZPS (Estuaire de la Seine) Il faut prendre les mesures nécessaires pour éviter la détérioration des zones qui auraient dû être classées en ZPS (marais poitevin) Dualité de régime : Zones classées en ZPS : article 6, § 2 à 4, de la directive habitats » Zones qui auraient dû l’être : article 4, §4, de la directive « oiseaux » (Basses Corbières).
Gestion du contentieux communautaire ENVI : environnement ; JAIN : justice et affaires intérieures ; MARCHE : marché intérieur ; SANT : santé et protection des consommateurs ; FISC : fiscalité et union douanière ; TREN : transports et énergie ; AGRI : agriculture ; CONC : concurrence ; EMPL : emploi et affaires sociales ; ENTR : entreprises. Source : vingtième rapport annuel sur le contrôle du droit communautaire (2002). Répartition moyenne des plaintes par secteur (période 1999-2002) 2% 5% 2% 4% ENVI JAIN 4% 1% 40% MARCHE SANT 7% FISC TREN 6% AUTRES AGRI CONC EMPL ENTR 2% 27% 40% des plaintes concernent l’environnement En 2002, 555 nouvelles plaintes alléguant une violation de ce droit ont été introduites auprès de la Commission.
La place de la France dans les procédures précontentieuse et contentieuse La France, en 2002, totalise plus de 10% des plaintes (manquement) en cours, ce qui la place au quatrième rang, derrière l’Espagne (18%), l’Allemagne (15.66%) et l’Italie (13.07%). Avec plus de 10% des dossiers, elle est deuxième rang pour ce qui concerne les dossiers en cours pour non-communication des mesures d’exécution des directives, derrière le Portugal (11.28%), et devant l’Italie (9.45%), la Grèce (9.15%) et l’Allemagne (8.84%).
La gestion des précontentieux liés à l’article 6 de la directive habitats Les cas décelés d’office par la Commission ü Eléments déterminants : visites ou examen attentif de la Commission sur un projet qu’elle cofinance dans le cadre de programmes Life (estuaire de la Gironde) ou dans le cadre des fonds structurels (la Crau) ; ü Prévention possible : choix et suivi attentif du programme Life. Pour les projets importants cofinancés par les fonds structurels, être très vigilant sur la qualité de l’évaluation d’incidences.
Les cas issus de plaintes Deux catégories : I. Interprétation du droit Situation transitoire des sites non encore désignés en droit français. Une question préjudicielle a été posée à la CJCE. Réponse de la CJCE attendue pour la fin d’année. Champ d’application (quels types de projets ?) Arrêt CJCE du 07/09/2004 en cours d’analyse.
II. Mauvaise application au niveau local Non réalisation de l’évaluation des incidences Ignorance des obligations ou non obligation étant donné les textes (voir ci-dessus) Mais aussi identification des projets hors site N2000. informer, sensibiliser, notamment en direction des services de l’Etat instructeurs et des collectivités locales (un nombre croissant de projets seront issus des collectivités)
Contenu insuffisant ou inadéquat de l’évaluation des incidences Article 6, §3 directive « habitats » et art. 5 directive « impacts » Ne tient pas compte de toutes les espèces d’intérêt communautaire N’est pas uniquement ciblée sur les habitats ou espèces d’intérêt communautaire N’est pas conclusive,… QUALITE DE L’EVALUATION Formation / information des BET, MO et services instructeurs (Etat, collectivités).
Article 6, §4 Recherche de solutions alternatives insuffisantes Difficultés pour argumenter dans le dossier d’information ou d’avis. Peut occasionner d’importants retards dans la réalisation du projet. Mesures compensatoires insuffisantes L’Etat est directement responsable de la définition et de la mise en œuvre des mesures compensatoires vis-à-vis de la Commission.
Problèmes de procédure : Absence de l’évaluation des incidences dans le dossier d’enquête publique Article 6 de la directive « impacts » Important : L’article 12 peut faire partie des griefs d’une même affaire.
Recommandations : Appliquer le principe de précaution : il vaut mieux réaliser une évaluation des incidences modeste plutôt qu’avoir à gérer un énorme contentieux… Sensibilisation / information / formation des services instructeurs de l’Etat, des collectivités, des grands MO, des BET. Prendre en compte les enjeux liés à N2000 le plus en amont possible, y compris dans les documents de planification. Associer la « société civile » et les organismes concernés aux phases clés de l’élaboration des projets
S’assurer de la pertinence scientifique des mesures de réduction et de compensation. S’assurer de leur mise en œuvre satisfaisante. Contrôle classique dans le cadre de procédures existantes ICPE, inspection des projets d’infras,… mais aussi création de structures ad hoc : comités de suivi (associer les bonnes personnes),… Permettre à la structure de suivi d’adapter les mesures en cas de problème.