Infections et animaux de compagnie : Béatrice Quinet Consultation du Pr E. Grimprel Hôpital A. Trousseau 75012 Paris DIU : les thérapeutiques antiinfectieuses Grenoble 1er mars 2007
Définitions des animaux domestiques et des animaux de compagnie Arrêté du 11 Août 2006 fixant la listes des espèces, races ou variétés d’animaux domestiques Ainsi parmi les mammifères : chien, chat, furet mais aussi souris, rat, hamster, gerbille, chinchilla, cochon d’Inde, lapin etc Ceux qui ne sont pas dans la liste sont des animaux sauvages : reptiles ( tortue, serpent, iguane, lézard), chien de prairie, octodon, écureuil, mygales, phasmes Animaux de compagnie, d’agrément/de rente Espèces moins conventionnelles : NAC ou nouveaux animaux de compagnie, mode urbaine et suburbaine, assez récente.
Animaux de compagnie : quelques chiffres 52% des foyers français possèdent au moins un animal 9,7 millions de chats 8,8 millions de chiens 2,3 millions de rongeurs 8 millions d’oiseaux 28 millions de poissons NAC : 5 % des animaux de compagnie Le nombre de reptiles est inconnu en France : achat possible sur internet + livraison à domicile ! Ces 10 dernières années auraient été importés en CEE 178 000 caméléons 80 00 varans 28 000 crocodiles
Bienfaits pour l’enfant( l’adulte? ) de la compagnie d’animaux Surtout étudiés pour le chien Favorise le développement psychologique Confident, lien social, développement de l’imaginaire Objet d’attachement, présence rassurante, rompt l’isolement, Parfois seul élément « fixe » de la famille Responsabilise l’enfant Permet d’appréhender les règles sociales et les règles de vie dans les villes où l’enfant n’a plus de relation directe avec le monde animal : mort, maternité, sexualité
Bienfaits : oui, mais….. Sous couvert d’une cohabitation respectueuse Avec certaines précautions, des règles d’hygiène et de bon sens afin d’éviter Les accidents ( morsures ) Les risques infectieux : zoonoses Les allergies Suivi vétérinaire des animaux Vrai pour les jeunes enfants mais aussi les patients immunodéprimés, les femmes enceintes et à tout âge Le chien peut être le meilleur ami de l’enfant s’il est sociable et bien dressé, quant aux NAC…..
Les zoonoses ( 1 ) Définition OMS 1952 : maladies ou infections naturellement transmissibles des animaux vertébrés à l’homme ( et vice-versa) Très anciennement reconnues : rage depuis Hippocrate Infections fréquentes : salmonelloses, maladie des griffes du chat Maladies rares ou émergentes Rage en France (mais attention aux chauve-souris) Infections à Monkeypox et chiens de prairie (NAC) 72 cas aux USA été 2003 Pédiatres et généralistes: peu formés, peu informés
Les zoonoses ( 2 ) Liste très longue (> 200), peuvent être classées selon : La fréquence, la notion d’émergence L’agent infectieux: bactérie, virus, parasite, champignon La voie de transmission : cutanéomuqueuse, digestive, respiratoire Le mode de transmission : contact direct avec l’animal ou ses excreta, par l’intermédiaire d’arthropodes (tique, puce), morsure, griffure etc
Morsures et risques infectieux ( 1) Salive animale : flore polymicrobienne à germes pyogènes( Staph, Strepto ) et anaérobies 30 à 60% des chiens : porteurs asymptomatiques de pasteurella Méta analyse de Cummings ( 8 études ) : fréquence d’infections après morsure de chiens :3,2 à 45,8 % Soins locaux > 6hfacteur de risque Pasteurelles : 40-50% puis Streptocoques : 35-45% ( mitis, mutans, pyogenes) Staphylocoques : «30-40 % ( aureus, epidermidis, warnerii ) Anaérobies : 20-30% fusobacterium, bacteroides, prevotella, propionibacterium, clostridium etc
Morsures et risques infectieux ( 2 ) Attention à Capnocytophaga canimorsus chez le splénectomisé et l’immunodéprimé : sepsis gravissime Réduction significative du risque infectieux par antibiothérapie démontrée si Débutée dans les heures qui suivent la morsure Association Amoxy-Ac clav ou cyclines chez les plus de 8 ans Ne pas oublier le prélèvement bactériologique et : - prévention antirabique - prévention antitétanique Chevalier B Arch Ped 2006, 13 : 579- 81. Lavaud J et al Arch Ped 2005, 12 : 228-33.
Morsures et risques infectieux ( 3 ) Streptobacillose : maladie rare, associée à des morsures ou griffures : rat, souris, écureuils Streptobacillus moniliformis : bacille à gram négatif, commensal du rhinopharynx des rongeurs Incubation : 1 à 4 jours ( max 10j). La blessure guérit, puis accès brutal de fièvre, myalgie, rash, frissons céphalées Complications : polyarthrite, pneumonie, endocardite, méningite, hépatite Mortalité : 10 à 15% ( endocardite 50%) AB : amoxi, amoxi-ac clav, cefotax, doxy, vanco, érythro Dg difficile: croissance lente, ARN 16S Mignard Set al :MMI sous presse ;arthrite septique et morsure de rat
Zoonoses bactériennes : les salmonelloses Chien et chat et furet mais surtout : Rongeurs naturellement porteurs ( S.enteritidis, S.typhimurium, S. Schottmuelleri ) Tortues et autres reptiles (50 à 90% porteurs) USA1976 tortue principale source de contamination puis réglementation – 77% d’isolements Suède : 1996 stop réglementation importation reptiles : augmentation des cas dès 1997 USA : reptiles : 3% des foyers, salmonelles de sérotypes rares, S.java, S.stanley, S.poona et surtout 1994 : 413/513 S.marina chez nourrissons < 1 an Cas publiés chez nourrissons et immunodéprimés : septicémies, méningites , décès ( MMWR 1999, 448: 1009-12 )
Salmonelloses (2) Mode de transmission directe ou indirecte : mains, environnement, sol, surface de préparation des aliments, eau du terrarium, baignoire partagée! et récemment manipulation de « croquettes »( MMWR 2006, 55 : 702-705) Cas familiaux : 2 frères drépanocytaires, acquisition d’un lézard : ostéomyèlite à S. thompson et abcès spléniques ( Rodgers GL J Pediatr Hematol Oncol 2002 ) Devant une salmonellose surtout à sérotype rare Enquète alimentaire Recherche contact avec animal ( Ackman DM Pediatr Infect Dis J 1995 ; 14 : 955-9)
Autres zoonoses bactériennes Campylobacter coli et jejuni : cause de diarrhée chez le chiot, rare chez le chaton mais aussi hamster, furet, tortue Helicobacter pylori et H. heilmanni : chez le chien et le chat Yersinia pseudotuberculosis :chat, rongeurs, tortue, reptile Leptospirose : chien moins souvent en cause que loisirs aquatiques Clostridium tetani : griffes du chien et du chat : enfants bien vaccinés E. coli 0157 : épidémies aux USA avec SHU chez des enfants ayant visité des « pet zoo » ( MMWR 2005, 54 : 1-12) et petite fille et son chat (Emerg Infect Dis 2007, 13, 2 : 348-9) Pasteurellose : inoculation par morsure ou griffure : chien, chat, lapin, petits rongeurs.
Zoonose bactérienne : maladie des griffes du chat Bartonella henselae petit BG- présent griffes et sang du chat ( peut être furet, lapin, chien) Etude californienne : 41% d’hémocultures positives chez chats < 1 an asymptomatiques, inoculum élevé Nancy : 94 chats errants : 53% bactériémiques Maisons-Alfort : 69 chats : 11% bactériémiques Epidémiologie pédiatrique inconnue en France USA cas annuels : 22 000 avec 2000 hospitalisations Transmission : griffure, morsure, contact petite plaie Puce du chat( Ctenocephalides felis ) de + en + incriminée comme source de contagion entre chats Pas de révolution dans le traitement:
Zoonose bactérienne : maladie des griffes du chat ( 2 ) Manifestation la plus typique : l’adénopathie subaiguë, durée moyenne : 14 semaines Plus rarement manifestations systémiques, abcès du foie, de la rate, localisations osseuses Chez l’immunodéprimé : angiomatose bacillaire Diagnostic Sérologie avec IgM Examen histopathologique et PCR sur matériel Culture difficile : laboratoire de référence Traitement AB : nouveaux macrolides, rifampicine, gentamycine, ciprofloxacine Efficacité non démontrée dans les adénopathies Exérèse chirurgicale
Zoonoses virales : infections dues aux virus de la chorioméningite lymphocytaire Réservoir principal : souris, hamster qui sont porteurs asymptomatiques Epidémies : en Allemagne et USA 1974 : 57 cas en 4 mois : hamster cadeau de Noël ( même distributeur) Méningites lymphocytaires parfois avec séquelles (Charrel R, hydrocéphalie acquise Arch Intern Med 2006 ) Cas pédiatrique de Montpellier : myélite post infectieuse (Arch Ped 2001; 83 : 282-5) Emergence d’infections congénitales très sévères : 33 cas publiés depuis 1993 : diagnostic devant toxoplasmose congénitale à sérologie négative Précautions à prendre pour les femmes enceintes vis à vis des rongeurs Infections et décès dans 2 groupes de receveurs d’organes en 12/03 et 04/05 aux USA ( N Engl J Med 2006;354:2235)
Zoonoses virales : infection à Cowpox virus Virus à ARN genre orthopoxvirus ( vaccine, variole, monkeypox etc..) Classiquement infection du pis des vaches Réservoir animal : rongeurs sauvages donc chats chasseurs Cas pédiatrique de Versailles ( Arch Ped 2004 ; 11 : 335-9) enfant de 7 ans, fièvre, adénopathies, lésions ulcéro-nécrotiques microscopie électronique, PCR et examen du chat Cas pédiatrique suédois : dermohypodermite nécrosante du visage ( CID 2006) Traitement symptomatique
Infections dues au virus Monkeypox Zoonose auparavant limitée à l’Afrique centrale et de l’ouest. Cas humains rares jusqu’à l’épidémie américaine de 2003. 24 mai –22juin 2003 : 72 cas dans les états du centre ouest des USA. Enquête : responsabilité de chiens de prairie provenant d’une même animalerie de l’Illinois : cohabitation proche avec 6 espèces de petits rongeurs importés récemment du Ghana.
Infections dues au virus Monkeypox ( 2 ) Cas pédiatriques dont un sévère chez une fillette : éruption qui diffère de la varicelle par : Importance du syndrome infectieux Dysphagie, adénopathies de grande taille, pseudophlegmoneuses Vésicules de grand diamètre > 5 mm, un peu enchassées En plus des problèmes diagnostiques et thérapeutiques grandes difficultés pour trouver du personnel soignant en ces temps de crainte du bioterrorisme Lee Ligon B. Monkeypox : a review. Semin Ped Infect Dis 2004, 15 : 280-5.
Zoonoses dues à des champignons Jeunes enfants particulièrement sensibles aux dermatophytes Champignons appartenant à 3 genres Epidermophyton Microsporum dont M.canis et M.gypseum Trychophyton dont T. mentagrophytes Un même champignon peut provoquer lésions peau ( herpès circiné) ou phanères ( teignes) Contamination par contact direct avec animal infecté : chien, chat, lapin, furet, tous rongeurs Succès du traitement nécessite Caractérisation de l’espèce Dépistage et traitement de l’animal infecté ( vétérinaire)
Teigne (Trichophyton mentagrophytes ou Microsporum canis) sur des lapins ( Photos J. Guillot Ecole Vétérinaire Maisons Alfort )
Zoonoses parasitaires Giardia : chien, chat, furet, souris Pas d’oxyures chez le chat ou le chien mais Dipylidium caninum ( cestodes ) éliminés par petits fragments Crytosporidium parvum : 5 à 10% des chiens et chats diarrhée grave chez l’immunodéprimé, difficultés à traiter Toxoplasma gondii : chat hôte définitif du parasite, précautions femmes enceintes séronégatives et les immunodéprimés Echinococcus granulosus : chien et abats de mouton contaminés. Absorption d’œufs par contact direct chien ou sol contaminé impasse parasitaire, hydatidose hépatique ( ou autre ). Devenue exceptionnelle en France
Zoonose parasitaire : leishmaniose viscérale ou Kala-Azar Réservoir du parasite : le chien Dans le sud de la France : séroprévalence chez le chien Alpes Maritimes 1993 : 12% ( Minodier P Arch Ped 2005; 35 S114-S116 ) Maladie vectorielle transmise par un phlébotome Splénomégalie fébrile chez un enfant de 2 – 3 ans Maladie cependant rare Traitement actuel : Ambisome® : dose totale 18 à 24 mg/kg Miltefosine PO : anticancéreux, 2,5mg/kg/j ( 28 j ?),
Zoonose parasitaire : larva migrans cutanée Surtout pays tropicaux, parfois autochtone Dermatite vermineuse rampante, larbish, screeping disease Dues à des larves d’ankylostome du chien ou du chat : A. caninum, A.braziliense Pénétration active transcutanée des larves en attente sur le sol : plage, pieds nus, ou assis sur le sable impasse parasitaire Diagnostic clinique Traitement local : préparation Albendazole Traitement général chez l’adulte : Stromectol®, Albendazole Lutte contre le péril fécal et l’errance des animaux Vermifugation répétée des animaux domestiques Interdire les plages aux chiens + port de chaussures
Zoonose parasitaire : larva migrans viscérale ou toxocarose Parasitose cosmompolite : ascaris des jeunes chiens ( toxocara cani ) et chat ( T. cati ) Helmintes qui se retrouvent en impasse parasitaire chez l’homme Jeunes enfants : - jeu de sable, doigts à la bouche, géophagie ingestion d’œufs embryonnés (sol souillé par excréments d’animaux) - plus rare contact direct avec jeune animal Etude de séroprévalence pédiatrique : taux les + élevés pays chauds à faible niveau économique
Zoonose parasitaire : larva migrans viscérale ou toxocarose ( 2 ) Grande majorité des toxocaroses asymptomatiques Bilan d’une hyperéosinophilie ( +IgE élevées) Rare : fièvre prolongée, AEG, HSM, atteinte respiratoire ou du SNC Larva migrans oculaire ( rare ++) : enfants 5 à 10 ans, baisse unilatérale de la vision, strabisme, granulome rétinien Sérologie : test Elisa IgG à confirmer par un Western Blot Traitement :Albendazol ( Zentel® Ectazol®) Prévention : Vermifugation répétée des chiens et chats Lutte contre le péril fécal animal Mesures sanitaires d’hygiène ( mains, bac à sable etc)
animaux domestiques : risque pour les plus jeunes animaux domestiques : risque pour les plus jeunes? oui mais pas seulement…. Animaux traditionnels de compagnie, chiens, chats, poissons rouge : risque zoonotique minime et connu, bon suivi vétérinaire en général Mais NAC de plus en plus fréquents, variés et bizarres : pathologies possiblement sévères du nourrisson, de la femme enceinte, de l’immunodéprimé ( Hemsworth S. Pet ownership in immunocompromised children. Eur J Oncol Nursing 2006,10:117-27) Précautions d’hygiène indispensables et comportement raisonnable et responsable Education des enfants Lavage des mains mais pas par le chien Interdire le léchage, le lit « commun »
animaux domestiques : minimiser les risques Collaboration essentielle et nécessaire avec les vétérinaires. on a beaucoup à apprendre à leur contact avoir « son vétérinaire référent » L’animal domestique de compagnie fait partie de la famille et doit être renseigné lors de l’interrogatoire de la composition de la famille ( pas seulement en cas d’allergie) Avis rarement demandé au pédiatre ou au MG (ou vétérinaire) avant l’acquisition d’un animal en présence d’un jeune enfant Risques zoonotiques mal connus du grand public ( mais aussi des personnels d’animalerie…..) en dehors de la grippe aviaire et des poulets