L’école maternelle : au cœur des apprentissages premiers Viviane BOUYSSE Inspectrice générale de l’Education nationale Nouméa, 4 août 2010
Plan de l’exposé 1. La section de petits, une classe charnière 2. Les besoins à satisfaire ; la pédagogie adaptée 3. Le langage, fondamental et fondateur
1. La section de petits, une classe charnière 1.1. Une première étape dans le parcours scolaire Importance de l’accueil et de « l’accordage » Favoriser l’adaptation à un milieu nouveau Les autres (nombreux, inconnus, égaux) – L’espace (des objets culturels peut-être inconnus ; le partage obligatoire) – Des adultes aux rôles distincts et différents des parents (de la relation maternante à la relation éducative) - Les rythmes – Les règles de vie Veiller à la sécurité affective Facteurs de fragilisation : la séparation d’avec les repères parentaux – Une communication très précaire - Des contacts obligés avec les autres
1. La section de petits, une classe charnière 1.1. Une première étape dans le parcours scolaire Importance de l’accueil / suite Ne pas négliger les relations avec les parents Pour la sécurité affective de l’enfant, assurer la leur ; ouvrir la classe, dans certaines limites. Pour la cohérence éducative, expliciter ce qui est fait en classe et le soutien attendu d’eux. Pour leur statut de parents d’élève (nouveau avec la scolarisation du premier enfant), expliciter ce qu’est l’institution scolaire, leurs droits et leurs devoirs.
1. La section de petits, une classe charnière 1.2. Une étape particulière dans la vie du jeune enfant Prendre en compte les caractéristiques de son développement Période 2 ans / 4 ans pas du tout homogène : 3ème année = fin d’un cycle (de l’individuation à la personnalisation / subjectivation : accès au JE) Période 2 ans / 5 ans Limitation des capacités de décentration Période sensible pour l’acquisition du langage Limitation des capacités motrices liée à l’inachèvement du développement du système nerveux
2. Les besoins à satisfaire ; la pédagogie adaptée 2.1. Des conditions d’apprentissage qui peuvent nuire à l’épanouissement des enfants si on méconnaît un ensemble de besoins. Besoins de sécurité, de repos, de mouvement, de jeu, de relations, d’expression. si on ne respecte pas les « personnes », si on grégarise. Place de la différenciation // grandes différences entre les jeunes enfants.
2. Les besoins à satisfaire ; la pédagogie adaptée 2.2. Deux sections à différencier La section des petits : une « classe d’expériences » : les enfants doivent se constituer des références, une mémoire (vécu/parlé) ; beaucoup d’objectifs sont visés mais un certain nombre ne seront atteints qu’à plus long terme ; beaucoup d’apprentissages sont « incidents ». La section des moyens : on entre dans un processus où les apprentissages sont davantage « programmés », où les enfants peuvent prendre conscience des relations entre ce qu’ils « font » et ce qu’ils produisent, ce qu’ils apprennent.
2. Les besoins à satisfaire ; la pédagogie adaptée 2.3. Des modalités éducatives à privilégier Faire une juste place aux 4 « familles » de situations par lesquelles les enfants apprennent en maternelle Le jeu : abondant et sous toutes ses formes La résolution de problèmes : place limitée au début ; favoriser d’abord l’exploration, l’investigation (essais-erreurs : prise de conscience) L’imprégnation culturelle : abondante Les activités dirigées (jeux, exercices) : rares au début et mobilisées ensuite pour stabiliser des apprentissages (« on s’entraîne »).
2. Les besoins à satisfaire ; la pédagogie adaptée 2.3. Des modalités éducatives à privilégier – suite – Faire fond sur le vécu pour ancrer le langage dans des expériences significatives, pour conduire à prendre de la distance, pour structurer Préalable aux acquisitions solides = situations et activités riches que les enfants peuvent vivre et revivre (importance de la répétition pour la confiance, pour la stabilité des acquisitions). Importance des médiations langagières de l’adulte expert bienveillant.
2. Les besoins à satisfaire ; la pédagogie adaptée 2.4. L’aménagement des espaces : une variable de l’organisation éducative Symboliquement : de l’espace structuré comme une « maison » (la première classe) Sous-espaces dédiés à des fonctions variées (repos, jeux, propreté, sociabilité, travail, lecture, etc.) ; objets non typiquement scolaires …. à la salle de classe (fin de MS) : tables // tableau ; outils du travail scolaire ; places assignées Fonctionnalité : envahissement vs espaces libres ; dimensions et hauteur du mobilier ; organisation lisible ; affichage à hauteur du regard. Esthétique : abondance ; choix (critères) ; accrochage et organisation dans l’espace.
2. Les besoins à satisfaire ; la pédagogie adaptée 2.4. L’aménagement des espaces : une variable de l’organisation éducative - suite - Le personnel dans le collectif Espaces partagés, collectifs = espaces ouverts ; pas de secret, pas de caché / cachette. Besoin d’espaces personnels pour le privé, pour le secret (« à moi ») : se protéger, devenir responsable de ses affaires Les toilettes ; le porte-manteau Les casiers, tiroirs personnels
2. Les besoins à satisfaire ; la pédagogie adaptée 2.5. Une organisation évolutive du temps Une nécessaire souplesse en PS : besoins de repos, de repli, de mouvements à satisfaire et besoins éminemment divers ; des temps collectifs courts. De plus en plus de réglage collectif en MS avec des temps d’apprentissage bien identifiés. Temps des récréations : à concevoir comme un temps éducatif.
2. Les besoins à satisfaire ; la pédagogie adaptée 2.6. L’évaluation : savoir situer les acquis d’un enfant Surveiller les progrès Pratiquer des évaluations en nombre limité et en fonction des priorités. Eviter les outils de type papier – crayon en section de petits. S’appuyer d’abord sur l’observation, l’écoute attentive des enfants. Veiller aux progrès, ne pas s’attacher d’abord à une norme (évaluations pas toujours identiques pour tous). Avoir des repères sur le développement et des points d’investigation précis.
3. Le langage, fondamental et fondateur 3.1. Bien identifier les priorités Deux objectifs fondamentaux pour les élèves : progrès à évaluer dès la PS apprendre à s’exprimer (oral surtout) apprendre à comprendre (oral et écrit via lectures) Deux objectifs d’un autre ordre : progrès plus lents ou débuts plus tardifs entrer dans la culture écrite (langue ; supports) aborder de manière implicite les premiers apprentissages techniques (sons ; formes)
3. Le langage, fondamental et fondateur 3.2. Objectif : s’exprimer – Travail sur la production Créer les conditions de la prise de parole. S’intéresser à ce qui intéresse les enfants. Ne pas se leurrer sur la possibilité d’interactions entre enfants parleurs débutants : les interactions sont d’abord initiées par un parleur expert, incitées. Nourrir le langage : parler de.., parler sur…, nommer, décrire, commenter, expliquer ; bref, apporter des modèles en situation d’abord. (cf. notion de temps d’exposition à la langue en LVE) Créer les conditions pour qu’advienne le langage décontextualisé ; vers la mi-MS, commencer la dictée à l’adulte (transformer de l’oral en écrit). Elargir le vocabulaire compris et utilisé.
3. Le langage, fondamental et fondateur 3.3. Objectif : comprendre – Travail sur la compréhension de l’oral et de l’écrit Se rendre attentif à cet aspect « invisible » de l’activité langagière et en rendre les enfants conscients. Les enfants doivent apprendre à écouter pour …. (3 formes d’écoute différentes). Conduire un travail explicite sur les consignes. Conduire un travail explicite sur les histoires, les textes.
3. Le langage, fondamental et fondateur 3.4. Objectif : entrer dans la culture écrite – Travail d’acculturation (sur le long terme) Travail sur la compréhension = meilleure forme d’accès à la langue écrite. Des aspects complémentaires à ne pas négliger : Faire découvrir des supports de lecture variés en situation (les nommer, les caractériser : « c’est pour… »). Développer les relations avec les livres : ne pas négliger les aspects pratiques d’abord. Initier la première étape d’un parcours de lecteur (accord dans l’équipe pédagogique).
3. Le langage, fondamental et fondateur 3.5. Objectif : aborder les premiers apprentissages techniques – Préparation à long terme Familiariser avec les sons de la langue : place particulière des syllabes (écoute et reproduction, articulation, séparation) Familiariser avec les lettres (et les chiffres) en les distinguant des formes graphiques variées .
3. Le langage, fondamental et fondateur 3.6. Un facteur clé de l’éducation langagière : le « parler professionnel », la parole magistrale « Parler professionnel » modélisant pour les apprentissages des élèves : caractéristiques (lenteur, articulation, clarté lexicale, structuration). Importance de la reformulation des propos enfantins : donner une forme correcte aux intentions de l’enfant sans le forcer nécessairement à répéter (2 énoncés parfois : au plus près de l’intention de dire et d’un niveau un peu supérieur). Importance des modes de questionnement : les questions fermées amènent au mieux des réponses en un mot ou en un complément d’énoncé ; les questions ouvertes induisent des phrases plus complètes, parfois complexes selon la question. Importance des liens langagiers opérés par l’enseignant : citations (rappels de manières de dire), « c’est comme…. » (aide à la prise de distance et remobilisation/remémoration).
Pour conclure A l’école maternelle plus qu’ailleurs peut-être, la professionnalisation ne peut être séparée d’une approche humaniste du métier : accompagner un enfant pour l’aider à grandir, c’est reconnaître et valoriser ses progrès, ses conquêtes, etc.. ; ce qui est toujours pareil et prédictible pour l’enseignant est important (émouvant, dérangeant) pour l’enfant. L’enseignant de maternelle ne peut être « blasé ». Au-delà des connaissances et des techniques pédagogiques, au-delà d’un engagement corporel particulier, la bonne posture professionnelle suppose patience et optimisme.