Plan de la séance du 15 novembre - Cours 9

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Plan de la séance 1. L’homéopathie : examen de ses justifications
Transcription de la présentation:

Plan de la séance du 15 novembre - Cours 9 9. L’homéopathie : examen de ses justifications 9.1 Introduction 9.2 Les principes de base de l’homéopathie 9.3 Les principes de base passés au peigne fin de la procédure des 4 E 9.4 La réplique des homéopathes 9.5 Conclusion

9.1 Introduction L’homéopathie à ses débuts La question que nous allons nous poser est celle de savoir si l’homéopathie jouit d’une justification convenable ou non. Nous allons examiner cela à la lumière de la justification scientifique, telle qu’exposée au chapitre 8. L’homéopathie à ses débuts L’inventeur de l’homéopathie : Christian Frédéric Samuel Hahnemann, un médecin allemand né au 18e siècle (1755). Il était un passionné de chimie et de pharmacologie ; il s’est donc très rapidement intéressé à différents produits susceptibles de guérir. L’état de la médecine à l’époque : La médecine « officielle » de la fin du 18e siècle n’était pas très efficace ni très sérieuse : elle ne possédait pratiquement aucune base théorique solide (en particulier une base biologique sérieuse). Plusieurs médecins en étaient parfaitement conscients et voyaient bien que, dans bien des cas, les traitements étaient plus néfastes qu’autre chose. L’expérimentation de Hahnemann : Il a eu l’idée de tester, à petites doses, certaines substances toxiques chez un sujet sain (lui-même au début) et d’en noter les effets. Il a ainsi établi ce qu’il a appelé des « pathogénésies » : une description des symptômes produits chez l’individu sain par telle et telle substance toxique.

9.1 Introduction L’homéopathie à ses débuts La question que nous allons nous poser est celle de savoir si l’homéopathie jouit d’une justification convenable ou non. Nous allons examiner cela à la lumière de la justification scientifique, telle qu’exposée au chapitre 8. L’homéopathie à ses débuts La thérapeutique homéopathique : C’est au cours de ces expériences sur lui-même que Hahnemann en vient à développer une thérapeutique selon laquelle on guérit une maladie au moyen de l’ingestion, à petites doses, d’une substance toxique produisant les mêmes symptômes que ladite maladie. Les principes à la base de l’homéopathie : Hahnemann formule alors les deux principes qui sont à la base de l’homéopathie : le principe de similitude le principe de dilution que nous examinerons à la section suivante.

9.1 Introduction L’homéopathie aujourd’hui La question que nous allons nous poser est celle de savoir si l’homéopathie jouit d’une justification convenable ou non. Nous allons examiner cela à la lumière de la justification scientifique, telle qu’exposée au chapitre 8. L’homéopathie aujourd’hui De nos jours, l’homéopathie repose toujours sur les deux mêmes principes et sa thérapie consiste en l’ingestion de granules ou de gouttes comportant une ou des substances toxiques hautement diluées, supposées provoquer les symptômes de la maladie que vous avez. Elle est répandue à travers le monde, particulièrement en Europe et en Amérique, et fait concurrence à la médecine traditionnelle. Des médecins prescrivent des médicaments homéopathiques. De nombreux témoignages de guérison contribuent au rayonnement de l’homéopathie. Est-ce à dire que ces faits suffisent à prouver le bien-fondé de l’homéopathie ?

9.2 Les principes de base de l’homéopathie Il y a deux principes à la base de l’homéopathie. Ils ont été énoncés par Hahnemann et sont encore aujourd’hui revendiqués par les homéopathes. Les deux principes en question Le principe de similitude (d’après Hippocrate) « une substance qui provoque des symptômes chez une personne bien portante guérira les mêmes symptômes chez une personne malade. » (Tessier, p. 43) Le principe de dilution Pour qu’un remède soit efficace, il est nécessaire de diluer la substance employée entre 4 CH et 30 CH. 1CH (centésimale hahnémanienne) = une dilution de 1% : une goutte de la substance active pour 99 gouttes d’eau. 1/100 = 0,01=1x10-2 Voyons comment on calcule 2CH, 3CH, etc. : 2CH n’équivaut pas à 2 x 1CH. Il s’agit plutôt d’une double dilution : on prend une goutte de 1CH (où il y a 1 goutte active pour 99 gouttes d’eau) et on ajoute 99 gouttes d’eau. Cela donne une concentration de 1% de 1%, soit 1/100 de 1/100, c’est-à-dire 0,0001 ou 1 x 10-4

9.3 Les principes de base passés au peigne fin de la procédure des 4 E Examinons maintenant chacun de ces deux principes à la lumière de la procédure des 4 E établie pour évaluer le bien-fondé d’une thérapeutique. Rappel de la procédure des 4 E (cf. 8.6) Énoncer sous une forme claire et précise les affirmations faites et s’assurer qu’elles sont testables en principe. Examiner les raisons empiriques données en faveur de ces affirmations : S’agit-il d’études in vitro, épidémiologiques, etc. ? Explorer les hypothèses alternatives qui pourraient rendre compte des données empiriques fournies : la guérison peut être due à d’autres phénomènes. Évaluer la justification théorique des différentes hypothèses défendues: Quelles sont les théories dans lesquelles l’hypothèse s’insère ? Sont-elles cohérentes ? Sont-elles bien établies du point de vue empirique ?

9.3 Les principes de base passés au peigne fin de la procédure des 4 E Examen du principe de similitude Application du 1er critère des 4 E : Énonçons le principe de similitude sous une forme claire et précise : « Une substance, qui produit chez un sujet sain des symptômes semblables aux symptômes de la maladie X, peut guérir cette maladie. » Évaluation de l’énoncé : Il s’agit d’une hypothèse testable empiriquement. Il suffit d’abord de savoir quels sont les effets produits par différentes substances et ensuite de vérifier si effectivement ces substances guérissent effectivement des patients atteints de différentes maladies. Nous savons qu’au mieux nous obtiendrons alors une corrélation positive entre le fait d’avoir pris les médicaments et le fait d’être guéri. Car le principe de similitude en tant que tel ne propose aucun mécanisme, aucune explication causale de la guérison. Nous pourrions observer une corrélation positive très forte sans comprendre pourquoi il en est ainsi. Portée du principe : Il n’y a rien dans le principe de similitude qui limite son application. On parle de n’importe quelle substance et de n’importe quelle maladie.

9.3 Les principes de base passés au peigne fin de la procédure des 4 E Examen du principe de similitude Résultats des tests pour vérifier l’hypothèse : Nature des tests : Les recherches faites en ce sens sont des études cliniques (c’est-à-dire des études avec groupe expérimental et groupe témoin), ce qui répond au 2e critère des 4 E. Résultats des tests : La plupart de ces études faites jusqu’à présent ne sont pas concluantes : on n’y observe pas de corrélation positive entre la guérison et l’absorption de granules homéopathiques, c’est-à-dire que les cas de guérison n’excèdent pas l’effet placebo. Les seules études concluantes ont été produites par les fabricants de produits homéopathiques… Conclusion : Comme on l’a vu (chap. 8, p. 21), les études cliniques concluantes produisent la justification empirique la plus fiable pour penser qu’une thérapeutique est efficace, à la condition qu’elles ne souffrent pas de faiblesses comme la possibilité d’un conflit d’intérêt de la part du commanditaire des études, ce qui est le cas ici. De plus, comme les études indépendantes ne confirment pas ces études commanditées, il faut donc se méfier.

9.3 Les principes de base passés au peigne fin de la procédure des 4 E Examen du principe de similitude Remise en question théorique du principe : Avant de faire des études, on peut s’apercevoir qu’il existe des contre-exemples à ce principe : il y a des substances qui produisent des symptômes semblables à une maladie (le vin et la migraine, le sucre et la carie), mais qui ne permettent pas de guérir cette maladie. De plus, il existe des substances qui semblent guérir même si elles ne produisent pas de symptômes semblables à la maladie chez les sujets sains (par exemple, l’aspirine : Tessier, p. 44). Cela voudrait dire que l’homéopathie ne peut pas rendre compte de ce type de guérison. Application du 3e critère des 4 E : Il existe des hypothèses alternatives qui peuvent rendre compte des guérisons observées dans le traitement homéopathique : l’effet placebo peut en être une. Application du 4e critère des 4 E : Le principe de similitude n’a pas de base théorique en sciences, comme dans le domaine de la chimie ou de la biologie. Conclusion : Le principe de similitude échoue donc à la procédure des 4 E. On peut alors en douter sérieusement. L’homéopathie semble donc rencontrer ici un premier nœud dans sa tentative de justification.

9.3 Les principes de base passés au peigne fin de la procédure des 4 E Examen du principe de dilution Application du 1er critère des 4 E : Énonçons le principe de dilution sous une forme claire et précise : « Pour qu’un remède soit efficace, il est nécessaire de diluer la substance employée entre 4 CH et 30 CH. » Évaluation de l’énoncé : Il s’agit d’une hypothèse testable empiriquement. Application des 2e et 3e critères : Comme on l’a vu précédemment, les études cliniques indépendantes ne permettent pas de conclure à l’efficacité des remèdes homéopathiques. L’effet placebo peut être une explication alternative aux cas de guérison observés. Application du 4e critère : C’est ici que le principe de dilution rencontre de sérieux problèmes théoriques. C’est qu’à partir d’une dilution de 9CH (=1x10-18), la quantité de molécules actives de la substance diluée est tombée à zéro, selon ce qu’on sait en chimie. Si on continue à diluer, on ne dilue plus que de l’eau dans de l’eau ! Ces dilutions sont telles qu’on ne peut donner une explication de l’efficacité des remèdes homéopathiques qui soit cohérente avec la chimie moderne. L’homéopathie semble donc rencontrer ici un deuxième nœud dans sa tentative de justification.

9.4 La réplique des homéopathes Pour se défendre, les homéopathes utilisent certaines stratégies que nous allons examiner. Retour au principe de similitude Réplique : Pour répondre aux critiques contre le principe de similitude, les homéopathes sont prêts à limiter la portée de ce principe : si les études cliniques ne marchent pas pour l’homéopathie, c’est parce que ces études présupposent que nous sommes tous pareils ; or, nous sommes tous différents. Pour tenir compte de cela, il s’agit de faire intervenir un autre principe. Appel à un nouveau principe : le principe d’individualisation, selon lequel chaque personne réagit différemment aux médicaments. Cela signifie qu’à chaque patient correspond une médication personnelle, individualisée, qui ne convient qu’à son cas seul. L’homéopathe doit alors établir la médication appropriée au moyen d’une longue consultation.

9.4 La réplique des homéopathes Analyse du principe d’individualisation Application du 1er critère : Reformulons le principe d’individualisation : « tous les sujets sains n’ont pas la même sensibilité à l’action d’un remède. » (Aulas, pp. 53-54) Évaluation de l’énoncé : Tel qu’énoncé, ce principe est particulièrement difficile à interpréter. Soit il énonce une platitude, soit c’est un principe radical qui a des conséquences fâcheuses : Si le principe nous dit simplement qu’il y a des différences au niveau des réactions de chacun, c’est une platitude. Cela n’est pas très utile pour sauver l’homéopathie. Il est incontestable que nous sommes tous plus ou moins sensible à différentes choses. Ce qui est pour moi un met très piquant ne l’est pas pour une amie. C’est une platitude et ce n’est pas l’interprétation qui intéresse les homéopathes. Car on pourra tout de même dire qu’un médicament à une efficacité dans un certain nombre de cas – 60% par exemple. Selon l’autre interprétation, ce principe affirme qu’une maladie est particulière à un individu malade, à sa vie, à son histoire personnelle. Ce qu’il faut administrer au malade ne dépendrait pas tant d’une maladie dont il souffrirait que du genre d’individu qu’il est. Cela signifie qu’il y aura autant de diagnostics que de malades. On a alors un problème : on va devoir admettre que l’efficacité d’un médicament ne peut pas être vérifiée. On obtient un principe qui n’est pas testable du tout. La raison à cela : on ne pourra que vérifier si tel et tel médicament est efficace pour une personne particulière. Fini les hypothèses générales et testables et fini les études cliniques ! L’homéopathie n’est plus testable, elle n’est plus une hypothèse scientifique (elle rate la première étape de la procédure des 4 E. (De plus, c’est incohérent de faire des pathogénésies pour plus d’un seul individu.) 3e nœud !

9.4 La réplique des homéopathes Retour au principe de dilution Réplique : Pour répondre aux critiques contre le principe de dilution, les homéopathes invoque alors un autre principe, introduit par Hahnemann. Appel à un nouveau principe : le principe de dynamisation, qui consiste à secouer vigoureusement la solution après chaque dilution. Effet de ce principe : En secouant énergiquement la solution, l’eau s’imprégnerait de la substance originale et en garderait des traces, et ce sont ces traces qui seraient actives et agiraient sur la maladie. Autrement dit, même si après un certain stade de dilution, il ne reste plus de trace des molécules de la substance originale selon les calculs chimiques, les molécules de l’eau conserveraient l’« empreinte » de la substance originale (la théorie de la mémoire de l’eau).

9.4 La réplique des homéopathes Analyse du principe de dynamisation Application du 1er critère : Reformulons le principe de dynamisation : « Secouer vigoureusement la solution après chaque dilution fait en sorte que les molécules de l’eau s’imprègne de la substance diluée, et même s’il ne reste plus de molécules de la substance originale dans la solution après un certain nombre de dilutions successives, ce sont les molécules de l’eau qui vont agir à leur place sur la maladie. » Évaluation de l’énoncé : Ce principe est testable empiriquement, puisqu’il s’agit de vérifier si les molécules de la solution agissent sur la maladie comme le ferait les molécules de la substance originale. Application des 2e et 3e critères : Comme on l’a vu précédemment, les études cliniques indépendantes ne permettent pas de conclure que ce sont bien les remèdes homéopathiques qui agissent. L’effet placebo peut être une explication alternative aux cas de guérison observés. Application du 4e critère : Il n’y a aucune base théorique à ce principe. La chimie ne contient aucun mécanisme connu permettant de comprendre comment l’eau ou d’autres substances pourraient avoir cette propriété de dynamisation ou d’empreinte. Il y a encore là un problème de compatibilité entre les affirmations des homéopathes et les lois de la physique et de la chimie modernes. Si les homéopathes ont raison, alors plusieurs lois de la physique et de la chimie sont tout simplement fausses. Mais comment cela serait-il possible, puisque ces lois se vérifient à travers des applications pratiques comme la fabrication de nouveau matériaux ou produits : matière plastique, alliages, médicaments, etc. 4e nœud !

9.4 La réplique des homéopathes Analyse du principe de dynamisation Autres problèmes avec ce principe : Si ce principe était vrai, alors il n’existerait pas d’eau pure : l’eau, provenant de la nature (où elle est constamment brassée), garderait des traces de tout ce avec quoi elle est (ou a été) en contact… Ayant été ainsi en contact avec toute sorte de substances, dont les substances provoquant certains symptômes de maladie, l’eau du robinet aurait de bonnes chance d’être curative. S’il n’y a pas d’eau pure, alors pourquoi faire des dilutions ? Il y a ici une incohérence interne à la théorie homéopathique : « le processus de dilution proposé par Hahnemann suppose justement l’existence de l’eau pure dans laquelle faire le mélange » (Tessier, p. 45)

9.5 Conclusion En résumé : Il semble que le principe de similitude tel qu’il est formulé : est non seulement testable mais a été réfuté par des études cliniques; est incomplet en ce qui a trait aux phénomènes de guérison : il existe des substances qui guérissent sans qu’elles produisent les symptômes des maladies qu’elles guérissent ; doit être modifié pour être préservé (recours à un autre principe) ; même s’il est combiné à un autre principe (principe d’individualisation), n’assure pas que le nouveau principe soit à son tour testable (i.e. le principe modifié ne l’est peut-être plus); ne trouve pour son appui aucune base théorique en chimie. Il semble que le principe de dilution tel qu’il est formulé : rencontre de sérieux problèmes pour expliquer l’action de la substance hautement diluée; même s’il est combiné à un principe de dynamisation, est incompatible avec les lois et les applications de la chimie moderne.

9.5 Conclusion Donc : Dernier recours des homéopathes : La justification des hypothèses (ou des principes) de base de l’homéopathie est donc très fragile. Il n’y a aucune justification empirique solide de l’homéopathie. Elle ne possède non plus aucune justification théorique compatible avec les lois de la chimie moderne. Ceci ne veut pas dire que l’homéopathie est fondées sur de fausses croyances ou qu’elle est totalement inefficace. Tout ce qu’on peut conclure, c’est qu’il est légitime d’avoir des doutes sérieux quant à son efficacité. Dernier recours des homéopathes : Il s’agit de recourir à une stratégie générale employée par tous les promoteurs des médecines parallèles : remettre en question les critères d’évaluation eux-mêmes. Cela consiste à dire que le paradigme de l’homéopathie (ou de toute médecine parallèle) n’a rien à voir avec celui de la médecine officielle… Ce sont deux mondes complètement différents, incommensurables, qu’on ne peut évaluer avec les mêmes critères.